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jeudi 5 décembre 2024

La "rédaction scientifique"

La rédaction scientifique ? On voit si souvent l'adjectif "scientifique" malmené que cela vaut la peine de s'interroger. 

D'autant que l'on sait que les adjectifs sont souvent à l'origine de confusion : pour parler du cortège du président, par exemple, il faut parler... du "cortège du président", ce qui n'est pas la même chose que le "cortège présidentiel", car un cortège n'est "présidentiel" que s'il est lui-même un président. 

Autre faute courante : "sciences appliquées". Bien des grands anciens, à commencer par Louis Pasteur, ont bien expliqué que cela n'existe pas, ne peut pas exister. Il y a des applications des sciences, mais pas de sciences appliquées, parce que, si c'est une application de la science, alors c'est... une application de la science, mais pas de la science. 

Alors, rédaction... scientifique : de quoi s'agit-il ? 

Si une rédaction traite de travaux scientifiques, si elle relate des travaux scientifiques, ce n'est pas une "rédaction scientifique". Et  une rédaction n'est scientifique que si elle est un travail scientifique.

D'ailleurs, certaines équipes de recherche scientifique font appel à des rédacteurs pour rédiger leurs articles scientifiques : la rédaction par ces personnes, par ces rédacteurs, n'est pas un travail scientifique. C'est de la rédaction. 

Nous en revenons à cette discussion d'il y a quelques jours où j'évoquais l'intérêt de faire des projets d'une façon véritablement scientifique, de ne pas perdre son temps à faire des projets bâclés, mais, au contraire, à profiter de l'occasion pour faire de la science. 

De même, la rédaction d'un article scientifique doit être une rédaction scientifique, c'est-à-dire la possibilité passionnante de poursuivre le travail expérimental par un travail théorique. 

C'est au moment de la rédaction notamment (mais pas seulement bien sûr) que l'on doit insister sur la partie conceptuelle, abstraite du travail. C'est à ce moment que les données peuvent prendre une importance qui dépasse la simple mesure, le simple travail technique de caractérisation quantitative. 

La rédaction scientifique ne consiste donc pas à aligner des mots plus ou moins bien, mais bien à faire un travail scientifique... ce qui me conduit à rappeler les étapes de la méthode scientifique :
- identification d'un phénomène,
- caractérisation quantitative du phénomène,
- regroupement des résultats de mesure en équations,
- regroupement des équations et introduction de concept pour former des théories,
- recherche de conséquences testables des théories
- test expérimentaux de ces conséquences. 

Au fond, tout cela peut se faire en quelque sorte lors d'une véritable rédaction scientifique. Par exemple, l'identification du phénomène, qui bien sûr aura été faite avant le travail expérimental, pourra être reprise en introduction de l'article que l'on prépare : il y a lieu de bien définir le phénomène, et la rédaction permet, quand nous exposons cela à nos lecteur, de vérifier une fois de plus que nous avons bien cerné la chose. 

Puis, la caractérisation quantitative sera évidemment déjà faite, mais la rédaction sera la possibilité de prendre du recul sur cette caractérisation et de l'évaluer en quelque sorte. Pour les parties de "Matériels et méthodes", notamment, a rédaction scientifique n'est pas l'énoncé d'une liste sans intérêt mais au contraire une présentation raisonnée, que nous pouvons à nouveau discuter intelligemment. 

Puis, pour le regroupement des données en équations, c'est aussi, sans doute, un travail qu'on aura fait avant la rédaction scientifique, mais cette dernière  sera une occasion de le reprendre, de l'évaluer. 

Puis, le regroupement des équations et d'introduction de nouveaux concepts feront  le véritable grand moment scientifique, essentiel, puisque  les données expérimentales servent précisément à cela. 

Les conséquences testables de la théorie ? Soit elles auront été testées dans le travail expérimental, soit la rédaction scientifique sera l'occasion de les énoncer, de les rechercher, et de conduire à une conclusion plus enthousiasmante qu'un simple rappel des résultats présentés dans la partie "Résultats" de l'article.  

Bef, la rédaction scientifique est un moment passionnant de l'activité scientifique parce que c'est un moment de science, de cette sens qui nous passionne tant.

lundi 3 septembre 2018

L'écriture d'articles scientifiques


Je sais bien que certains professeurs d'anglais, dans les grandes écoles ou dans les universités, proposent que nous écrivions les articles directement en anglais, quand ils doivent être produits dans cette langue. Et, en conséquence, je rencontre des étudiants qui s'efforcent de faire ainsi, comme moi naguère.
Mais ils ont bien du mal, tout comme j'avais bien du mal, et c'est un témoignage que je donne ainsi : j'ai pris, il y a déjà un certain temps, de ne certainement pas faire les rédactions en anglais, mais bien en français, avec une traduction en fin de travail. Pourquoi ?
Parce que l'expérience m'a montré que penser en anglais, pour la structure des articles, pour le choix de l'argumentation, jusqu'au détail des diverses sections, est une gêne : désolé, chers collègues qui enseignez l'anglais, mais moi qui parle couramment, qui fait toutes mes conférences, mes correspondances en anglais, sans difficulté, sans chercher mes mots, parfois même trop vite (au point que la grammaire peut en souffrir), j'ai du mal à penser aussi bien en anglais qu'en français.

Or ce qui m'importe, d'abord, c'est que le contenu soit bon. La langue viendra après.

Et c'est ainsi que je rédige mes textes scientifiques en français, avant de les traduire !



PS. Un ami alsacien me signale  :
"Concernant la langue, on oublie que bien des Alsaciens qui ont suivi une scolarité allemande durant la deuxième guerre dans des établissements comme le lycée ou l'université, ont par la suite pour leurs discours notamment (un exemple d'un parent très proche) toujours pensé en premier en allemand puis rédigé en français.
Sans passer par une première rédaction en allemand, leur réflexion sur le contenu et les formulations se faisaient en allemand dans leur tête, et enfin la rédaction en français."