Ce matin, une correspondante m'écrit :
La question que je me pose et que je vous soumets est celle-ci : comment se fait-il que certains plats cuisinés à ce jour sont meilleurs le lendemain ? Et j'ai noté cela surtout pour les légumineuses, et les mélanges céréales/légumes. Peut-être en existe-t-il d'autres, mais les constatations sur ces plats sont évidentes.
Et voici ma réponse :
Chère Madame Merci pour votre message, et pour votre lecture qui m'honore. La première question est le « meilleur », car le bon, c'est le beau à manger. Or l'histoire de l'art a amplement montré que le beau des uns n'est pas celui des autres. La musique, la peinture, la littérature ont réfuté l'idée d'un beau universel. Il en va de même pour la cuisine, sans doute. D'ailleurs, j'ai même rencontré des individus qui aimaient les œufs durs trop cuits, avec odeur de soufre, cerne vert et blanc caoutchouteux, alors que cela me semble une abomination.
Bref, ne sachant pas ce qu'est le bon dans l'absolu, je ne peux pas savoir ce qu'est le meilleur. Je ne sais qu'une chose : ce qu'est le bon pour moi, et le meilleur pour moi. Il resterait donc le fait que le goût des mets change quand on les recuit le lendemain.
Et là, même dans mon appréciation personnelle, ce n'est pas toujours une réussite. Oui, une viande longuement cuite bénéficie d'un temps supérieur de dissolution du tissu collagénique, de la formation d'acides aminés sapides. Oui, certaines durées de cuisson augmentées permettent de bien dégrader la paroi cellulaire, et d'attendrir... mais, inversement, une surcuisson des légumes verts leur fait perdre leur couleur fraîche, et j'avais présenté il y a quelques années un travail qui montrait que la recuisson du poulet rôti faisait apparaître un goût de carton.
Enfin, dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons une idée des professionnels, à savoir que le goût des terrines de campagne disparaît quand la cuisson est prolongée plus d'une heure et quart.
Bref, je ne crois pas que les constatations soient « évidentes ». Au contraire, je crois que nous avons beaucoup à faire pour quantifier les phénomènes... parce que tout cela est complètement inconnu ! Avec mes respectueux hommages.