Affichage des articles dont le libellé est cristaux de vent. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est cristaux de vent. Afficher tous les articles

vendredi 29 décembre 2023

Mon invention des cristaux de vent : j'avais proposé à Pierre Gagnaire de la mettre en cuisine

 

Les cristaux de vent

Hervé This


Mon cher Pierre,

Je te prie d’accepter mes excuses : j’ai oublié de te décrire un résultat important, parce que j’en avais fait une expérience pour des enfants. Or je m’aperçois que ce résultat peut être utile à ta cuisine !

L’idée de base était de chercher pourquoi les blancs en neige blanchissent, pourquoi ils deviennent fermes et, surtout, combien de blanc en neige on peut faire avec un seul blanc d’œuf. Questions simples, dont j’ai fait le protocole d’un « Atelier expérimental du goût », à la demande de Jack Lang, quand il était ministre. Tout est sur le site du Centre de recherche et de documentation pédagogique (http://crdp.ac-paris.fr/artsculture/gout.htm) : protocoles, documents pédagogiques pour ceux qui voudront mettre les protocoles en œuvre avec des enfants des écoles, films montrant les expériences.

Le premier de protocole, donc, est un concours de blanc en neige : tous les enfants d’une classe, par binômes, doivent battre un blanc d’œuf, afin d’obtenir le plus possible de blanc en neige. Et je sais bien que les résultats de tous les groupes seront du même ordre : un petit quart de litre, guère plus.

En conclusion de ce protocole, j’invite à réfléchir à l’idée suivante : pourquoi n’obtient-on pas plus de mousse ? Si ça ne mousse pas plus, c’est qu’il manque quelque chose, mais quoi ? Pour répondre, il suffit de savoir que le blanc d’œuf est fait surtout de protéines et d’eau. Donc le blanc battu en neige est fait d’air, de protéines et d’eau. Il manque quelque chose pour obtenir plus de mousse : c’est donc soit d’air, soit de protéines, soit d’eau. L’air ne manque pas : la preuve en est que, quand on double le volume initial de blanc d’œuf (donc de protéines et d’eau), on obtient deux fois plus de blanc en neige. Donc on manque soit de protéines, soit d’eau, soit des deux à la fois.

De quoi manque-t-on ? Quand on ne sait pas, rien ne vaut une expérience bien pensée. Comme il est plus facile d’ajouter de l’eau que des protéines, je te propose d’ajouter de l’eau à un blanc battu en neige, et de continuer de battre. Le volume de mousse augmente ! Et un calcul simple montre que l’on peut ainsi obtenir plus d’un mètre cube de blanc en neige avec un seul blanc d’œuf !

Sans aller à cet excès, tu vois que l’ajout d’eau à un blanc battu permet de faire un volume de blanc en neige… qui tient un peu moins bien que du blanc classique, sauf si l’on ajoute du sucre, auquel cas on obtient un « appareil » à meringue française.


Bref, j’arrive à l’idée de ces meringues parfumées et allégées : tu bats un blanc en neige ; puis, quand il est monté, tu lui ajoutes un liquide parfumé et tu continues de battre. Quand tu juges le volume suffisant, ou la texture suffisamment légère, tu ajoutes du sucre (force la dose, pour que tout tienne bien) en continuant de battre. Enfin, en formant délicatement des tas de cet appareil sur un papier sulfurisé, tu cuis pendant 40 minutes à 120 degrés, puis tu sèches en réduisant la température à 100°C, houras ouverts. Tu verras : quelle légèreté, ces « cristaux de vent » !