Ce matin, un ami m'interroge :
xxx se plaint
régulièrement de ne pas pouvoir faire ou rattraper ses pates brisées,
même en suivant scrupuleusement (dit-elle) des recettes :
1) soit la pâte ne s'étale pas bien, se casse à l'étalement
2) soit elle s'effrite (sable ?) complètement après cuisson
De sorte qu'un rappel de la physicochimie des pâtes sablées/brisées/feuilletées serait fort utile!
Pour
faire simple, il faut d'abord distinguer les pâtes faites de nombreuses
couches très minces, que nous dirons "feuilletées", et les pâtes d'un
seul tenant, plus ou moins friables, parmi lesquelles nous devrons
distinguer les pâtes brisées et les pâtes sablées.
Commençons pas les pâtes feuilletées
Au
début, il y a la pâte, que l'on fait simplement en malaxant de la
farine avec de l'eau. A noter que cette farine peut venir de blé, de
riz, de maïs, mais aussi de châtaigne, de blé noir, de lentilles, et de
bien d'autres produits qui contiennent de l'amidon.
Quand la
farine est de blé, le malaxage produit un "réseau", comme un
échaffaudage volumineux qui emprisonnerait les grains d'amidon. Ce que
l'on peut voir en faisant d'abord une pâte bien travaillée, puis en
malaxant doucement cette dernière dans de l'eau a: on voit une poudre
blanche se séparer d'une sorte de "filet" mou. Il y a deux siècles, on a
nommé respectivement amidon et gluten ces matières.
Mais revenons
à notre pâton : quand on l'étale, le filet de gluten s'étire, et l'on
peut, s'il est bien établi (parce qu'on l'aura travaillé beaucoup),
étirer la pâte en une couche très mince, qui couvre la table de la
cuisine. Puis, en déposant des pommes (par exemple) et en roulant la
pâte autour comme on fait d'une momie, on obtient un grand nombre de
couches de pâte, qui vont devenir croustillantes à la cuisson : c'est la
recette du strudel, de la croustade ou du pastis gascon, les ancêtres
de la pâte feuilletée.
Pour la pâte feuilletée, on obtient un
résultat supérieur avec bien moins de travail : on enferme du beurre
dans de la pâte, puis on étend et on plie en trois, on étend et on plie
en trois, six fois de suite, ce qui conduit à 730 couches de pâte
séparées par 729 couches de beurre. Ainsi, à la cuisson, on a
immédiatement 730 couches croustillantes très minces : c'est la pâte
feuilletée.
Puis les pâtes brisées et sablées
Si l'on se contente de faire la masse de pâte d'un seul tenant, alors il faut penser qu'il y a deux cas extrêmes :
- soit on disperse les grains de farine dans le beurre
- soit on disperse le beurre dans le réseau de gluten qu'on aura obtenue en malaxant d'abord la farine avec l'eau.
Dans
le premier cas, on a quelque chose de sableux, de friable : les grains
de farine sont "cimentés" par le beurre, qui font à la cuisson et
reprend au refoidissement... à condition qu'il ne fasse pas trop chaud.
C'est la pâte sablée.
Dans le deuxième cas, on a quelque chose de dur, qui se tient, mais qui manque de friabilité. C'est la pâte brisée.
D'où
la réponse aux problèmes de notre amie : si la pâte est friable, ou
bien si la pâte s'effrite après cuisson c'est que le réseau de gluten
n'est pas suffisant, ou bien que le beurre n'est pas assez dur. Cela
peut découler soit d'une insuffisance de gluten dans la farine, soit
d'une température excessive, soit d'un travail insuffisant de la pâte
(je rappelle qu'il faut "fraser" la pâte, à savoir la presser contre le
plan de travail à l'aide de la paume de la main).
Quant
à inventer de nouvelles pâtes à partir de ces connaissances, c'est
évidemment facile... mais je vous renvoie à mon livre "Mon histoire de
cuisine", aux éditions Belin.
Vient de paraître aux Editions
de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la
jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de
réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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