Souvent, les professeurs des universités ou des écoles d'ingénieur écrivent des cours. Ils en font des livres, des polycopiés, des documents en ligne.
Est-ce utile ?
Nous partons ici de l'hypothèse selon laquelle il est inutile que les enseignants enseignent, et qu'il faut, en revanche, que les étudiants apprennent, étudient.
Une conséquence de cette hypothèse semble être que les professeurs ont pour mission principale d'aider les étudiants à identifier les connaissances et les compétences dont ils auront besoin, afin que ces derniers aillent apprendre, tout en apprenant à apprendre, surtout dans les études supérieures : bientôt autonomes, je propose que ce soit à eux d'aller chercher le savoir et de transformer les connaissances en compétences.
Chercher le savoir ? Aujourd'hui, ce savoir est en ligne, et n'importe qui trouve des cours à foison sur n'importe quel sujet, mais c'est un fait, aussi, que tous les cours en ligne ne se valent pas, et, mieux encore, il y a beaucoup de très mauvais.
Récemment, par exemple, alors que j'explorais (pour répondre à des étudiants dans l'optique que je discute ici) la méthode d'analyse chimique des ajouts dosés, j'ai vu apparaître en première ligne des documents très mal faits, et l'on peut donc imaginer qu'un professeur soucieux d'éviter aux étudiants de perdre du temps sur de tels documents veuille préparer lui-même des documents qu'il pourrait remettre.
Ce faisant, il y aurait donc une transformation du système d'éducation : les professeurs ne devraient plus passer oralement du temps sur ces documents préparés, mais plutôt préparer ces documents, afin que les étudiants passent ensuite du temps à bien les comprendre. Dans la foulée, comme il faut une transformation des connaissances en compétences, on peut imaginer que le professeurs qui rédigent des éléments de cours aient la volonté de donner des compétences, ce qu'ils pourraient faire en incluant des exercices des problèmes bien gradués.
A ce propos, on n'oubliera pas d'évoquer ici la collection de livre {Schaum} (MacGraw Hill), où précisément les cours étaient faits d'exercices. On observera d'ailleurs aussi que ces livres ont été très inégaux... ce qui est en quelque sorte rassurant : cela montre que tous les professeurs ne se valent pas, et que leur travail fait la différence. Oui, il y a de bons livres, et de mauvais livres ; de bons professeurs et de mauvais professeurs, et je ne parviens pas à penser que cela ne soit pas corrélé à leur travail.
Mais revenons à la question : faut-il vraiment que les professeurs préparent ces éléments de cours avec exercices et problèmes ? Après tout, à propos de cette méthode des ajouts dosés, j'ai effectivement passé du temps à chercher (moins que si j'étais allé au cinéma), et, en éliminant les documents mal faits, j'ai réussi à trouver de quoi apprendre. Les étudiants ne devraient-ils pas être capables d'arriver au même résultat ? Car, au fond, quelle capacité personnelle ai-je mise en œuvre pour y parvenir ? Celle de m'accrocher, de ne pas supporter de ne pas comprendre quelque chose qui m'était dit dans un document. Au fond, on devrait dire très tôt aux étudiants que s'ils lisent un document et qu'ils ne le comprennent pas, alors qu'ils ont lu lentement tous les mots, c'est que le document n'est pas fait pour eux, et qu'il faut vite qu'ils en changent.
J'ajoute que les étudiants doivent pouvoir revenir vers les professeurs pour poser des questions. D'ailleurs, les professeurs qui auraient ainsi un rôle de tuteur pourraient guider vers des documents plus spécifiques : soit les étudiants sont autonomes, soit on les aide, au début, et je ne doute pas que des étudiants attentifs apprennent à se débrouiller rapidement.
Se débrouiller, autonomie : voilà au fond un des objectifs des études, car il n'est pas suffisant d'apprendre, et il faut aussi, surtout, en vue d'une activité professionnelle, apprendre à être autonome, car viendra le temps où les étudiants ayant grandi n'auront plus de professeur.
Ma méthode me semble donc bonne. Mais en pratique ? Les étudiants disposent-ils d'assez de temps pour la mettre en œuvre ? Je pressens l'argument qui me dira que les recherches en ligne prennent beaucoup de temps et que l'on risque un éparpillement néfaste qui empêchera d'arriver au but. Je le récuse absolument, pour plusieurs raisons. D'abord, je vois quand même que, avec le système classique, les étudiants ont beaucoup de temps dans les jardins, les bistrots, les soirées... D'autre part, je l'ai dit précédemment à propos des ajouts dosés : cela n'est pas si long que l'on pourrait le craindre.
Surtout j'ai beaucoup plus appris en mettant en œuvre cette méthode qu'en lisant un cours tout fait, tout mâché, et, de surcroît, j'ai perdu beaucoup moins de temps que dans un cours où, soit j'aurais décroché, soit je me serais ennuyé. De surcroît, si le professeur s'assure que les étudiants n'ont pas lâché prise à un moment particulier, le savoir ainsi obtenu est solide, et le socle affermi, de sorte que finalement, bâtissant sur du solide, les étudiants ont plus de facilité à augmenter leur savoir et leurs compétences.
Finalement je n'oublie pas que tout cela peut se mesurer. Au delà des modes, de pédagogie inversée ou autre, nous devons quantifier les effets de méthodes variées, car il est temps, au 21e siècle, d'arriver à un peu d'efficacité ! Technique, lien social, etc. Il faut d'abord éclaircir la mission que nous nous sommes donnée. Mais j'y reviendrai...
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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