"Il faut tendre avec efforts à la perfection sans y prétendre" : cette phrase vient de Michel Eugène Chevreul, ce remarquable chimiste qui fut plusieurs fois président de l'Académie des sciences, non pas par goût du pouvoir, mais parce qu'il avait découvert la constitution chimique des graisses, découvert la loi du contraste simultané des couleurs, et j'en passe, de sorte que sa stature scientifique le faisait primum inter pares.
Cette phrase me paraît tout à fait merveilleuse, parce qu'elle incite à travailler, mais elle reconnaît quand même que la perfection n'est pas de ce monde. On peut la viser, mais il ne faut pas avoir la prétention de l'atteindre, car elle est inaccessible, au moins par postulat, ce qui est une façon très positive de nous encourager à travailler sans cesse pour améliorer ce que nous faisons.
On trouve évidemment des idées exprimées ailleurs, ce qui n'est pas étonnant car si j'ai mis cette phrase de Chevreul qui dans ma collection, c'est qu'elle correspond bien aux valeurs que je propose.
Dans la citation, il y a « avec efforts », et la connotation de cette expression peut paraître négative : des efforts ! Pourtant, on trouve le mot "force" dans effort, et cela n'a rien de péjoratif. Oui, il faut y mettre nos forces, mais pourquoi cela serait-il mauvais ? C'est un plaisir d'exercer sa force, non pas seulement physique, mais morale. Le philosophe Alain avait ainsi proposé des exercices de bonne humeur. Il nous invitait à nous confronter à des situations de plus en plus difficiles afin de nous assurer que nous devenons capables de vivre dans la bonne humeur. Je maintiens que l'optimisme est une politesse qui s'apprend, et je vois les exercices de bonne humeur d'Alain comme une façon de faire. Je ne pas que la vie est toujours gaie, avec les décès, avec les maladies, etc., mais je dis que nous devrions avoir la politesse de proposer aux autres un visage souriant, positif, et je maintiens que cela s'apprend. Ce n'est pas un don du ciel ! C'est un travail constant que d'afficher des sourires afin de rendre les autres heureux, au lieu de se morfondre égoïstement. On se souvient de ce livre amusant de la comtesse de Ségur : Jean qui rit et jean qui pleure. C'était une caricature, évidemment, mais c'était surtout une leçon de morale ; je la prends pour telle, et je propose que nous la faisions connaître.
Oui, faisons la promotion de l'effort, du travail, du soin, de l'attention, de la politesse… Le grand physico-chimiste Michael Faraday allait le soir à son club d'amélioration de l'esprit. Récemment, j'ai rencontré un étudiant qui me demandait ce que cela signifiait. Je crois que j'ai trouvé la réponse : améliorer son esprit, c'est beaucoup de choses, mais c'est notamment apprendre à voir le verre plus qu'à moitié plein. Je propose cette phrase de Chevreul : il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre.
Au fait, le rapport avec la recherche scientifique ? La phrase s'impose, parce qu'elle vient de Chevreul, mais, en réalité, elle s'impose à tous, non ?
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