Les mets classiques connaissent des variations innombrables, mais
nous ne sommes pas tous habilités à dire, à décider, ce qu'est un chat,
ou un tournevis, ou une équation... Les mots nous dépassent, et même si
des ignorants utilisent parfois les mots dans des acceptions
idiosyncratiques, il vaut mieux savoir ce que l'on dit, et recourir au
meilleur dictionnaire de la langue française que je connaisse : le
Trésor de la langue française informatisé.
Hélas, ce
dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour
décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de
1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt
que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est
plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait
trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très
fautif (en plus de n'être signé que d'Escoffier, alors qu'il fut écrit
par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des
ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe
siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....
Et,
en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius,
qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale
et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du
"commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la
France a produit, et non pas une cuisine abatardie par le lucre.
Bref,
qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive,
parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom
qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la
même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on
obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut 16 jaunes
d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette
préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de
protéines.
Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le
lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on
n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien
différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas
la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée".
Sans quoi, c'est déloyal, malhonnête !
Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ?
Observons
d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à
fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se
dissoudre dans l'eau des jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent
d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit
des myriades de bulles d'air.
Puis on ajoute le lait :
alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des
jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec
des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines
étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière
grasse.
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans l'eau coagulent, formant des grumeaux qui sont dispersés dans l'eau.
Finalement,
l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des
bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de
matière grasse.
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