jeudi 18 septembre 2025

Quand les idoles s'effrittent

Je suis toujours désolé quand mes idoles s'effritent ce matin. Or, ce matin, il y a eu ce phénomène alors que je relisais le troisième tome du livre intitulé L'Art de la cuisine française au 19e siècle par Marie-Antoine Carême. 

J'explorais le chapitre des sources et notamment des petites sauces froides, celui où l'on trouve la sauce "magnonnaise" avec une abondance de précisions culinaires. C'est dans ce texte en particulier qu'il y a cette phrase : "c'est du frottement répété de la cuiller en bois contre le bord de la terrine que dépendent de la blancheur et la fermeté de la sauce". Carême écrivait magonnaise et non pas mayonnaise et l'on sait que la sauce venait d'apparaître dans la cuisine française, comme une classique rémoulade... mais sans moutarde. Il l'a trouvée si bien qu'il l'utilisait très largement dans ses banquets. 

En relisant le texte de Carême, j'ai trouvé d'abord la sauce magnonnaise, mais ensuite une mayonnaise d'une autre façon , pour laquelle on part de velouté, c'est-à-dire une sauce elle-même faite d'un roux et d'un mouillement, où il ajoute de l'huile d'Aix, du vinaigre et du jus de citron tout en battant. On a certainement une émulsion, de cette façon, mais d'un type bien différent de la mayonnaise originelle faite de jaune d'œuf, de vinaigre et d'huile. 

Certes, il ne s'empêchait pas d'ajouter de la sauce au suprême (ou du velouté ou de l'allemande) à de la magnonnaise, ou à de la hollandaise, par exemple, pour leur donner plus de succulence, mais il  détourne en quelque sorte l'appellation de mayonnaise, tout comme il le fait un peu plus loin à propos de ravigote et de rémoulade.  

Je m'aperçois donc à ce propos que, malgré une grande autorité, une certaine prétention, Carême n'est pas la référence terminologique que j'aurais voulue et que lui-même n'a pas suffisamment exploré les textes du passé, même s'il cite Menon comme étant une référence fiable (ce qu'elle n'est pas entièrement). 

En réalité, il n'a pas fait tout ce travail nécessaire de recherche historique et de comparaison des textes pour identifier des termes communs, pour obtenir des références culturelles solides. 

Finalement Carême n'est donc pas plus fiable que le Guide culinaire qui viendra après lui, et que trop de personnes acceptent comme parole d'Evangile, et il faut donc ne pas s'arrêter à ce qu'il a écrit. 

D'ailleurs, alors que je lis que je relis simultanément l'Eloge de la cuisine française d'Édouard Nignon, je vois également des usages terminologiques très contestables. Je vois même qui renomme à sa façon des préparations classiques. De quel droit ?

mercredi 17 septembre 2025

Citing articles

 

It bears repeating: it's dishonest to cite a secondary literature article because it deprives the true author of the idea or result you want to discuss of recognition and intellectual property.

Furthermore, it's lazy: it doesn't make the effort to seek out the true authors.

Quand l'impossibilité disparaît... à force d'y penser

Encore quelque chose qui m'amuse : j'étais très ennuyé jusqu'à ce matin, parce qu'il y avait une équation impossible à résoudre à propos de mes cours de gastronomie moléculaire aux étudiants de Master : j'avais observé que le nombre de cours que j'avais rédigés était très largement supérieur à ce qu'il était possible de lire pendant la durée de cours, même avec beaucoup de travail personnel ; et la question était donc de faire tenir dans une valise un volume bien supérieur à celui de la valise.

J'ai ruminé cela, je me suis demandé s'il fallait d'abord communiquer le plus important mais... Important ! Important, ou bien utile ? Ou bien amusant pour moi-même ? Ou bien amusant pour les étudiants ? Je renvoie un billet ancien ou je discutais la question du feu d'artifice opposé à l'apprentissage en profondeur,  mais ici, ce n'est pas ce que je veux discuter mais plutôt la solution qui a été finalement trouvée au paradoxe précédent. 

Ce matin tôt, je me suis rendu compte que nous avions décidé que ce module de gastronomie moléculaire et physique évoquerait surtout de la chimie, qu'ils étudiaient trop peu, et des questions éthiques. 

Pour la chimie, je me suis aperçu que les expériences que je leur montrais depuis quelques jours étaient effectivement des expériences de chimie, qui appelaient des commentaires théoriques. 

D'autre part, pour l'éthique, j'ai rédigé un document de 190 pages sur éthique, la déontologie et les bonnes pratiques. Et ce sont les bonnes pratiques qui m'ont sauvé car je les considère toujours du point de vue scientifique, avec des exemples tirés de notre activité de gastronomie moléculaire. 

Autrement dit, il s'agit de suivre  ce document, de se focaliser sur les questions les plus chimiques, et d'expliquer ces parties là, en les illustrant par des expériences de chimie. 

Nous avancerons autant que nous pourrons et nous aurons fait œuvre utile

 

mardi 16 septembre 2025

Intrinsèque, encore !

C'est amusant :  j'observe que nombre de discussions que j'ai  avec les étudiants, cette année, consistent à bien insister sur la nature intrasèque des travaux. 

Je ne pense pas que mes jeunes amis puissent véritablement bien apprendre s'ils le font en vue d'obtenir le diplôme seulement, et je crois que la question essentielle est de s'intéresser à ce que nous discutons : il s'agit de l'intérêt intrinsèque des matières et non pas de l'intérêt extrinsèque. 

Dans un travail, par exemple un rapport, où la préparation d'un poster, ou une présentation orale, il y a toujours lieu de bien comprendre l'intérêt de la chose, pourquoi c'est merveilleux de le faire et non pas en vue de quoi on va le faire.  

Bien sûr, ce que nous avons décidé d'enseigner correspond à ce qui leur sera utile mais en réalité, c'est à eux d'y voir de l'utilité, de comprendre éventuellement l'utilité de ce qu'ils font pour leur carrière. 

Dans la mesure où ces travaux ne sont pas les choses idiotes,  ils ont intérêt à bien comprendre en quoi il y a de la beauté dans tout ce que nous faisons ensemble. De l'intrinsèque, de l'intrinsèque et encore de l'intrinsèque

Un gâteau de "plomb" ?

 Dans ses Eloges de la cuisine française, le cuisinier Édouard mignon donne une recette de petits gâteaux secs, faits d'une espèce de pâte sucrée, friable, ce que certains nommeraient aujourd'hui une pâte sablée,  mais agrémentée de poudre d'amande, par exemple. Le mot gâteau de plomb est un mot classique de la pâtisserie  et l'on peut s'interroger sur ce nom : pourquoi de "plomb" ? Ces gâteaux ne sont pas particulièrement lourds,  de sorte qu'il y a une espèce de paradoxe à les nommer ainsi et finalement, j'identifie dans des livres anciens que ces gâteaux seraient des cousins des plum-pudding,  des gâteaux de prunes, puisque plum signifie prune en anglais : plum, plomb... 

Dans un tel cas, quelle préparation devons-nous associer à un gâteau de plomb ? Quelle préparation est-elle légitime pour recevoir ce nom puisqu'il n'y a plus de prune ? J'ai proposé ailleurs que ce soit toujours le premier à utiliser un nom qui puisse légitimement définir le terme, tout comme en astronomie, c'est le découvreur d'un objet céleste qui donne son nom à l'objet, tout comme en chimie c'est le découvreur d'un élément qui donne son nom à l'élément, le découvreur d'un composé qui donne son nom au composé, le découvreur d'une plante qui lui donne son nom, et ainsi de suite. 

Il est légitime que les noms qui sont introduits correspondent aux préparations pour lesquelles auxquelles ils ont été initialement donnés,  et il est illégitime de changer ultérieurement ces correspondances entre les objets et les noms.

lundi 15 septembre 2025

Quand on invite les étudiants à prendre leurs études en main

Dans un de mes cours, je fais diriger les séances par des étudiants qui se portent volontaires. 

En effet, les futurs ingénieurs devront organiser des réunions et cela ne se fait pas n'importe comment : il faut cadrer la chose avec une démarche rationnelle et, surtout , efficace. 

D'une part, les réunions ne doivent pas traîner en longueur. Et, d'autre  part, il n'est pas agréable d'aller se faire diriger. 

Et c'est dans quelques sorte de cela que nos étudiants doivent apprendre : ils doivent apprendre  :
- à proposer un ordre du jour, écrit,
- à le soumettre à l'équipe et lui demandé ce qu'il y a lieu d'ajouter,
- à préparer le rendez-vous avec une date, une heure, un lieu,
- à prendre des notes pendant la réunion afin de préparer un compte-rendu 
- à émettre un projet de compte-rendu à tous afin d'obtenir d'éventuelles corrections :  savoir ce qui manque, ce qui est infidèle, ce qui est faux, et cetera;
- enfin à émettre le compte rendu corrigé avec une structuration bien particulière,
- à planifier la suite à donner. 

Bref il y a un ensemble de choses à apprendre pour bien diriger une réunion et le plus difficile est de faire quelque chose dans la foi efficace, rapide, amical, intelligent.

 

dimanche 14 septembre 2025

L'intrinsèque, l'intrinsèque, l'intrinsèque !

 Je me répète mais j'aime distinguer l'intrinsèque, l'extrinsèque et le concomitant. 

Lors du dernier concours de cuisine note à note, comme lors de la session de posters de la journée scientifique du Master Food innovation and product design, m'est revenue l'importance de cette distinction. 

Par exemple, pour la présentation des posters, un étudiant très enthousiaste nous avons vendu sa salade. Mais je sais que le travail qu'il a fait était très difficile et je ne crois pas que l'on puisse accorder une totale confiance aux résultats qu'il a présentés.
D'autre part, pour le concours de cuisine note à note, plusieurs des candidats ont expliqué le contexte, les raisons pour lesquelles ils avaient introduit une nouvelle préparation. Mais en réalité, le jury n'était pas intéressé par ces raisons et il devait juger le résultat. Le résultat c'est ce qui est intrinsèque  ; le baratin qui est autour, c'est extrinsèque, et la façon de le dire est  concomitante. 

Dans certaines circonstances, ce qui est extrinsèque et gênant, nuisible.
En particulier, en science ou en technologie, je ne veux pas être convaincu par des arguments, mais par des faits. 

Pour les recettes, nous ne voulions pas être hypnotisés par un bon communicateur ; nous voulions nous extasier  devant une belle réalise réalisation. 

Pour les posters, il nous fallait une présentation serrés, technique, des matériels et des méthodes, avant que nous puissions  accepter les conclusions qui étaient proposées : intrinsèque, intrinsèque, intrinsèque !