Relisant l'Art de la cuisine française au XIXe siècle, je vois que le grand Marie-Antoine Carême s'est laissé à de la prétention ridicule : quel dommage !
Je lis en effet, dans le tome 3 (quatrième partie, page 367), à propos d'une "grosse pièce de boeuf à l'écarlate" qu'il faut "l'écumer doucement, afin de dilater l'osmazôme, pour obtenir le boeuf tendre et succulent".
Commençons par expliquer que cette pièce de boeuf est longuement maturée, au salpêtre et au sel, ce qui lui donne une couleur rouge... mais serait sans doute récusé aujourd'hui, alors que les nitrates et les nitrites sont attaqués.
Mais, surtout, il y a ce mot "osmazôme", qui n'est pas un mot de cuisine : le terme a été introduit par le chimiste Louis Jacques Thenard, pour désigner les solutions que l'on obtient en macérant des viandes (hachées) dans de l'éthanol (de l'alcool pur).
Le juriste, merveilleux auteur de fiction, Jean-Anthelme Brillat-Savarin, auteur de la merveilleuse fiction qu'est la Physiologie du goût, avait déjà évoqué l'osmazôme, dans un paragraphe complètement fantasmagorique, et là, je suis désolé de voir que Carême, qui semble avoir été un extraordinaire praticien, est tombé dans une prétention ridicule : comment ce fameux osmazôme se dilaterait-il, vu la définition que j'ai rappelée ?
D'ailleurs, le texte de Carême est mal écrit : on ne peut pas "écumer doucement", mais seulement écumer longuement en chauffant doucement la viande, à petit frémissement.
Et c'est parce que l'on cuit à basse température, sans jamais faire bouillir, que la viande devient tendre, le tissu collagénique (autour des fibres musculaires) se dissolvant avant de se contracter, et, donc, de faire perdre à la viande sa jutosité.