Aujourd'hui, je profite de la question d'une correspondante, qui m'écrit :
Je fais mon mémoire sur la pâtisserie moléculaire donc je montre que justement le moléculaire est plus de la de la pâtisserie inventive et évolutive que chimique.
Mais je voudrais un peu en discuter avec vous et comprendre ce qu'est pour vous cette cuisine moléculaire ?
Je sais donc essayer d'être bien clair.
Commençons
avec la "gastronomie moléculaire", qui est la science de la nature qui
cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des
préparations alimentaires, qu'il s'agisse de cuisine, pâtisserie,
charcuterie, cocktails, etc.
Par exemple, quand un
soufflé gonfle, à la cuisson, il y a le phénomène de gonflement.
Pourquoi ce gonflement ? Quand on voit un mélange de jaune d'oeuf et de
sucre blanchir, quand on le bat, il y a le phénomène de changement de
couleur : pourquoi ? Quand on verse doucement du café chaud sur un sirop
froid, on voit deux couches séparées : pourquoi ne se mélangent-elles
pas ?
Plus généralement, chaque geste de préparation
alimentaire s'accompagne de phénomènes, et il y a la possibilité de
travailler "scientifiquement" pour comprendre.
Par
exemple, pour comprendre que c'est surtout l'évaporation de l'eau qui
fait gonfler les soufflés. Que c'est l'introduction de bulles d'air qui
fait le blanchissement du "ruban". Qu'il y a des diférences de densité
entre le café et le sirop.
Cette recherche
scientifique des mécanismes est le fait de scientifiques, et pas de
cuisiniers, ni de pâtissiers ou de charcutiers. Elle se fait par la
méthode suivante : identification du phénomène, caractérisation
quantitative, réunion des données numériques en équations nommées
"lois", induction de théories compatibles avec les lois, etc.
Pour la "cuisine moléculaire", il faut comprendre que l'expression est à la fois un peu fautive, mais surtout "consacrée".
La
"cuisine moléculaire", c'est cette forme de cuisine qui utilise des
instruments "nouveaux", venus des laboratoires de chimie : siphons,
azote liquide, évaporateurs rotatifs, filtres, sondes à ultrasons, etc.
On
le voit, il ne s'agit pas de cuisiner avec des molécules, mais
simplement de rationnaliser la technique culinaire. Evidemment, en
pâtisserie, on parlera de "pâtisserie moléculaire" si l'on fait usage de
tels outils. Et de mixologie moléculaire si l'on fait des cocktails de
façon moderne, donc.
Nombre de professionnels et de
journalistes ont dit n'importe quoi, à propos de cuisine moléculaire,
mais je propose de rester à ce que j'en dit ici, puisque c'est moi qui
ai introduit la chose, et donné le nom à la chose.
Passons
enfin à la suite : la "cuisine note à note". Dommage que mon
interlocutrice ne l'ait pas évoquée, car c'est le futur. Il s'agit cette
fois de cuisiner (pâtisser, charcuter, faire des cocktails) à l'aide de
composés purs. Cela balayera la cuisine moléculaire, mais évidemment
pas la gastronomie moléculaire, qui, elle, continue de se développer
dans les laboratoires scientifiques.