jeudi 14 mars 2013

La science peut-elle être citoyenne ?

Non, la science ne peut pas être citoyenne, sauf pour les personnes qui ne savent pas parler français, ou pour celles qui ne savent pas ce qu'est la science.

Quand on parle d'une fleur bleue, c'est la fleur qui est bleue. De ce fait, on ne peut pas parler de "cortège présidentiel", sauf si le cortège est le président lui-même. Sinon, c'est la faute célèbre du partitif.
Bref, le cortège du président n'est pas le cortège présidentiel.

Science citoyenne ? De même, il faudrait admettre que la science est un citoyen... ce qui n'est vraiment pas possible !

Supposons que l'on admette la faute, avec une indulgence excessive ; peut-on envisager une science citoyenne, qui serait une science en vue du citoyen ? Là, il y a hélas soit un pléonasme, soit un oxymoron.
Pléonasme : si l'activité scientifique est payée par l'Etat, alors les résultats doivent être mis à la disposition de tous les contribuables. C'est une évidence, donc un pléonasme
Oxymoron, en revanche : si l'on veut dire que le citoyen doit pouvoir guider la science, alors c'est bien impossible, comme quand on parlait de "science prolétarienne", par exemple. La science ne se commande pas, et les découvertes sont hélas imprévisibles. La démocratie ne peut rien au royaume de l'activité scientifique, et tant pis pour nos "décideurs", souvent prétentieux, qui voudraient guider les découvertes. Ne prenons pas nos désirs pour des réalités.
Ou alors, il y a confusion entre science et technologie... mais on ne peut pas imaginer que nos élites fassent une confusion si élémentaire, quand même. 

Bref, la science ne sera jamais citoyenne !




Dernière minute :
Ayant posté ce billet hier, je reçois presque aussitôt des messages : 
1. Cher collègue,
Merci pour l'information et félicitations pour votre réaction énergique. La science est de plus en plus souvent instrumentalisée à des fins politiques et c'est très dangereux : les OGM et le climat en sont des exemples navrants.
Cordialement.
xxxx, Professeur émérite de chimie-physique, Université de Bruxelles.

2. Merci pour ce mail édifiant!

3. Cependant, l'accès à l'information scientifique  dans un pays comme la France étant largement  disponible, ce rejet des sciences a une autre  cause que la simple méconnaissance. Il n'y a en  effet rien de plus simple si l'on veut apprendre que de se rendre dans une bibliothèque ou lire des sites sérieux sur Internet.

Je vois donc deux raisons à cette méconnaissance des faits:
- paresse intellectuelle : il suffit de voir le  succès des documentaires de propagande type M R. Et encore, ce genre de  documentaire militant ne touche qu'une toute  petite partie de la population, la majorité
préférant les bêtises de la télé (arme de distraction massive)
- collusions entre les scientifiques/politiques  et les industriels (sang contaminé, amiante, médicaments, etc.)

4.
Merci pour cette information. Je partage tout à fait votre point de vue. La Science traite du réel et n'a que faire des idéologies. Dans notre monde de la France  d'aujourd'hui, il y a trop d'affabulations développées à partir de résultats scientifiques qui trompent les citoyens. Sans une forte culture scientifique, il est difficile de faire la part des choses; et le bon sens n'est pas bien répandu. Je pense qu'il y aurait un remède à cela, c'est de préciser ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas.  Les médias ne savent pas dire "ce que l'on ne sait pas" ; le citoyen ordinaire a l'impression que l'on sait tout,  et mélange l'affabulation et le réel. Au point de penser que la Science doit devenir citoyenne!

Pour moi qui suis électricien, ce que l'on ne sait pas c'est le lien entre le champ électromagnétique et la matière (le boson de Higgs?) et de ce fait on véhicule des tas d'images fausses: par exemple, assimiler le flux d'électrons à un flux d'eau (les électrons ont un parcours moyen limité), confondre l'effet des ondes à une discontinuité de la propagation avec un phénomène mécanique, etc. 

Il faut donc que les scientifiques communiquent pour dire ce qu'ils ont trouvé en en précisant la limite. Je pense que si le message scientifique contenait la limite de la connaissance acquise, le bon sens reviendrait et la question de la Science citoyenne serait sans objet.

A propos du nouveau pape François

Les Jésuites ont cette phrase merveilleuse :

Il faut se comporter en Chrétien, et non en tant que Chrétien.



mercredi 13 mars 2013

Un stage pour déterminer sa carrière ?

Ce matin, une "nouvelle amie" du laboratoire m'avoue qu'elle utilisera son stage pour déterminer sa carrière. Erreur !

Imaginons qu'elle soit dans un environnement amical et que, en conséquence, elle fasse des travaux qui lui plaisent. Elle risque de penser que la recherche scientifique est ce qu'elle veut faire. Mais ne pourrait-elle pas, aussi, tomber avec des gens désagréables, avec la même activité scientifique, qui lui feraient conclure que la recherche scientifique est une activité désagréable ?

Alors, comment se déterminer ?

Ah, la recherche !

Ce matin, une nouvelle "amie" au laboratoire (un stage), qui me signale qu'elle veut faire de la recherche.
Ces temps ci, le mot revient, encore et encore... mais de quoi s'agit-il vraiment ? J'ai fait un livre entier sur la question (Science, technologie, technique : quelles relations).
La recherche scientifique ? C'est de la recherche scientifique, ou de la science, qui se fait dans les laboratoires de l'Etat.
La recherche technologique ? C'est ce qui se fait, dans l'industrie, et l'on cherche à obtenir un résultat pratique : guérir du SIDA, la mise au point d'un test de dépistage du cancer de l'estomac par une simple inhalation, le remplacement du crâne humain chez un patient vivant, un réfrigérateur quantique...
La recherche technique ? C'est de la technologie (voir cas précédent).
La recherche artistique ? C'est de l'art, pas dans un laboratoire scientifique.
La recherche historique? géographique?

Bref, le mot "recherche" est à toutes les sauces, mais, quand je l'entends, je sais qu'il faut poser la question "de quoi parlons-nous vraiment ? " (et savons nous bien de quoi nous parlons?)

Vive la connaissance !

mardi 12 mars 2013

Un combat à mener

Militons ! Hier, j'ai appris que l'Education nationale représentait la molécule de benzène avec trois doubles liaisons, au lieu de la représentation plus cohérente d'une délocalisation des électrons pi.
Est-ce grave, au fond ? Oui, parce que je vois, ensuite, des étudiants avancés qui croient qu'il y a des doubles liaisons dans la molécules de benzène, et qui, en conséquences, iront chercher à faire des additions, et s'étonneront de la réactivité particulière de ce composé.
D'ailleurs, tant qu'on y est, on serait avisé de combattre le mot "résonance", pour conserver celui de mésomérie. En effet, s'il y avait une résonance, il y aurait une fréquence de résonance !
Non, il n'y a pas "oscillation" entre les formes limites !

Donc représentons le benzène avec un petit cercle au milieu, et parlons de mésomérie.

Rien que du bonheur

Il y a quelques années, l'Education nationale avait pris une décision déplorable : il avait été décidé que la double flêche, qui représente les équilibres chimiques, serait représentée par un signe égal.
C'était une mauvaise décision... parce que Gherd Van't Hoff avait reçu le prix Noble de chimie, en 1901, pour avoir précisément remplacé le signe égale par une double flèche.
La question est de savoir de quoi on parle : représente-t-on un mécanismes, des objets, ou bien fait-on une équation ?
La seconde possibilité n'est pas admissible, car quand on écrit "Fe2+" à gauche du signe =, on doit supposer que c'est la quantité d'ions ferreux. Or ce n'est pas ce qui est entendu par cette représentation là.
Bref, sous l'influence de physiciens insuffisamment compétents en matière de transformations moléculaires, on avait fait quelque de mauvais.

La bonne nouvelle, c'est que l'Education nationale (qui était quand même bien isolée, dans le monde!) est revenue en arrière !


Il faut savourer cette victoire. Vive la physico-chimie !

dimanche 10 mars 2013

généralisons

John Tyndall,  succéda à Faraday à la Royal Institution (Faraday as a discoverer, Ed Apollo) : "When an experimental result was obtained by Faraday, it was instantly enlarged by his imagination. I am acquainted with no mind whose power and suddenness of expansion at the touchh of new physical truth could be ranked with his. Sometimes I have compared the action of his experiments on his mind to that of highly combustible matter thrown into a furnace; every fresh entry of fact was accompanied by the immediate development of light and heat. The light, which was intellectual, enabled him to see far beyond the boundaries of the fact itself, and the heat which was emotional, urged him to the conquest of this newly revealed domain. But though the force of his imagination was enormous, he bridled it like a mighty rider, and never permitted his intellectual to be overthrown. In virtue of the expansive power which his vivid imagination conferred upon him, he rose from the smallest beginnings to the greatest ends. "

[Quand Faraday obtenait un résultat expérimental, il le généralisait aussitôt en faisant usage de son imagination. Je ne connais aucun esprit dont la puissance et la capacité de généralisation soudaine ait atteint celui de Faraday. Parfois j'ai comparé l'action d'une expérience sur son esprit à l'inflammation soudaine d'un combustible jeté dans un fourneau ; chaque nouvelle brassée de faits était immédiatement accompagnée d'un rapide dégagement de lumière et de chaleur. La lumière, qui était de nature intellectuelle, lui permettait de voir plus loin que les limites du fait lui-même, et la chaleur, qui était de l'ordre de l'émotion, le poussait à conquérir aussitôt ce nouveau domaine qui lui était révélé. Mais, alors que la force de son imagination était considérable, il a bridait comme un cavalier puissant, et ne permettait jamais à son jugement d'être renversé. Grâce à la puissance généralisatrice que lui donnait son imagination vigoureuse, il s'élevait des plus petits faits aux plus grandes perspectives]