jeudi 26 janvier 2012

Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux ! Vive la chimie !

Un message (surtout à l'attention des chimistes) :

L'enseignement de la chimie sera plus efficace si nous faisons sourire cette dernière.

C'est en tout cas ce que nous avons été plusieurs à proposer, lors d'un dernier Comité de rédaction de l'Actualité chimique (revue à rapporteurs, à facteur d'impact)
Pour ce qui me concerne, le raisonnement est le suivant : les textes doivent être de bonne qualité scientifique ou technologique, et les informations doivent être justes. Cela étant, nous ne devons JAMAIS nous priver de nous émerveiller, ni de sourire ; après tout jusqu'à plus ample informé, nous n'avons qu'une seule vie.

Cette idée est dite plus "raisonnablement" par Paul Rigny, Rédacteur en Chef de l'Actualité chimique, qui m'a autorisé à diffuser le message qu'il avait envoyé au Comité de rédaction, et dont voici la teneur :

Bonjour à tous,

Notre dernier  Comité de Rédaction a émis un souhait  non conventionnel mais bien pertinent : celui que l'on introduise une note "un peu ludique" dans le revue. Il s'agirait de publier, lorsque l'opportunité s'en présente, un article ou une lettre qui adopte le mode humoristique, ou de publier - avec la prudence qui s'impose pour ne pas être mal interprété - une caricature ou dessin humoristique.
Croulant sous les tâches impérieuses de rédacteur en chef, j'observe que mon sens de l'humour - que je croyais beaucoup plus solide - a tendance à s'émousser. Je me tourne donc vers mon précieux Comité de Rédaction et je vous demande de rabattre auprès de vos connaissances, ou de vous coller vous mêmes à la tâche, des articles ou dessins qu'on pourrait voir de temps en temps dans L'Actualité Chimique.

Merci d'y réfléchir et si possible de contribuer : je suis convaincu qu'au moment où nous cherchons à intéresser davantage de lecteurs, cette "note de légèreté" nous serait d'un grand secours.
Merci à tous et...à vos crayons.
Paul Rigny


Voilà, la diffusion est faite. Merci de m'aider à distribuer ce message... afin que notre revue soit encore plus belle demain qu'aujourd'hui.

mardi 24 janvier 2012

Je ne suis pas certain de bien suivre les règles des blogs

Je ne connais pas bien les règles des blogs, en matière d'abonnés, de commentaires, mais vous avez déjà vu que j'utilise des commentaires pour mes billets. Ce n'est jamais injurieux envers mes amis correspondants, bien au contraire, même quand je ne suis pas d'accord.

En l'occurrence, je n'ai pas à imaginer des antagonismes, à propos du commentaire suivant :

"Comme Hervé This l'a fait remarqué sur quelques-uns de ses billets, son ami, cuisinier et artiste Pierre Gagnaire a expérimenté la cuisine note à note. Il en a fait des plats (ou devrais-je dire des oeuvres d'art ?), tout en continuant son travail d'artistes sur des plats plus traditionels, si tant est qu'on puisse appeler traditionnel ce que fait un artiste comme Pierre Gagnaire.
Et ca n'est pas un problème, tout comme la cuisine moléculaire n'a pas non plus besoin d'être unique.
Si je me permet de faire une analogie, il est tout a fait possible de faire cohabiter musique moderne (rap, hip hop) avec de la musique beaucoup plus ancienne (classique), et même avec de la musique qui a une culture complêtement a part (jazz).
Je me risquerais tout de même a répondre, de mon point point de vue personnel, à votre examen de l'hypothèse que vous avancez. J'ai eu la chance de pouvoir expérimenter la cuisine note-à-note a plusieurs reprises.
L'expérience la plus marquante a été de déguster un soufflé au homard accompagné d'une sauce au vin. Sans homard. Sans vin. Et bien cela a été une des expériences les plus troublantes que j'ai pû faire, tant l'impression d'avoir un vrai soufflé au homard était forte.
Je réponds bien entendu a votre commentaire en mon propre nom, et je ne m'avance pas sur ce que pourrait vous répondre Hervé This."

Une précision, pour ceux qui n'ont pas eu la chance de manger ce soufflé. Il avait mesurait environ 50 centimètres de diamètre, avait été préparé trois jours à l'avance, et était servi par grosses parts, avec une sauce wöhler (aux polyphénols de syrah). D'ailleurs, je me suis opposé à ce qu'on le nomme "soufflé au homard sauce au vin", parce que précisément, il n'y avait ni homard ni vin. Cela étant, il est vrai qu'on avait l'impression d'avoir du homard, et que la sauce wöhler fait très "sauce au vin".
Dans un tel cas, je regrette un peu que l'on colle à quelque chose de connu... mais c'est là une question merveilleuse : la cuisine note à note doit-elle, ou pas, coller à du connu ?
Une métaphore musicale : les synthétiseurs doivent-ils servir à jouer Au clair de la lune ?
Ma réponse argumentée sera donnée lundi ou mardi prochain, lors du Cours de gastronomie moléculaire 2012.

dimanche 22 janvier 2012

Des images de quelques plats de cuisine note à note

Souvent, on me demande à quoi ressemblent les plats de cuisine note à note.
Quel goût ils ont ? Faites les, ou demandez à ceux qui en ont l'expérience de vous les faire.

En voici l'image, pour quelques uns, dans l'ordre chronologique.

Le premier à avoir fait un plat note à note a été mon ami Pierre Gagnaire en 2009. J'ai voulu qu'il soit le premier, et il l'a été. Il le restera à jamais, même si la cuisine note à note n'est pas sa pratique quotidienne (un vrai artiste ne suit pas une ligne, il la crée!) :







Puis Hubert Maetz (Rosheim) et Aline Kuentz, à Strasbourg, en mai 2010, ont présenté un plat note à note devant les congressistes français, allemands et japonais des rencontres JSPS :




(désolé, je n'ai pas de photographie du plat !)


Puis, lors d'un diner pédagogique pour les auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes du goût, les chefs enseignants de l'école Le Cordon Bleu, Paris, en  octobre 2010, ont servi ces plats (et d'autres) : 
















Etape suivante : le 26 janvier 2011, le banquet qui a précédé le lancement officiel, à l'Unesco, de l'Année internationale de la chimie, un repas servi par Potel & Chabot, à Paris :
















A noter que ces plats ont été servis, une deuxième fois, lors de la réception des chefs nouvellement étoilés par le Michelin, organisée par la revue L'Hôtellerie, à l'Espace Cardin, à Paris, en avril 2011.


Puis en octobre 2011, à l'école Le Cordon Bleu Paris :






Le 3 décembre 2011, des chefs de l'Association Toques Blanches Internationales, ont oeuvré dans le cadre du Téléthon. Il y avait un amuse bouche note à note, un plat de cuisine moléculaire, et un plat classique, avant un dessert note à note. Je n'ai hélas pas eu le dessert, qui était remarquable, mais voici l'amuse bouche :


Ce n'est qu'un début !!!!!!!

samedi 21 janvier 2012

De qui se moque-t-on?

Sur un site idiot, je trouve ceci :

"INSECTICIDES NATURELS

Les insecticides chimiques que l'on trouve dans le commerce sont des produits dangereux pour l’homme et l’environnement.
Il est donc conseillé de ne les utiliser qu’avec précaution et sérieux, et toujours en lisant attentivement le mode d’emploi ou beaucoup mieux de ne servir que d'insecticides naturels et écologiques"



Suit une série de produits, tabac, cendre, jus de rhubarbe... qui seraient donc merveilleux. On oublie si le tabac est efficace, c'est que la nicotine est toxique. Si la cendre l'est, c'est parce qu'elle contient de l'hydroxyde de potassium, et qu'elle peut être aussi caustique que de la chaux ou de la soude, que le jus de rhubarbe contient de l'acide oxalique, qui n'est pas anodin.

Les insecticides de l'industrie, souvent, sont des composés  ayant la même origine "naturelle" (quel mot idiot) que les insecticides naturels, mais ils sont mieux dosés, plus sélectifs... et donc moins dangereux pour l'homme et l'environnement que des produits médiévaux, idiots, non raisonnés.

Bref, quel gâchis ! Vite, créons des écoles, des collèges, enseignons les sciences et la technologie, de façon pratique et citoyenne !

vendredi 20 janvier 2012

Et encore !


J'ai décidément affaire à quelqu'un de merveilleux... qui répond : 






"Je suis attachée à la fraise et aux poireaux et à beaucoup d'autres légumes ou autres ingrédients qui sont ma culture alimentaire, mais pas tout à fait comme les gens du Moyen Age, qui eux n'avaient pas ou peu de choix, et ne pouvaient raisonner leur alimentation.  Et  bien sûr les particularités personnelles ne comptent pas à l'aune de l'histoire de l'alimentation ; mais savourer un poireau ou une carotte c'est,  et ce fût partagé par des milliards d'hommes.  
Permettez moi aussi de revenir sur l'objectif politique, que vous poursuivez avec la cuisine note à note, à destination des agriculteurs. Aujourd'hui, dans les régions qui s'y prêtent le mieux, les agriculteurs  essaient de produire en ayant une relation directe avec le consommateur et donc de travailler en circuit court. Et ce système semble satisfaire les deux parties et rencontrer du succès. Qu'est ce qui inciterait les agriculteurs à transformer leur production  ? Et le risque existe de voir immédiatement l'industrie agroalimentaire s'emparer de ce maillon de la chaine ?"

Ouf, c'est un gros morceau. Allons y doucement. 

Partager un poireau avec des milliards d'êtres humains, nos soeurs, nos frères... Ce sont de grands mots, mais "partage-t-on vraiment" avec ceux qui ont faim ? Et avec ceux qui ne connaissent ni le poireau ni la fraise, parce que, eux, ont des cives (au goût bien différent) ou des fruits de la passion ? 

La production de proximité ? Je veux bien, mais, en région parisienne, et dans les métropoles qui ne cessent de s'étendre, où sont les champs ? Ils sont de plus en plus loin ! Pour la région parisienne, c'est, je crois, un fantasme que de croire que l'on puisse nourrir 10 millions d'individus avec de la culture de proximité... surtout si les terres à blé ne sont pas des terres à carotte ! 
Certes, on n'est pas forcé de faire venir des produits végétaux et animaux de l'autre bout de la Terre, mais le fait est que le public veut à la fois sauver la planète et des tomates en hiver ! Quand la collectivité sera cohérente...
Bref, je ne suis pas là pour juger. Ce que je sais, c'est que, quel que soit le modèle alimentaire, il faut voir plus loin que ses compétences limitées, et c'est pourquoi, pour cette question, j'ai invité mon ami Pierre Combris à venir discuter la question. Lui, est compétent ! Ni mon interlocutrice ni moi. 

Qu'est ce qui empêchera l'industrie alimentaire de s'emparer de la production des composés pour la cuisine note à note ? 
Disons : 
1. pour nos amis canadiens, tous ceux qui produisent sont de l'industrie (au vrai sens du mot) ; les agriculteurs, les cuisiniers, sont des "industriels". 
2. Rien n'empêchera qu'une industrie plus capitalistique s'empare de la production de composés ou de fractions... d'où mon insistance à mettre tout de suite les agriculteurs dans le coup. Comptez sur moi pour aider les agriculteurs à s'enrichir... mais il faut en passer par une transformation, et pas seulement se limiter à la culture (qui est, n'en doutez pas, un vrai métier, avec un vrai savoir faire : que ceux qui ne sont pas convaincus relisent Bouvart et Pécuchet, de Flaubert). La question est différente, donc : faut-il supporter que les agriculteurs ne soient pas bien rétribués pour leur travail de production, et faut-il qu'ils doivent faire "plus" ? Je répondrais que le cuisinier doit faire plus que la cuisine, de la gestion, du commerce, de la représentation. Que le scientifique doit faire plus que de la science : des levées de fond, de la formation d'étudiants, etc. Et c'est sans doute ainsi pour la majeure partie des "métiers". 
Je ne suis pas là pour juger... mais je suis certain que de la valeur ajoutée facilement gagnée, ce n'est pas à négliger. 

Ouvert à la discussion!

Vive la gourmandise éclairée !
vive la connaissance produite et partagée !

Suite de la discussion précédente, à propos de cuisine note à note

Pour ceux qui ont déjà lu le billet précédent :

Ma correspondante répond (une réponse merveilleuse : la preuve, je m'en empare pour répondre collectivement avec l'espoir que naîtra un débat collectif) :

"Si je n'ai pas votre certitude de scientifique, j'ai quand même  la conviction que notre régime alimentaire doit changer, notamment avec moins de consommation de viande et de façon générale, des aliments moins énergivores.
Pourquoi être accroché à la fraise et au poireau ?   Pour moi, ça fait partie de mon univers alimentaire depuis mon enfance et tous les deux me procurent du plaisir, tant à les cuisiner qu'à les manger. Pour d'autres ça ne signifie  rien, comme la musique de Martin Marais. Aujourd'hui nous avons accès à ce compositeur comme à Ligeti. Je préfère imaginer que demain je pourrai encore choisir de réaliser dans ma cuisine  un plat note à note et une flamiche aux poireaux. Car je crois plutôt que c'est notre avidité à toujours plus qui raréfie les choses les plus élémentaires."
 
Pour moi : 
1. je ne sais pas quelles sont mes "convictions", et s'il faut en avoir. Par exemple, je croyais que les protéines d'origine animale étaient condamnées, mais des amis agronome m'ont bien fait remarquer que, en montagne, l'agriculture est difficile, et l'élevage essentiel. Donc j'essaie de ne pas être insensé au point d'être assuré de mes propres certitudes. 

2. Oui, la question de l'énergie se pose, et se posera de plus en plus. Les fractionnements de produits végétaux, si on les fait en masse, sont bien moins énergivore que des manipulations domestiques, individuelles (et je rappelle qu'une casserole -médiévale- sur une plaque à gaz -un siècle de retard-, c'est jusqu'à 80 pour cent d'énergie gâchée!!!!). 

3. La question de l'eau est également importante : quand on produit des carottes, des navets, des tomates, et qu'on les transporte, une bonne partie arrive pourrie... et l'on transporte essentiellement de l'eau. Pourquoi transporter de l'eau qui pourrit ? Et une osmose inverse qui extrairait l'eau purifiée ne pourrait être à l'origine d'une industrie de "belles eaux" : eau de fraise, de framboise... ? 

4. Etre accroché à la fraise et au poireau : ma correspondante me dit qu'elle les connaît depuis l'enfance. Oui, et alors ? Ces ingrédients classiques lui plaisent. Et alors ? Moi, ce que je veux, c'est surtout dépasser l'enfance. Imaginons que nous ayons l'esclavage en héritage, dans l'enfance : ne devrions-nous pas nous en détacher le plus vite possible ? Plus généralement, ne devons-nous pas considérer nos comportements, et changer ceux qui sont néfastes ? 

5. D'ailleurs, au moins dans un premier temps, la cuisine note à note va s'ajouter à la cuisine classique, comme Debussy s'est ajouté à Mozart. Pourquoi craindre que l'un efface l'autre ?

6. Oui, vous avez raison de dire que vous êtes attachée à la fraise et au poireau. Tout comme les gens du Moyen Age étaient attachés à leur alimentation.
Mais tout change, et les particularités personnelles ne "comptent pas", à l'aune de l'histoire de l'alimentation.
Il y a 20 ans, les cuisiniers me disaient haïr l'alginate et l'agar, mais la crise de la vache folle les a conduit à utiliser ces gélifiants, au point que, aujourd'hui, personne ne s'en fait plus.

Discussions autour de la cuisine note à note

Une question m'est posée :

"A propos de l'avenir de la cuisine note à note : cette cuisine vous paraît devoir s'imposer, pour pallier le manque d'énergie, d'eau, tout en répondant aux besoins croissants d'alimentation. N'êtes vous pas aussi un peu "marchand de peur" ? Et si je suis votre prévision de l'avenir de la cuisine,  le poireau ou la fraise seront ils demain un produit de luxe ?

Une réponse succincte :
Pour le "marchand de peur", non, je ne fais rien craindre : c'est une certitude que le modèle alimentaire doit changer, et la cuisine note à note est une solution très positive.  Pourquoi serait-elle anxiogène ? La perspective de nouveaux goûts, c'est quand même une promesse de bonheur, non ?

Oui, d'autre part, si la population continue d'augmenter, la fraise et le poireau seront des objets de luxe, comme l'est la morue aujourd'hui, les ortolans, etc.

Mais, au fait, pourquoi être accroché à la fraise et au poireau? Le sommes nous tant que cela à au musicien Marin Marais ? La plupart des jeunes le connaissent même pas ! Et puis, le poireau... Un de perdu, des milliards de retrouvés ! Pourquoi nous intéresserions-nous au poireau ?

La fraise ? La moitié arrivent pourries, quand on n'a pas de jardin. J'ai toujours peur du fétichisme qui s'emparent de nous.

Tiens, les livres : dans mon petit ordinateur, j'ai toute l'oeuvre de Diderot, Voltaire, Proust, Rabelais, Flaubert... Pourquoi aurais-je des objets en papier qui prennent la poussière sur des bibliothèques, où je pourrais mieux faire, en accrochant des tableaux ? J'adore les "livres"... mais pas pour les objets (fétichismes), mais pour le texte intelligent qu'ils contiennent.

Donc pas de peur à avoir, mais du travail à faire. Ca, c'est merveilleux!