vendredi 13 juin 2025

Questions d'enseignement : de l'enseignement "matriciel" ?

On me connaît : j'ai parfois de grandes crises de ce que je nomme du "réalisme naïf", à propos du fonctionnement du monde, et, notamment, de ce qui est nommé "enseignement". Tiens, quelques faits qui vous étonneront - j'espère- autant que moi : 1. nos "collègues plus jeunes" (ma nouvelle terminologie pour "étudiants") ont des formations variées, des niveaux variés quand ils arrivent dans nos cursus, et même si nous faisons des "mises à niveau" ; 2. nos collègues plus jeunes ont des objectifs variés (souvent ils n'en ont d'autre que de suivre les cursus que nous organisons, sans savoir ce qu'ils en feront), qui imposent, donc, des formations variées (je rappelle que, pour être "capable" d'avoir une activité pour laquelle nous sommes rétribués, nous devons avoir des connaissances et des compétence spécifiques) 3. nous proposons des enseignements dans des disciplines particulières (avec l'espoir que celles-ci feront des connaissances et des compétences utiles 4. si tous les collègues plus jeunes suivent les mêmes cours, certains perdront leur temps, soit parce qu'ils seront perdus, soit parce qu'ils s'ennuieront, soit parce que les disciplines particulières que nous proposons n'entrent pas bien dans leur projet professionnel. La conclusion s'impose : il faut changer tout cela. Comment ? Je propose de considérer des "enseignements matriciels", avec en colonne les collègues plus jeunes (toujours partir d'eux, toujours !) et en ligne des connaissances et des compétences, éventuellement groupées en "cours" ou en disciplines. Bien sûr, il y a des indispensables, obligatoires en quelque sorte, mais aussi des choix, des options, en nombre important. Comment mettre cela en oeuvre alors que le temps des professeurs est compté ? Je crois que si des cours ex cathedra sont utiles pour donner de l'enthousiasme, de la perspective, du recul, sont utiles, il faut des travaux personnels, ce qui implique que les professeurs seront souvent des tuteurs, avec une organisation des tutorats qui doit être intelligemment faite. Mais c'est là plutôt une question qu'une affirmation !

jeudi 12 juin 2025

De combien le futur est-il sapé ?

Quel dommage qu'on ne puisse effacer les textes qui ne nous vont plus ! Travaillant sur la question de la méthode, je m'aperçois de confusions que j'ai faites, et que, par la réflexion et le travail, je ne fais plus. Cette observation me renvoie à tous mes anciens textes et à toutes les fautes que j'ai pu faire par le passé. Par exemple, je me rappelle d'un article publié dans la revue scientifique Angewandte Chemie, où les objectifs scientifiques que j'assignait à la gastronomie moléculaire n'étaient pas clairs, pas justes. Par exemple, je m'aperçois aujourd'hui de confusions terminologiques que je faisais naguère, je comprends des oxymores dans lesquels j'étais tombé : l'un des plus faciles à détecter est dans la dénomination "béarnaise au chocolat", que j'avais utilisé pour nommer une de mes inventions. Pour qu'une béarnaise soit au chocolat il suffirait de lui mettre un goût de chocolat, ce qui n'était pas l'invention proposée (il n'y a guère d'inventivité dans l'idée d'ajouter du chocolat dans une béarnaise). L'une de mes pires erreurs a été de croire qu'il fallait nommer chimie la technique chimique, plutôt que la science qu'est la chimie. Là, il a fallu travailler, relire les textes fondateurs pour bien comprendre que non, la chimie est une science et ses applications sont... les applications de la chimie, mais ce ne sont pas la chimie car il ne s'agit pas de sciences. Dans cet océan d'erreurs ou d'approximations que j'ai faites, il y a pourtant quelques îlots de stabilité ; j'aurais tendance à dire de certitude si je ne pensais à cette phrase d'Edmond Rostang : "je ne suis pas assez insensé pour être assuré de mes propres certitudes". Mais enfin, quand même, je crois que je peux conserver l'idée selon laquelle les sciences de la nature explorent les mécanismes des phénomènes, à condition de prendre le mot phénomène au sens large afin que les sciences de la nature puissent avoir dans leur objectif la découverte d'objets nouveaux du monde. Évidemment, cette analyse rétrospective que je fais m'inquiète pour le futur parce que si j'ai fait des erreurs, je vais en faire encore. De même que le philosophe Alain disait "quelle est la question à laquelle je ne pense pas", il faudrait que je m'interroge : quelle est l'erreur que je ne dois pas faire ? Et pourtant, je vous assure que je tourne sept fois la plume dans mon encrier avant de poser les mots que j'écris, que je les relis, lexicographiquement, et étymologiquement surtout...

mercredi 11 juin 2025

Faut-il ajouter de la pectine à des fraises dont on veut faire des confitures

La question m'arrive ce matin : avec les fraises que l'on trouve ces jours-ci, plus mûres qu'il y a quelques semaines, faut-il ajouter de la pectine pour être certain que les confitures vont prendre ? 

La vraie question, derrière celle-ci, c'est que certains fruits contiennent peu de pectine... mais que cela n'apparaît pas sur les fruits eux-mêmes. En conséquence, comme on ne va pas se lancer dans des analyses très longues, j'ai immédiatement répondu de faire un essai sur une petite quantité sans pectine, pour voir si la prise se fait, avant de se lancer sur tout le lot. 

On n'oubliera pas de se placer dans les conditions qui favorisent la prise en gel, à savoir charger en sucre (sans dépasser 65 pour cent), cuire longuement (pour être sûr d'avoir extrait les pectines des fruits) et ajouter du jus de citron (ou de l'acide citrique). 

Plus la possibilité d'ajouter un sel de calcium, puisque les ions calcium, comme ceux de cuivre mais sans la toxicité de ces derniers, renforcent les confiture : vous obtenez cela en attaquant une coquille d'oeuf lavée avec du jus de citron. Mais, à la réflexion, il y a une autre possibilité... pour ceux qui veulent le goût frais des fruits pas trop cuits. 

Prenons une pomme que nous coupons en petit morceau, avec peau et pépins dans un linge), puis ajoutons un peu d'eau et tout le sucre dont on aura besoin, voire un peu plus. Chauffons pour extraire toutes les pectines de la pomme : si l'on s'arrêtait là, on aurait alors tout ce qu'il faut pour avoir une confiture qui prend (on n'oublie pas le citron, le calcium...). Puis, dans cette super-confiture, on verse les fraises, on fait un tour de bouillon, et l'on met en pots ! Goût de fraises fraîches assuré, et consistance sur mesure.

 Mais, j'y pense : pourquoi ne pas utiliser de pectine ? Après tout, la pectine du commerce, c'est de la pectine qui vient des fruits. Alors on prend une partie des fraises, on met la pectine, on cuit, puis en fin de cuisson on ajoute citron et calcium, puis des fraises fraîches qui n'auront qu'un tour de bouillon. 

 

Moi, je ne sais pas pourquoi, mais j'ajouterais volontiers un peu d'arôme violette ou fleur d'oranger, et un grain de sel et un tour de moulin à poivre... mais je sors de mon rôle.

Quand il y a des enzymes

À propos des fibres alimentaires, il y a la notion importante d'hydrolyse : par exemple, certaines fibres sont dites hydrolysable. Et là, il y a un point d'attention, car les hydrolyses sont des réactions qui peuvent se faire soit de façon chimique soit de façon enzymatique. C'est le même type de questions que l'on retrouve à propos des brunissements des aliments quand on les coupe : certains résultent de réactions d'oxydation et d'autres d'un processus oxydatif mais de nature enzymatique. Dans les deux cas, cela se fait dans des conditions très différentes, et, notamment, pour les processus enzymatiques, il faut évidemment qu'il y ait des enzymes, c'est-à-dire des molécules qui catalysent les réactions, c'est-à-dire les rendent possibles plus ou moins rapidement et même dans des cas où elles ne se feraient pas. Un bon exemple est l'hydrolyse enzymatique de la cellulose par les enzymes nommées cellulases : alors que l'hydrolyse de la cellulose se fait très difficilement dans l'eau même chaude (une chemise en coton n'est pas dégradée par un lavage à 100 °C), elle a lieu quand la cellulose est en présence des cellulases. Historiquement, cette question a été importante pour la chimie : le grand chimiste allemnd Emil Fischer a passé beaucoup de temps à chercher des méthodes de synthèse chimique des protéines alors que cette synthèse se fait facilement dans les organismes vivants.

mardi 10 juin 2025

Il est dommage de ne pouvoir effacer

A propos de méthode, par exemple, mais pas seulement, je m'aperçois d'erreurs que je faisais... parce que la majorité de mes amis les font et que, au fond, je n'avais pas assez réfléchi. Par exemple, une étape est... une étape et non pas le tronçon de chemin qui relie deux étapes. Ou encore, un projet est quelque chose que l'on projette, alors qu'un travail c'est quelque chose que l'on fait. Par conséquent, on peut rédiger des projets, en vue de les faire ensuite, mais une fois qu'on est lancé, il s'agit d'un travail. Ou encore : une méthode, c'est le choix d'un chemin et non pas le chemin lui-même ; et cela ne se confond pas avec la méthodologie, qui se définit ainsi (TLFi) : Branche de la logique étudiant les méthodes des différentes sciences. Ensemble de règles et de démarches adoptées pour conduire une recherche. Bien sûr, tout ce que je produis n'est pas faux, et, parmi les fautes que je ne fais pas moi-même, il y a la confusion entre les prémices et les prémisses, des hésitations quand au statue logique de l'induction, l'expression "dans le but" (si on y est, ce n'est plus un but), par exemple. Quel dommage que je ne puisse corriger mes anciens textes !

lundi 9 juin 2025

Ne pas prendre les évaluateurs pour des imbéciles.

 Alors que je suis en train de relire un document proposé à l'évaluation nationale d'un pays étranger, à propos d'un cours en technologie des aliments, ce qui fait suite à 3 ou 4 évaluations du même type que j'ai effectuées précédemment, je vois mieux combien ceux qui font de tels projets se trompent soit en se débarrassant par des réponses à la va-vite aux questions posées par les formulaires d'évaluation, soit en produisant un baratin posé dans l'hypothèse  que les évaluateurs seront dupes. 

Au contraire, ce type de réponse finit par  irriter et  faire comprendre qu'on nous prend pour des imbéciles. 

Bien sûr, il y a également des cas où ceux qui soumettent des projets ne sont manifestement pas à la hauteur,  et, là encore,  leurs insuffisances apparaissent très clairement en lisant simplement les mots écrits. Quand on confond food  security et food safety  par exemple, cela montre que l'on ne sait pas que le premier désigne la question de produire à suffisance pour nourrir l'humanité et le second désigne la sécurité sanitaire des aliments. 

Et évidemment, quand les proposant cumulent les défauts, alors il y a lieu de ne pas perdre trop son temps en évaluant leur document et il faut les renvoyer à leurs projets :  il serait idiot de passer plus de temps à faire les évaluations qu'il n'en ont passé à faire leurs projets insuffisants. Au travail ! 

dimanche 8 juin 2025

Encore, à propos de "recherche"

 
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte,  parce que tout le monde le met à sa sauce : 

- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique, 

-  les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ; 

- et  dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique 

-  les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique

- etc. 

Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique,  donc une technique ,ainsi que l'avait  très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.

Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie. 

Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !

Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.