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jeudi 20 mars 2025

Hydrolyse, Sublimation

On m'interroge à propos de sublimation et d'hydrolyse et je me propose de répondre ici en prenant mon temps pour que les choses soient bien claires. 

Pour cette réponse, la méthode sera de partir du macroscopique, ce que l'on voit à l'oiel nu, pour aller au microscopique  puis au supra moléculaire  avant d'arriver au moléculaire.

 

Commençons par la sublimation. 

Un exemple est celui que l'on observe quand on met un morceau de viande dans un sac imperméable et  fermé, dans un congélateur, pendant très longtemps. 

La viande semble sécher un peu mais au fond guère car quand on la décongèle, on retrouve la viande presque comme on l'avait mise. Un peu plus dure, toutefois, et, ce qui est intéressant à observer, c'est l'apparition de glace dans le sac. Comment cette glace est-elle apparue ? 

Dans la viande congelée, la microscopie aurait montré que l'eau de la viande forme des cristaux de glace, mais, en outre, un "super microscope" aurait peut-être montré une couche d'eau liquide autour de ces cristaux : une couche de molécules ?

En tout cas,  il semble donc que l'eau est passé de l'état de glace dans la viande à l'état de glace à l'extérieur de la viande. 

Le niveau "supramoléculaire", maintenant, c'est celui des associations de molécules et le niveau moléculaire correspond aux "réactions" entre molécules, aux changements des molécules lors de réarrangements de leurs atomes. 
Sans attendre, disons qu'il n'y a pas de transformation moléculaire  dans la sublimation : les molécules finales sont les mêmes que les molécules finales ; ces dernières  n'ont pas  été brisées, ne se sont pas associées en nouvelles molécules par des réactions. Il n'y a pas eu de réactions  "chimiques". 

C'est  au niveau supramoléculaire, des "regroupements de molécules" par des "interactions faibles" qu'il s'est passé quelque chose. Pour expliquer cela, commençons par considérer de l'eau liquide : un super-microscope montrerait qu'elle est faite d'objets très petits (que l'on nomme des molécules d'eau), qui bougent en tous sens, qui grouillent, à des vitesses qui dépendent de la température : dans l'eau liquide, les molécules peuvent bouger beaucoup, mais quand on refroidit de l'eau, alors les molécules ralentissent, se collent les unes aux autres, s'associent, s'empilent régulièrement (pensons à des tas d'oranges, à des cubes),  formant des cristaux de glace. Les molécules vibrent encore sur place, mais ne peuvent plus changer de position. C'est cela, la glace. 

D'ailleurs j'ajoute aussitôt que l'expérience initiale de viande congelée pourrait se faire avec un glaçon que l'on mettrait dans un sac  : là encore on verrait de la glace arriver dans le sac en dehors du glaçon. C'est toujours cela le phénomène de la sublimation. 

Comment cela a-t-il eu lieu ? En réalité, dans les molécules d'eau à la surface de la glace, il y en a de plus ou moins rapides, et les plus rapides peuvent s'échapper ;  comme elles arrivent alors dans un milieu (l'air) où la température est inférieure à la température de congélations, elles ralentissent... et forment  des cristaux de glace. 

Au fond, cela ressemble à ce que l'on observe quand on chauffe de l'eau dans une casserole : les plus rapides des molécules s'échappent de l'eau liquide, arrivent dans l'air, lequel est froid, de sorte que les molécules d'eau s'associent à nouveau, formant des gouttelettes d'eau. En réalité, la fumée au-dessus d'une casserole où l'on chauffe de l'eau est faite de goutte d'eau, et ce sont des gouttes que l'on voit, pas les molécules individuelles du gaz nommé vapeur.

Mais c'est là un autre phénomène que je ne veux pas discuter maintenant. La sublimation, c'est le mouvement des molécules d'eau, à partir de l'état solide (la glace), jusque dans l'état gazeux (l'air du sac), puis de nouveau à l'état  de  glace (celle du sac, à l'extérieur de la viande).

 

Passons maintenant au phénomène de l'hydrolyse 

 

L'hydrolyse, contrairement à la sublimation, ne concerne pas les associations de molécules, mais leurs réactions. Dans l'hydrolyse, les molécules en fin de transformation, sont différentes des molécules initiales. L'hydrolyse est une réaction (chimique). 

J'insiste un peu pour faire comprendre : si l'on part d'une molécule, quelle qu'elle soit, elle est faite d'atomes, liés par des "liaisons chimiques". 

Par exemple, si l'on casse une molécules (par exemple en chauffait très fort : pensons à la préparation du caramel), alors on obtient de nouvelles molécules, les atomes de la molécules initiales s'était liés de façons différentes. En l'occurrence, il s'agirait là d'une dissociation. Mais on peut aussi imaginer que des molécules de deux sortes différentes réagissent et s'associent : ce serait, par exemple, une condensation. Bref, il y a des réactions différentes, et les hydrolyses sont des fragmentations particulières, avec l'intervention de molécules d'eau, qui apportent des atomes d'hydrogène et d'oxygène. 

Insistons : hydro pour eau, lyse pour division. Et une molécule d'eau est faite d'un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. Toutes les molécules d'eau sont identiques : toutes ont un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. 

 

Mais arrivons, comme nous l'avons annoncé en début de billet, à la méthode : d'abord un exemple macroscopique, en l'occurrence, nous examinons la cuisson des nouilles dans de l'eau. 

Supposons que nous partions de nouilles dont toutes les molécules sont des molécules d'amylose. 

L'amylose est un des deux composés de ces petits grains blancs qui constituent la fécule ou l'amidon. Ces grains sont faits de couches concentriques de deux sortes de molécules, qui ont pour nom amylose et amylopectine. Autrement dit, un grain d'amidon est fait de molécules d'amylose et de molécules d'amylopectine. 

Pour mieux nous représenter les choses, pensons que les molécules d'amylose sont comme des "fils", et les molécules d'amylopectine comme des arbres (ramifiés). 

Concentrons-nous pour simplifier sur les molécules d'amylose. On peut les comparer à des fils, comme je viens de le faire, mais on pourrait aussi dire que ce sont des chaînes, linéaires, parce qu'elles sont  formées par la répétition d'un même motif : des atomes organisés en "anneaux", lesquels sont nommés "résidus de D-glucose". 

Ne nous focalisons pas sur la difficulté de ce nom, et prenons-la seulement pour désigner les anneaux. 

Si nous chauffons les nouilles dans l'eau, si nous "cuisons", alors il se passe un phénomène que nous ne voyons pas à l'oeil nu, mais qui est bien réel pourtant et que l'on peut mettre en évidence en utilisant un réactif nommé liqueur de Feheling :  la liqueur de Feheling est un liquide bleu qui a la propriété de devenir rouge quand il est en présence de molécules de D-glucose. 

Or, avant la cuisson, la liqueur de Fehling bleu reste bleu e quand on la met dans la casserole  avec les nouilles et l'eau. Mais après la cuisson, elle devient rouge... ce qui est le signe que les molécules d'amylose ont été dégradées, et ont libéré du D-glucose dans l'eau : des anneaux ont été détachés des chaînes, et cette réaction est une "hydrolyse", parce qu'il a fallu une réaction des chaînes d'amylose et des molécules d'eau. 

Dans la réaction, les molécules d'eau ont  apporté des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogène, qui se sont répartis entre le bout des chaines coupées et les résidus de D-glucose ; recevant des atomes, les résidus de D-glucose se sont transformés en molécules de D-glucose. 

Il y a de nombreuses hydrolyses en cuisine, avec des "polysaccharides", comme précédemment, mais aussi  quand des protéines sont chauffées : là aussi, dans certaines conditions, les molécules de protéines peuvent perdre de leurs anneaux : des "résidus d'acides aminés" se transforment en molécules d'acides aminés, qui viennent dans l'eau environnante. 


Un autre exemple celui de l'hydrolyse des triglycérides. 

Cette fois-ci,  nous partirons des matières grasses alimentaires,  qui ne sont pas faites d'acides gras comme on le dit trop souvent (ce qui est une grave erreur), mais de molécules de triglycérides. 

Ces molécules de triglycérides sont comme des pieuvres à trois tentacules souples. Le corps des pieuvres est-ce qu'on nomme un résidu de glycérol, et chacun des tentacules souples est ce que l'on nomme un résidu d'acides gras. 

Là encore, j'insiste qui pour dire qu'il n'y a pas de molécules de glycérol dans une molécule de triglycéride ;  il n'y a qu'un groupe d'atomes qui ressemble à celui du glycérol... mais il en manque point. De même pour les acides gras :  ils ne sont pas présents dans la molécule de triglycérides, mais il y a des groupes d'atomes qui ressemblent à ceux des molécules d'acides gras et il manque des atomes pour faire les molécules acides gras. 

Quand on s'y prend bien, on peut faire l'hydrolyse des triglycérides c'est-à-dire une réaction chimique où l'eau va intervenir (le préfixe hydro du mot hydrolyse), pour apporter des atomes qui vont s'ajouter aux atomes des résidus de glycérol, lequels partiront sous la forme de molécules de glycérol, et l'eau apporte aussi des atomes aux résidus d'acides gras pour former des molécules acides gras. L'hydrolyse d'une molécule de triglycéride forme une molécule de glycérol et trois molécules d'acide gras. 

Certes, je comprends qu'il faudrait des images pour encore mieux fixer les idées, mais déjà, si on lit tout ce qui précède lentement, en cherchant à bien comprendre chaque mot, on devrait y arriver !


samedi 8 février 2020

Au fond, il y a 3 grandes réactions en cuisine : la coagulation des protéines, l'hydrolyse des protéines, l'hydrolyse des pectines


Je me suis interrogé sur les transformation moléculaire qui ont lieu quand on cuisine et j'ai finalement conclu qu'il y en avait principalement trois... et plus.

Mais je propose d'observer,  tout d'abord, que je parle de transformation moléculaires et non pas de réactions chimiques. C'est juste, car une réaction entre des molécules, c'est une réaction entre des molécules, ou réaction intermoléculaire. Cette réaction ne devient "chimique"  stricto sensu  que lorsqu'elle est étudié par un scientifique spécialisé en chimie, un "chimiste". On a l'impression que je pinaille un peu, mais en réalité, puisque la pensée, ce sont les mots, n'avons-nous pas tout intérêt à avoir des mots juste pour penser juste ?
Cela nous permettra de mieux faire la part des choses, et, notamment, d'éviter de croire que la cuisine soit de la chimie. En effet, la cuisine est une technique de production des aliments, éventuellement associée à une composante artistique, alors que la chimie est une science de la nature, qui vise à comprendre le mécanisme des phénomènes. Rien à voir par conséquent.


Mais j'arrive maintenant à la question des transformations moléculaire en cuisine.



En réalité, quand on cuisine,  il y a des myriades de réactions, et notamment parce qu'il y a  des myriades de composés. Mais il y a des réactions "fréquentes", et d'autres qui le sont moins.  En effet, commençons par observer que la cuisine utilise des ingrédients pour construire des aliments. Ces ingrédients sont traditionnellement des tissus végétaux ou animaux, ce que l'on dirait plus couramment légumes, fruits, viandes, poissons, oeufs...
Commençons  par les ingrédients d'origine animale, faites principalement d'eau, de protéines, de lipides. L'eau ce n'est pas transformée quand on la chauffe ; du moins, sa molécule n'est pas modifiée, même quand l'eau s'évapore. En revanche, les protéines peuvent réagir : d'une part, certaines peuvent se lier chimiquement, comme quand un blanc d'oeuf coagule, ou qu'une viande, un poisson cuisent (on voit bien la perte de transparence, comme pour le blanc d'oeuf). Mais certaines protéines se dégradent :  par exemple quand on attendrit une viande. Dans le premier cas, on a la "coagulation des protéines", et dans le second, on a ce que nomme leur "hydrolyse".
Pour la coagulation des protéines,  c'est assez simple, car la réaction principale est la formation de liaisons nommées ponts disulfure entre certains maillons de ces chaînes que sont les protéines :  il s'agit en réalité d'une réaction d'oxydation. Pour la seconde, que l'on observe par exemple quand on cuit longuement du pied de veau et qu'on le récupère de la gélatine dans une espèce de soupe pleine d'acides aminés et de peptides, les chaînes que sont les protéines se déplient, puis se dégradent en morceaux plus ou moins long  : ce sont ces petits  morceaux que l'on nomme peptides, ou acides aminés quand ce sont les morceaux élémentaire des chaînes de protéines. 
Pour les produits végétaux maintenant, la constitution est différente, car  ces tissus sont fait principalement d'eau et de composés de la famille des saccharide, disons les sucres. Il y  a soit les polysaccharides, de longues chaînes  comme l'amidon ou la cellulose,  et de petits sucres comme le saccharose ou encore plus petits, le glucose ou le fructose, par exemple.
A la température de 100 degrés, qui est souvent atteinte en cuisine (en effet, même si l'on chauffe à plus de 100 degrés, la température à l'intérieur des ingrédients reste de 100 degrés  ou moins tant que l'ingrédient contient de l'eau), alors la principale réaction est une "hydrolyse", à nouveau la division de nos chaînes en petits morceaux. C'est ainsi que les carottes s'amollissent, par exemple. En effet, les carottes sont dures parce qu'elles sont faites de cellules qui sont entourées d'une paroi végétale, et cette paroi est faite de celluloses, des polysaccharides résistants. Les piliers de cellulose qui composent la paroi sont reliés par des sortes de cordes que sont les molécules de pectine. Or quand on cuit, les pectines sont dégradées par une réaction d'hydrolyse qui est plus particulièrement nommée "élimination bêta".

Là, on a fait le tour des principales réactions... et puisque nous avons fait le tour, j'ai la conviction que si l'on parle de chimie dans le cursus des cuisiniers, c'est d'abord de ces trois réactions qu'il faut parler,  car je ne cesse de répéter que c'est une bonne pratique que de considérer l'essentiel avant l'accessoire, le gros avant le détail. Quelqu'un qui plongerait d'abord dans l'insignifiant serait nommé en alsacien Diffalaschiesser, ou chieur de rondelles mais surtout, intellectuellement, il ou elle ferait une faute intellectuelle.
Cela dit, il faut quand même que la cuisine n'est  pas seulement une question de consistance, mais aussi de goût. Une viande qui brunit, c'est rien du point de vue des quantités, mais essentiel du point de vue du goût. Et c'est pour cette raison que j'ai  parlé du "diamant de la cuisine". Les brunissements, ce sont des tas de réactions bien plus complexes que les trois évoquées. Faut-il entrer dans ces détails, dans la formation des cuisiniers ?

dimanche 22 septembre 2019

Les réactions les plus importantes en cuisine ? Pourquoi pas la beta élimination des pectines et la coagulation des protéines

Les enfants sont souvent fautifs par manichéisme : "Tu préfères quoi : les fraises ou les framboises ?" ; à quoi je réponds "les cassis". Sans compter que les choix sont changeants, et souvent non transitifs : on peut parfaitement préférer les framboises aux fraises, les cassis aux framboises, mais les fraises aux cassis !
Mais récemment, ce sont des adultes qui m'ont posée une de ces questions pas toujours judicieuses : "Quelles sont les réactions les plus importantes en cuisine ?". Et là, mon petit "radar interne" m'alerte aussitôt, à entendre le mot "important". D'abord, c'est un adjectif, et, d'autre part, il y a ce sens du mot qui veut faire croire qu'il y a quelque chose d'essentiel... mais de quel point de vue ? Important : fréquent ? par ses conséquences ? par son histoire ? Dans mon laboratoire, nous avons l'interdiction d'utiliser les adjectifs, et nous devons répondre à  la question "combien ?".

Mais tout cela étant dit, cela n'est pas inutile de signaler que, puisque nous consommons principalement des tissus animaux ou végétaux, les modifications de ces tissus sont les plus fréquentes. Or, quand on cuit une viande, les protéines de l'intérieur des fibres musculaires coagulent, puis le tissu collagénique se dégrade. Et quand on cuit une carotte, elle s'amollit parce que les pectines sont "hydrolysées", dégradées, ce qui amollit le tissu végétal.  Cette hydrolyse particulière a pour nom "bêta élimination".
Bref, la coagulation des protéines et la dégradation des pectines seraient les réactions les plus "importantes, en cuisine.

Et là, c 'est assez pour aujourd'hui, car à haute dose, comme disait mon ami Jean Jacques, la chimie devient... empoisonnante (pour certains, seulement pour certains).