Je reçois un message que je ne comprends pas, mais je vais profiter de l'occasion pour essayer de donner des informations qui seront peut-être utiles à plus que l'internaute qui m'interroge.
Sa question est :
"L autre jour vous m'aviez parlé d un scientifique qui examiner ou qui réfute les metabolites auriez vous l'amabilité de me redonner son nom ."?
Je suis embarrassé pour répondre, parce que la phrase n'a pas de sens. Le début va bien ("l'autre jour vous m'avez parlé d'un scientifique"), mais c'est ensuite que ça se gâte.
Car un scientifique qui examinerait les métabolites ? Je ne vois pas à quoi cela fait référence, parce qu'il y a d'innombrables scientifiques qui étudient les métabolites.
Des métabolites ? Les dictionnaires en ligne ne me convainquant pas entièrement, je préfère dire : "composés des organismes vivants, qui participent aux réactions du métabolisme". Par exemple, les végétaux produisent des sucres et des acides aminés à partir de l'eau, des minéraux de la sève brute, du dioxyde de carbone de l'atmosphère et de l'énergie lumineuse : les sucres et les acides aminés sont donc des métabolites.
D'ailleurs, à ce stade, il faut distinguer les métabolites primaires et les métabolites secondaires
Les métabolites primaires ? Ce sont les composés des organismes (des cellules aux organismes plus évolués) qui interviennent directement dans la croissance, le développement et la reproduction.
Les métabolites secondaires, eux, n'interviennent pas directement impliqué dans les processus physiologiques fondamentaux (indispensables) des organismes, et ils sont parfois spécifiques d'un groupe d'organisme vivant : par exemple, les phénols (par exemple, les anthocyanes des fleurs), ou les terpénoïdes (tel le limonène des Citrus), ou encore les alcaloïdes (telle la caféine du café), etc.
A la lumière de ces explications, on comprends que tous les biochimistes s'intéressent aux métabolites... mais je ne comprends pas comment il serait possible qu'ils "réfutent" des métabolites. Réfuter signifie "Repousser ce qui est affirmé par une démonstration argumentée qui en établit la fausseté." Or les métabolites ne sont ni vrais ni faux : ils sont des métabolites, non ?
Bref, je ne comprends pas. Et, ne comprenant pas, je ne peux pas répondre.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 25 mars 2023
Que voulez-vous dire ?
mardi 7 mars 2023
Ne disons pas des choses que nous ne comprenons pas !
Je reçois parfois des messages bien obscurs, et je propose de nous assurer toujours de ce que nous disons, sous peine de dire... des choses que nos interlocuteurs ne comprennent pas.
Par exemple, ce matin, à propos de carottes : "C'est que l'agriculture avance. Les terpènes, et les metabolites sont bien dans l'agriculture régénératrice."
Oui, l'agriculture évolue, et oui, l'agronomie établit - pas toujours- l'intérêt de certaines pratiques. Cela étant, quel rapport avec les "terpènes" et les "métabolites" ? Observons que, tout d'abord, les métabolites (des végétaux, ici) sont les composés produits par les plantes leur de leur métabolisme.
Il y a des métabolites primaires ou secondaires.
Pour les métabolites primaires, ce sont des composés présents dans toutes les cellules d'une espèce végétale ou fongique, qui sont indispensables à la croissance, au développement et à la reproduction de l'espèce. Ce sont par exemple les sucres, ou les acides aminés.
Pour les métabolites secondaires, ce sont des composés, dont les molécules sont le plus souvent de petite taille, ne participant pas directement aux processus vitaux, produites par les organismes vivants de façon parfois très spécifique et contribuant à leur adaptation à l'environnement (par exemple moyens de défense, de communication intra- ou interspécifique).
Les terpènes ? Ce sont des composés très abondants dans les végétaux : on en connaît plus de 30 000. Et, pour beaucoup, ils contribuent à l'odeur des fleurs et des fruits, par exemple. Ainsi le limonène (+) est dans l'odeur des agrumes ; l'eugénol dans le clou de girofle, etc.
Mais pourquoi évoquer spécifiquement les terpènes ?
Quant aux métabolites, ils sont présents dans tous les végétaux... évidemment !
Mais mon interlocuteur voulait sans doute me dire que l'agriculture régénératrice aurait produit des végétaux avec plus de terpènes ou de métabolites ? C'est loin d'être établi ! Et mon confrère Léon Guéguen, qui a exploré cette question, n'a pas vu d'effet dans les décennies récentes.
Continuons de lire mon interlocuteur avec :
"Pensez vous que si le bicarbonate écarté les pesticides il pourrait de même écarté d autre molécules. Cela voudrait dire que le bouillon ou même la carrotte aurez des transformation différentes qu avec juste de l'eau salé. "
Là, il faut que je réécrive en interprétant :
"Pensez-vous que, si le bicarbonate écartait les pesticides, il pourrait de même écarter d'autres molécules ? Cela voudrait dire que le bouillon, ou la carotte, auraient des transformations différentes d'une cuisson des carottes dans de l'eau salée."
Et ma réponse est la suivante :
Tout d'abord, je ne comprends pas le mot "écarter", et je crois que cela n'a aucun sens de dire que le bicarbonate "écarterait" les pesticides lors de la cuisson de carottes dans l'eau.
D'ailleurs, quels pesticides ? Souvenons nous que 99 % des pesticides sont d'origine naturelle, naturellement produits par les plantes pour se protéger des prédateurs.
Quant aux pesticides utilisés par les agriculteurs, cessons un moment de les invoquer... surtout quand on n'y connait rien. Ils sont sur la surface des végétaux, mais mon interlocuteur lave-t-il ses carottes ?
Là, je sors d'une très rapide recherche bibliographique, et, à côté d'articles publiés dans des revues prédatrices (donc dont les articles doivent être rejetés a priori, je trouve :
Journal of Food Research; Vol. 1, No. 3; 2012
Processing Factors of Several Pesticides and Degradation Products in
Carrots by Household and Industrial Processing
Aurore Bonnechère, Vincent Hanot, Ruben Jolie, Marc Hendrickx, Claude Bragard, Thomas Bedoret, Joris Van Loco
Et je traduis le résumé de l'article (en anglais) :
Pour mesurer les quantités de résidus de pesticides sur des racines de carottes, des carottes ont reçu des pulvérisation, pendant la culture, de trois fongicides (boscalid, difenoconazole et tebuconazole), deux insecticides (chlorpyrifos et dimethoate) and un herbicide (linuron). Les formulations les plus concentrées ont été appliquées selon le guide des Bonnes Pratiques en Agriculture, afin d'obtenir des niveaux élevés de résidus. Puis les conditions de traitement ont été celles de l'industrie. Les effets des traitements de préparation des carottes ont été déterminés pour six pesticides et huit produits de dégradation. Le lavage diminuait la concentration en résidus de pesticides (pour tous les pesticides) d'environ 90 . C'était l'opération la plus efficace, suivie de près par l'épluchage. Le blanchiment augmentait de 50 % l'élimination des résidus.Après découpe et lavage, les concentrations étaient inférieures à 5 ppb. En revanche, la concentration en résidus n'était pas diminuée par des cuissons par micro-ondes. Inversement, les résidus (sauf le difenoconazole) étaient réduits par la stérilisation. L'enchaînement des procédés réduisait de plus de 90 % les traces de pesticides. Les produits de dégradation n'ont pas été en quantités suffisantes pour être dosés.
Et c'est un exemple parmi des milliers : j'invite mon interlocuteur à aller faire le travail de lire ces documents.
Je lis encore :
"J'ai lu pas mal de choses sur les metabolites primaires et secondaires."
Bien... et alors ?
Puis "Ça devient du sequencage d'adn". Et là, je ne comprends vraiment rien : qu'est-ce qui devient du séquençage d'ADN ? D'où sort cette affaire d'ADN, alors que nous parlons de l'effet du bicarbonate sur des carottes ?
Décidément, le message que je reçois est bien confus.
Puis :
"J ai lu cette article qui pourrait vous faire réfléchir. J ai vu aussi en ce moment on parle beaucoup de territoires avec l'agriculture. Chaque territoires ça culture grâce aux données que l on connaît."
Décidément, je dois être bouché, parce que je ne comprends pas ce que l'on me dit... d'autant que ce qui m'est envoyé n'est pas un article, mais une page internet d'Aprifel, l'organe de promotion des fruits et légumes... qui ne mentionne pas de bicarbonate.
Enfin, mon interlocuteur m'interroge :
"Petite question pourquoi la carotte au salon de l'agriculture.
Car lorsque l on connaît les progrès on peut encore ce poser plein de question et il nous manque mille milliard de réponse.."
Pourquoi la carotte au Salon de l'agriculture ? Disons que j'ai tenu un séminaire, le matin du 1er mars, sur la précision culinaire qui avait été décidée par les participants au séminaire précédent, comme c'est la règle. Puis fait une intervention sur la cuisine de synthèse le même jour à 14 h.