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vendredi 3 octobre 2025

Des ganaches sans additifs ?

La correspondant m'interroge : comment faire des ganaches sans additif ? Et la question appelle tout d'abord des questions préalables : qu'est-ce qu'une ganache ? qu'est-ce qu'un additif et pourquoi vouloir le supprimer s'il est utile ? 


1. La crème ganache

Pour bien savoir ce dont on parle, il faut 

- consulter les billets terminologiques : https://nouvellesgastronomiques.com/tags/terminologie/, et plus spécifiquement, pour les ganaches : https://nouvellesgastronomiques.com/mais-au-fait-dou-vient-la-ganache/ 

- consulter des recettes par de bons auteurs, tels Emile  Darenne et Emile  Duval, 1909 : 

"Crème Ganache. — Mettre trois tablettes (125 gr.) de chocolat à fondre à l’étuve ou au four, les placer dans une terrine et y ajouter 30 gr. de beurre fin, puis un huitième de litre de crème fleurette ; laisser un peu refroidir avant l’emploi (à défaut de crème, employer du lait bouilli)."

Cela étant, on fera mieux si l'on se souvient de la mayonnaise, où l'on ajoute de  l'huile à une préparation qui contient de l'eau (l'inverse "rate"). Ici, on ajoute du chocolat fondu dans de la crème tiédie, pour avoir une émulsion. Et pour que tout se passe bien, il faut que la crème ajoutée soit plus chaude que le chocolat fondu. A noter que certains professionnels font bouillir de la crème, ajoutent le chocolat fondu au milieu et tournent avec la maryse à la limite des deux masses. Cela revient à l'émulsion que je décrivais... si les températures sont bien contrôlées.

 

2. Les additifs

Là, c'est un terrain que je sais miné, parce que les opposants à l'industrie alimentaire (pourquoi ne pas se limiter à ne pas acheter les produits de cette industrie si on veut les éviter ?) dénoncent sans relâche les additifs. 

Cela dit, il y a de tout, dans cette liste de produits largement testés du point de vue toxicologique : des conservateurs, des émulsifiants, des gélifiants... Et il y a sans doute lieu de conserver le meilleur, pour nos usages culinaires.
Par exemple, la "pectine" reçoit le numéro E440, la "lécithine" prend le numéro de code E322.

 

3. Utiliser ou non des additifs ? 

Mais, au fait, pourquoi en utiliser dans des ganaches ? Observons qu'il y en a le plus souvent dans le chocolat, parce que cela apporte du fondant, du croquant, par exemple (Valrhona dixit). En tout cas, cela permet de réduire l'énergie considérable qu'il faut dépenser pour le conchage, l'opération de division et de dispersion des grains de sucre en poudre dans la masse de chocolat fondu.

Mais je pressens que la question qui m'était posée visait plutôt la conservation, parce que l'on se souvient que la ganache, avec de la matière grasse dispersée dans l'eau, a tout ce qu'il faut -hélas- pour favoriser des proliférations microbiennes : de l'eau, des nutriments. Pour peu que la température soit suffisamment douce, les micro-organismes prolifèrent, et cela est d'autant plus gênant que la ganache n'est guère acide, et n'a pas, contrairement à des yaourts, ces "protection" (relative) de l'acidité.

Au fond, d'un strict point de vue technique, la question que je me poserais plutôt est : puisque les industriels utilisent des additifs dans leurs produits, pourquoi n'en utiliserions-nous pas en cuisine ?

Il y a lieu de savoir ce que l'on fait. Par exemple, savoir qu'il y a lécithine et lécithine : certaines viennent du soja, d'autres du colza, etc. Or le soja contient des phytohormones qui peuvent être déconseillées. Autrement dit, si l'on utilise une lécithine de soja et qu'on est prédisposé au cancer du sein, il faut être attentif non pas à la lécithine de soja en tant que lécithine, mais aux "impuretés" qui accompagneraient la lécithine.
D'ailleurs, de ce point de vue, le fait que la lécithine soit "bio" ou non ne fait aucune différence.
 
 

samedi 30 mai 2020

N'empoisonnons pas nos amis !


Cela fait deux fois en deux jours que l'on m'interroge sur des questions de microbiologie, de conservation, et même plus précisément, de traitement du saumon. On me parle de fumage, on me parle de gravlax, et l'on me demande de l'aide pour que du saumon se conserve plus longtemps. Mais on doit prendre garde à bien fournir à nos amis des aliments qui ne les empoisonneront pas, n'est-ce pas ?


Commençons par rappeler que le fumage du saumon est une méthode ancienne de conservation du poisson, non seulement parce que l'on fait croûter un peu la surface, ce qui ne laisse pas d'eau disponible pour les bactéries pathogène de l'environnement, qui ne peuvent donc pas se développer, mais aussi parce que le fumage dépose à la surface exposée des composés qui sont des bactéricides puissants.
Le fumage classique n'est pas un procédé si sain que cela : certains des composés déposés par la fumés sont cancérogènes, et cela s'observe hélas sur les populations du nord de l'Europe, qui meurent plus que les autres de cancers du système digestif, en raison de leur consommation excessive de produits fumés.
Pour la confection de gravlax, la technique est différente, puisque c'est l'usage du sel et du sucre qui, provoquant le croûtage, évite la prolifération bactérienne : ces deux composés tirent l'eau de chair par osmose, formant une croûte superficielle, tandis que l'eau qui sort forme une flaque où sel et sucre sont dissous. D'ailleurs, on observera que certains fumages sont précédés d'un tel traitement, d'une part, et l'on dira, d'autre part, que le sucre tire l'eau plus efficacement que le sel... au point que ce même sucre est utilisé dans les hôpitaux de campagne, pour éviter le développement bactérien sur les plaies.

Du point de vue de la conservation, laquelle n'a pas grand chose à voir avec le goût ni avec la sécurité chimique des aliments, tout va  bien si l'on n'hésite pas à couvrir le poisson de sel et de sucre pendant un temps suffisant, de sorte qu'il y ait un bn croûtage, et si l'on fume un peu rudement de sorte que les composés susceptibles de tuer les micro-organismes soient abondants. Mais alors, le goût n'est pas bien délicat, et le produit est chargé de composés cancérogènes. C'est la raison pour laquelle mes interlocuteurs me demandaient de les aider à réduire  le fumage, d'une part, et réduire le croûtage, d'autre part.

Oui, mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre : en l'occurrence, on ne peut pas appliquer un procédé de conservation sans l'appliquer. Si l'on réduit fumage et croûtage, le poisson n'est plus protégé, et, sauf à utiliser une autre méthode de conservation, il se colonise de  micro-organismes potentiellement pathogènes.

D'ailleurs, cette question d'augmenter la durée de vie des produits alimentaires est une question non plus des cuisiniers mais des industries alimentaires, qui, précisément, doivent pouvoir fournir des aliments avec des dates de conservation aussi longues que possibles, pour que les produits puissent rester sur les rayonnages des boutiques.
Or ces question d'augmentation des durées de conservation sont difficiles. On peut conserver au sel (saumurage), au sucre (confitures), dans la graisses (confits), dans l'alcool, dans le vinaigre, au froid, on peut sécher, on peut effectuer des lacto-fermentations (yaours, choucroute...), on peut stériliser : il y a bien des façons, mais on doit toujours bien maîtriser ces techniques sous peine de tuer les convives. Et l'on aura raison de rappeler que, en 2015, une sauce au fromage artisanale a envoyé des clients au cimetière et à l'hôpital ; récemment un artisan inconséquent, criminel en quelque sorte, a intoxiqué ses clients avec des tapenades mal stérilisées... , tandis qu'il finissait en prison avec une amende, ce qui est la moindre des choses quand même car on a pas le droit de tuer autrui n'est-ce pas ? 

Ne jouons pas aux apprentis sorciers. La conservation est une question de vie ou de mort, et cela ne s'improvise pas, comme le croyait très naïvement les deux interlocuteurs qui m'ont récemment consulté, confondant d'ailleurs microbiologie et  chimie... ce qui doit alerter nos amis sur leur incompétence ! J'espère que le discours rigoureux que je leur ai tenu les aura dissuadés de se lancer dans les productions hasardeuses qu'ils projetaient !