Je suis toujours désolé quand mes idoles s'effritent ce matin. Or, ce matin, il y a eu ce phénomène alors que je relisais le troisième tome du livre intitulé L'Art de la cuisine française au 19e siècle par Marie-Antoine Carême.
J'explorais le chapitre des sources et notamment des petites sauces froides, celui où l'on trouve la sauce "magnonnaise" avec une abondance de précisions culinaires. C'est dans ce texte en particulier qu'il y a cette phrase : "c'est du frottement répété de la cuiller en bois contre le bord de la terrine que dépendent de la blancheur et la fermeté de la sauce". Carême écrivait magonnaise et non pas mayonnaise et l'on sait que la sauce venait d'apparaître dans la cuisine française, comme une classique rémoulade... mais sans moutarde. Il l'a trouvée si bien qu'il l'utilisait très largement dans ses banquets.
En relisant le texte de Carême, j'ai trouvé d'abord la sauce magnonnaise, mais ensuite une mayonnaise d'une autre façon , pour laquelle on part de velouté, c'est-à-dire une sauce elle-même faite d'un roux et d'un mouillement, où il ajoute de l'huile d'Aix, du vinaigre et du jus de citron tout en battant. On a certainement une émulsion, de cette façon, mais d'un type bien différent de la mayonnaise originelle faite de jaune d'œuf, de vinaigre et d'huile.
Certes, il ne s'empêchait pas d'ajouter de la sauce au suprême (ou du velouté ou de l'allemande) à de la magnonnaise, ou à de la hollandaise, par exemple, pour leur donner plus de succulence, mais il détourne en quelque sorte l'appellation de mayonnaise, tout comme il le fait un peu plus loin à propos de ravigote et de rémoulade.
Je m'aperçois donc à ce propos que, malgré une grande autorité, une certaine prétention, Carême n'est pas la référence terminologique que j'aurais voulue et que lui-même n'a pas suffisamment exploré les textes du passé, même s'il cite Menon comme étant une référence fiable (ce qu'elle n'est pas entièrement).
En réalité, il n'a pas fait tout ce travail nécessaire de recherche historique et de comparaison des textes pour identifier des termes communs, pour obtenir des références culturelles solides.
Finalement Carême n'est donc pas plus fiable que le Guide culinaire qui viendra après lui, et que trop de personnes acceptent comme parole d'Evangile, et il faut donc ne pas s'arrêter à ce qu'il a écrit.
D'ailleurs, alors que je lis que je relis simultanément l'Eloge de la
cuisine française d'Édouard Nignon, je vois également des usages
terminologiques très contestables. Je vois même qui renomme à sa façon des préparations classiques. De quel droit ?
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