La preuve, nous dit cet excellent Trésor de la langue française informatisé (TLFi, gratuit, en ligne), c'est "ce qui est susceptible d'établir la vérité, la réalité de quelque chose".
Et l'on voit immédiatement la difficulté. La question de la vérité étant très difficile (et celle de la Vérité serait pire), on pourrait vouloir se poser d'abord la question de la réalité, de l'existence. Mais même là, les choses sont bien difficiles : l’illusionnisme nous montre bien combien nos sens les plus fondamentaux peuvent nous tromper. Certes, je sens le mur quand je fonce dedans, mais, en colère ou dans des états de conscience modifiée, je ne sens plus la douleur. Or quand sais-je que ma conscience n'est pas modifiée ?
Au fond, les prestidigitateurs rendent aux scientifiques un service immense, parce qu'ils font bien comprendre que, parfois, nous sommes abusés par nos sens : nous voyons des phénomènes qui n'existent pas, des pièces de monnaie qui disparaissent, ou, au contraire, des colombes qui sortent de chapeaux. Tout cela doit nous rendre extrêmement prudents quand nous discutons de "preuves" ou de "démonstrations".
En matière criminelle, on nous parle des preuves, mais les a-t-on jamais vraiment ? S'agit-il de preuves absolues, ou bien simplement d'indications ? J'observe en passant que l'expression "preuve absolue" me semble bien périssologique. De manière juridique aussi quand on demande des preuves de la possession d'un bien d'une identité, la question des preuves se pose, et l'on n'a souvent que des indications plus ou moins probables. Et même les méthodes les plus modernes, à savoir les tests ADN, peuvent se tromper.
Toute la question repose sur le fait que nos sens sont faillibles, que nos instruments de mesure sont imprécis : tout cela anéantit la possibilité de preuve ailleurs qu'en mathématiques.
Reste à savoir maintenant si l'on peut faire une "démonstration", en sciences de la nature. Là, il faut considérer que le mot "démonstration" désigne d'abord l'action de montrer, avant d'avoir le sens (approché) de preuve mathématique. D'ailleurs, cette observation, assortie de l'idée qu'il ne doit pas exister de synonymes, laisse penser que la démonstration mathématique n'est pas la preuve.
Plus généralement, nous arrivons à cette question terminologique : soit on définit la preuve comme une justification irréfutable, parfaite absolument rigoureuse ; soit on considère qu'il s'agit simplement d'arguments. Dans la première acception, la preuve n'est qu'en mathématiques, et pas en sciences de la nature. Mais dans la seconde acception, on doit évidemment admettre qu'il y a des preuves.
Bref, on aurait donc bien un intérêt à se situer soi-même dans un discours qui utilise le mot "preuve" ou à demander à nos interlocuteurs de se situer de même, sans quoi nous risquons l'incompréhension mutuelle.
Quant à la "vérité"... Je la laisse à ceux qui pourront me la définir correctement !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire? N'hésitez pas!
Et si vous souhaitez une réponse, n'oubliez pas d'indiquer votre adresse de courriel !