lundi 26 août 2019

Un symptôme conduira à une nouvelle révision


Je détecte une petite contradiction dans l'organisation de nos études supérieures,  à savoir que si le professeur a pour mission de susciter beaucoup d'enthousiasme, il ne doit pas apparaître simultanément comme un Père Fouettard, qui sanctionnera les études nées de l'enthousiasme qu'il aura (peut-être) communiqué.
Pis encore, le "prof sympa" est vécu comme un hypocrite,  qui sourit par devant et fait des mauvais coups par derrière, de sorte que sa crédibilité initiale est sapée, ce qui le met dans une position déplorable.
J'ajoute, enfin, que tout cela n'a lieu que parce que nous sommes dans une mauvaise dynamique générale : si les collègues plus jeunes travaillaient suffisamment, je ne doute pas que l'évaluation (imposée par l'institution pour la diplomation) serait une formalité, et non une sorte de punition. Mais on ne peut imaginer que tous les jeunes collègues soient "suffisants", de sorte que nous avons des groupes où les insuffisants font régner un état d'esprit qui conduit à la contradiction initialement énoncée (je n'oublie pas, en écrivant ces mots, qu'une bonne partie de moi-même est insuffisante).

Mais je vois qu'il faut que je m'explique un peu, pour ceux qui n'ont pas lu les dizaines de billets que je publie ces temps-ci, à raison de un par jour, à propos des études supérieures.
Au coeur du dispositif,  je vois donc des étudiants, des "collègues",  qui veulent étudier. Ils peuvent le faire à leur guise, mais ils peuvent aussi le faire dans le cadre d'une institution de formation, qui cadre les études, en termes de contenu et de modalités, et qui fonde les études dispensées sur des professeurs, qui se coordonnent pour proposer des contenus harmonisés. En fin d'études, il y a des "sanctions" de ces dernières, par des diplômes, qui attestent de "niveaux", à savoir des groupes de connaissances, de compétences, mais aussi de savoir vivre, de savoir être...

Aujourd'hui, la question est celle du professeur, dont je crois avoir bien analysé qu'il (ou elle) doit contextualiser les études, les cadrer, définir un référentiel (un contrat d'études, en quelque sorte), expliquer les travaux à faire pour obtenir des connaissances et des compétences... Pour faciliter le travail des jeunes collègues, les professeurs peuvent assortir leur "carte des études" d'explications et de rendez-vous d'étapes régulier.s
D'autre part, si l'on veut que les collègues  plus jeunes soient responsables, il ne faut pas leur imposer une obligation de moyens, mais seulement une obligation de résultats, c'est-à-dire leur avoir contractuellement bien expliqué ce qu'ils devaient faire, et s'assurer qu'ils l'ont fait, ce qui donnera lieu à la délivrance d'un diplôme.

Pour que nos collègues se lancent avec enthousiasme dans leurs études, il est sans doute bon que les professeurs leur montrent donc initialement les beautés des sujets qui seront découverts, l'intérêt de partir à la découverte de ces sujets... Il faut donc susciter beaucoup d'enthousiasme, d'envie, donner beaucoup d'encouragements... mais nos jeunes amis ne sont pas fous, et ils savent qu'il y a l'évaluation, en fin de parcours, faite par la même personne qui les encourage. Pour caricaturer, c'est aujourd'hui la même personne qui offre un visage souriant en début de parcours, mais se présente en censeur en fin d'études. Et nos amis voient bien le Père Fouettard (en Alsace, on le nomme Hans Trapp) derrière le Père Noël débonnaire du début. Il y a une contradiction, et cette contradiction est institutionnelle.

Puisque la séquence d'enthousiasme initiale s'impose (tous nos jeunes collègues ne sont pas parfaitement autonomes, n'ayant pas terminé leurs études), et puisque l'évaluation s'impose pour la diplomation, comment alors organiser les évaluations si elles ne sont plus faites par les professeurs ?
La réponse est simple et elle dépasse même par son intérêt la question initiale. Si l'on ne veut pas que ce soit la même personne qui soit le Père Noël et le Père Fouettard, alors il n'y a qu'à confier à l'institution de formation le soin de l'évaluation et la responsabilité de cette dernière. Car au fond c'est bien elle qui attribue le diplôme, et non pas un professeur en particulier sur qui reposerait  la responsabilité de l'institution, où il ne serait pas légitime.
D'autre part, le fait de rendre cette évaluation anonyme (ce serait l'institution et non la personne) permettrait de la rendre plus juste, comme l'on fait pour les rapports des publications scientifiques. Si les évaluations étaient doublement anonymes,  avec des copies anonymes et des correcteurs anonymes, alors bien des conflits disparaîtraient.
Cela répondrait à une demande de nos jeunes collègues, qui revendiquent de la transparence : transparence dans le contrat, transparence dans l'évaluation.

Et l'on voit et ainsi de façon un peu amusante que l'exploration d'un symptôme particulier conduit à mettre le doigt sur une difficulté essentielle de l'organisation actuelle. J'aime beaucoup ce type de mécanismes et je propose de le généraliser à l'ensemble des remarques faites récemment par nos collègues  : il s'agirait maintenant de reprendre l'ensemble de leurs déclarations pour les interpréter non pas comme je l'ai fait, mais en termes de symptômes qui conduiront -j'espère- à de nouvelles propositions de modifications.

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