Cela ne cesse de me tomber sur le nez : j'accueille de jeunes amis qui veulent faire de la "recherche", je réponds à d'innombrables emails de jeunes qui veulent faire de la "recherche"... mais les discussions approfondies que j'ai avec eux démontrent à l'envi que ce mot est galvaudé, pourri, connoté, fantasmé...
De la recherche ? Un coordonnier qui se préoccupe de bien enfoncer les clous dans les talonnettes, et qui change de marteau, de clous, de matériau de clous, de façon de taper sur le clous fait de la "recherche" : ce "technicien" (du grec techne, qui signifie "faire") a une "recherche technologique", que j'ai dite "locale", qui lui permet de faire mieux, voire bien.
D'autre part, imaginons un "ingénieur" de l'industrie alimentaire qui soit en charge de la confection de pizza, et qui veut "innover" en faisant des pizzas au basilic. A moins d'être vraiment naïf, on comprendra que l'on ne va pas déposer les feuilles de basilic une à une sur les pizzas où l'on aura déposé de la sauce tomate (à l'aide d'une buse doseuse). Que fera-t-on pour parvenir au but fixé ? Une certaine industrie jargonnante nomme ce type de travail de la "recherche et développement" : s'il est vrai qu'il faut chercher à obtenir l'objectif, il faudra ensuite non pas "développer" (un anglicismes qui permet à certains de parler sans comprendre ce qu'ils disent), mais de "mettre au point". Mais, oui, il y a là de la "recherche".
Cette recherche industrielle, technologique au sens véritable, est parfois bien plus élaborée : par exemple, quand on encapsule des composés odorants dans des nanocapsules, on a intérêt à être très bien formé à la chimie, à la physique, à la biologie, aux mathématiques, et ce n'est pas un savoir universitaire du siècle passé qui permettra de telles innovations.
Et j'en arrive maintenant à la "recherche scientifique", qui est donc l'activité des scientifique. Ce travail ne se distingue du travail précédent que par son objectif : alors que l'ingénieur veut obtenir un "objet" technique, le ou la scientifique cherche à produire une connaissance nouvelle, et pas une connaissance réductible à l'application de théories établies... puisque la science est précisément dans la critique des théories précédentes, en vue de les remplacer par des théories améliorées... voire complètement différentes. Et l'on doit ajouter qu'une théorie n'est pas un vague discours poétique tel qu'on le trouve dans une revue de vulgarisation ou une émission dite "scientifique" à la télévision : c'est du calcul, encore du calcul, toujours du calcul, des équations, encore des équations, toujours des équations... Es bien fini le temps où l'on collectionnait des papillons : la biologie est devenue moléculaire, et même la recherche de filiations entre groupes de papillons est moléculaire, donc réductible à des équations.
D'ailleurs, en science, on distinguera utilement le travail technique de production de données, et le travail théorique, de production de concepts. Non pas que l'un soit mieux que l'autre, mais surtout que la science n'est pas réductible à la technique.
Tout cela étant dit, je crois que mes jeunes amis comprennent que ce qu'il cherche à faire n'est manifestement pas l'activité scientifique (quand elle est ainsi honnêtement décrite) : ils trouveront leur voie utile à la collectivité nationale dans l'industrie... mais c'est là une autre affaire.
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