On n'a pas le temps de faire un dessert ? Alors il y a l’œuf avec son
jaune, d'un côté, et son blanc de l'autre. Des fruits dans un joli bol,
un sabayon avec le jaune, un financier avec le blanc… et voilà qui est
fait.
Le fruit, cela peut être des fraises
en saison, ou bien des pommes cuites au beurre (avec du gingembre, du
poivre, le jus d'un citron, du sucre…). Pour le sabayon, nous verrons
cela une autre fois, et il suffit de dire ici que nous utiliserons les
jaunes d'oeufs. Il reste donc les blancs, dont on peut faire bien sûr
des macarons, si à la mode aujourd'hui. Mais les macarons sont longs à
préparer, alors que les financiers se font en un petit quart d'heure.
Pour
les financiers, c'est la simplicité et la rapidité même : dans une
jatte, on met du beurre fondu, du sucre, de la poudre d'amandes, un peu
de farine, une pincée de sel et du blanc d’œuf. On cuit pendant environ
dix minutes à four assez chaud, c'est-à-dire environ 200 degrés. C'est
tout, c'est fait, c'est délicieux. Pourquoi s'en priver ?
Évidemment,
il y a lieu d'en faire une rapide théorie, afin de produire des
variations à volonté. La théorie est simple : quand on cuit la masse
décrite précédemment, les protéines du blanc d’œuf coagulent, formant
une structure qui se tient, où sont dispersés les autres ingrédients. En
surface, on a formé une mince croûte qui s'oppose au tendre de
l'intérieur : comme il y a de l'eau dans la préparation, celle-ci s'est
évaporée partiellement, ce qui a légèrement alvéolé les financiers.
Pour la modélisation, il y a donc lieu de considérer les différents ingrédients.
Un
peu plus de farine fera un financier qui tendra plus vers le quatre
quarts, le gâteau. Si le beurre n'est pas du beurre fondu, mais du
beurre noisette, alors le goût sera augmenté, évidemment. Et je dois
avouer que pour mes financiers personnels, j'utilise du beurre noisette,
ce qui n'est pas difficile à faire, puisqu'il suffit de chauffer du
beurre jusqu'à ce qu'il prenne une légère couleur marron. Le sucre ?
Rien à en dire, sauf que sa proportion change le goût des financiers,
mais aussi leurs consistance, et le croustillant externe.
L’œuf
mérite un commentaire spécial. Certaines recettes proposent d'utiliser
directement les œufs, sans les battre. D'autres recettes proposent de
mettre la moité des blancs d’œuf directement et l'autre moitié battus en
neige. Évidemment un esprit versé dans l'expérimentation voudra tester
des blancs tous battus en neige… et il s’apercevra alors qu'il obtient
des préparations qui gonflent beaucoup, un peu comme des soufflés, de
sorte que les gâteaux débordent des moules et qu'ils n'ont peut-être pas
cette densité appropriée des financiers. A ce jour, pour ce qui me
concerne, je me suis résolu à ne pas abuser des blancs battus en neige
(pas plus d'un tiers des blancs).
La question des merveilleuses préparations fautivement nommées "arômes"
Qu’ajouter ?
On pourrait allonger ce billet en décrivant la composition de la poudre
d'amandes, faite de lipides, de fibres, de sucres… mais cela
n'éclairerait pas davantage nos amis, et je propose plutôt de
considérer que la poudre d'amandes est une sorte de charge inerte, un
peu comme des cailloux dans un béton.
C'est surtout son goût, qui
est extraordinaire… et le fait que les amandes aient un goût…
d'amandes m'a immédiatement incité à tester l'ajout d'une composition
aromatique amandes. Je vous laisse juge du résultat (il est très bien,
selon moi !), et j'ajoute seulement que ces compositions aromatiques
amandes sont principalement faites d'un composé nommé benzaldéhyde, dont
je me souviens avoir fait la synthèse chimique alors que j'étais
adolescent, preuve qu'elle est évidemment facile à faire. Oui, une
synthèse chimique permet de fabriquer, de synthétiser, ce composé qui
est présent dans l'odeur d'amandes naturelle, qui en est la
caractéristique principale. Le benzaldéhyde est un composé à l'odeur
d'amande, ce qui explique que les parfumeurs et aromaticiens vendent des
préparations de benzaldéhyde pour donner le goût d'amandes. On pourra
mêler ce composé à d'autres, mais peu importe.
Est-ce mal ? Le
produit, en lui-même, n'est pas critiquable, puisqu'il donne
d'excellents résultats. Ce qui est en jeu, une fois de plus, c'est la
loyauté du commerce. Il est vrai que le benzaldéhyde est le composé
essentiel de l'odeur d'amandes, et des professionnels verront mal la
différence entre une solution de benzaldéhyde et une odeur d'amandes.
Pour autant, le benzaldéhyde n'est pas de l'amande, tout comme la
vanilline n'est pas le seul composé odorant de la vanille. Se pose donc
la question d’étiqueter les préparations à base de benzaldéhyde, et qui
sont vendues pour donner l'odeur d'amandes.
Comment les nommer ?
Préparations
aromatisantes à l'amande ? Ce serait déloyal, car sans amandes, elles
ne méritent pas le « à l'amande ». Arôme amande ? C'est quand même
trompeur, d'autant que les amandes ne sont pas des aromates, et qu'elles
n'ont donc pas d'"arôme", mais seulement une odeur. D'ailleurs, j'ai
expliqué souvent que je crois que le gauchissement du mot « arôme » est
une cause de l'opposition des « consommateurs » aux préparations
odoriférantes, parfois merveilleuses par ailleurs.
La question est
générale et lancinante : si l'on utilise le mot « amande » (ou vanille,
ou fraise…) dans la dénomination d'un produit, il y a un risque de
confusion, une ambiguïté. Mais comment, alors, dire simplement que
l'odeur ressemble à celle de l'amande ? Bien sur, la question est
discutée depuis longtemps, notamment par mes amis des syndicats
professionnels, mais je vois mal la solution loyale, sauf à dire
« composition odoriférante de type amande ». Faut-il utiliser cette
solution ? En tout cas, je suis bien certain qu'il y a lieu de faire
évoluer la réglementation pour plus de loyauté.
Vient de paraître aux Editions
de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la
jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de
réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire? N'hésitez pas!
Et si vous souhaitez une réponse, n'oubliez pas d'indiquer votre adresse de courriel !