mardi 29 juillet 2014

Taxation et obésité

Cela nous vient de collègues de l'INRA  :


La taxe des boissons sucrées n’a pas réduit l’obésité    

Dans le but de réduire la prévalence de l’obésité, les pouvoirs publics ont appliqué en 2012 une taxe de 7,16 centimes d’euros à tous les produits du secteur des boissons sucrées, quelle que soit l’origine de la matière sucrante : sucre ou édulcorant, à l’exception des sirops et des purs jus de fruit. Cette taxe est communément appelée taxe « soda ».
L’impact global de cette taxe sur la consommation de sucre restera assez faible en raison des substitutions entre les boissons sucrées et les jus de fruit dont la teneur en sucre est équivalente à la moyenne en sucres ajoutés des boissons visées par la taxe. La taxation aurait été plus efficace en termes de changement de comportement alimentaire si elle n’avait ciblé que les produits sucrés et pas les boissons allégées car les consommateurs se seraient reportés sur les produits allégés. Cette taxe visait donc davantage à collecter des fonds plutôt qu’à limiter la consommation de sucres.

La taxation s’est traduite par une augmentation réelle des prix

Contrairement à l’idée souvent admise que les acteurs de la filière (industriels, distributeurs) absorbent une partie de ces taxes pour limiter l’impact sur le volume des ventes, les travaux de l’UMR GREMAQ montrent que ces acteurs ont intérêt à répercuter au consommateur plus que la taxe. L’augmentation des prix serait de l’ordre de 10 centimes d’euros par litre.
Ces travaux mettent en évidence la nécessité d’intégrer la réponse stratégique des acteurs lors de la mise en place de politiques de taxation.  L’efficacité d’une taxe nutritionnelle dépend du design de la taxe. Une taxe sur la TVA sera moins répercutée par les acteurs du marché qu’une taxe d’accise (taxe perçue sur la quantité et non sur la valeur).

Des méthodes d’évaluation ex ante en progression constante

Les méthodes développées par les chercheurs en économie structurelle permettent de réaliser des évaluations ex-ante de politiques publiques nutritionnelles en tenant compte des réactions des entreprises, industriels et distributeurs. Ces méthodes font l’objet de constantes améliorations tant du côté méthodologique – réaction en qualité des industriels par exemple – que par le couplage de ces analyses avec des modèles de santé pour évaluer les impacts globaux sur la santé. 

dimanche 27 juillet 2014

L'auto-organisation




En 1987, le prix Nobel de chimie à été attribué au chimiste français Jean Marie Lehn et à deux de ses collègues pour leurs travaux sur la chimie supramoléculaire. De quoi s'agit-t-il ?

Normalement, en chimie, on forme des molécules nouvelles en coupant et en établissant des liaisons dites « covalentes », qui résultent de la mise en commun d'une paire d'électrons, entre deux atomes.
Toutefois, dans les années 1980, les chimistes ont étudié la possibilité de former des assemblages de plusieurs molécules à l'aide de liaisons plus faibles que les liaisons covalentes : des ponts disulfures, des liaisons hydrogène … Ces assemblages ont été nommé supermolécules, et la chimie qui les forme et les étudie a été nommée chimie supramoléculaire.
Il est tout à fait remarquable d'observer que, avant cette chimie supramoléculaire, les bibliothèques étaient pleines de livre sur les « complexes » de diverses sortes. Tout cela a été balayé par la chimie supramoléculaire, qui donné un cadre général à la description de ces divers objets.

Ce qui est le plus merveilleux, c'est que cette chimie permet d'envisager la création d'objets nouveaux, et, notamment, d'objets capables de s'assembler spontanément, de se dissocier et de se réassembler selon les circonstances chimiques. Notamment, Jean-Marie Lehn et ses collègues ont conçu et réalisé des molécules en formes de parts de tartes, avec des bords « collants ». Si l'on met de telles molécules dans une solution, elles diffusent, puis s'assemblent par les bords. Si l'angle au centre de ces molécules n'est pas un sous-multiple de 360°, alors les parts de tarte forment une structure hélicoïdale, identique à la capside de certains virus !
Voilà pourquoi la chimie supramoléculaire me semble si importante, et voilà pourquoi l'étude de chimie mérite que l'on réserve un chapitre particulier à cette chimie des forces faibles, qui conduit à l'étude de l'auto-organisation, un chapitre de la chimie qui se développera considérablement au XXIe.
Militons pour que Jean-Marie Lehn reçoive un deuxième prix Nobel !

samedi 26 juillet 2014

L'envie blanche et l'envie noire

En ces temps minables où l'on devrait à tout moment se justifier de gagner (ou pas) de l'argent, où l'on voudrait qu'aucune tête ne dépasse, je propose de rappeler que Jorge Luis Borges, l'écrivain merveilleux, disait bien qu'il y a deux sortes d'envies : l'envie blanche et l'envie noire.

L'envie noire, tout d'abord, c'est celle qui nous pousse à détruire ce que nous n'avons pas.
L'envie blanche : il s'agit, quand on voit quelque chose qu'on n'a pas, de travailler pour l'avoir.

On aura compris de quel côté je me place !

samedi 19 juillet 2014

La beauté de la science

Relisant un texte de Henri Poincaré, sur l'intérêt des mathématiques, je m'aperçois que, bien que souvent ébloui par la "beauté" de résultats mathématiques ou scientifiques, je n'ai pas cherché à faire partager cet éblouissement.
Dans l'enseignement des sciences, il y a mille exemples, de sorte que cela ne devrait pas être compliqué de trouver des exemples d'émerveillements à partager. En revanche, montrer cette beauté à ceux qui ne maîtrisent ni les mathématiques, ni les sciences, c'est là la vraie difficulté, et il serait bienvenu de s'y atteler.
J'ai écrit ailleurs que la vulgarisation avait pour tâche de montrer comment les résultats nouveaux s'imposent, en relation avec les équations qui soutiennent les théories, mais je crois qu'une deuxième tâche pourrait être de montrer la beauté des résultats mathématiques ou scientifiques.
Réfléchissons collectivement aux manières d'y parvenir !

lundi 14 juillet 2014

Clarifions



Dans ce « clarifions », il y a à la fois l'idée de la clarification, et aussi celle de l'entreprise faite en commun. Deux raisons d'aimer tout particulièrement ce mot.

La clarification, tout d'abord : on disait naguère « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ». Est-ce vrai ? Dans un billet précédent, j'ai discuté la foi excessive que j'avais eu en Condillac et Lavoisier, à ce propos, et mes doutes actuels, nés de la relecture de Henri Poincaré, lequel pensait sans les mots, et avait ensuite bien des difficultés à mettre les mots sur les idées.
Cela étant, énoncer n'est pas une mauvaise idée, d'abord parce qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : il faut communiquer nos résultats à la communauté humaine. Ensuite, parce que les mots exprimés sont ensuite la possibilité de discussions, de réfutations éventuelles. Bref, les mots posés sont une possibilité de les discuter.

Clarifions : le mot est évidemment un écho de la recherche scientifique, la recherche des mécanismes : d'une sorte de brouillard, on veut faire émerger des idées claires ; dans une eau trouble, on veut identifier un poisson brillant. Surtout dans l'écheveau tourbillonnant de nos pensées, nous voudrions être capables d'en saisir qui soient non pas isolées, sans quoi la perte du contexte risquerait de les tuer, mais plutôt qui soient identifiées, bien délimitées, avec une structure et des relations avec leur entourage.
La science, la technologie, la cuisine, l'art, la gastronomie moléculaire, la cuisine moléculaire, la cuisine note à note, la chimie, la physique... Tout cela ne mérite-t-il pas une clarification ?

En commun, ce serait encore mieux, puisque nous sommes humains, donc membres de la grande communauté des humains.

dimanche 13 juillet 2014

Vu dans Proust

Vx ou littér. Qqn persuade à qqn qqc./que + ind. ou subj. Olivier lui persuada facilement qu'il devoit rester auprès de la duchesse (GENLIS, Chev. Cygne, t.3, 1795, p.355). Il ne suffit pas qu'une chose soit dite, il faut qu'elle soit publiée, prouvée, persuadée à tous, universellement reconnue (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.171):
2. Je ne sais quelle amie intrigante était parvenue à persuader à cette âme naïve et si timide qu'il était de son devoir de partir pour Saint-Cloud, et d'aller se jeter aux genoux du roi Charles X.
STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.505.

dimanche 6 juillet 2014

6 juillet 2014 : Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...



Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse...
J'ai donc expliqué la chose : Podcast : http://www.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html
Dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau.
Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué. Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène.

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ?
La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements.
C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?