mardi 12 novembre 2019

Les polyphénols, de quoi s'agit-il ?


On m'interroge sur ce que sont les polyphénols.

Le mot "polyphénol" est effectivement largement répondu autour de nous : on lit que les polyphénols sont bons pour la santé, qu'ils sont antioxydants,  on voit des réclames qui prétendent qu'ils sont bons pour la peau, contre le vieillissement, etc.... et je viens de m'assurer, par des questions à des amis honnêtes, qu'ils ignorent en réalité ce que sont ces composés.

Bien sûr, un objet peut se caractériser par ses propriétés, mais, en l'occurrence, ce que l'on entend ou ce qu'on lit est loin d'être toujours juste.  Tout d'abord à propos des propriétés curatives, on aurait intérêt à se souvenir que les panacées n'existent pas. Et, d'ailleurs, les bons médecins savent bien que les médicaments sont assortis d'effets secondaires, et que l'on doit recourir à ces produits (les médicaments) de façon experte et parcimonieuse. On se souviendra de ce pharmacien qui vendait à Paris des régimes dont l'efficacité était avérée, mais qui ont conduit à des dizaines de cas d'insuffisance rénale très grave. Et puis, en matière de commerce, on se méfiera quand même des publicités, car quel marchand dirait les inconvénients de ses produits ?

Ici, c'est l'occasion de rappeler que l'invite mes amis à se méfier des mots   de plus de 3 syllabes,  qui cachent trop souvent de l'idéologie ou du mercantilisme le plus déloyal. En l'occurrence, le mot "polyphénol" a quatre syllabes, tandis qu'anti-vieillissement en a trop pour que je perde mon temps à les compter, tout comme pour "antioxydant". D'ailleurs, ce dernier mot a un statut bizarre, entre la chimie et la médecine... avec quand même ce fait que les  chimistes ne parlent pas de composés antioxydants,  mais de composés réducteurs.


Et puis, au fond, la plus grande confusion règne entre les polyphénols, les composés phénoliques, les tanins...  

Le monde du vin, en particulier, dit trop souvent n'importe quoi à ce propos,  par exemple avec des expressions comme « les tanins fondent », ce qui est une absurdité, puisque les chimistes savent au contraire que, quand un vin vieillit, les tanins s'agrègent, et grossissent ! D'ailleurs, ce sont les mêmes qui utilisent ces expressions erronées et qui confondent la saveur avec le goût, qui propagent l'idée fausse d'une carte de la langue qui reconnaîtrait les soi-disant quatre saveurs... alors qu'on sait depuis des décennies qu'il y  a un nombre infini de saveurs.

 
Bref la plus grande confusion règne à propos de tous ces composés et il faut donner des explications

L'expérience étant la manière la plus efficace d'expliquer, commençons par prendre un fruit rouge ou une fleur, telle une rose rouge, et broyons ces tissu végétaux dans de l'eau. Après filtration, on récupère dans les deux cas une solution colorée qui est faite évidemment d'eau, mais aussi de composés sapides, par exemple des sucres (incolores) ou  des acides (incolores aussi), et finalement de composés qui donnent la couleur à la solution.
Si l'on est chimiste, on peut fractionner cette solution, par des opérations classiques de cristallisation, de précipitations, de distillation, etc. mais je ne veux pas rentrer dans ces détails et je propose de partir des composés purs qui auront été  isolés pour leur couleur.


Voici le phénol. Les boules grises représentent des atomes de carbone, la boule rouge un atome d'oxygène, et la petite boule un atome d'hydrogène.  C'est un "monophénol.

 

Parmi ces composés, les tissus végétaux renferment des chlorophylles, les caroténoïdes, et d'autres, parmi lesquels ceux qui nous intéressent : les phénols.
De couleur rouge à bleue, ces composés changent  de couleur avec l'acidité du milieu : par exemple, quand on met des framboises dans de la soude (il faut surtout ne pas manger), on voit les fruits de venir verts ! Ou encore, quand on ajoute du jus de citron dans un thé foncé, on le voit s'éclaircir, et virer  au jaune. Inversement, si l'on ajoute du vinaigre aux framboises verdies, elles reprennent leur couleur rouge, tout comme le thé redevient marron si on lui  ajoute du  bicarbonate de sodium (qui va faire mousser, mais c'est une autre histoire). 
Bref, les composés colorés responsables de ces changements de couleur sont des "composés phénoliques".
 « Composés phénoliques »  : c'est donc le nom d'une catégorie général de composés dont les molécules contiennent au minimum 6 atomes de carbone attachés en un cycle hexagonal, avec un des atomes de carbone lié à un atome d'oxygène, lui-même lié à un atome d'hydrogène :

Une molécule réduite à cela, avec des atomes d'hydrogène sur les autres atomes de carbone, c'est une molécule du composé que l'on a nommé "phénol" et qui fut découvert en 1650.

S'il n'y avait pas l'atome d'oxygène lié à l'atome d'hydrogène, alors on aurait la molécule du benzène  :

Avec six atomes de carbone, liés chacun à un atome d'hydrogène (non représentés), on a la molécule de benzène.
Et voici un autre phénol : il y a plus d'un groupe oxygène+hydrogène sur le cycle de six atomes de carbone.


Et quand il y a deux fois un groupe fait d'un atome d'oxygène et d'un atome d'hydrogène, alors c'est un oligophénol, avec le préfixe "oligo", rares :


J'en profite pour dire que certains phénols sont parfaitement toxiques, même s'ils sont « antioxydants ».
En outre, les composés phénoliques forment une famille très vaste, puisqu'il peut y avoir des tas d'autres motifs chimiques attachés à la structure initiale.
Voici un autre composé phénolique, et c'est également un polyphénol.


La relation entre composés phénoliques et oligophénols ? Les oligophénols doivent avoir au moins les six atomes de carbone et deux groupes oxygène+hydrogène, alors que, pour les composés phénoliques, la définition est plus large, puisque n'est imposé que le groupe de six atomes de carbones avec un groupe oxygène+hydrogène.
Autrement dit,  un oligophénol est toujours un composé phénolique, mais un composé phénolique n'est pas toujours un oligophénol.

Et les tanins ? 

Pour les tanins, une perspective historique s'impose  : les anciens artisans qui travaillaient le cuir avaient observé que les décoctions d'écorces d'arbres dans de l'eau faisaient des solutions très astringentes, qui avaient la particularité de "tanner le cuir", de le rendre plus résistant. Finalement les chimistes ont compris que les tanins sont des oligophénols particuliers : ce sont donc, ipso facto, des composés phénoliques. 
Mais les composés phénoliques ne sont pas tous des tanins, de sorte que nos dégustateurs de vin feraient bien d'être prudents quand ils parlent de tanins.
Tiens, je vous livre un petit paysage explicatif :

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