mardi 11 septembre 2018

La science, ce n'est pas l'administration de la science

Qu'est-ce qu'un "directeur scientifique" ? La question est doublement difficile, parce qu'elle inclut le mot "directeur", qui n'est pas toujours clair, et dépend du contexte, et celui de scientifique, qui, comme dit souvent, est également mis à toutes les sauces.

Un directeur, tout d'abord, c'est quelqu'un qui indique une direction... Pourquoi pas, s'il en a les capacités et la légitimité ! La légitimité ? Le propriétaire d'une société est légitime pour la diriger. Le directeur d'un institut de recherche est légitime s'il a été dûment nommé. Le directeur "scientifique" d'une société (on a vu dans un autre billet pourquoi je mets des guillements à "scientifique") est dans le second cas : il est légitime quand il a contracté pour ce poste avec la société qui l'emploie.


Mais directeur scientifique ?

On se souvient que j'ai discuté de la question du "directeur de thèse"  (ou bien on peut aller le consulter d'un autre billet à : https://hervethis.blogspot.com/2017/01/la-direction-de-these.html), en faisant observer qu'il me semble devoir logiquement être un "discutant" des travaux effectués par ce jeune scientifique qu'est le doctorant. Pas plus, sans quoi il risque de devenir juge et partie !
Directeur de recherche dans une institution comme l'Inra ou le CNRS ? En réalité, l'expression a pris le sens d'un grade de la fonction publique, et pas celui de directeur. Bien sûr, nos institutions reconnaissent par ce grade des individus qui ont des activités de "direction", mais le libellé de ces activités montre que, souvent, c'est une capacité d'animer une équipe qui est en jeu. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces "directeurs de recherche" ne sont pas nécessairement superposés aux directeurs de ce que l'on nommait naguère des laboratoire, et que l'on nomme aujourd'hui des "unités". Bon, très bien, mais ces derniers sont des administrateurs, en réalité.
Et les directeurs scientifiques des institutions ? Certes, ils reçoivent des moyens, et, par des arbitrages de postes, de matériel, etc., ils ont la capacité de diriger (un peu) la recherche, mais j'espère qu'ils sont prudents dans leur choix... et je m'étonne qu'ils ne soient jamais sanctionnés de leurs erreurs ! Par exemple, si les récipiendaires du prix Nobel (c'est évidemment la représentation de reconnaissances de la communauté, pas à considérer particulièrement comme le nec plus ultra), par exemple, n'ont pas été favorisés avant de recevoir leur prix, c'est une faute (j'ai bien dit "faute", et pas "erreur"). Tout comme c'est une faute quand l'Académie des sciences ou l'Académie d'agriculture n'a pas élu des scientifiques qui sont récompensés par de tels grands prix (je pense surtout à la Médaille Fields !).


Une proposition

De fait, j'ai bien peur de ne pas toujours avoir vu à des postes de directeurs scientifiques des individus qui sont capables de guider d'autres scientifiques meilleurs qu'eux. Par exemple, comment peut-on être le directeur scientifique du CNRS quand on a dans ses ouailles des Pierre-Gilles de Gennes ou des Jean-Marie Lehn? Ce qui me conduit à penser qu'une qualité essentielle des directeurs scientifiques doit être la modestie scientifique, le plus souvent.
Et même les membres des "conseils scientifiques", qui, en réalité, en relation avec les directeurs scientifiques, définissent les politique des instituts de recherche. Ces collègues qui n'ont pas le prix Nobel et en sont parfois bien loin ne doivent-ils pas, aussi, faire preuve de la plus grande prudence et d'une modestie inversement proportionnelle à leurs compétences ? 

Indiquer à des scientifiques la direction qu'ils doivent prendre ? Cela est bien impossible ! Ou, plus clairement : quel scientifique accepterait-il de suivre une voie dont il n'est pas assuré qu'elle conduise à des découvertes ?
Or c'est cela, sa mission et son objectif !

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