mercredi 1 janvier 2014

Bonne année 2014

Chers Amis

Le monde ne se résume certainement pas à mon petit environnement, 2013 n'a pas été si mal :

- nous avons continué ces "séminaires de gastronomie moléculaire" mensuels, commencés il y a 13 ans... et reçu beaucoup de messages reconnaissants du monde culinaire
- la cuisine note à note s'est développée explosivement, et c'est un mouvement qui s'amplifie
- nous avons réfléchi (activement) à lutter contre les marchands de peur, notamment dans le cadre de l'Académie d'agriculture de France
- nous avons largement expliqué que la science (quantitative) ne se réduit pas à la technologie ou à la technique, que les "technosciences" n'existent pas
- nous avons testé des méthodes pédagogiques adaptées à ce monde moderne où la connexion est possible, et eu l'occasion de proposer des rénovations de l'enseignement scientifique
- nous avons vu les "Pôles régionaux "science & culture alimentaire" poursuivre leur action socialement utile
- nous avons poursuivi la promotion de l'Etude, de la Connaissance, de la Gourmandise raisonnée
- nous avons cherché plus de Lumière par des blogs, des sites....
- nous avons poursuivi nos études scientifiques, avec de nombreux collègues du monde entier, et des étudiants qui avaient envie d'apprendre (quel bonheur !)
- nous avons poursuivi le développement de la gastronomie moléculaire, dans des pays variés du monde
- nous avons reçu la 20e promotion de l'Institut des Hautes Etudes du Goût
- nous avons poursuivi ces publications mensuelles de la revue Pour la Science, avec de bons échos de lecteurs-amis

Beaucoup de ces actions ont bénéfié de votre aide, de votre soutien, et je vous adresse un grand merci.

Continuons à marcher d'un pas rapide vers plus de Lumière, en 2014 !
Je vous souhaite une EXCELLENTE ANNEE 2014 !

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dimanche 29 décembre 2013

Puisque j'ai un peu de temps...

... j'en profite pour continuer de décoder.

Cette fois, une phrase : " en cuisine, la contagion chimique a gagné le monde entier,  parce que ça coûte beaucoup moins cher d'utiliser des molécules produites dans des usines que des produits naturels! Il est vrai que 800
grammes de Mannitol, ça coûte moins cher que 800 grammes de truffe blanche d'Alba".



Allons y doucement, c'est un gros morceau !



En cuisine : là, je comprends, on confectionne des aliments, c'est-à-dire des assemblage de composés, qui ont une fonction
- nutritive
- sensorielle
-symbolique
-culturelle
-politique
- ...

La "contagion chimique" ? Nos pauvres interlocuteurs ont une rhétorique bien faible, car la cuisine est tout entière chimique : quand on grille une viande, on transforme les composés initialement présents, et l'on fait de la chimie ! La chimie n'est donc pas l'apanage de multinationale qui nous voudraient du mal !

A gagné le monde : au fait, pourquoi le monde s'est-il laissé faire ? Parce qu'il veut payer moins cher ? Parce qu'il n'a pas la moyens de se payer de la truffe et qu'il voudrait quand même partager le bonheur de ce goût parfois intéressant ? Parce que c'est moins obscurantiste qu'une cuisine qui date du moyen âge ? Parce que... Bref, n'est-ce pas une façon de prendre le public pour des imbéciles que de lui refuser le droit d'être "contagié" ?

"Ca coute moins cher d'utiliser des molécules produites dans des usines que des produits naturels" ? Une phrase dont la généralité est condamnable : certains principes actifs des médicaments qui nous soignent coûtent au contraire beaucoup plus cher ! Et il est bien plus coûteux de synthétiser des vitamines que de les extraire des produits végétaux ! D'ailleurs, même les fabricants de composés pour les laboratoire de chimie nous vendent les composés purs au prix de l'or ! Et, souvent, ils les purifient à partir des produits naturels.
Pour revenir en cuisine, une huile essentielle (de citron, par exemple) coûte bien plus cher que les citrons qui ont permis de fabriquer l'huile essentielle !

Le mannitol coûte moins cher que la truffe blanche d'Alba : certes... mais le mannitol n'a pas à être comparé à de la truffe blanche ! Le mannitol ne donne pas le goût de truffe. A vrai dire, je ne comprends absolument pas cette comparaison... incompréhensible, sauf à penser tandencieusement.

Bref, quel est le message inavoué ?

Au fond, n'est-ce pas une question d'argent ?

Partons d'un fait : il y a quelques journalistes (et le public qu'ils représentent, ce qui n'est pas rien) qui s'offusquent des propositions visant à changer notre alimentation.
Ce fut le cas pour la cuisine moléculaire, et c'est le cas pour la cuisine note à note.

D'où la question : puisqu'il n'est pas question de FORCER ces gens à manger différemment, pourquoi gesticulent-ils ?

Bien sûr, il y a les quelques journalistes qui veulent vendre du papier, du scoop, du scandale. On n'y peut rien, et ils continueront de hurler. Donc pas la peine de se fatiguer beaucoup à leur répondre.
Ensuite, il y a ceux qui ont peur... mais de quoi ?
Dans un pays comme le nôtre, avec des artisans et des sociétés plus grosses (où serait la différence entre l'artisanat et l'industrie ?), il y a certainement une volonté de préserver les petits producteurs. Mais si c'est cela la raison, pourquoi ne pas l'avouer franchement ?

D'ailleurs, ne pourrions-nous viser d'avoir TOUT : les produits de l'artisanat ET les produits de base que fournit l'industrie ?

On le voit, ces discussions à propos d'un article médiocre sur la malbouffe ne conduisent qu'à enchaîner des banalités, à observer que le monde est une sorte de foire d'empoigne. Où l'argent est la cause inavouée des discussions. Rien de nouveau !
Comme me le conseille Jean-Marie Lehn, laissons causer, et bâtissons !

D'où le détournement de l'idée initiale : j'avais imaginé de vous parler de "malbouffe", mais, à la réflexion, le terme me va mal. Il y a les mets produits par la cuisine, et la "bouffe" : le mot "malbouffe" est une périssologie (voir billet précédent : un pléonasme fautif). Sans intérêt : ne vaut-il pas mieux se préoccuper de ce qui est bon ?

D'où la vraie belle question : qu'est-ce qui est bon ?
A cette question, il y a :
- le bon sensoriel
- le bon à manger politiquement
- le bon à manger symboliquement
- le bon à manger nutritionnellement
- le bon à manger toxicologiquement
Et la question est : quel est le bon mélange ? Ne comptez pas sur moi pour répondre : la question est bien difficile, mais, déjà, si les choses sont claires, c'est un progrès, n'est-ce pas ?

samedi 28 décembre 2013

Une mine intarissable

Je viens de tomber sur un blog qui  enchaîne, telle des perles, des mots ou expressions qui "se vendent bien" : malbouffe, cuisine nature, complot de l'industrie chimique, ersatz, mondialisation, glissade moléculaire, saveurs naturelles, sauver la cuisine...

C'est trop beau !

Je comprends que ce type de littérature ait son public : quand on ne réfléchit pas plus loin que son estomac, il y a peu de chances que l'on produise un discours très intelligent, mais, inversement, on rallie tous ceux qui, de même, "ont peur". On rallie les Anciens, au sens de ceux qui veulent ce qu'ils ont connu quand ils ont été petits, et qui, au fond, n'ont pas grandi.
Inutile de vouloir les convaincre. Je ne cherche donc pas à le faire. Alors à quoi bon s'attarder sur leur littérature ? Le philosophe Jean Largeault, une belle personnalité, un intellectuel de premier  plan (pas médiatique, mais du point de vue de la culture) disait : "j'aime les mauvais livres, parce qu'ils m'indiquent bien ce que je dois penser, a contrario".
De même, je propose d'analyser dans les jours qui viennent quelques mots ou expressions de ce florilège de réaction.

A commencer par "malbouffe". Malbouffe ? Wikipedia définit la chose comme une alimentation inadaptée, en raison d'une proportion excessive de graisses, de sucres. Pourquoi pas. Mais avons-nous bien regardé la composition d'un de nos gâteaux classiques : de la farine, du beurre, des oeufs, du sucre... plus des détails. A qui fera-t-on croire que cette "formule" soit adaptée du point de vue nutritionnel ?

Cela étant, je ne crois pas que ce déséquilibre soit ce qui est visé par nos critiques réactionnaires. Cherchons plus loin. En les lisant, on voit notamment qu'il y a ce terme de "mondialisation", ou d'"industrie".
Pour "mondialisation", je lis : "Le terme de mondialisation (ou globalisation) désigne le processus d'intégration des marchés qui résulte de la libéralisation des échanges (de biens, de main-d'œuvre et de connaissances), de l'expansion de la concurrence et des retombées des technologies de l'information et de la communication à l'échelle planétaire. Elle se manifeste par l'interdépendance croissante des économies et l'expansion des échanges et des interactions humaines".
Un gros morceau. Lisons lentement : un "processus d'intégration des marchés qui résulte de la libéralisation des échanges". Ne voulons-nous pas une communauté globale ? Les hommes et femmes ne sont-ils pas tous frêres et soeurs ? Les hommes et les femmes ne doivent-ils pas naître et demeurer libres et égaux en droits ? Finalement, en refusant l'échange (de biens, de main d'oeuvre, de connaissances), que veut-on protéger et pourquoi ?
Tout cela est bien obscur, et j'avoue mon incapacité à bien comprendre. Pourquoi voudrait-on m'empêcher de parler ("interactions") à un être de l'autre côté de la terre ? Les frontières ne sont-elles pas  l'incitation au communautarisme, lequel conduit à la guerre ?

On voit que l'on s'éloigne de la cuisine... mais c'est voulu : il y a de l'idéologie derrière les termes et la critique qui est faite dans le texte que je me refuse à vous citer, afin de ne pas faire de réclame pour de l'orviétan, est une critique idéologique, qui avance masquée.

Malbouffe ? Mondialisation ? Le terme "industrie", ou le terme "multinationale" qui surviennent, dans l'article, en est une preuve : ce qui est refusé, c'est une alimentation produite par l' "industrie".
Ce serait donc l'industrie, qui serait mauvaise ? Admettons... mais où trouverons-nous les ingrédients alimentaires de notre cuisine ? Je rappelle que le "commerce de proximité", c'est bien difficile à organiser, pour des villes comme Paris. A la limite, on trouvera quelques fruits ou légumes, mais le sucre ? Ah, pardon, il faut supprimer le sucre, parce qu'il vient de l'industrie. Le beurre, le lait, la crème ? Nous avons le choix entre l'"industrie" et les "coopératives"... qui ne sont qu'une forme de l'industrie. Accepterons-nous ces produits laitiers, ou, comme pour le sucre, les refuserons-nous pour des raisons idéologiques ? Et la farine ? Et l'huile ? Et... l'essence de nos voitures ? Ah, pardon : nous irons à pied, et cela nous fera un exercice salutaire. Nos médicaments ? J'oubliais que, mangeant sainement, nous ne serons plus jamais malades : quel soulagement que d'éviter d'engraisser l'industrie pharmaceutique. Nous éclairer ? Bien sûr, il y aura le vent et le soleil (en ce moment, il pleut, et la pluie a abattu le vent, mais demain...).
J'y pense : qui construira nos éoliennes et nos panneaux solaires ? L'industrie ? Refusons : construisons de nos mains  des systèmes en bois qui produiront de l'énergie.

Pardon, l'ironie est une mauvaise tentation, et les fêtes de fin d'année doivent me pousser à plus d'indulgence.

JE PROPOSE donc d'y mettre fin, et de continuer, dans les jours qui viennent, à propos de ce texte que je vous cite sans le citer, d'analyser, en posant essentiellement des questions. Non pas pour convaincre, parce que cela serait aussi idéologiquement bas que le texte que je discute, mais pour contribuer à un débat assaini.


A venir, l'analyse de la phrase "ça coûte moins cher d'utiliser des molécules produites dans des usines que des produits naturels!"

jeudi 26 décembre 2013

Méandres : soufflés, souffler, mayonnaise, rémoulade et stratégie scientifique




Il est amusant d'observer que l'on s'interroge rarement sur  l'origine des mets actuels. Pourtant il a bien fallu que   ceux-ci surviennent un jour. Pas nécessairement d'un coup,  mais peut-être progressivement. Ce fut le cas, je crois, pour la mayonnaise, qui nous semble être apparue comme un dérivé d'une très vieille sauce française nommée rémoulade. Mais c'est là  une autre histoire, pour une autre fois. La crêpe ? Il existe un tableau célèbre de Brueghel qui représente une noce paysanne. On voit des assiettes pleines de bouillie, et une hypothèse court, selon laquelle une bouillie épaisse  (je ne parle pas de la viscosité, mais de l'épaisseur de la couche déposée dans l'ustensile de cuisson) qui aurait séché aurait ainsi engendré une crêpe, une galette. Evidemment, il sera bien difficile d'établir une telle hypothèse, et il vaut mieux ne pas avoir trop d'espoir.
Pas trop d'espoir, mais de l'espoir quand même, sans quoi nous resterions paresseusement les bras croisés, à ne pas chercher. Or c'est la recherche qui nous pousse à trouver, pas nécessairement ce que nous cherchons, mais bien d'autres choses passionnantes. C'est là une attitude philosophique : pour être heureux, on peut se fixer comme but d'aller vers le sommet d'une montagne, mais surtout si cette montagne est très haute, il n'est pas utile d'être malheureux pendant tout le chemin en se disant que le sommet est encore loin ; il vaut peut-être mieux se réjouir de la beauté du paysage, avancer activement, découvrir de nouveaux endroits au cours de cette promenade, qui nous mènera peut-être au sommet, peut-être pas.
Je disais donc que nous ne saurions peut-être jamais si la galette est un dérivé d'une bouillie, ou si un dieu existe. Mais nous pouvons nous interroger.
Sutor non supra crepidam : cuisinier pas plus haut que la casserole, chimiste pas plus haut que la cornue... Tiens : le soufflé. Des livres de cuisine anciens nous disent que c'est l'oeuf qui fait souffler, ce qui semble montrer que les cuisiniers du passé ont déjà fait une observation plus générale que pour le soufflé en particulier, et il est vrai que de nombreuses préparations soufflent quand elles contiennent de l'oeuf. En revanche, ce que les cuisiniers du passé n'avaient pas compris, c'est que ce n'est pas l'oeuf qui fait souffler, mais l'eau qui est contenue dans   l'oeuf : 90 % du blanc d'oeuf, c'est de l'eau ; 50 % du jaune, c'est de l'eau. Or un gramme d'eau qui s'évapore fait environ un litre de vapeur. Je vous en ai déjà parlé.
Regardons donc maintenant la cuisine actuelle, et traquons les préparations où un gonflement survient  :  les gâteaux, les soufflés... même les crêpes, où se forment parfois de très petits trous, qui servent alors de cheminée pour une vapeur qui s'échappe... Nos aliment étant fait majoritairement d'eau, et la cuisine mettant beaucoup en oeuvre des chauffages, il n'est pas étonnant de la vapeur apparaisse (regardons au-dessus des viandes qui grillent) et que des gonflements surviennent, dans les soufflés par exemple.
Tout cela étant posé, nous pouvons revenir à la question de l'invention des mets, ou de leur découverte. Ici, l'évocation de ces deux mots fait penser que l'invention serait  un acte délibéré, conscient, alors que la découverte  serait plus aléatoire, comme quand on observe un joli caillou brillant sur le bord du chemin. Cette discussion particulière nous renvoie à des questions de stratégie scientifique, où la découverte  est l'objectif.
La métaphore culinaire doit-elle nous faire penser que  la découverte scientifique  survient un peu par hasard ? Je ne suis pas certain, car nombre de très grands scientifiques n'ont pas été l'homme  (ou la femme) d'une seule découverte, mais de plusieurs. Apparemment il y a donc à penser que « la chance sourit aux esprits préparés », comme disait Louis Pasteur ; et il serait peut-être bon, alors, dans cette hypothèse très particulière, de contribuer à l'éducation des jeunes scientifiques en enseignant à ouvrir les yeux, à voir les beautés du monde  que les autres n'avaient pas vues. Pour voir, il y a mille façons, et les méthodes modernes d'observation (accélérateurs de particules,  faisceau de neutrons,  rayons X,  spectroscopie de résonance magnétique nucléaire...) s'imposent.
S'il s'agit de voir, apprenons à regarder.
Et c'est ainsi que la physico-chimie est belle !

mercredi 18 décembre 2013

Pardon, mais je me suis emporté !

Chers amis

Pardon, mais ce matin, j'ai essayé de bien expliquer les choses : luttons !


18 décembre 2013 : Dénonçons la malhonnêteté du « naturewashing »

L'industrie alimentaire doit vendre, et les citoyens ne sont pas naïfs au point de l'ignorer : ils se méfient. La publicité vient matraquer des messages, mais la presse ajoute sa voix au dialogue, en dénonçant des pratiques parfois contestables.
Ces temps-ci, les services de marketing ont une nouvelle idée, celle du  « clean label » : dans les listes d'ingrédients, ils cherchent à éviter les ingrédients que la réglementation a classé dans la liste des E : E pour « européen ». Comme il est interdit de ne pas signaler ces produits, certains industriels cherchent à ne pas employer les ingrédients de cette liste.
Et, comme on n'utilise pas ces ingrédients pour le plaisir, mais parce qu'ils ont des fonctions (épaissir, comme le fait la farine dans une sauce ; colorer comme le fait le safran dans une paëlla ; conserver, comme le vinaigre dans les cornichons...),  ces industriels cherchent à remplacer les ingrédients en E par des ingrédients « naturels ».
Par exemple, le  Centre technique de la conservation des produits agricoles (CTPCA) écrit que « la réduction des additifs est une attente des consommateurs pour des produits plus naturels ». En conséquence, il propose à ses adhérents de « substituer des additifs par des ingrédients naturels à fonctionnalité spécifique », tels l’huile de romarin ou  l’extrait de céleri comme conservateurs, des anthocyanes des végétaux comme colorants naturels, des extraits de thé vert comme antioxydants...
C'est pur mensonge ! L'huile de romarin, que l'on extrait du romarin par une étape d'extraction, n'est pas plus naturelle que du dioxyde de soufre, que l'on obtiendrait en brûlant du soufre ramassé sur les flans d'un volcan, par exemple, et le sel, que l'on obtient dans des marais salants ou dans des mines, n'est pas moins ni plus naturel. D'ailleurs, comment mesurerait-on le degré de naturel ?
Et c'est ainsi que l'on en vient à parler, très mensongèrement, de « clean label » ! Par exemple, en février 2012,  la revue Process, qui donne une idée de l'industrie alimentaire, avait un article dont le titre était : « Salon CFIA : le plein de nouveautés clean label. »
Et c'est vrai que de nombreuses industries cherchent à « faire naturel »... notamment afin de communiquer sur ce thème ! Considérons, par exemple, les farines  « fonctionnelles » du groupe Limagrain obtenues par traitement  des farines de blé par la chaleur : certes, on obtient ainsi de  bonnes capacités de liaison et de texturation, mais on ne me fera pas croire que ces farines sont « naturelles » ! D'ailleurs, le blé est une plante très artificielle, qui a été obtenue après de longs siècles de sélection (artificielle, donc). Et la farine a été obtenue après (1) culture ; (2) récolte ; (3) mouture : naturelle ? Non, au moins trois fois non !
Dans la pratique, que l'on me comprenne bien, je n'ai rien contre ces farines fonctionnelles, ou d'autres produits du même type, mais le remplacement des additifs classiques (amidons chimiquement modifiés, hydrocolloïdes) par ces farines n'est-il pas pure communication ?
Et puis, méfions-nous des solutions « vertes » :  je suis heureux de faire état d'un appel à l'aide, hier, par une journaliste dont le plafond puait, parce qu'il avait été peint avec une peinture « verte », à la caséine : dans un endroit un peu humide, les micro-organismes qui se trouvent dans les bonnes conditions de température faisaient pourrir la peinture (je lui ai recommandé de poncer, de traiter à l'eau de Javel, et de repeindre avec une bonne peinture de synthèse... inventée précisément pour éviter ce genre de désagrément).
Des fibres de peau  d’orange comme rétenteur et stabilisateur d’eau ? Pourquoi pas. Des fibres isolées du blé ou du lupin pour optimiser la texture de la viande hachée et des saucisses ? Pourquoi pas, mais quel nom donner aux produits ? Pardon, je me reprends : quel nom honnête ? Des protéines laitières pour la charcuterie ? Pourquoi pas, mais est-ce encore de la charcuterie ? Des fonds de sauce obtenus  par cuisson, puis réduction de matières premières « naturelles » (viandes, légumes, produits de la mer) : pourquoi pas, si les conditions de conservation s'y prêtent.
Plus généralement, la tendance à plus de sécurité alimentaire ne peut être critiquée : ce serait idiot de le faire. En revanche, il faut de l'honnêteté, non ?
Ce qui pose problème, c'est que du « clean label » au « greenwashing » (ou écoblanchiment) ou, pire, au « naturewashing », il n’y a qu’un pas que certaines entreprises n’hésitent pas à faire. Le greenwashing est un procédé marketing que des entreprises utilisent pour se donner une image (seulement une image : ne confondons pas avec la réalité) écologique et responsable. Toutefois l'objectif est toujours le même : « par ici mes belles oranges pas chêres ! ».  L’objectif est de promouvoir une marque ou un produit en mettant en avant des pratiques écologiques qui ne sont guère significatives. Il faut bien reconnnaître qu'il s'agit de manipulation marketing, et de mascarade écologique. Le « naturewashing », c’est la mise en œuvre de stratégies de communication pour faire  croire que les méthodes de fabrication  sont « traditionnelles » ou « naturelles ». C'est détourner le mot « naturel »  de sa signification. Et, bien souvent, tout cela s'assortit de prix plus élevés : ne soyons pas naïfs !