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Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 10 octobre 2024
Comment faire et que faire si...
Depuis des décennies, dans notre groupe de recherche, nous rédigeons des documents intitulés "comment faire" : comment peser ? comment faire une extraction par Soxhlet? comment faire une extraction liquide liquide ? comment laver un tube RMN ? comment calculer un écart type... et ainsi de suite.
Il y a de tout : du très simple et du très compliqué, du très court et du très long.
Au fil des années, chaque fois que nous ouvrions ces documents, nous cherchions à les améliorer, et le fait qu'ils sont devenus de qualité raisonnable.
Cependant nous venons de passer un cap important hier quand j'ai compris qu'il y avait lieu d'ajouter à ces documents des "que faire si ?".
Nous avions déjà de tels paragraphes pour le document général d'utilisation de la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, mais je me suis aperçu que c'est souvent une information utile : que faire si la balance dérive quand on veut peser ? que faire s'il y a des courants d'air quand on pèse ? que faire quand la balance ne donne pas trois fois de suite le même résultat ? Etc.
Bien sûr, le diable est tapi partout, le nombre de catastrophes possible est considérable. Mais il y a lieu d'être pragmatique et de considérer aussi que statistiquement, certaines erreurs sont plus fréquentes que d'autres.
Il va donc falloir maintenant rédiger que "que faire si..."
Hier, lors de nos soutenances, nous avons invité les étudiants à présenter en 20 minutes un travail d'exploration d'un article scientifique.
Ils avaient travaillé pendant plusieurs jours et, en 20 minutes, ils pouvaient présenter 20 diapositives... au maximum : à condition que celles-ci ne soient pas pleines comme des œufs.
Il y avait donc ce nécessaire choix parmi les informations à donner, une sélection à faire.
Nous avions été clair : dans le contexte de nos soutenances, un survol n'aurait pas eu de sens car on n'apprend rien ainsi. Et nous voulions aussi que les étudiants apprennent à choisir un ou deux points et à les présenter en détail.
Les groupes bien travaillé, ils ont réussi à faire l'exercice qui leur avait été proposé, mais, lors des discussions, est venue cette même idée que quand on enseigne, on ne peut pas tout dire, on doit choisir, et, mieux même, on doit choisir un certain nombre de phrases en nombre très limité, ce que les Anglo-Saxons nomment take home message mais que l'on pourrait moins prétentieusement dire en français : points essentiels.
Considérons que 3 est un maximum, car cela signifie environ qu'il y aura 5 minutes d'introduction et de conclusion, plus 5 minutes par point essentiel : il faut bien ça pour exposer en détail le point que l'on veut que nos amis retiennent. Et la conclusion peut se limiter à l'énoncé des trois points de façon concise, de sorte que ce soit le dernier message à conserver.
L'intrinsèque, d'abord l'intrinsèque !
Sortant d'une journée de soutenance, je fais le bilan : j'ai presque réussi à faire comprendre aux étudiants qu'il s'agissait d'une belle journée de science et non pas d'une sanction étalée sur une journée. J'ai presque réussi à permettre à des étudiants de faire des présentations orales sans stresser. J'ai presque réussi, noyautant le groupe avec quelques personnes particulièrement enthousiastes, à faire une discussion active scientifiquement.
Il faut dire que
j'avais multiplié les indications un peu contraignante pour éviter que
nos étudiants ne passent des heures à faire des PowerPoint avec des
couleurs ou des graphiques colorés, leur recommandant de se focaliser
sur l'intrinsèque c'est-à-dire le contenu scientifique des choses, plutôt que l'extrinsèque.
Par exemple, pour les aider, j'ai imposé que la première diapositive soit un titre, que la seconde soit une table des matières, que la troisième soit une introduction, et ainsi de suite.
Finalement, ces règles simples ont été très efficaces : elles ont évité à nos amis de perdre du temps.
J'espère surtout qu'il continueront à commencer par faire leurs présentations ainsi avant d'y ajouter des couleurs éventuellement.
Et j'espère surtout qu'ils seront se souvenir que le plus important, c'est le contenu et non l'habillage.
mercredi 9 octobre 2024
Comment suivre une présentation ?
Je me préparais à orchestrer la soutenance des étudiants d'un master que j'encadre, et je cherchais des moyens d'éviter les défauts des années précédentes.
Lors ce cette soutenance, des groupes viennent, les uns après les autres, présenter à l'ensemble de la promotion des travaux qu'ils ont effectués. Je suis là pour les aider à poursuivre leur apprentissage. Il y aura au fond deux types de positions : ceux qui présentent doivent apprendre à expliquer clairement, et ceux qui assistent doivent apprendre la physico-chimie des systèmes qui leur sont proposés
Au fond, tous les mots vont compter et une difficulté est savoir quand on peut arrêter un exposé, quand on ne comprend pas quelque chose. Le problème, c'est que, quand on ne comprend pas bien quelque chose, on risque d'être perdu par la suite. Faut-il alors interrompre ceux qui présentent à la première difficulté que l'on rencontre ?
Ayant posé cette question en introduction, j'ai été intéresse de voir que beaucoup de nos jeunes amis préféraient prendre le risque de ne pas comprendre pendant tout l'exposé. Pourquoi ?
mardi 8 octobre 2024
La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?
La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?
Oui et non.
Oui, bien sûr, car s'il s'agit de science, il s'agit de science et qu'il y a l' "aliment", à la base. Et d'ailleurs, l'expression "science des aliments" mérite d'être un peu discutée, car il y a une différence considérable entre une science qui découvre les composés des ingrédients alimentaires, tissus végétaux ou animaux, qui explore les structures de ces tissus et des produits obtenus à partir d'eau, et une activité scientifique qui explore certains phénomènes qui se produisent de la transformation des aliments, lors de ce que certains nomment la mise en oeuvre des procédés.
Dans les deux cas, il y a le risque de la confusion entre science et technologie, et, surtout dans le deuxième cas, mais ce risque de confusion ne doit pas nous pas nous empêcher de faire quelque chose de bien, c'est-à-dire d'explorer des phénomènes en vue de découvrir les aspects nouveaux du monde.
Pour la gastronomie moléculaire, c'est le champ initial d'investigation qui a déterminé le choix du nom, le libellé de la discipline : on se préoccupe de phénomènes qui ont lieu lors de transformations culinaires, et le but n'est certainement pas d'améliorer les procédés ou d'explorer à l'infini la constitution moléculaire des ingrédients, végétaux animaux mais bien d'explorer le mécanisme des phénomènes qui ont lieu lors des transformations que l'on fait en cuisine.
Un des avantages de l'expression gastronomie moléculaire et physique, c'est qu'il est bien identifié que cette discipline est une discipline scientifique, et pas une technologie. De fait, le cap est clair, d'autant que je ne cesse de répéter la différence entre la science et les applications de la science.
La confusion qui subsiste, qui est ancienne, est celle entre gastronomie moléculaire et physique d'une part, et cuisine moléculaire, de l'autre.
Pour la cuisine moléculaire, c'est clairement une technique, à savoir l'utilisation de matériels importés des laboratoires, essentiellement de chimie, le physique et biologique. Du matériel moderne pour cuisiner, en vue de rénover des procédés parfois séculaires, mais bien souvent périmés du point de vue énergétique, du point de vue de l'efficacité, du point de vue du temps de mise en œuvre...
lundi 7 octobre 2024
Il faut guider
Je suis une grande naïveté mais, organisant des enseignements, je viens d'observer un phénomène amusant : depuis quelques années, j'invitais des d'intervenants extérieurs qui présentaient des applications physico-chimiques dans les industries de la formulation, et il y avait des étudiants absents, mais cette année, comme l'institution m'a demandé d'évaluer individuellement les étudiants, en plus des travaux de groupe, j'ai pensé à des QCM à propos des interventions... et observé que :
- d'une part, tous les étudiants ont été présents,
- d'autre part, plusieurs s'inquiétaient d'être capables de répondre aux questions qui allaient être posées à l'examen, de sorte qu'ils ont même été jusqu'à revoir les présentations qui avaient été faites.
Et dire que, par le passé, j'avais -naïvement- espéré que nos jeunes amis aillent chercher à comprendre ce qu'ils ne comprenaient pas... observant toutefois qu'il n'était pas apparent qu'ils l'aient fait !
Ainsi, d'une certaine façon, seule une sorte de coercition a permis de donner plus d'utilité aux l'enseignement proposé. C'est l'indication que les enseignements, pour ce groupe, restent très extrinsèques, et non intrinsèques. Il y de la naïveté à perdre, et des choses à changer, manifestement.