mercredi 25 septembre 2024

Des bonnes pratiques à propos de l'affichage des données

La science produit un très grand nombre de résultats de mesure,  car la deuxième étape de la méthode scientifique consiste précisément,  après avoir identifié un phénomène, à le caractériser quantitativement : cela signifie le mesurer sur toutes les coutures utiles. 

Et les mesures donnent des résultats de mesure c'est-à-dire des nombres, ou des courbes, ou des images, et, plus généralement,  des informations qui peuvent se numériser. 

Bref, nous recueillons de très volumineux groupes de nombres. On aurait envie, si l'on veut honnêtement présenter ses résultats, de montrer tous ces nombres, mais cela ferait des tableaux complètement immangeables,  et nous devons faire l'effort de passer par des traitements qui conduiront à des équations, à des courbes, à des histogrammes, à des représentation en plusieurs de dimensions...

Il faut insister : un tableau de données que l'on jette à la figure de ses interlocuteurs, c'est la plus grande des impolitesse ! Et si d'aventure le rapporteur d'un de nos articles nous demande de présenter nos données, alors il y a une sélection à faire afin de présenter les données "pertinentes". 

Bref il y a cette question de représenter des données. 

 

D'ailleurs, le résultat d'une mesure n'est pas tout et il y a certainement la volonté ultérieure de comparer ces résultats. Dans le cas le plus simple, on a seulement deux résultats de mesure que l'on veut comparer. 

Si l'on fait un diagramme, ou un histogramme, alors on obtiendra  des points plus ou moins haut sur le diagramme ou deux rectangles plus ou moins allongés. La question est de comparer la hauteur de ses objets.

Il faut répéter mille fois qu'une mesure sans une évaluation de l'incertitude de la mesure ne vaut absolument rien et que la comparaison que l'on proposait précédemment ne peut pas se faire si l'on n'a pas une estimation de l'incertitude de la mesure où une mesure exacte de cette incertitude. 

Par exemple, il est de coutume en sciences des aliments de répéter trois fois les expériences et de calculer ce que l'on nomme un écart type, qui est une mesure de la dispersion des résultats de mesure. 

Cela n'est pas suffisant et il y a lieu de considérer l'incertitude totale de l'expérience, de la conception de celle-ci jusqu'à jusqu'au traitement des données. Il y a des incertitudes qui s'introduisent au moment de la préparation des échantillons, avec les pesées, les analyses, les transvasements, etc. Et chaque opération élémentaire introduit des incertitudes qui se répercuteront sur le résultat final. Et il y a  donc lieu alors, ayant toutes ces mesures, de composer les incertitudes c'est-à-dire de calculer l'incertitude totale. 

Le résultat final est généralement terrible parce qu'on obtient des incertitudes considérables quand les expériences sont longues, et c'est cela qui doit nous pousser, quand nous répétons les expériences, à pourchasser les opérations les plus incertaines pour arriver à des résultats aussi précis que possible. 

Et là on s'arrêtera au mot "précis" :  il y a lieu de faire une différence entre des fléchettes qui arriveraient toutes groupées au centre d'une cible, et des fléchettes qui arriveraient toutes groupées, mais pas au centre. Il faut donc se préoccupé non seulement du groupement, mais du point d'arrivée. 

Et  on voit sur cet exemple u'une bonne pratique en entraîne une autre :  la vertu et sa propre récompense et notamment parce qu'elle nous conduit généralement à faire mieux que nous ne faisions initialement. 

Quel plaisir de faire bien !

Il faut aller au bout des choses

Lors d'une présentation de ses travaux par un collègue physico-chimiste, j'ai vu des images, quelques caractérisations... mais il m'a manqué deux aspects importants   : d'une part une quantification des phénomènes qui aurait permis de dépasser leur seule apparence, et, d'autre part, une interprétation chimique plus fine. 

Au fond, la physico-chimie ne prend toute son importance que quand ces deux caractéristiques sont présentes,  car la physique réclame non pas seulement une caractérisation quantitative des phénomènes  mais la recherche de mécanismes à partir des équations fondées sur les mesures,  et, d'autre part, la compréhension moléculaire des phénomènes. 

Je ne suis pas sûr que l'on puisse s'arrêter à des images microscopiques et en tout cas, la proposition d'analyse descendante des phénomènes montre que cette position n'est pas satisfaisante. 

Bref je crois que mon collègue aurait dû creuser plus.

mardi 24 septembre 2024

Berthelot, Pasteur, et la suite

 J'ai relu une fois de plus le livre de Jean-Jacques consacré au chimiste Marcellin Berthelot parce que décidément, je n'arrivais pas à comprendre ce que l'homme avait fait. 

Mais cette nouvelle lecture me confirme que, quand Jean-Jacques sous-titre son livre "Autopsie d'un mythe", c'est parfaitement exact, en dépit des gesticulation des descendants de Berthelot qui tiennent l'ancêtre pour un personnage hors du commun. 

Berthelot était donc chimiste, et il et il quitta la chimie vers 40 ans pour la politique, où il ne fut d'ailleurs pas très bon. 

Surtout, Berthelot comment ça par travailler sur la synthèse des composés organiques, ces composé que l'on trouvait dans le monde vivant, mais, plus généralement, les molécules qui sont  formées d'atomes de carbone, l'hydrogène et d'oxygène principalement. Il obtint quelques résultats mais par des méthodes qui étaient dépassées parce qu'il refusait l'idée alors avancée, moderne, de molécule.
Au tout début de sa carrière, on confondait molécules, atomes, particules, corpuscules... au point que, dans la même phrase, Louis Pasteur (qui était contemporain de Berthelot) utilisait ces mots indistinctement pour désigner les mêmes objets... que l'on imaginait d'ailleurs mal. 

Oui, on imaginait mal les molécules, on n'avait pas idée de ces petits objets que nous avons aujourd'hui bien définis, et la chimie était difficile puisque on voyait bien que l' "hydrogène" (en réalité le dihydrogène) et l' "oxygène" (le dioxygène) gazeux pouvait se combiner pour faire de l'eau. Mais comment se combinaient-ils ? 

Là était toute la question que discuta le chimiste italien Stanislao Cannizzaro, lors du congrès mondial des chimistes qui se tint à Karlsruh en Allemagne  : il mit de l'ordre dans les théories proposées par John Dalton, en Angleterre, et par Amedeo Avogadro en Italie, et convainquit les chimistes les moins réactionnaires que nombre de matériaux (un cristal de sucre, par exemple) sont faits de petits objets (le mot molécule fut donné), qui étaient eux-mêmes faits d'atomes de divers "éléments". 

Cette idée théorique était essentielle pour parvenir à faire de la synthèse de molécules organiques, car la représentation des molécules permet de comprendre où les atomes doivent s'ajouter, être remplacés, etc, comme dans un jeu de construction. 

Sans ce support théorique, Berthelot ne put faire que des synthèses très élémentaires tout en les assortissant d'ailleurs d'un discours extraordinairement prétentieux. 

Car Berthelot faisait partie de ces gens qui savaient écrire et il écrivait beaucoup dans un style très ampoulé, très prétentieux, qui ne manquait jamais de le mettre en avant, de montrer son "génie"... à ceux qui n'étaient pas capables d'en juger. 

Oui, Berthelot fit quelques travaux de chimie dans la première partie de sa carrière,  mais pas de ces travaux que l'on retient. Après ces études de la synthèse organique,  où il n'avait en réalité pas tellement brillé, il passa à la thermochimie, où il ne laissa pas un souvenir impérissable, incapable en réalité de ce que des Boltzmann ou des Gibbs pouvaient faire. Et, sur la suite, il explora mal la fixation de l'azote atmosphérique (pour la croissance des plantes), en dépit d'installations qu'il fit construire à Meudon. 

Bref, Berthelot ne fut pas un grand chimiste, et même son poste au Collège de France fut contestable, imposé par le ministre. Il usa de cette position pour influencer des cercles, mais fit prendre un demi siècle de retard à la chimie française. 

La position de Jean-Jacques, qui chercha la vérité à propos de Berthelot, est difficile parce qu'elle le mettait dans une position critique alors que jusqu'à présent, les historiens avaient été plutôt à hagiographiques. Il aurait été intéressant de comparer Berthelot à Pasteur, qui constitua également sa propre statue, mais il faut reconnaître à Pasteur que des travaux de microbiologie furent à la pointe de la science, dans un champ très novateur, et avec des élèves dans le monde entier. Ceux de Berthelot sont largement inconnus, et à juste titre car les institutions scientifiques, si grandes soient-elles, ne sont pas la garantie de la qualité des chercheurs qui y travaillent. Et en écrivant cela, je peux m'empêcher de penser à l'Université de Strasbourg, qui abrite deux prix Nobel de chimie à Strasbourg. A Strasbourg, pas à Paris !

lundi 23 septembre 2024

Vient de paraître

 Vient de paraître Hervé This, Des sauces soja moins salées, Pour la Science, octobre 2024, N°563, p. 96.

L'éducation des enfants ? Elle fait celle des parents !

Alors que je lis un texte sur le pasteur Oberlin, qui, vers l'époque de la révolution française, se préoccupa de l'éducation des enfants en bas âge abandonnés à eux-mêmes par leurs parents, dans une vallée d'Alsace, je ne peux m'empêcher de penser que l'idée éducatrice était double : Oberlin pensait certainement aux enfants, mais je suis bien certain qu'il avait aussi les parents dans ses objectifs. 
Sans prétendre m'élever à la hauteur de cet homme extraordinaire, je ne peux m'empêcher de me souvenir des "ateliers expérimentaux du goût" que nous avons introduits dans l'ensemble des écoles primaires de France au début des années 2000. Certes, il y avait un programme officiel liant les sciences et les arts, mais il y avait surtout la question d'enseigner à manger... à tous. 
La pandémie actuelle d'obésité découle principalement de ce que nous avons accès à la nourriture, ce qui n'était pas le cas jadis, et, aussi,  de ce que l'être humain a bien du mal à s'empêcher de manger du gras et du sucre. Une sauce mayonnaise, c'est 95 % d'huile : autrement dit c'est de l'huile déguisée en sauce. Le chocolat, le quign aman, c'est du gras et du sucre quasi exclusivement...  et nous adorons cela. D'ailleurs, dans nos ateliers expérimentaux du goût, l'idée affichée était de faire monter l'aliment du ventre à la tête, à l'esprit : aider les enfants à devenir moins animaux, plus humains. Et cette éducation visait les parents, car on sait bien que les enfants mangent comme leurs parents. Pourquoi ne pas éclairer ces derniers sur  façons dont ils mangent ?


Les artistes...

 
C'est intéressant de voir combien il y a de différence entre les artistes. 

Hier, je regardais l'enregistrement de 3 violoncellistes qui avaient été réunis par un luthier autour d'un violoncelle qui venait d'être créé, et ces violoncelliste jouaient à tour de rôle un morceau sur le même violoncelle. 

Pour le premier, c'était une œuvre intéressante :  le chant des oiseaux, un champ de résistance durant  la guerre d'Espagne, par le célèbre musicien Pablo Casals. Il y avait une belle interprétation et des surprises mais certainement beaucoup d'intérêt. 

Pour la deuxième musicienne du groupe, elle a joué une suite de Bach et je n'ai pas tenu jusqu'au bout parce que je m'ennuyais. Ce fut également le cas pour le troisième violoncelliste, que je pas écouté jusqu'au bout. Dans les deux derniers cas, ce qui est intéressant, les notes étaient bien jouées, les phrases étaient marquées, il y avait des différences d'intensité... mais le jeu était ennuyeux. 

J'oppose à cela l'exécution par Gérard Caussé d'une suite de Bach, sur un alto : je conduisais un soir en  écoutant France musique, mais il y eut une musique si belle que je m'arrêtais aussitôt  sur le bas-côté, pour écouter,  et attendre de savoir qui était l'interprète. 

On ne peut pas m'accuser d'avoir été influencé par un descriptif préalable, mais la "diction" était vraiment remarquable. Et j'ai réécouté ensuite les suites de Bach par Caussé, et je retrouve régulièrement la même vertu : cet homme nous parle et il n'a pas une interprétation un peu automatique mais au contraire sensible. Dans cette description que je fais aujourd'hui, il y a toute la question de l'art musical.

dimanche 22 septembre 2024

La confection des terrines

 

Alors que je viens encore d'expliquer la différence entre une terrine et un pâté, je m'interroge sur la confection de mes propres terrines.
Une terrine c'est de la chair broyée qui est cuite dans un récipient en terre, dans une terrine.
Un pâté, c'est de la chair broyée qui est cuite dans une pâte.

Mais on comprend que, dans les deux cas, il puisse y avoir aussi bien de la viande que du poisson, des abats, mais aussi d'autres ingrédients et dans le fond, une sorte de flan aux légumes cuit dans une terrine serait peut-être également une terrine. On parle de terrine de lapin, de terrine de poisson mais pourquoi pas de terrine de légumes si l'on s'y prend bien.

Hier, je préparais une terrine de volaille et, comme c'est un produit charcutier et que la volaille peut-être coûteuse, il est habituel d'y ajouter du porc, lequel apporte de surcroît de la matière grasse, qui vient donner un peu plus de donc de tendreté au plat.

Mais je n'oublie pas les recommandations de mon ami Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Avec le gras et la viande, on a de la douceur mais il faut ajouter maintenant de la force et de la violence. Dans ce cas, la force est venue du cognac que j'ai mis à la fois dans la mêlée et dans dans le liquide que j'ai coulé ensuite pour faire un gel. La violence elle, venait de poivre et de piment bien dosé.

Tout cela n'était pas mal mais j'aurais pu améliorer un peu en travaillant mieux la mêlée car il faut donner la possibilité aux protéines de sortir des fibres musculaires et de faire ce lien que certains augmentent en ajoutant de l'œuf, lequel vient coaguler à la cuisson.
La consistance était donc pas mal, un peu insuffisante, et si j'avais été dans un jury je l'aurais observé. Mais surtout il manquait quelque chose pour faire un bon plat car cette terrine avec du pain était un peu sèche, un peu insuffisante dirons-nous.
Dans un bon sandwich, par exemple, il faut des cornichons, et la quantité de cornichon doit venir apporter un peu d'eau, une possibilité de mieux déglutir, à l'ensemble. On peut penser aussi à du concombre, des tomates, que sais-je ?
C'est le que sais-je qu'il faut questionner car il y a lieu d'y penser beaucoup pour que finalement, la dégustation soit parfaite. Les Alsaciens par exemple ne se limitent pas au cornichons au vinaigre mais ils ajoutent des quetsches au vinaigre, des mirabelles au vinaigre, de la carotte cuite et broyée avec de l'œuf dur et de la moutarde... Ce sont ses appétits comme l'on disait dans le temps, et ils doivent être bien conçus.