vendredi 29 décembre 2023

Mon invention de l' "oeuf mi-cuit"

 Et voici le texte que j'avais envoyé à Pierre Gagnaire pour l'inviter à mettre mon invention en cuisine : 


Mi cuit !



Mon cher Pierre,

La cuisine a des mots qui invitent à l'invention. Par exemple, par ces temps de généralisation de mes œufs à basse température, sous la terminologie fautive (c'est ma faute!) d' « œuf parfait », il y a cette appellation que j'ai entendue : « mi cuit ».

En réalité, le « mi » fait penser à la moitié, mais la commande précise des températures permet d'obtenir des œufs « quart cuits », ou « tiers cuits », et ainsi de suite. De sorte que le mi-cuit n'est qu'une façon imprécise de parler. Or tu sais combien l'imprécision me gêne : autant j'aime la poésie, qui ne cherche pas la précision, et veut le sentiment, autant, quand il s'agit de faits, je réclame de la justesse.


Mi cuit, donc : de quoi s'agit-il ? Tu sais combien je m'amuse de ces propositions enfantines qui veulent nous cantonner dans les alternatives inévitables : « Papa, tu préfères les bananes ou les poires ? » (et je réponds : « les cassis »). Surtout, je cherche à ne jamais me laisser enfermer dans ces choix qui n'ont pas lieu d'être, ou, du moins, que je ne veux pas faire.

Mi cuit ? Puisque ce n'est pas cuit à moitié, pourquoi cela ne pourrait-il pas le devenir ?


C'est l'idée que je te propose. Prends un œuf, et mets-le dans une casserole, coincé par des fourchettes, de sorte qu'il ne puisse pas rouler. Puis met de l'eau dans la casserole, jusqu'à atteindre la mi hauteur. Et chauffe le tout pendant une bonne dizaine de minutes.

Laisse refroidir, puis, en conservant l'oeuf dans sa position, écalle-le : tu obtiens un œuf véritablement mi cuit, à savoir que la partie inférieure est celle d'un œuf dur, tandis que la partie supérieure est encore quasi crue, parfois cuite à basse température. Un bel objet.

T'inspirera-t-il ?

On connaissait quelques cuissons ; j'ai inventé les autres

 

Les doubles cuissons



On connaît les cuissons simples : la chaleur apportée aux aliments est communiquée par contact avec un solide, un liquide, un gaz, par rayonnement, par voie chimique, etc.

Douze sortes sont ainsi répertoriées


1. Deux cuissons par contact avec un solide chaud. La cuisson d’un steak s’apparente à cette technique : la cuisine classique ne mentionne-t-elle pas qu’un steak ne doit être retourné qu’une fois ? Il y a alors deux contacts avec le solide.

Mais on pourrait aussi varier les contacts, ou varier les températures des solides en contact. Par exemple, un premier contact avec un solide à température comprise entre 60 et 100°C ferait une cuisson à coeur, et un second contact ferait une croûte goûteuse (nommons ce procédé « double grillade »).

2. Première cuisson par contact avec un solide chaud, puis cuisson dans l’eau frémissante. Si le premier contact forme des arômes grillés, le second contact peut servir soit à cuire à coeur, avec diffusion de ces arômes, véhiculés par le liquide, soit à parfumer la sauce d’accompagnement, qui termine la cuisson (« grillade pochée »).

3. Contact avec un solide sec et cuisson dans l’eau bouillante : le procédé s’apparente au précédent, tout comme une daube s’apparente à un ragoût. Ce pourrait être une « grillade bouillie ».

4. Contact avec un solide chaud, puis cuisson dans un air tiède : pour voir l’intérêt d’un tel procédé, on remarquera que, souvent, les procédés de conservation des viandes ou des poissons éliminent l’eau de surface afin d’éviter la prolifération bactérienne. Ici ce n’est pas le sucre ou le sel qui fait cet effet, mais une cuisson de surface. On nommera ce procédé « grillade séchée » ou « grillade fumée ».

5. Par contact avec un solide chaud, puis cuisson dans de l’air très chaud : le premier contact crée des arômes de grillé, puis le second parachève la cuisson. C’est un moyen de limiter la carbonisation de surface. Il s’agit d’une sorte de « grillade rôtie au four».

6. Par contact avec un solide chaud, puis cuisson à l’air chaud humide : il y a plusieurs façons de s’y prendre, pour la premier partie de l’opération comme pour la seconde partie. Pour la première, on pourra effectuer soit une cautérisation au fer rouge, soit une cuisson sur une plaque de fonte. Puis on pourra enfermer dans une papillote, ou faire une cuisson en four vapeur. La première cuisson fera des arômes caractéristiques, et la seconde parachèvera la cuisson en limitant les pertes de matière. Ne s’agit-il pas d’une « grillade à la vapeur» ?

7. Par contact avec un solide chaud, puis par friture. C’est un bon procédé pour limiter la quantité d’huile qui entre dans les pièces frites. Une « grillade frite».

8. Contact avec un solide chaud, puis rayonnements infrarouges. Le solide fait des arômes de surface, et les rayonnements terminent la cuisson. Une « grillade rôtie ».

9. Contact avec un solide chaud, puis cuisson aux micro-ondes : les micro-ondes savent cuire à coeur, mais elles ne brunissent pas. Voici donc un premier moyen de faire cette couche de surface qui donne du goût. Il s’agit d’une sorte de « grillade micro-ondes».

10. Contact avec un solide chaud, puis cuisson par un acide : une intéressante variation du poisson à la tahitienne, qui ne cuit qu’à coeur, et de façon homogène. Je propose le nom de « grillade tahitienne».

11. Contact avec un solide chaud, puis cuisson par précipitation des protéines à l’alcool, au sucre ou au sel. Étrange procédé, que l’on pourrait nommer « grillade précipitée». C’est sans doute une façon de conserver moderne.

12. Contact avec un solide chaud, puis cuisson sous pression : un tel procédé aurait l’intérêt de créer des arômes puissants en surface, et de cuire à coeur sans perdre de jus. Hélas les cuisiniers n’ont pas (encore) d’appareils pour cuire par la seule application de la pression.


13. Cuisson dans l’eau frémissante, puis contact avec un solide chaud : cette fois, on parfume à coeur avec le liquide, puis on parachève la cuisson, en faisant une croûte sèche. Il s’agit d’un « pochage grillé»

14. Cuisson dans l’eau frémissante, puis eau frémissante : Pour que l’opération ait de l’intérêt, il faut sans doute que les deux liquides soient différents, et que l’opération évite le mélange des arômes dus aux deux liquides. Par exemple, on pourrait faire frémir une viande dans un vin, de sorte que ce dernier parfume à coeur, puis plonger la viande ainsi cuite dans un liquide dans un bouillon d’herbes corsé, afin de donner un goût de surface. Je propose le nom de « double pochage».

15. Cuisson dans l’eau frémissante, puis eau bouillante : pour trouver de l’intérêt à une telle opération, il faut sans doute, comme pour la précédente, que les deux liquides soient différents. Ici, de surcroît, l’eau bouillante durcirait la surface. Nommons l’opération « pochage bouilli».

16. Cuisson dans l’eau frémissante, puis friture : une cuisson à coeur, puis une friture, après une immersion éventuelle dans de la chapelure. L’intérêt est cette fois évident pour ce « pochage frit».

17. Cuisson dans l’eau frémissante, puis air tiède: ce sera sans doute un procédé de conservation. La cuisson dans l’eau frémissante sert à parfumer l’intérieur de la pièce ; elle doit durer longtemps. Puis la seconde opération est un séchage ou un fumage. Au total, je propose le nom de « pochage séché », ou « pochage fumé ».

18. Cuisson dans l’eau frémissante, puis dans l’air chaud : l’air, ici chaud, permet une cuisson sèche de la surface, qui recouvre un intérieur qui aura été précuit, éventuellement avec une aromatisation par le liquide de cuisson. Il s’agit d’un véritable « pochage rôti au four ».

19. Cuisson dans l’eau frémissante puis dans l’air humide : une sorte de « pochage à la vapeur».

20. Cuisson dans l’eau frémissante, puis rayonnements infrarouges : ce procédé s’apparente au précédent, tout comme la cuisson au four chaud s’apparente au rôtissage. Cette fois, c’est le « pochage rôti».

21. Cuisson dans l’eau frémissante, puis micro-ondes : analogue au procédé de double daube croûtée, il s’agit d’une «pochage aux micro-ondes ».

22. Cuisson dans l’eau frémissante, puis acidité : ce « pochage à la tahitienne » aura l’intérêt que l’acidité ne touche que les couches superficielles, et que le coeur aura cuit.

23. Cuisson dans l’eau frémissante, puis précipitation à l’alcool, au sucre ou au sel : ce « pochage précipité» servira pour des mets à conserver.

24. Cuisson dans l’eau frémissante puis application d’une pression : ce « baropochage » m’intrigue, et j’aimerais voir des résultats avant d’imaginer des applications culinaires.


25. Cuisson dans un liquide bouillant, puis contact avec un solide sec : un bien mauvais principe, sauf si la première cuisson est rapide, si elle s’effectue dans un liquide corsé, et si la seconde est plus lente. Un « bouilli grillé ».

26. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson dans un liquide frémissant cette fois, le principe est plus acceptable : c’est un « bouilli poché ».

27. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson dans un liquide bouillant : ce « double bouilli » ne peut avoir d’intérêt que si les deux liquides sont différents. Je propose une première ébullition, puis un repos, de sorte que la chaleur pénètre lentement et durablement à coeur, à la façon d’un gigot de onze heures. La seconde cuisson aurait ensuite la possibilité de parfumer en surface.

28. Cuisson dans un liquide bouillant, puis friture : ce « bouilli frit » est déjà pratiqué dans certaines recettes de frites. Mais on pourrait également le pratiquer pour de la viande, à condition que la première cuisson soit brève et que, comme dans le double bouilli, elle soit suivie d’un long repos.

29. Cuisson dans un liquide bouillant, puis séchage ou fumage : ce procédé de « bouilli séché» ou de « bouilli fumé» aurait l’intérêt de tuer les bactéries de surfaces, et de précuire la viande. La cuisson en liquide bouillant, en réduisant la jutosité, permet une conservation supérieure.

30. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson dans l’air très chaud : c’est le vieux procédé de « rôtissage médiéval» (voir le numéro 29) adapté pour le four, une sorte de « rôtissage médiéval au four ».

31. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson dans l’air humide : pour que ce « bouilli à la vapeur » soit intéressant, il faut que le liquide de la première cuisson soit corsé.

32. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson par des rayonnements infrarouges : cette fois, c’est le vieux procédé de « rôtissage médiéval ».

33. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson aux micro-ondes : encore une fois, le liquide bouillant de la première cuisson doit être très parfumé, afin qu’un échange ait lieu entre le bouillon et la viande ; puis la cuisson aux micro-ondes parachève la cuisson à coeur. Une sorte de « bouilli aux micro-ondes».

34. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson par un acide : une bonne façon de stériliser la surface, mais la première cuisson doit être rapide. Nommons-le « bouilli tahitien ».

35. Cuisson dans un liquide bouillant, puis cuisson au sucre, au sel, à l’alcool : sans doute un « bouilli précipité ».

36. Cuisson dans un liquide bouillant, puis application d’une pression : ce serait un barobouillii »


37. Friture, puis cuisson par contact avec un solide chaud : cette « friture grillée » est une façon d’obtenir une texture originale en surface,

38. Friture, puis cuisson dans un liquide frémissant : cette fois, c’est bien la viande qu’il s’agit de préparer, en récupérant des arômes de friture. Une sorte de « friture pochée».

39. Friture, puis cuisson dans un liquide bouillant : ce « friture bouillie» aurait l’avantage de dissoudre dans un bouillon les arômes de friture initialement formés : ce serait utile pour la confection du bouillon plus que pour la préparation de la viande.

40. Friture, puis friture : c’est un procédé qui existe déjà, par exemple pour la cuisson des pommes de terre frites. On le nomme « friture à deux bains ».

41. Friture, puis cuisson dans l’air sec tiède : pour cette « friture séchée », on donne un goût de fumé, par exemple, à une pièce frite.

42. Friture, puis cuisson dans l’air sec chaud : une « friture rôtie au four» pour un nouveau goût de rôti.

43. Friture, puis cuisson à la vapeur : le croustillant formé à la friture serait perdu, mais les arômes de friture seraient récupérés et répartis, lors de la cuisson à la vapeur. Au total, il s’agirait d’une « friture à la vapeur».

44. Friture, puis cuisson par rayonnement infrarouges : un excellent moyen pour obtenir à coup sûr une couche superficielle croustillante, le véritable « friture rôtie».

45. Friture, puis cuisson aux micro-ondes : ce procédé a l’inconvénient d’amollir le croustillant dû à la friture, mais il en récupère les arômes. Une « friture aux micro-ondes».

46. Friture, puis cuisson à l’acide : de nouveaux arômes en perspectives, pour cette « friture exotique ».

47. Friture, puis cuisson au sel, au sucre ou à l’alcool : encore des arômes, pour un moyen de conservation original, une « friture précipitée ».

48. Friture, puis application d’une pression : une « barofriture ».


49. Cuisson dans un air sec tiède, puis contact avec un solide chaud : ce « séchage grillé » donnerait un goût spécifique, alliant celui du séchage ou du fumage, et celui du grillé.

50. Cuisson dans un air sec tiède, puis contact avec un liquide frémissant : un « séchage poché » comme on le fait avec certaines saucisses fumées dans la choucroute, par exemple.

51. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson dans un liquide bouillant : pour la préparation d’un bouillon, ce « séchage bouilli » permettrait de récupérer un goût de fumé dans un bouillon.

52. Cuisson dans un air sec tiède, puis friture : un « séchage frit » qui procurerait sans doute des goûts nouveaux.

53. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson à l’air sec tiède : on pourrait imaginer un «séchage fumage », ou bien un « fumage séchage ».

54. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson à l’air sec chaud : ce « séchage rôti au four » ou ce « fumage rôti au four » se comprend bien surtout dans le second cas, à condition que le fumage initial ait été léger, et qu’il ait épargné le coeur.

55. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson à la vapeur : un « séchage cuit à la vapeur ».

56. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson par rayonnements infrarouges : un véritable « séchage rôti », ou un « fumage rôti ».

57. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson aux micro-ondes : un « séchage micro-ondé » pour une cuisson à coeur de pièces préfumées, par exemple.

58. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson à l’acide : un « séchage exotique » qui allierait le goût de fumé et le goût de cuisson à la tahitienne, à tester.

59. Cuisson dans un air sec tiède, puis cuisson par du sucre, du sel ou de l’alcool : un « séchage précipité ». C’est l’inverse de ce que l’on fait d’habitude pour la conservation des viandes. Je n’en vois pas l’intérêt.

60. Cuisson dans un air tiède, puis application d’une pression : un « baroséchage » qui pourrait assainir bien des produits de charcuterie (l’application d’une pression tue les micro-organismes).


61. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson par contact avec un solide chaud : un « rôti grillé ».

62. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson dans un liquide frémissant : c’est le « braisé à l’ancienne ».

63. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson dans un liquide bouillant : un rôti que l’on fait bouillir, c’est généralement pour en récupérer les arômes. Nommons le « rôti au four bouilli »

64. Cuisson dans l’air sec chaud, puis friture : une bonne façon d’avoir un bon croustillant, nommé un « rôti au four frit »

65. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson dans l’air sec tiède : un « rôti au four fumé » ou un «rôti au four séché ».

66. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson dans l’air sec chaud : un « double rôtissage au four »

67. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson à la vapeur : un « rôtissage au four et à la vapeur ».

68. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson par rayonnement infrarouges : un « double rôtissage mixte »

69. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson aux micro-ondes : un « rôtissage au four micro-ondé »

70. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson à l’acide : un « rôtissage four mariné » qui semble se rapprocher du procédé inverse. Les goûts seront-ils identiques ? Ici on ne peut toutefois pas attendre de croustillant.

71. Cuisson dans l’air sec chaud, puis cuisson au sel, au sucre ou à l’alcool : un « rôtissage four précipité » pour une conservation nouvelle.

72. Cuisson dans un air sec et chaud, puis application d’une pression : un « barotorissage ».


73. Cuisson à la vapeur, puis cuisson par contact avec un solide chaud : une « cuisson vapeur grillée » pour cuire la viande ou le poisson, en respectant ses arômes, puis en superposant des notes grillées qui ne diffuseront pas dans la pièce.

74. Cuisson à la vapeur, puis cuisson dans un liquide frémissant : une « cuisson vapeur pochée » qui n’aurait d’intérêt que si le liquide est corsé.

75. Cuisson à la vapeur, puis cuisson dans un liquide bouillant : une « cuisson vapeur bouillie » pour que le bouilli fasse une couche dure en surface.

76. Cuisson à la vapeur, puis friture : une « cuisson vapeur frite » afin de cuire à coeur et de frire. La cuisson à la vapeur permettrait d’avoir des arômes vrais à coeur, et la friture ferait un croustillant.

77. Cuisson à la vapeur, puis cuisson dans l’air sec tiède : une « cuisson vapeur séchée » qui serait sans doute un moyen de conserver les poissons ou les viandes.

78. Cuisson à la vapeur, puis cuisson dans l’air sec chaud : une « cuisson vapeur rôtie au four » afin de faire des notes de rôti après la cuisson à coeur.

79. Cuisson à la vapeur, puis cuisson à la vapeur : une « double cuisson vapeur »qui n’a d’intérêt que si les cuissons atteignent des profondeurs différentes, avec des parfums différents.

80. Cuisson à la vapeur, puis cuisson par rayonnement infrarouges : une « cuisson vapeur rôtie » afin d’obtenir, comme en 72, des notes rôties en surface.

81. Cuisson à la vapeur, puis cuisson aux micro-ondes : une « cuisson à la vapeur micro-ondée ». Je ne vois pas encore l’utilité.

82. Cuisson à la vapeur, puis cuisson à l’acide : une « cuisson à la vapeur exotique » pour obtenir des arômes exotiques dans la partie périphérique, tout en ayant une pièce bien cuite à coeur.

83. Cuisson à la vapeur, puis cuisson au sel, au sucre ou à l’alcool : une « cuisson à la vapeur précipitée » pour sécher la couche superficielle, après avoir cuit.

84. Cuisson à la vapeur, puis application d’une pression : une « barocuisson à la vapeur ».


85. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson par contact avec un solide chaud : un « rôtissage grillé » qui devrait procurer des arômes légèrement différents de ceux qui sont connus dans le rôtissage.

86. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson dans un liquide frémissant : un « rôtissage poché » pour disperser dans la viande les notes rôties formées lors du rôtissage.

87. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson dans un liquide bouillant : un « rôtissage bouilli » pour récupérer un bouillon au goût nouveau.

88. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis friture : un « rôtissage frit » serait une façon d’obtenir une bonne cuisson, et des goûts spécifiques.

89. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson dans l’air sec tiède : un « rôtissage séché » pour conserver les viandes ou les poissons.

90. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson dans l’air sec chaud : un « rôtissage rôti au four » dont je ne vois pas clairement l’intérêt.

91. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson à la vapeur : un « rôtissage à la vapeur » pour achever une cuisson en dispersant les arômes.

92. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson par rayonnement infrarouges : un « double rôtissage » qui ne se comprend que si la viande est différemment placée dans les deux cas : loin d’abord, puis près, ou l’inverse.

93. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson aux micro-ondes : un « rôtissage micro-ondé » pour parachever une cuisson, mais on perd le croustillant de surface.

94. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson à l’acide : un « rôtissage exotique » pour des goûts à découvrir.

95. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis cuisson au sel, au sucre ou à l’alcool : un « rôtissage précipité » pour les goûts spéciaux.

96. Cuisson par rayonnements infrarouges, puis application d’un pression un « barorôtissage », qui donnerait une croûte goûteuse et un coeur tendre.


97. Cuisson aux micro-ondes, puis contact avec un solide chaud : une « cuisson micro-ondes grillée » qui serait une bonne façon d’obtenir un croustillant de grillé, avec un coeur cuit.

98. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson dans un liquide frémissant : une « cuisson micro-ondes pochée » qui serait une façon d’accélérer un pochage dans un liquide parfumé.

99. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson dans un liquide bouillant : une « cuisson micro-ondes bouillie » : à tester pour savoir si le goût d’un bouillon serait différent du goût classique.

100. Cuisson aux micro-ondes, puis friture : une « cuisson micro-ondes frite »

101. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson dans un air tiède sec : une « cuisson micro-ondes séchée » pour cuire la viande à coeur avant de la sécher ou de la fumer.

102. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson dans un air sec chaud : une « cuisson micro-ondes rôtie au four » qui accélère le rôtissage au four.

103. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson à la vapeur : une « cuisson micro-ondes à la vapeur » pour personnes pressées. Pour que l’opération ait vraiment de l’intérêt, il faudrait que la vapeur soit parfumée.

104. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson aux infrarouges : une « cuisson micro-ondes rôtie » telle qu’on le fait quand on est pressé.

105. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson aux micro-ondes : pour que cette « double cuisson micro-ondes » ait de l’intérêt, il faut imaginer que les deux opérations aient des effets différents.

106. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson à l’acide : une « cuisson micro-ondes exotique » qui s’apparente à la cuisson des choux rouges ou des pommes de terre en salade. Dans le cas des choux rouges, il est dit que la marinade rend le légume plus digeste.

107. Cuisson aux micro-ondes, puis cuisson au sucre, au sel ou à l’alcool : une « cuisson micro-ondes précipitée » pour une conservation d’un type nouveau.

108. Cuisson aux micro-ondes, puis application d’une pression : une « barocuisson aux micro-ondes ».


109. Cuisson à l’acide, puis cuisson par contact avec un solide chaud : une « cuisson à la tahitienne grillée » pour obtenir des notes grillées. S’imagine facilement avec des viandes ou avec des poissons.

110. Cuisson à l’acide, puis cuisson dans un liquide frémissant : une « cuisson à la tahitienne pochée » qui impose un bouillon frémissant qui s’harmonise avec l’acide utilisé dans la première opération.

111. Cuisson à l’acide, puis cuisson dans un liquide bouillant : une « cuisson à la tahitienne bouillie » pour récupérer dans un bouillon le goût particulier de la cuisson à la tahitienne.

112. Cuisson à l’acide, puis friture : une « cuisson à la tahitienne frite » pour des arômes intéressants et nouveaux.

113. Cuisson à l’acide, puis cuisson dans un air sec tiède : une « cuisson à la tahitienne séchée » pour obtenir une bonne conservation, l’acide s’ajoutant à la déshydratation.

114. Cuisson à l’acide, puis cuisson dans un air sec chaud : une « cuisson à la tahitienne rôtie au four » déjà pratiquée par certains chefs qui ajoutent des notes rôties.

115. Cuisson à l’acide, puis cuisson à la vapeur : une « cuisson à la tahitienne et à la vapeur » pour être certain de la cuisson. Notons que les marinades sont accélérées à chaud, ce qui peut être le cas ici.

116. Cuisson à l’acide, puis cuisson aux infrarouges : une « cuisson à la tahitienne rôtie » telle qu’en font déjà certains chefs. Le rôtissage apporte des arômes de rôti appréciable.

117. Cuisson à l’acide, puis cuisson aux micro-ondes : une « cuisson à la tahitienne micro-ondée » qui serait parachevée par une cuisson à coeur.

118. Cuisson à l’acide, puis cuisson à l’acide : pour que cette « cuisson à la tahitienne double » ait de l’intérêt, il faudrait que les deux acides soient différents, et que la chair macère des temps différents, afin que les liquides atteignent des zones distinctes.

119. Cuisson à l’acide, puis cuisson au sucre, au sel, ou à l’alcool : une « cuisson à la tahitienne précipitée » : une façon de cuire à la tahitienne à coeur, puis de raidir l’extérieur.

120. Cuisson à l’acide, puis application d’une pression : une « barocuisson à la tahitienne ».


121. Cuisson par précipitation, puis cuisson par contact avec un solide chaud : une « précipitation grillée ». Le séchage superficiel au sucre aurait l’intérêt de provoquer, ensuite, une caramélisation avec les résidus de sucre, par exemple.

122. Cuisson par précipitation, puis cuisson dans un liquide frémissant : une « précipitation pochée », afin de faire une croûte de surface et une cuisson douce à coeur.

123. Cuisson par précipitation, puis cuisson dans un liquide bouillant : une « précipitation bouillie ». Je ne vois pas bien l’intérêt de l’opération.

124. Cuisson par précipitation, puis friture, une « précipitation frite ». La précipitation aurait l’intérêt de sécher la surface, ce qui faciliterait la friture.

125. Cuisson par précipitation, puis cuisson dans un air sec tiède : une « précipitation séchée » : c’est une façon traditionnelle de séchage ou de fumage, des jambons par exemple.

126. Cuisson par précipitation, puis cuisson dans un air sec chaud : une « précipitation rôtie au four » qui s’apparenterait à la cuisson du canard laqué.

127. Cuisson par précipitation, puis cuisson à la vapeur : une « précipitation à la vapeur » qui bénéficierait de la saveur sucrée ou salée de surface. On obtiendrait une croûte sur une chair délicatement cuite.

128. Cuisson par précipitation, puis cuisson aux infrarouges : une « précipitation rôtie » qui aurait l’avantage de faire une couche superficielle bien croustillante. D’ailleurs le procédé s’apparente à la cuisson du canard laqué.

129. Cuisson par précipitation, puis cuisson aux micro-ondes : une « précipitation micro-ondée ». Une façon de cuire à coeur après avoir fait une couche de surface. Pour une conservation ?

130. Cuisson par précipitation, puis cuisson à l’acide : une « précipitation à la tahitienne ». Une façon d’obtenir une couche de surface dure, et une cuisson à coeur par le procédé à la tahitienne.

131. Cuisson par précipitation, puis cuisson au sucre, au sel, ou à l’alcool : une « précipitation double ». Pour qu’elle ait de l’intérêt, on pourrait alterner les modes de précipitation. Il s’agit apparemment d’une conservation, plutôt que d’une cuisson.

132. Cuisson par précipitation, puis application d’une pression : une « baroprécipitation ».


133. Cuisson par application d’une pression, puis contact avec un solide chaud : une « barogrillade »

134. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson dans un liquide frémissant : un «baroétuvage »

135. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson dans un liquide bouillant :un « barobouilli »

136. Cuisson par application d’une pression, puis friture, une « barofriture »

137. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson dans un air tiède : un « baroséchage »

138. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson dans un sec chaud : un « barorôtissage »

139. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson à la vapeur : une « barocuisson à la vapeur ».

140. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson aux infrarouges : une « barogrillade »

141. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson micro-ondes : une « barocuisson aux micro-ondes ».

142. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson à l’acide : « baroprécipitation »

143. Cuisson par application d’une pression, puis cuisson au sucre, au sel, ou à l’alcool : une « barocuisson à la tahitienne ».

144. Cuisson par application d’une pression, puis par application d’une autre pression : une double « barocuisson ».


Il y a très longtemps, j'avais inventé le sel glace :

 

Le sel glace


On connaît le sucre glace : il s’agit de sucre broyé très fin, en une poudre qui se dissout très vite. Ce faisant, les molécules de sucre, en nom chimique « saccharose », absorbent de la chaleur de l’eau où elles se dissolvent : l’eau refroidit. C’est la raison pour laquelle du sucre glace déposé sur la langue donne une agréable sensation de fraîcheur.

Et si l’on faisait de même avec du sel ? L’effet est le même, comme on peut le vérifier en mettant du gros sel dans de l’eau : avec cent grammes de sel pour un verre d’eau, la température de l’eau diminue de quelques degrés.

Comment obtenir du « sel glace » ? Prenez simplement un mortier et un pilon ; la poudre obtenue sale très différemment du sel fin ordinaire. Je suis impatient de savoir ce que mon ami Pierre fera de cette idée…

Je retrouve ce texte ancien de plus de 20 ans : l'oeuf "parfait" que j'avais inventé

 

L’œuf à 65°C.


L’œuf est à l’origine de tout : l’œuf, c’est le poussin en devenir, mais c’est aussi l’ovule humain, qui fera le cuisinier. Bref, il faut commencer par l’œuf.

Dans la coquille, un blanc et un jaune, pour dire les choses simplement. Et l’on sait que l’œuf cuit.

Cuit ? Oui, le liquide qu’est le blanc durcit quand on le chauffe (contrairement à un glaçon, qui, lui, fond), de même que le jaune.

A quelle température un blanc d’œuf cuit-il ? Une première expérience consiste à chauffer un verre où l’on a mis un blanc d’œuf : on voit que le blanc coagule, à partir du fond. Et si l’on a la curiosité de mettre un thermomètre précis au-dessus de ce front qui monte, on constate que le blanc coagulé, en dessous, est à plus de 62°C, tandis que la partie supérieure est à moins de 62°C. Autrement dit, le blanc d’œuf commence à coaguler à 62°C.

Le jaune ? Lui, c’est à 68 °C que la transformation apparaît.


D’où la question : qu’obtiendra-t-on si l’on met un œuf (ou 100, ou mille) dans un four à 65°C, c’est-à-dire à plus de 62°C et à moins de 68°C ? Réponse évidente : le blanc devrait être cuit, mais pas le jaune.

Un test expérimental s’impose aussitôt : dans un four (ou dans une casserole avec de l’eau, si votre four est trop imparfait), mettez des œufs et attendez une ou deux heures. Enlevez la coquille jusqu’à la moitié de la hauteur : vous obtenez un étrange œuf, avec un jaune cru, bien orangé, au centre d’une masse très délicatement prise. Rien à voir avec ces œufs durs caoutchouteux, dont la texture prévient la perception du goût.

Chef, à toi d’en faire un vrai plat !


((au fait, savez-vous pourquoi ce blanc est si délicat ?))

Des limonades qui moussent


Le champagne mousse, mais sa mousse retombe. La bière mousse, mais sa mousse tient très bien. Une telle déclaration est à l'emporte pièce ne vaut rien, bien sûr, parce que l'on sait aujourd'hui combien le verre est important. Notamment, un champagne versé dans un verre parfaitement propre ne mousse pas du tout : les bulles qui, en montant vers la surface du liquide, forment la mousse n'apparaissent que sur des fibres creuses déposées par les textiles, ou sur des fissures dans le verre (raison pour laquelle on peut faire monter des bulles d'un verre rayé au fond. 

Je n'explique pas le mécanisme de formation des bulles, parce que ce serait hors sujet (voir Casseroles et éprouvettes, éditions Belin). Passé les cas particuliers, la phrase que j'avais écrite en introduction reste vraie… et il y a lieu de s'interroger. 

Tout tient dans les protéines ! Ces dernières sont rares dans les champagnes, mais abondantes dans les bières, et, comme le montre l'expérience qui consiste à fouetter un blanc d’œuf en neige, les protéines sont des bons agents « foisonnants ». 

Foisonner ? Cela veut dire « faire mousser ». Bref, les protéines contribuent à la formation et à la tenue des mousses. De ce fait, pourquoi ne pas ajouter des protéines, quand on veut une mousse qui tient ? Par exemple, les boissons gazeuses sont souvent d'une bien faible effervescence, mais, par exemple, pourquoi n'aurions-nous pas une limonade avec un panache ? Il suffirait de mélanger de l'acide citrique, du bicarbonate de sodium… et quelques protéines. L'ajout d'eau conduirait alors à la réaction du bicarbonate et de l'acide, à la formation de bulles de dioxyde de carbone… que les protéines viendraient stabiliser, comme dans la bière. 

D'ailleurs, je dis « limonade », mais pourquoi pas de l'au avec du sirop de menthe, si l'on fouette, ou un jus mis sous pression dans une bouteille, ou encore un liquide placé dans un siphon. Les possibilités sont innombrables… et vraiment faciles à mettre en œuvre. A vous de jouer...

dimanche 24 décembre 2023

L'école, contre la fureur du monde



Le monde est plein de fureur, de tyrans qui asservissent des peuples parfois contents de l'être, mais nous ne devons pas baisser les bras : c'est à l'école que tout se construit.

Oui, sans naïveté, nous n'éradiqueront pas les comportements pervers, belliqueux, tyranniques... Mais notre monde est en équilibre, et tout territoire gagné sur le mal doit être une occasion de nous réjouir.
C'est à l'école que nous devons montrer que nous ne sommes pas seulement des animaux, que la connaissance est un honneur de l'esprit humain, que nous ne sommes pas réduits à des ventres, des sexes, des armes, comme les animaux.
C'est à l'école que nous devons enseigner l'humanité, cette humanité passe par la connaissance.
Un certain enseignement, une certaine idée politique, voudrait que la connaissance soit toujours utile, mais c'est faire le lit des tyrannies, car l'utilité est d'abord collective, sociale...
Surtout, la connaissance, je le répète, c'est de l'humanité et l'on avait bien raison de nommer humaniste ces intellectuels de la Renaissance, qui déjà, au milieu des fracas, des guerres, promouvaient les arts, les sciences, les lettres...

Dénonçons les tyrans, combattons-les par plus de connaissances données aux enfants dans les écoles. Introduisons des cours d'humanité, car c'est sans doute l'action la plus efficace que nous puissions avoir.
Cela fait des années que je propose à mes amis de nous unir pour faire enfin advenir un véritable siècle des Lumières. Le temps passe et ce siècle n'est toujours pas là, mais je ne perd pas espoir : en nous fondant sur l'Ecole, nous y parviendrons.

samedi 23 décembre 2023

Un feuilleté au munster pour les repas de fêtes


Pour les repas de fête, il y a des entrée, des plats, des fromages, des desserts (jusqu'à 13, en Provence, pays béni de ce point de vue), mais une question importante est celles des fromages, qui ne satisfait jamais entièrement les cuisiniers : le plus souvent, on ne peut guère exercer son talent, puisqu'il s'agit surtout d'aller acquérir des produits chez un bon fromager, au mieux de l'avoir fait un peu à l'avance pour que les fromages soient correctement "faits". 

Pouvons-nous faire mieux que simplement composer un plateau ? Je propose de travailler les fromages, et, pour cette fois, je vous invite à examiner la confection de feuilletés au munster, une recette merveilleuse qui réconcilie le fromage et la cuisine. 

 

Pour faire un feuilleté au munster, il faut du munster, ce qui n'est pas difficile à trouver. Il faut aussi de la pâte feuilletée... et c'est là où, souvent, mes amis hésitent. Ce serait difficile, ce serait long... Mieux, lors d'un débat que j'avais organisé à propos du récent décret relatif au "fait maison" (voir http://www.agroparistech.fr/+Conference-debat-Qu-est-ce-que-le+.html), un ami cuisinier a déclaré qu'il était normal que la pâte feuilletée puisse être achetée toute faite, parce qu'elle aurait demandé beaucoup de travail. Depuis notre débat, j'ai mesuré le temps effectif de travail pour réaliser une pâte feuilletée, et j'ai mesuré... dix minutes seulement. Évidemment, pas dix minutes tout compris, mais dix minutes de travail. Ce serait beaucoup ? Pour les paresseux seulement ! 

Examinons donc la confection de la pâte feuilletée, quelque chose si élémentaire que j'en fais très souvent, quand je veux faire des desserts pour ma famille. Je ne prétends pas que la recette que je donne ici fasse la meilleure pâte feuilletée, mais je la donne pour montrer que la confection d'un feuilletage est quelque chose de très simple, d'élémentaire, de rapide, d'évident... 

On prend une planche, on y dépose un petit tas de farine, on y met une quantité de beurre qui soit environ un quart du volume de farine. On ajoute une grosse pincée de sel fin. Puis on prépare un verre d'eau froide. Du bout des doigts, on travaille beurre et farine pour faire une sorte de sable. On ajoute de l'eau, progressivement, en travaillant, afin d'obtenir une boule pas trop collante. 

La boule faite, on se verse un peu de farine sur les mains, on les frotte pour faire tomber la pâte adhérente sur la boule. On incorpore tout cela, on filme la boule finale et, les doigts propres, on met la boule au réfrigérateur pendant une demi heure. 

Après environ une demi heure ou une heure, on prend la boule, et on l'étale en un disque épais. On prend alors trois fois plus de beurre que l'on en avait utilisé précédemment, et on le travaille entre les doigts. Puis, quand il est bien mou, on fait un disque de beurre que l'on pose sur le disque de pâte. On replie alors la pâte sur le beurre en une enveloppe : le beurre doit être complètement enfermé dans la pâte. On farine le tout, on retourne l'enveloppe, et, au rouleau, on étend l'enveloppe de sorte qu'on obtienne un rectangle à bords arrondis trois fois plus long que large. On replie alors ce rectangle arrondi en trois, dans le sens de la longueur, on tourne de 90 degrés, et l'on étend trois fois plus long que large. On replie en trois, on filme, et on met au réfrigérateur, à nouveau. Une heure plus tard, on répète l'opération d'étaler, de replier, de tourner de 90 degrés, d'étendre, de replier, filmer et mettre au réfrigérateur. C'est presque fini ! Quand vient le moment de la cuisson, on répète encore les opérations d'étendre, replier, tourner de 90 degrés, étendre, replier... mais cette fois, on étend bien plus la dernière fois, afin d'obtenir la forme de pâte qui convient pour l'utilisation finale. 

On cuira alors pendant environ 35 minutes au four, à la température de 180 degrés... et l'on aura un feuilletage. Dans cette description, j'ai omis une foule de détails. Par exemple, si vous voulez que votre feuilletage gonfle bien, coupez les bords. Ou, inversement, si vous voulez éviter des boursouflures et un gonflement, piquez la pâte avant la cuisson. Si vous voulez un gonflement régulier, posez une grille sur la pâte. Et ainsi de suite. 

 

Mais rappelez vous que je voulais surtout montrer que la difficulté est nulle. Et puis, vous vous rappelez que je voulais discuter la question du feuilleté au munster. Supposons donc que l'on ait fait un grand rectangle de pâte, deux fois plus long que large. Sur une moitié, on dépose des lamelles de munster, de la crème fraîche, un peu de noix muscade, du poivre. On replie la pâte sur elle même, on soude les bonds. On dore la surface au jaune, et l'on cuit : de la sorte, on aura un produit extraordinaire, une sorte d'oreiller doré, gonflé, au goût suave. L'odeur parfois puissante du munster aura été domestiquée par la cuisson, et l'on aura un goût, un vrai goût, profond, voluptueux, avec ce contraste merveilleux de la "crème" et du feuilletage. 

 

Le recette étant décrite, prenons un moment pour considérer les phénomènes qui auront conduit au succès culinaire. Il y a d'abord la question du munster et de la crème. Ce n'est pas une question bien difficile : les fromages sont faits de beaucoup de matière grasse, d'eau et de protéines qui forment un réseau. A la cuisson, le réseau de protéines se défait, et le fromage fait une crème... Pensons par exemple à la fondue. De sorte qu'une crème plus une crème (la vraie crème), cela fait une crème, celle qui emplit le feuilleté en fin de cuisson. C'est une émulsion, avec de la matière grasse dispersées dans un liquide aqueux. 

Pour le feuilletage, maintenant, on peut distinguer deux parties : la détrempe, faite de pâte et d'eau, et la structure feuilletée. Pour la détrempe, elle est obtenue à partir de farine, laquelle est faite de petits grains, les grains d'amidon, et de protéines qui en présence d'eau, s'attachent en un filet, un "réseau", que l'on nomme le gluten, depuis 1742. Ce filet emprisonne les grains d'amidon, et il donne de la cohésion à la pâte. 

Comment les protéines se lient-elles en filet, en présence d'eau ? C'est une question passionnante... et sans réponse à ce jour. Contentons-nous donc d'observer que la pâte tiendrait assez bien sans ce réseau de gluten, mais que le réseau ajoute à la cohésion. Pourquoi la pâte ferait-elle masse même sans gluten ? Parce que l'eau utilisée est tenue par des forces de capillarité entre les grains d'amidon. Il y a donc en réseau deux raisons pour que la pâte tienne : la capillarité et le réseau de gluten. 

Puis quand on met du beurre sur la détrempe et qu'on replie, on forme une structure à couches qui est d'abord faite de deux couches de pâte autour d'une couche de beurre. Quand on replie le pâton étalé, on obtient trois couches de beurre, et donc une couche de pâte de plus. Puis on obtient 9 couches de beurre, 27 couches de beurre, et ainsi de suite jusqu'à obtenir 729 couches de beurre, et donc 730 couches de pâte. Tout cela sur l'épaisseur de la pâte : on comprend que ces couches soient donc très minces ! 

Observons aussi qu'avec 730 feuillets, on n'est pas au mille feuilles, mais il suffirait de replier encore en deux pour avoir ce dernier... et cela doit nous faire comprendre pourquoi il faut étaler très régulièrement les pâtes feuilletées : si on étale de façon irrégulière, deux feuillets voisins risque de se souder, et la pâte risque de moins gonfler. Voici aussi pourquoi les pâtes feuilletées doivent contenir assez de beurre : il faut séparer les feuillets ! 

Lors de la cuisson, il y a deux gonflements : celui des deux couches de pâte supérieure et inférieure, et celui de la structure tout entière. 

Pour le gonflement des couches de pâte, c'est l'eau de la pâte qui, s'évaporant, laisse des feuilles croustillantes, séparées par de la matière grasse fondue. 

Pour le gonflement de la structure, il est dû l'évaporation de l'eau, à nouveau : la "crème centrale" perd de son eau par évaporation, mais la vapeur formée, si elle est bien retenue par la soudure des bords de la pâte, fait gonfler la structure. On doit garder en tête un ordre de grandeur : l'évaporation d'un gramme d'eau (un petit volume correspondant à un cube de un centimètre de côté) fait un litre de vapeur. Et voilà pourquoi le feuilleté au munster prend l'aspect d'un oreiller bien gonflé. 

Évidemment, il faut éviter que tout ne retombe au sortir du four : c'est pourquoi il faut cuire longuement, afin de bien rigidifier la surface, mais cela aura de surcroît l'avantage que l'on évitera le goût de colle blanche des feuilletages insuffisamment cuits. Pensez bien à ne pas cuire à température trop élevée : il sera toujours possible d'augmenter la température en fin de cuisson. 

 

Et c'est ainsi que vous servirez un merveilleux feuilleté au munster, qui suscitera ce "Ah" de bonheur qui est la récompense du cuisinier et de la cuisinière !