mardi 2 novembre 2021

Panem et circenses



Panem et circenses ? Des amis qui ne savent pas le latin et qui n'ont encore jamais entendu cette expression m'interrogent alors que je l'utilise, et  je dois leur expliquer que, déjà dans l'Antiquité, le peuple réclamait "du pain et des jeux".

Or si le pain est nécessaire pour vivre, la question des jeux est difficile.

Mais ici, je veux  signaler que j'utilisais l'expression pour signaler que, si je veux évidemment que tous aient à manger à suffisance, je n'aime guère l'idée des gladiateurs qui s'entretuent dans un cirque, modernisé ou pas. Et je n'aime pas  l'idée que l'on mette les citoyens en position d'oies que l'on gave.

Il faut dénoncer les occupations qui avilissent, les jeux qui abêtissent, qui encouragent les individus à se refermer sur un moi haïssable, minable.

Ne pourrions nous plutôt dépenser tout cet argent à faire la promotion des "jeux" qui font grandir, qui améliorent le fonctionnement de la collectivité ?

.Je ne peux m'empêcher de m'émerveiller du Palais de la Découverte, tout comme je m'émerveille des amis qui, lors d'un dîner, récitent un poème, racontent une histoire,  s'efforcent de mettre intelligence et culture dans la discussion.

Oui, j'aime ces jeux qui font grandir. Pourque l'Ecole n'auraient-elle pas aussi, comme tâche, de mettre ces jeux en avant, à côté des apprentissages citoyens que sont la lecture, l'écriture, le calcul, la maîtrise de  l'outil informatique  ?


lundi 1 novembre 2021

A propos des marchands d'orviétan

 

On voit quand même trop souvent, à propos de santé, de mort, de protection des plantes, de protection des données, etc., de très grands malhonnêtes, qui utilisent des arguments pourris pour vendre leurs idées délirantes, leurs produits minables : il y aurait eu des changements de paradigme dans l'histoire des sciences, la  mécanique quantique nous conduirait à admettre des idées qui n'existaient pas naguère, et l'on serait obscurantiste à refuser des hypothèses nouvelles...

Je propose de penser que la seule évocation de la "mécanique quantique" ou des "changements de paradigme" soit suffisante pour disqualifier le discours de ces malhonnêtes, disons au moins pour que nos amis se méfient. Mieux,  souvenons-nous que l'idée que la Terre aurait été plate n'a pas survécu à l'apparition de la science moderne, d'une part, et, d'autre part,  il faudra quand même que ces personnes nous expliquent ce qu'elles savent de la mécanique quantique. Tiens, par exemple, demandons leur de nous expliquer correctement ce qu'est l'équation de Schrödinger, de nous en donner l'énoncé formel et de nous en détailler les divers termes. Pas avec des mots, mais avec des équations, puisque c'est de cela dont il s'agit. Et l'on verra que leur savoir est usurpé.

Qu'il s'agisse d'expérience après la mort, d'influence de la lune sur la croissance des plantes, de maladie humaine, de protection des données, il y a sans cesse ces mêmes arguments (paradigme, mécanique quantique, rationalismes...) qui nous sont donnés, de sorte que je propose d'avoir une sorte de bouclier intellectuel qui nous prémunisse.

Surtout, n'oublions pas de penser que pour des hypothèses extraordinaire, il faut des preuves extraordinairement fortes.
Et pour valider (impossible, bien sûr) un effet de la musique sur les plantes ou mille autres prétendus effets de ce type, il faut des validations expérimentales nombreuses, des répétitions et des répétitions.

Surtout, protégeons les plus jeunes et les plus faibles en leur expliquant qu'il y a des marchands d'orviétan, et analysons devant eux les mécanismes des mensonges les plus courants. Il en va d'une vie citoyenne cohérente !

 

 

PS. Je retrouve d'anciens articles, où je vois que c'était la thermodynamique qui était naguère manipulée par les malhonnêtes, et notamment la notion d'entropie.

dimanche 31 octobre 2021

Donnons-nous des conditions qui n'engendrent pas d'impossibilités

J'apprends que certaines revues scientifiques sont si submergées d'articles qu'elles sont contraintes de procéder ainsi : d'abord elles éliminent tous les articles qui ont été écrits par des machines ou par des sociétés spécialisées dans la production de faux articles scientifiques, ce qui représente déjà 30 % (vous avez bien lu !) des manuscrits soumis. Ensuite les éditeurs du comité restreint se réunissent pour sélectionner les manuscrits qui ont quelques chances d'arriver jusqu'à l'expertise finale par les pairs, ne retenant qu'une fraction du reste. Ce sont ces articles qui sont ensuite envoyés à des éditeurs en charge de conduire le processus d'examen par des experts.

Cette procédure a des conséquences, et notamment que les auteurs d'articles refusés les soumettent à d'autres revues moins bien classées par ordre de citations.
Et c'est ainsi que je vois apparaître des cas pathologiques comme le suivant : un manuscrit soumis et envoyé à des rapporteurs a suscité des remarques ; les auteurs ont fait quelques corrections, mais pas assez pour pallier les insuffisances du manuscrit, de sorte que les rapporteurs ont ensuite, lors d'un deuxième circuit,  fait d'autres remarques. Et, la troisième fois, j'ai vu des auteurs retirer (ou non) leur manuscrit et le publier ailleurs !

C'est détestable, c'est malhonnête, et il est très malhonnête, également, que des revues publient des textes si mauvais !

 Ces phénomènes sont trop dommageables pour l'ensemble de la communauté scientifique pour que nous ne cherchions pas rapidement des solutions.

samedi 30 octobre 2021

Des normes de publication scientifique ? Bien volontiers



Dans une présentation sur l'histoire des mathématiques, Catherine Goldstein corrige un épisode de l'histoire, à propos du mathématicien Evariste Gallois, et elle évoque notamment que, à son époque (le 19e siècle), l'Académie des sciences avait coutume de renvoyer leurs manuscrits aux auteurs afin qu'ils le formatent comme ils imaginaient que cela devait être fait. Elle évoque une "normalisation".

Souvent, le terme est connoté péjorativement, surtout dans le milieu scientifique, où chacun veut être original, mais un article que j'avais consacré à l'amélioration des pratiques scientifiques montre, au contraire, combien la norme à laquelle nous sommes arrivés est utile, combien elle nous porte ! En sciences de la nature, les progrès méthodologiques sont merveilleux, et cela est sans doute dû, en partie, à ces efforts de nos anciens... dont il serait naïf de croire qu'ils étaient des imbéciles obtus : regardez la composition de l'Académie à cette époque !  

Grâce à leurs efforts, nous sommes arrivés à une structure assez classique, qui comprend une introduction, une description des matériels et des méthodes, la description des résultats, la discussion de ces derniers, et des références. C'est clair, et même si l'on peut faire autrement, cela aide les jeunes scientifiques à rédiger leurs articles.

Bien sûr, en mathématiques, par exemple, ou bien en chimie organique, par exemple, on peut imaginer autre chose. Bien sûr, des êtres de talents peuvent imaginer et bâtir des structures d'articles merveilleuses, mais la "norme" actuelle a le mérite de bien commencer par poser la question, puis de donner les conditions d'obtentions des résultats, de séparer les faits des interprétations. J'aime !

Oui, j'aime, tout comme j'aime ces définitions internationales données par l'Union internationale de chimie (IUPAC), qui évitent les confusions, comme j'aime toutes les initiatives qui vont dans le sens de plus de clarté, de plus de communication facilitée entre les communautés.

Bref, je suis reconnaissants aux académiciens du passé d'avoir oeuvré pour que nous en soyons où nous en sommes aujourd'hui, grâce à leurs "normalisations".
Et puis, quand même, je signale quand même que ceux d'entre les scientifiques qui ne savent pas mettre un article au "moule" d'une revue ne verront jamais l'article accueilli, et encore moins publié. On peut être rebelle, mais pourquoi, au fond, perdre son temps à cela ?  

vendredi 29 octobre 2021

C'est évidemment toujours (ou presque) proportionnel



On est pas assez expliqué aux étudiants que ce que l'on nommait naguère des "lois physiques", et qui étaient enseignées au collègue ou au lycée,  sont souvent les équations les plus simples que l'on puisse trouver,  et cela pour une raison qui des relations avec la  continuité des fonctions.

Mais je me vois utiliser des mots bien abstraits, alors que mon propos est d'expliquer simplement.

Commençons donc par la "continuité des fonctions". Pour expliquer ce dont il s'agit, on commence par faire deux axes perpendiculaires, à partir d'un point qui est nommé "origine" (le point O). Puis on trace une courbe qui part de ce point origine.


 La courbe bleue est... courbe. Mais regardons à la loupe son début :



Là encore, il y a une légère incurvation, mais grossissons donc encore, et, cette fois, le départ semble rectiligne:


Autrement dit, pour ce départ, le rapport de la distance dy par dx est constant, et c'est cela l'équation d'une droite. Bref, pour de petits intervalles, nous sommes en mesure de voir des segments de droite.

Revenons à nos "lois" en considérant par exemple le poids d'un objet : il dépend de la masse, et l'équation la plus simple consiste à écrire qu'il y a une proportionnalité, comme ci dessus. Mais on comprend que, pour des masses considérables, cela puisse ne pas être vrai.
Idem pour l'intensité d'un courant électrique et la différence de potentiel qui l'engendre dans un circuit. Idem pour la relation entre l'accélération d'un corps et les forces qui agissent sur lui...
La plupart des lois physiques élémentaires sont des relations de proportionnalité parce que l'on suppose des variations continues, et que l'on considère une gamme de variations pas trop grande.

Dans la série des expériences que montrent très pertinemment les musées scientifiques, il y a celle de la surfusion de l'eau.

Considérons de l'eau liquide,  à la température ambiante.
Si nous la refroidissons, vient un moment, à zéro degré, ou l'on voit l'eau se solidifier, former de la glace.
Inversement, si nous chauffons de la glace que nous sortons d'un congélateur  à la température de -20 degrés (par exemple), elle reste solide tant qu'on n'a pas atteint  zéro degré... et elle fond alors, se transformant en eau liquide à cette température particulière, qui est la température de fusion.

Mais si nous faisons la première expérience, celle du refroidissement, dans des conditions parfaitement contrôlées, avec de l'eau parfaitement pure, en dehors de toute poussière, sans vibration, alors on observe parfois un phénomène différent de "surfusion" : quand on refroidit l'eau, on parvient à la garder liquide même à des températures inférieures à 0 degré. Cette eau est alors surfondue, et l'expérience est amusante qui consiste à mettre dans l'eau une poussière, un petit cristal de glace, etc.  :  immédiatement l'ensemble prend en masse, se solidifie.

On peut évidemment faire l'expérience avec d'autres composés que l'eau, et l'on trouvera ici fait des liens vers ces très belles expériences, que je recommande à tous mes amis :

https://www.youtube.com/watch?v=e5huXWeTOe8


https://www.youtube.com/watch?v=LiPvvPJpULE



Distiller ?

 

Comment peut-on distiller quand on ne connaît pas la différence entre l'éthanol et le méthanol ?

Récemment, je m'étais étonné que des artisans distillateurs d'eau-de-vie ne connaissent pas la différence entre le méthanol et l'éthanol.
Le méthanol est le premier des alcools, le plus petit, avec une molécule composée d'un atome de carbone,  de trois  atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène. Ce composé rend fou et aveugle.
D'autre part, l'éthanol, qui est le principal alcool du vin, de la bière, du cidre, etc., est le deuxième composé de la série des alcools, avec cette fois une molécule faite de deux atomes de carbone, six  atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène. L'éthanol est un poison, comme chacun sait, mais en petite quantité, il modifie les perceptions "agréablement".   

Méthanol et éthanol sont deux composés bien différent. Ils sont présents en différentes quantités dans les solutions qui ont résulté d'une fermentation alcoolique, et il est important de les séparer lors de la distillation.


Partons d'une telle solution, qui est faite, dans l'ordre, d'eau, d'éthanol, mais aussi de méthanol et de divers composés odorants. Quand on augmente la température, vient un moment où le méthanol se met à bouillir, ce qui signifie qu'il s'élimine rapidement, tandis que l'éthanol et l'eau restent dans la solution.
Puis, quand la température augmente encore, vient un moment où c'est l'éthanol qui bout, de sorte que, si l'on refroidit les vapeurs formées à ce moment, on récupère l'éthanol liquide. Et, enfin, quand la température augmente encore, c'est l'eau qui passe. 

Note importante pour les collègues : merci de ne pas me faire l'injure de penser que je ne sais pas que cette description est carricaturale, un peu fausse !


La distillation bien conduite consiste donc à éliminer ce qui part en premier (le méthanol, notamment), et ce qui passe en dernier (l'eau). On a vu que je n'ai pas considéré tous les autres composés présents, notamment les composés odorants, parce que s'impose d'abord la séparation précédente. Le reste suit comme il peut.

Et je reviens maintenant à mon opération de distillation en disant que les bons distillateurs enlèvent les premières fractions distillée, pour ne laisser passer que l'éthanol et un cortège de composés odorants, puis qu'ils arrêtent la distillation quand arrive l'eau...  sans quoi on retrouverait le liquide initial, qui ne serait pas concentré en éthanol, comme on le souhaite.

J'arrive maintenant à la question que je posais initialement  : est-il possible de distiller sans savoir tout cela ?

La réponse est évidemment oui. Parce que c'est ce qu'on l'on fait depuis toujours dans les campagnes :  on  distille depuis des siècles, et pour des raisons empiriques que je ne comprends pas, on a appris que des fractions de tête devaient être éliminées, ce qui tombe bien car elles contiennent ce méthanol qui rend fou et aveugle !

Oui, on peut distiller sans connaître l'existence du méthanol, tout comme on peut conduire une voiture sans savoir qu'il y a une bielle ou un rupteur. Il y a à considérer la différence entre un mécanicien et un conducteur de voiture. Le  conducteur de voiture ne sais pas comment marche le moteur mais il peut éventuellement très bien conduire la voiture, mieux même qu'un mécanicien. Le mécanicien, lui, peut très bien ne pas savoir conduire la voiture,  mais il sait parfaitement comment elle fonctionne.

Evidemment on s'en sort encore mieux quand on a les deux compétences et je ne peux pas imaginer qu'un bon distillateur ne ferait pas encore mieux s'il  connaissait la différence entre le méthanol et l'éthanol.
Car, après tout, il en va de la santé des consommateurs d'eau-de-vie, ce qui n'est pas rien !