mardi 28 mai 2019

Quoi, de l'acide glacial en cuisine ? Pourquoi pas !


Je me souviens avoir été interrogé par des journalistes de télévision à propos de ce terrible "acide acétique glacial" que de très méchants industriels auraient mis dans les aliments qu'ils vendaient.
Mais je veux quand même observer que personne n'est obligé d'acheter les aliments industriels : que ceux qui ont (inutilement) peur et qui sont paresseux au point de ne pas chercher à comprendre le monde où ils vivent n'achètent pas les produits qui leur font peur.
A cet argument, quelques êtres "supérieurs" me répondent qu'il faut protéger le public et qu'il faut des "contre pouvoirs"... mais que c'est argument est suffisant (au sens de prétentieux) et minable ! D'abord, sans l'industrie, ni emploi ni produits alimentaires. Et puis nos amis vont-ils broyer eux-mêmes, dans leur cuisine, les betteraves pour extraire le sucre ? Et le tournesol pour faire leur huile ?
Que les dieux nous préservent des râleurs, des négatifs : Rabelais les nommait des "pisse vinaigre". Et je propose que nous nous interrogions sur leurs motifs : il y a ceux qui veulent du pouvoir (sur les autres), ceux qui veulent de l'argent, ceux qui ont peur de tout, ceux qui sont simplement pervers, ceux qui promeuvent en sous main des idéologies...

Allons, tournons regard vers mieux !

Et commençons par dire que, à propos de l'usage éventuel de l'acide acétique glacial en cuisine, la question est d'abord de comprendre. Et notamment de comprendre ce qu'est que ce fameux "acide acétique glacial" dont quelques uns font commerce de cauchemar.
Partons d'un fruit sucré, et laissons le fermenter. Par exemple du raisin. Le fruit contient initialement des sucres (souvent le glucose, le fructose et le saccharose), et la fermentation (par des bactéries de l'environnement) transforme le sucre en éthanol. Dans du vin ou du raisin que l'on fait fermenter, on récupère environ cinq à dix pour cent d'éthanol en solution dans l'eau. Puis, en présence d'air, d'autres micro-organismes transforment l'éthanol en acide acétique : c'est ainsi que se forme le vinaigre.
Mais on sait que la distillation permet de concentrer du vin pour obtenir de l'alcool, où la teneur en éthanol (l'alcool des eaux de vie) est plus concentrée que dans le vin initial. De même, on peut concentrer de l'acide acétique. Et si l'on s'y prend habilement, on peut obtenir de l'acide acétique très pur, sans eau : on dit "glacial" en raison de sa propension à cristalliser dès que la température devient inférieure à 16,7°C.
Et oui, c'est un produit dangereux, car il est inflammable, ainsi que ses vapeurs, et provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves. Quand on le respire (il faut être imbécile), il est suffoquant...

Quoi, un produit dangereux dans les aliments ? Oui, parce que personne ne ferait un tel composé s'il était pur, et que  l'industrie alimentaire qui utilise de l'acide acétique glacial (pour ne pas transporter de l'eau, s'il était dilué), le dilue avec de l'eau sur les lieux de production, afin d'avoir l'acidité voulue. Faites-moi confiance, mais je suis prêt à boire de l'acide acétique glacial... après qu'il aura été dilué : si la dilution est suffisante, on aura une solution moins acide que du vinaigre, voire que du jus d'orange !
A nouveau, répétons que la question n'est pas le danger, mais les risques. Si nous savons éliminer ceux-ci, aucun problème.

Mais je sais aussi que les marchands de cauchemars ne s'arrêteront pas à une telle explication. Combattons-les absolument par des faits justes !




lundi 27 mai 2019

Amusant de voir comment la chimie et la vie quotidienne reste séparées.



Je me souviens de la visite d'un ami scientifique à la maison : il m'avait dit qu'il avait transporté dans son coffre une batterie de voiture et que celle-ci s'était renversée, de sorte que de l'acide sulfurique dans le coffre. Je lui avais demandé ce qu'il avait alors fait et il m'avait répondu qu'il avait nettoyé à grande eau. Erreur ! Car ainsi, il avait l'acide et en avait mis partout. Il aurait bien mieux valu qu'il saupoudre les parties atteintes avec du bicarbonate de soude : il y aurait eu une effervescence, et l'acide aurait été détruit.
Dans la même veine, j'observe aujourd'hui que des amis à qui je propose de boire de l'acide chlorhydrique concentré neutralisé par de la soude caustique sont hésitants, alors même qu'ils sont chimistes.

À la base de cette proposition il y a le fait que la soude neutralise l'acide chlorhydrique à condition que les quantités utilisées soient appropriées. Pour obtenir les bonnes quantités, ce n'est pas difficile  : il suffit de partir d'acide chlorhydrique concentré, d'ajouter un peu de soude, de tremper une petite bandelette de papier pH dans le mélange, de regarder la valeur obtenue, et de continuer ainsi à ajouter lentement de la soude jusqu'à ce que le pH indiqué soit de 7 : on aura alors formé du sel, du chlorure de sodium, le sel de table.
De sorte que la solution obtenue sera analogue à de l'eau salée, comme celle que l'on obtiendrait en mettant du sel dans de l'eau.
Bien sûr, il faut être certain de ce que l'on fait, c'est-à-dire notamment utiliser de l'acide chlorhydrique et de la soude qui soit exempts de contaminants toxiques. Mais les laboratoires de chimie possèdent évidemment de tels produits, bien plus contrôlés que les aliments, d'ailleurs ! Et puis, si l'on veut être encore plus prudent, on peut recristalliser la soude dont on part, ou fabriquer soi-même la solution  d'acide chlorhydrique en dissolvant du chlorure d'hydrogène gazeux dans l'eau parfaitement pure.

Bref, il n'y a pas de difficulté à faire l'expérience et, pour un chimiste qui connaît l'usage du papier pH, il n'y a pas de risque. D'ailleurs, puisqu'il a une question de risques et non pas de danger, on peut encore minimiser les risques on ne buvant pas la solution saline concentrée que l'on a obtenu en neutralisant l'acide par la base, mais on diluant cette solution salée pour avoir une solution faiblement salée que l'on va boire.
A vrai dire, dans le cas de la batterie de voiture comme dans le cas de cette expérience de neutralisation, je vois une séparation entre le monde de la connaissance et le monde quotidien. Au fond, je ne suis pas certain que ceux qui hésitent à mettre la science dans le quotidien aient vraiment bien compris la nature de cette dernière,  la force de celle-ci, et cela me fait souvenir d'un professeur de physique d'un de mes enfants qui, après un calcul que j'avais proposé pour déterminer la sustentation d'une petite montgolfière expérimentale, avait dit à sa classe qu'il ne croyait pas aux calculs, mais aux expériences. Quoi, des doutes à propos de ce que l'on enseigne quotidiennement ? Pas étonnant, alors, que le public puisse douter de la science !

dimanche 26 mai 2019

De la soude caustique en cuisine ?

J'ai évoqué la possibilité d'utiliser de l'acide chlorhydrique en cuisine, et je veux maintenant discuter de l'usage de la soude.

De la soude caustique en cuisine ? Rien qu'à cette évocation, le public tremble, car il est notoire que la soude caustique est extraordinairement toxique.

Mais bien sûr, la proposition n'est pas de manger de la soude caustique sous la forme des paillettes ou des pastilles, car la soude dissout les matériaux organiques : un morceau de viande mis à son contact est complètement liquéfié (imaginons que ce soit notre estomac !). 

La proposition n'est évidemment pas d'utiliser la soude caustique ainsi en cuisine : ce serait aussi idiot que s'enfoncer un couteau dans le ventre. Inversement,  la soude caustique très diluée peut rendre des services, et plus précisément, elle peut rendre des services du même type que le bicarbonate de sodium,  qui, lui,  est déjà utilisé depuis longtemps en cuisine.

Ajoutée à l'eau de cuisson des légumes, la soude pourrait protéger la couleur verte des légumes verts que l'on cuit à l'anglaise. Ou bien encore, elle pourrait combattre l'acidité d'un milieu cuisson, acidité qui conduit à un durcissement des légumes.
A l'aide de soude, on peut aussi rectifier une sauce trop acide selon le bon principe que les les les acides et les bases s'annihilent mutuellement,  comme le montre l'expérience qui consiste à mêler de l'acide chlorhydrique concentré à de la soude caustique : quand les proportions sont bonnes, on obtient... du sel.

Bref, il y a de nombreux usages de la soude en cuisine et ma proposition ici vise simplement à donner les explications nécessaires pour une utilisation sans risque. D'ailleurs, à ce propos, on aurait intérêt, si l'on on utilise l'acide chlorhydrique ou la soude en cuisine, à bien employer des papier pH, petits indicateurs colorés qui nous diront quelle est la valeur de cette acidité ou de cette basicité que nous créons. Pour avoir une idée des valeurs admissible, il suffit de considérer des tables de pH des différents ingrédients alimentaires classiques.
Et on aura soin, aussi, de ne pas laisser la soude concentrée à portée des enfants ! 

samedi 25 mai 2019

De l'acide chlorhydrique dans les aliments ?


Parfois, certains s'étonnent que l'acide chlorhydrique puisse être accepté comme additif alimentaire, et ils font des tartines pour dénoncer ces produits. Et il est exact que même des chimistes qui n'ont pas assez réfléchi jugent une telle pratique incohérente. Pourtant, tentons de dépasser nos craintes animales, pour envisager la chose rationnellement. 



Je discute ici la question sans faire de différence entre les plats de l'industrie alimentaire ou les plats domestiques. Et je propose de considérer d'abord la question de principe avant les éventuelles d'application technique.
Il y a donc l'acide chlorhydrique : rien que le nom fait en quelque sorte frémir, car nous "savons" tous qu'il s'agit là d'un composé chimique que l'on trouve en droguerie, que c'est un acide, et pire, qu'il est  (ou semble être) extraordinairement corrosif.
Évidemment, il faudrait être insensé pour boire de l'acide chlorhydrique pur,  mais qui a jamais proposé de faire ainsi ?

Commençons par le commencement, à savoir s'interroger sur la nature de l'acide chlorhydrique : on l'obtient notamment dissolvant dans l'eau un gaz nommé chlorure d'hydrogène, que l'on forme par exemple en faisant réagir du dihydrogène (un gaz qui peut exploser quand il est en présence de dioxgène) et du dichlore (un gaz suffocant vert).
Quand on dissout beaucoup de chlorure d'hydrogène dans de l'eau, alors on obtient une solution extrêmement acide, qui peut instantannément attaquer du fer, par exemple.
On comprend donc bien il faut absolument éviter de boire de l'acide laquelle chlorhydrique concentré ou de mettre un tel acide dans les aliments.

Mais imaginons que l'on prenne un peu de cet acide chlorhydrique concentré et qu'on lui ajoute de l'eau. Alors, l'acidité de la solution diluée d'acide chlorhydrique peut devenir très faible,  et mieux encore, elle peut devenir beaucoup plus faible que celle du jus de citron, ou même que du jus de framboise. 

L'acidité, c'est-à-dire en réalité la force chimique d'un acide, se mesure sur une échelle de 7 à 0 : 7 pour l'eau pure et 0 pour un produit extrêmement acide. Pour les vinaigre, cette acidité, ce "pH", atteint environ 2,  mais pour le jus de framboise aussi ! L'acidité de certains fruits n'est pas facilement perceptible au goût quand du sucre est présent.
Et c'est ainsi que l'on peut parfaitement diluer de l'acide chlorhydrique concentré pour obtenir une solution de pH égal à 2, qui ne paraîtra pas acide si du sucre a été ajouté.

Sera-t-il dangereux de consommer une telle préparation ? Avec de l'acide chlorhydrique pur, bien dilué, il n'y a pas de risque, mais tout tient en réalité dans le mot "pur". Il est impératif, si l'on utilise de l'acide chlorhydrique en cuisine, que les inévitables impuretés présentes dans le produit initial ne soient pas toxiques, tels du cadmium ou du plomb, par exemple.  Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il existe des acides chlorhydriques de "qualité alimentaire", à savoir qu'ils ont été contrôlés et que l'on est certain que les inévitables impuretés présentes ne sont pas dangereuses.



Disposant donc d'acide chlorhydrique de qualité alimentaire, il reste à s'interroger sur les raisons qui pourrait nous conduire à l'utiliser en cuisine. 


Ici, il faut répondre qu'un acide est destiné à acidifier, et que cette procédure peut avoir différents objectifs.
Tout d'abord, les produits acides sont plutôt mieux protégés du développement contre le développement des micro-organismes pathogènes. D'autre part, l'acidification permet le caillage du lait, et c'est ainsi que l'on peut obtenir un caillé en ajoutant classiquement du jus de citron dans du lait chaud.
 On peut vouloir aussi acidifier pour rectifier le goût et c'est ainsi que le jus de citron ou le vinaigre sont classiquement employés par les cuisiniers... mais si l'on a le jus de citron  ou le vinaigre, pourquoi recourir à de l'acide chlorhydrique ? Pour des raisons variées. Par exemple, on peut reprocher au jus de citron son goût citronné, ou au vinaigre le fait d'avoir détourné l'usage  du vin. Il peut y avoir aussi une raison monétaire, car l'acide chlorhydrique,  quand il est dilué correctement, coûte bien moins cher que du jus de citron ou du vinaigre.

Mais à ce stade, je m'arrête car mon devoir est fait. Il s'agissait de discuter de la possibilité d'utiliser de l'acide chlorhydrique en cuisine, et je n'ai pas me substituer à ceux qui en feront usage. Il fallait quand même dire clairement qu'il n'y a pas de raison de ne pas utiliser correctement l'acide chlorhydrique en cuisine, qu'il n'y a pas lieu de céder à des  peurs ou à des fantasmes. Au fond, il en va de l'acide chlorhydrique comme des couteaux : on ne doit pas confondre le danger et le risque et, si l'on fait pas cette confusion, on se sera donc interrogé sur les conditions d'utilisation d'un outil ou d'un ingrédient... et on l'utilisera correctement.