Il y a une recette célèbre de pieds de porc à la Sainte-Ménehould, où, au moins dans une version, on cuit les pieds de porc pendant soixante-douze heures dans un bouillon, puis on pane et on rôtit.
Evidemment, la ville de Sainte-Méhenould se glorifie d'être l'épicentre de la recette, et l'on y raconte même que Louis XVI aurait été arrêté dans sa fuite parce qu'il se serait arrêté dans cette ville pour y déguster la spécialité devenue célèbre.
Pourquoi pas... mais savez-vous que l'on ne dit pas "sainte ménéoulde", mais "sintemenou" ?
Je suis heureux de partager avec vous une trouvaille de ce matin :
GARDONS L’ACCENT…
… à sa place ou comment orthographier correctement le nom de la capitale de l’Argonne.
dimanche 26 octobre 2003, par François Duboisy
Etant encore Principal du collège de Sainte-Ménehould, j’ai, il y a quelques années, reçu un étudiant berlinois qui m’a rendu rouge de confusion. Ce jeune allemand observateur, perspicace et certainement homme de rigueur, me dit sa perplexité devant les différentes orthographes de notre ville. Journaux, panneaux indicateurs, papiers officiels, documents divers coiffent le nom de la cité d’accents dont le nombre varie de zéro à deux. Pour être plus précis, on peut trouver quatre orthographes différentes qu’il nous faut citer :
Sainte-Menehould Sainte-Ménéhould Sainte-Menéhould Sainte-Ménehould
Pour moi, la réponse était et reste sans équivoque : c’est la dernière qui est correcte.
Aussi, je rédigeais un article que je voulais percutant et convainquant dans le supplément du bulletin municipal, croyant ainsi clore la question et surtout amener chacun à être plus attentif et scrupuleux lorsqu’il aurait à écrire le nom de la ville. Vanité… Vanité !
Que de Ménéhildiens ont encore fauté ces dernières années ! Alors reprenons l’histoire de ce nom qui intrigue.
Combien de fois devons nous l’épeler lorsque nous quittons l’abri de nos futaies argonnaises, devant des interlocuteurs ébahis, recopiant le mot lettre par lettre !
Chacun sait que la cité porte le nom de la dernière fille d’un Comte du Perthois du nom de SIGNARUS. Ses grandes sœurs s’appelaient Yma, Hoyldis, Lutrudis, Prusinna, Francula. On peut imaginer que si la grâce divine était tombée sur l’une d’elles, la ville aurait eu un nom tout aussi original. Mais c’est MANECHILDIS ou MANEHILDIS qui sera, au Vème siècle, associé à la bourgade. Très vite, l’orthographe se codifie en MANEHOULD et il en sera ainsi jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.
Au début, c’est Sainte Manehould
Puis le « a » se transforme en « é »
C’est à la Révolution que progressivement le « a » qui donnait au nom une consonance quelque peu gutturale, rappelant ses origines germaniques, va se transformer en « é ».
Ainsi, on trouve encore l’ancienne orthographe dans le contrat de mariage de Jean-Baptiste DROUET, le 17 janvier 1789 et sur le cahier de doléances du baillage de Sainte-Ménehould, le 14 mars 1789.
Par contre, le fameux extrait du registre municipal relatant le passage du roi, daté du 25 juin 1791, porte la nouvelle orthographe. Il en est de même pour le courrier qu’envoie DROUET en tant que Sous-Préfet.
La nouvelle orthographe s’impose
Dans tous les documents du XIXème siècle que nous avons pu consulter, cette nouvelle orthographe est quasiment adoptée par tous.
BUIRETTE, dans son Histoire de la ville de Sainte-Ménehould et de ses environs, en 1837, la rend en quelque sorte officielle, tant il est clair que son ouvrage est une référence.
Pourtant, on peut trouver déjà quelques variantes. Ainsi, de sa main, en 1831, le Maire, Claude-Apollon ROBINET, assisté de M. FLORION, dans l’acte de nomination de Louis BOURNIZET au grade de Brigadier, met de sa main un accent sur chaque « e ».
Au XIXème siècle, tous les papiers officiels portaient la même orthographe.
- ouverture du collège - 1805
- ouverture de l’école secondaire (même date, 1805)
- papier à entête de la ville en 1817
Au XXème siècle, tout se complique
Tout d’abord, en 1905, dans son histoire de la ville, Louis BROUILLON affirme que la forme actuelle « se prononce Menou et ne comporte pas d’accent aigu ».
Puis, vient l’époque de la vulgarisation des dictionnaires et particulièrement du Petit Larousse, qui opte pour le nom sans accent et nomme les habitants Ménéhouldiens, alors que chacun sait que l’on a toujours dit Ménéhildiens. Trop souvent le lecteur fait une confiance aveugle aux dictionnaires et aux encyclopédies et il a bien tort. Larousse fait de DROUET le fils du maître de poste et Encarta place l’Argonne entre la vallée de l’Aire et de la Meuse ! Les historiens résistent à cette version quasi officielle.
L’abbé LALLEMENT, ancien curé de Moiremont, auteur de divers livres de grande qualité sur les mœurs et coutumes de l’Argonne publiés au début du siècle, Jean LAURENT dans la thèse parue en 1951 « L’Argonne et ses bordures » et dans toutes ses publications qui suivront, Eugène BAILLON dans son histoire « Sainte-Ménehould et ses environs » parue en 1957 restent fidèles à l’orthographe que je considère comme correcte.
Par contre, à la fin de ce siècle, Jacques HUSSENET adopte tant dans « Argonne 1630-1980 » que dans tous ses écrits l’orthographe « Larousse ».
Un grand désordre va s’instaurer à la fin de ce siècle et l’on voit tant dans les publications, les panneaux au bord des routes, les journaux, l’accentuation simple, le petit attribut flottant soit se déplacer, soit se dédoubler, soit s’évaporer. On peut avancer des explications à cette diversité :
Pour les généreux qui doublent l’accent, on peut penser qu’ils s’inspirent du nom des habitants qui s’écrit bien Ménéhildiens.
Pour les avares, ils peuvent être influencés par le diminutif de la ville, « Menou » ou par la fâcheuse habitude qui s’est instaurée depuis quelques décennies d’écrire le nom des villes en majuscule, alors qu’une majuscule à la première lettre suffirait. Et comme en France, contrairement aux Slaves, on ne sait pas mettre d’accent sur les majuscules, s’imprime dans nos têtes un nom sans accent.
L’euphonie a dû aussi jouer son rôle, tant il est vrai qu’il est peut-être plus facile de prononcer Méné que les autres formes.
Que faire maintenant ?
Je doute que cet article puisse, à lui seul, éradiquer les mauvaises pratiques, rares il est vrai, qui dérobent un accent contribuant tant au charme de la ville.
Et puis pensons à toutes ces jeunes filles ou dames qui portent ce joli prénom et qu’on laisse dans l’expectative lorsqu’elles se doivent de l’écrire. Et John JUSSY, Président de l’Office de Tourisme, qui s’efforce de les recenser, en découvre périodiquement.
Je propose au Conseil Municipal de prendre une délibération fixant définitivement l’orthographe de la ville et le nom de ses habitants qui serait dans un second temps envoyé à tous les éditeurs de dictionnaires et d’encyclopédies, à toutes les administrations. Quant à la prononciation, il ne sert à rien de légiférer ; tout le monde continuera à faire comme bon lui semble.
Lorsque j’entendais, lors du passage de la grande boucle en Argonne, le commentateur lisant sa fiche, affirmant qu’il faut prononcer Sainte-Menou, j’ai un peu sursauté. Je crois qu’il y a là une confusion avec le diminutif de la ville « Menou ». A ma connaissance, le citoyen de la cité, s’il dit bien qu’il habite à Menou lorsqu’il est sur ses terres, prononce par contre le nom comme il l’écrit lorsqu’il est loin de son domicile ou quand il s’adresse à une administration.
Et peut-être pense-t-il que ce n’est pas de tout repos d’habiter une ville au nom si singulier !
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