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dimanche 23 juillet 2023

J'ai lu pour vous le livre de chimie des aliments Food Chemistry, publié aux éditions Springer par M. Belitz et M. Grosch.

Dans la série des lectures qui peuvent être utiles aux étudiants, notamment aux étudiants en sciences éléments, comme d'ailleurs en technologie des aliments (en vue de devenir les ingénieurs de l'industrie alimentaire, par exemple), il y a ce livre étonnant, Food Chemistry, en qui en est à sa n-ième édition. 

Ce succès est mérité, car un groupe d'auteurs  parmi les très bons a  colligé une foule d'informations importantes sur la composition moléculaire des ingrédients alimentaires, ainsi que sur quelques transformations qui ont été étudiées par la chimie des aliments. Cela me donne l'occasion de discuter le mot « aliment » : ce n'est pas un ingrédient alimentaire, car le simple fait de cueillir une pomme,  de sortir une carotte du champ, suffit à  provoquer des modifications moléculaires parfois importantes. Je propose de bien distinguer les ingrédients des aliments. Les aliments, c'est ce qu'on mange, et ce que l'on mange fait l'objet de transformations culinaires, d'un travail qui a trois composantes : technique, artistique, sociale. <ul> <li>Technique, parce qu'il faut opérer des transformations : couper les carottes en julienne,  peler les pommes, faire un fond de tarte que l'on cuit...</li> </ul> <ul> <li>Artistique, parce que  la très grande majorité des aliments, ce que l'on mange donc, n'est pas l'ingrédient simplement divisé ou chauffé, mais aussi assaisonné : sel, poivre, cannelle, sucre... Là, il y a une question artistique et non technique. Il n'y a pas de différence technique entre le fait de mettre un peu ou beaucoup de cannelle, mais il y a une différence considérable en termes de résultats ;  parfois, un goût  cannelle s'impose, mais parfois il est à éviter. C'est ainsi que je me souviens de ces premiers chocolats à la lavande produits par des chocolatiers inventifs, il y a de nombreuses années. Au début, la quantité de lavande était trop forte, et le goût était exécrable,  ce qui signifie seulement  que le produit était rejeté en termes de préférence. On aurait pu penser, ou espérer, que l'on s'accoutumerait, mais les artistes chocolatiers ont fait quelque chose de mieux : ils ont réduit les doses de lavande, de sorte que l'on mangeait le chocolat  et l'on s'interrogeait. « Quel est ce gout  étrange, intéressant, que  je perçois quand je mange un bonbon de chocolat ? » Un moment  de réflexion,  puis : « J'y suis, c'est la lavande ! » L'art du chocolatier fut de trouver le dosage exact qui devenait admissible, et même merveilleux. Que l'on y pense un peu, et cette façon de faire est largement présente dans l'art culinaire, puisque nombre de cuisiniers traditionnels disent à titre de paradigme  : « Quand on fait une sauce à l'estragon, il faut que le mangeur aille chercher l'estragon. »</li> </ul> <ul> <li>Pour tout aliment, il y a donc une composante technique, une composante artistique, mais il y a aussi une composante sociale, les aliments étant des produits extrêmement acculturés, et j'en prends pour preuve  les interdits alimentaires, qui récusent certains aliments  sur la base de croyances, de religion ... C'est la culture qui nous permet de manger certains aliments, ou, au contraire, qui nous empêche d'en manger d'autres. C'est la culture  qui pousse l'Alsacien a aimer le munster, mais le Normand à préférer le camembert, le Toulousain à rêver de cassoulet, et le Breton de galettes... Il y a aussi la façon de manger, et il a été  montré quantitativement que le même plat consommé seul était moins bon que quand il était consommé en groupe, preuve que la socialité est essentielle  pour l'espèce humaine, ce que l'on sait bien par ailleurs.

Évidemment, dans le livre de chimie des aliments que je discutais  initialement, les composantes artistiques et sociales ne sont pas présentes : le document se limite à  l'ensemble des transformations  moléculaires,  voire seulement à la liste des compositions  chimiques des ingrédients alimentaires. 

Car il est vrai  que la cuisine est extrêmement peu présente dans ce livre, ce qui est la raison exacte pour laquelle la gastronomie moléculaire fut introduite dans les années 1980. Comme ce que nous mangeons fait l'objet de transgressions culinaires, on ne peut prétendre produire un produit un traité de chimie  des aliments si l'on ne considère pas ces transformations. Le vin ? Bien sûr, on le boit, mais, en cuisine,  il est d'abord cuit, réduit au miroir... Là,  une foule de transformations ont lieu, et un véritable livre de chimie des aliments devrait tenir compte de ces phénomènes. 

Dans le livre Food Chemistry que j'évoque,  quasiment rien n'est dit de tout cela. Le livre de chimie des aliments reste donc à faire, mais le livre Food Chemistry, dont le titre est donc  usurpé, a le mérite de fournir un une base de données extrêmement utile à ceux qui voudront un jour produire un véritable livre de chimie des aliments, et non seulement de chimie des ingrédients alimentaires.

jeudi 27 février 2014

De la lecture

J’ai lu pour vous le livre de chimie des aliments Food Chemistry, publié aux éditions Springer par M. Belitz et M. Grosch.



Dans la série des lectures qui peuvent être utiles aux étudiants, notamment aux étudiants en sciences éléments, comme d'ailleurs en technologie des aliments (en vue de devenir les ingénieurs de l'industrie alimentaire, par exemple), il y a ce livre étonnant, Food Chemistry, en qui en est à sa n-ième édition. Ce succès est mérité, car un groupe d'auteurs  parmi les très bons a  colligé une foule d'informations importantes sur la composition moléculaire des ingrédients alimentaires, ainsi que sur quelques transformations qui ont été étudiées par la chimie des aliments.
Cela me donne l'occasion de discuter le mot « aliment » : ce n'est pas un ingrédient alimentaire, car le simple fait de cueillir une pomme,  de sortir une carotte du champ, suffit à  provoquer des modifications moléculaires parfois importantes. Je propose de bien distinguer les ingrédients des aliments. Les aliments, c'est ce qu'on mange, et ce que l'on mange fait l'objet de transformations culinaires, d'un travail qui a trois composantes : technique, artistique, sociale.
  • Technique, parce qu'il faut opérer des transformations : couper les carottes en julienne,  peler les pommes, faire un fond de tarte que l'on cuit...
  • Artistique, parce que  la très grande majorité des aliments, ce que l'on mange donc, n'est pas l'ingrédient simplement divisé ou chauffé, mais aussi assaisonné : sel, poivre, cannelle, sucre... Là, il y a une question artistique et non technique. Il n'y a pas de différence technique entre le fait de mettre un peu ou beaucoup de cannelle, mais il y a une différence considérable en termes de résultats ;  parfois, un goût  cannelle s'impose, mais parfois il est à éviter. C'est ainsi que je me souviens de ces premiers chocolats à la lavande produits par des chocolatiers inventifs, il y a de nombreuses années. Au début, la quantité de lavande était trop forte, et le goût était exécrable,  ce qui signifie seulement  que le produit était rejeté en termes de préférence. On aurait pu penser, ou espérer, que l'on s'accoutumerait, mais les artistes chocolatiers ont fait quelque chose de mieux : ils ont réduit les doses de lavande, de sorte que l'on mangeait le chocolat  et l'on s'interrogeait. « Quel est ce gout  étrange, intéressant, que  je perçois quand je mange un bonbon de chocolat ? » Un moment  de réflexion,  puis : « J'y suis, c'est la lavande ! » L'art du chocolatier fut de trouver le dosage exact qui devenait admissible, et même merveilleux. Que l'on y pense un peu, et cette façon de faire est largement présente dans l'art culinaire, puisque nombre de cuisiniers traditionnels disent à titre de paradigme  : « Quand on fait une sauce à l'estragon, il faut que le mangeur aille chercher l'estragon. »
  • Pour tout aliment, il y a donc une composante technique, une composante artistique, mais il y a aussi une composante sociale, les aliments étant des produits extrêmement acculturés, et j'en prends pour preuve  les interdits alimentaires, qui récusent certains aliments  sur la base de croyances, de religion ... C'est la culture qui nous permet de manger certains aliments, ou, au contraire, qui nous empêche d'en manger d'autres. C'est la culture  qui pousse l'Alsacien a aimer le munster, mais le Normand à préférer le camembert, le Toulousain à rêver de cassoulet, et le Breton de galettes... Il y a aussi la façon de manger, et il a été  montré quantitativement que le même plat consommé seul était moins bon que quand il était consommé en groupe, preuve que la socialité est essentielle  pour l'espèce humaine, ce que l'on sait bien par ailleurs.
Évidemment, dans le livre de chimie des aliments que je discutais  initialement, les composantes artistiques et sociales ne sont pas présentes : le document se limite à  l'ensemble des transformations  moléculaires,  voire seulement à la liste des compositions  chimiques des ingrédients alimentaires. Car il est vrai  que la cuisine est extrêmement peu présente dans ce livre, ce qui est la raison exacte pour laquelle la gastronomie moléculaire fut introduite dans les années 1980. Comme ce que nous mangeons fait l'objet de transgressions culinaires, on ne peut prétendre produire un produit un traité de chimie  des aliments si l'on ne considère pas ces transformations. Le vin ? Bien sûr, on le boit, mais, en cuisine,  il est d'abord cuit, réduit au miroir... Là,  une foule de transformations ont lieu, et un véritable livre de chimie des aliments devrait tenir compte de ces phénomènes. Dans le livre  Food Chemistry que j'évoque,  quasiment rien n'est dit de tout cela. Le livre de chimie des aliments reste donc à faire, mais le livre Food Chemistry, dont le titre est donc  usurpé, a le mérite de fournir un une base de données extrêmement utile à ceux qui voudront un jour produire un véritable livre de chimie des aliments, et non seulement de chimie des ingrédients alimentaires.