vendredi 29 décembre 2023

Une de mes inventions : l'oeuf brouillé parfait, ici proposé pour réalisation à Pierre Gagnaire

 

L’œuf brouillé parfait


Mon cher Pierre, tu as acclimaté l’œuf à 65 degrés ; tu l’as mis « à ta sauce », et grâce à ton travail et, notamment, à ce site, cet œuf se répand dans le monde gourmand comme une traînée de poudre : après toi, il paraît sur des tables étoilées du monde entier !

Mais nous n’avons pas achevé d’explorer les beautés du phénomène physico-chimique qui est mis en œuvre : la formation d’un réseau délicat, ce que les physico-chimistes nomment un gel.

Je te propose aujourd’hui l’expérience qui consiste à battre du blanc et du jaune d’œuf, à ajouter éventuellement de l’eau (pas trop : nous y reviendrons), puis à mettre l’ensemble au four, à couvert. Le four sera réglé à la température la plus proche possible de 61 degrés, à partir de laquelle le blanc d’œuf commence à coaguler. Tu obtiendras en une heure ou deux… un œuf brouillé parfait : délicate texture que tu pourras ensuite parfumer à ton goût. Qu’ai-je écrit ? Parfumer à ton goût ? Le parfum, l’odeur, n’étant qu’une des composantes du goût, il vaudrait mieux dire assaisonner à ton goût.


L’explication du phénomène, avant d’en venir aux applications


Pourquoi ce résultat, tout d’abord ? Parce que le blanc d’œuf contient diverses sortes de protéines, et que, à la température de 61 degrés, une seule sorte de ces molécules, les molécules d’ovotransferrine, se lient en un réseau : pensons à un filet de pécheur qui piège les poissons, c’est-à-dire tout ce qui se trouve dans le récipient : eau, autres protéines, graisses, morceaux de diverses denrées que tu auras dispersés dans l’œuf battu. Comme une seule sorte de protéines aura ainsi « gélifié », le filet de pécheur sera ténu, et la texture sera remarquablement tendre, délicate. En outre, comme tu auras chauffé doucement, tu auras un gel pris de façon homogène.

La quantité d’eau ajoutée pourra être considérable, mais c’est une autre histoire, sur laquelle je me promets de revenir une autre fois.

Enfin, avec une cuisson à basse température comme je te la propose, tu n’auras pas à redouter ce verdissement de blocs d’œuf cuit que l’on aperçoit dans certains de ces hôtels internationaux, où les œufs brouillés sont mis sous des cloches et chauffés pendant des heures. Note que ce verdissement, que présente des œufs durs trop cuits, s’accompagne d’une épouvantable odeur de soufre ! Un avant-goût de l’enfer.


Le goût à ta guise


Eau, eau, j’y reviens… Observe que je n’ai pas empiété sur ton art ; d’ailleurs, j’en serais bien incapable ! Quand j’écris « de l’eau », je pense évidemment à de l’eau qui a du goût. Tu mettras donc l’eau que tu voudras : jus de cuisson de champignons, bouillon, fumet, fond, avec ou sans graisse émulsionnée dedans. Et j’ai aussi évoqué des « morceaux de diverses denrées : tu pourras aussi bien disperser des petits pois que des dés de coquille Saint Jacques, ou des amandes grillées. Je te laisse faire… et j’attends avec impatience tes recettes qui font usage de ces œufs brouillés parfaits !

Et voici comment j'ai proposé le "constructivisme culinaire" :

 Le construit est  « beau ».

Une  apologie du constructivisme.

Mon cher Pierre,
Je t’invite à regarder avec moi ce poisson :

Pas de doute, il est beau. Ton œil exercé reconnaît un filet de turbot, avec ses faisceaux bien visibles. On le sent sous la dent sans avoir besoin de le mettre en bouche. Il y a donc une construction visible, et perceptible gustativement..
Regardons maintenant ce plat que tu m’as servi :

Là encore, il y a de la beauté. Pourquoi est-ce beau ? Je préfère observer qu’il y a de la construction. Cette fois, on sait qui a organisé la chose, et cette organisation visible est la promesse d’une sensation gustative, comme précédemment. Et si l’art tenait des racines dans la construction, dans l’élaboration, dans le soin que l’on met à tendre à autrui une organisation qui a un sens compréhensible pour tous ?
Nous avons souvent discuté de « constructivisme culinaire », et, jusque ici, il s’agissait de faire pleurer d’émotion, ou rire, ou mettre en colère… Difficile programme !

Le nouveau projet du constructivisme culinaire

Mettons-nous un pas en arrière de notre discussion, et regardons l’histoire de la cuisine. Le projet de la construction a surtout été promu par un grand Ancien : Marie-Antoine Carême, qui avait introduit la « cuisine monumentale ». Il s’agissait alors de construire, mais comme en architecture : des palais, des pagodes, des grottes… Et pourquoi pas des bateaux, des oiseaux, des marteaux ou des lampes ? A la réflexion, le projet avait peu de sens gustatif.
A tout le moins, il s’agirait aujourd’hui de le rénover, en proposant de construire des Arches de la Défense, ou des Beaubourg… mais à quoi bon ? Le sens gustatif manquerait toujours.
Je préfère te remémorer notre discussion, autour d’un médaillon de saumon fumé, sous une couche de gelée d’agrumes : on sentait d’abord l’agrume, puis le poisson ; on finissait dans une certaine vulgarité gustative. Nous avons retourné l’objet, et cette fois, tout était en place : on sentait d’abord le poisson, l’objet affiché, puis on terminait sur de la fraîcheur un peu amère et fraîche.
Le voilà, notre projet de « constructivisme culinaire » : il s’agit de construire, ancien ou moderne, peu importe, mais il nous faut un effet gustatif. La construction du constructivisme, c’est la recherche d’effets gustatifs, pas d’effets visuels. La cuisine n’est pas de l’architecture, comme le pensait Carême ; c’est d’abord de la cuisine.
Et quand nous admirons la construction, promesse d’effets gustatifs, nous ne manquons pas de dire « c’est beau ! ».
Pierre : ton sentiment sur cette entreprise rénovée ?

Quand j'ai introduit le "constructivisme culinaire"

 Le construit est  « beau ».

Une  apologie du constructivisme.

Mon cher Pierre,
Je t’invite à regarder avec moi ce turbot.

Pas de doute, il est beau. Ton œil exercé reconnaît un filet de turbot, avec ses faisceaux bien visibles. On le sent sous la dent sans avoir besoin de le mettre en bouche. Il y a donc une construction visible, et perceptible gustativement..
Regardons maintenant ce plat que tu m’as servi :

Là encore, il y a de la beauté. Pourquoi est-ce beau ? Je préfère observer qu’il y a de la construction. Cette fois, on sait qui a organisé la chose, et cette organisation visible est la promesse d’une sensation gustative, comme précédemment. Et si l’art tenait des racines dans la construction, dans l’élaboration, dans le soin que l’on met à tendre à autrui une organisation qui a un sens compréhensible pour tous ?
Nous avons souvent discuté de « constructivisme culinaire », et, jusque ici, il s’agissait de faire pleurer d’émotion, ou rire, ou mettre en colère… Difficile programme !

Le nouveau projet du constructivisme culinaire

Mettons-nous un pas en arrière de notre discussion, et regardons l’histoire de la cuisine. Le projet de la construction a surtout été promu par un grand Ancien : Marie-Antoine Carême, qui avait introduit la « cuisine monumentale ». Il s’agissait alors de construire, mais comme en architecture : des palais, des pagodes, des grottes… Et pourquoi pas des bateaux, des oiseaux, des marteaux ou des lampes ? A la réflexion, le projet avait peu de sens gustatif.
A tout le moins, il s’agirait aujourd’hui de le rénover, en proposant de construire des Arches de la Défense, ou des Beaubourg… mais à quoi bon ? Le sens gustatif manquerait toujours.
Je préfère te remémorer notre discussion, autour d’un médaillon de saumon fumé, sous une couche de gelée d’agrumes : on sentait d’abord l’agrume, puis le poisson ; on finissait dans une certaine vulgarité gustative. Nous avons retourné l’objet, et cette fois, tout était en place : on sentait d’abord le poisson, l’objet affiché, puis on terminait sur de la fraîcheur un peu amère et fraîche.
Le voilà, notre projet de « constructivisme culinaire » : il s’agit de construire, ancien ou moderne, peu importe, mais il nous faut un effet gustatif. La construction du constructivisme, c’est la recherche d’effets gustatifs, pas d’effets visuels. La cuisine n’est pas de l’architecture, comme le pensait Carême ; c’est d’abord de la cuisine.
Et quand nous admirons la construction, promesse d’effets gustatifs, nous ne manquons pas de dire « c’est beau ! ».
Pierre : ton sentiment sur cette entreprise rénovée ?

La science enchante le monde

 La science enchante le monde !
De nombreux journalistes m'ont posé cette même question : ne pensez-vous pas que l'explication des mystères de la cuisine fassent perdre de la beauté à la chose ? Jusqu'à présent, j'ai toujours répondu, métaphoriquement, que si vous allez au clair de lune avec votre amoureuse/x, savoir pourquoi la lune brille ne rend pas le moment moins merveilleux. C'est juste... mais je crois que ma réponse aurait dû être meilleure... et cela a à voir avec l'enchantement du monde. Oui, nous nous blasons à vivre dans la technique, laquelle est le fruit des études scientifiques. Un enfant des villes ne s'interroge pas, quand il fait du vélo, sur l'intelligence, le travail, qu'il a fallu pour construire son vélo. Des enfants devant des ordinateurs les utilisent, en ne cherchant même pas à savoir comment ces ordinateurs fonctionnent, et le moindre adulte peut conduire une voiture sans en connaître les principes pourtant simples. Faites donc l'expérience d'interroger, dans la rue ? De même, nous ne cherchons généralement pas à savoir comment poussent les carottes que nous mangeons, les arbres dont le bois font nos meubles... La technique que nous utilisons fait partie de notre "nature", ce qui, dit en passant, doit nous pousser à renouveler le merveilleux questionnement de John Stuart Mills (un de ceux qui ne tombent pas dans la désolante naïveté de ce Jean-Jacques Rousseau que j'aime de moins en moins, et notamment parce qu'il critiqua Denis Diderot - que j'aime plus chaque jour : une valeur sûre). Alors, finalement, la science qui explique les mécanismes, détruit-elle l'enchantement du monde ? Avons-nous besoin d'ajouter des fées, des lutins, des esprits des lieux, des... dieux ? Je crois, au contraire, que la volonté de comprendre le monde, dans la mesure où elle nous met le nez sur les phénomènes, est la garantie d'un enchantement incessant ! Une plante pousse : pourquoi ? Comment fonctionne un roulement à billes ? Et une dynamo ? D'ailleurs, rien ou presque rien n'est compris. Oui, un champ magnétique qui varie dans une bobine de fil conducteur engendre un courant électrique... mais pourquoi ? Oui, il y a les équations de Maxwell, qui relient l'électricité et le magnétisme. Oui, il y a la relativité qui relie le mouvement des charges électriques et le champ magnétique, mais pourquoi ? La science est dans le "comment", et non le "pourquoi" métaphysique, lequel sort intouché des explorations scientifiques. De sorte que non seulement nous pouvons aller du phénomène au mécanisme, mais, de surcroît, nous gardons notre question essentielle. Décidément, non, la science ne désenchante pas le monde. Au contraire !

Mon invention nommée "linnés"

 

Les linnés : des préparations avec colonne vertébrale et exosquelette



Mon cher Pierre


T’écrivant cette nouvelle idée, je me détecte un mécanisme technologique, qui est d’allier les contraires, de marier la carpe et le lapin…

Tiens, tu sais que certains animaux sont des vertébrés, avec un squelette interne, qui comporte une colonne vertébrale. Ils s’opposent aux invertébrés, qui ont un exosquelette : la carapace du crabe, de la langoustine, de la crevette, du grillon… Le rapport avec la cuisine ? Parfois, la chair est autour de l’  « os », mais parfois, il y a une coque dure, comme dans un bonbon de chocolat, ou comme dans une croquette, notamment cet extraordinaire « bâton royal » d’Edouard Nignon, où une coque de panure à l’anglaise était farcie d’une purée de fois gras.

Mais je m’égare : dans le principe, on rencontre donc le dur dedans, ou le dur dehors. Et pourquoi pas dans les deux ? Le brave Carl von Linné, père de la systématique moderne, pour classer les êtres vivants, en aurait été bouleversé, et voilà pourquoi je propose de nommer en son honneur ces préparations que je te propose aujourd’hui.


Un exemple


Je sais que mes généralités sont parfois difficiles à avaler pour mes amis, qui veulent du tangible, des exemples. Alors lançons-nous, même si ces idées culinaires ne valent rien artistiquement parlant.

Partons d’une amande, qui fera une colonne vertébrale, et mettons là au centre d’un petit cube de geoffroy, cette émulsion que l’on obtient en fouettant, par exemple, de l’huile d’olive dans un blanc d’oeuf. Puis cuisons au four à micro-ondes juste le temps de faire coaguler les protéines, ce qui engendre un « gibbs ». Enfin, passons alternativement, deux fois de suite, ce gibbs dans la panure et dans de l’oeuf battu, et faisons frire : nous formons une coque croustillante autour du tendre gibbs, lequel sera structuré par l’amande.

Un autre ? Cette fois, je m’inspire d’une idée de ton livre La cuisine des cinq saisons : on prend des zestes de citrons, de pamplemousses ou d’oranges, et on les taille en julienne que l’on fait sécher quelques heures à four doux. On met ces zestes dans un gel de gélatine : je te laisse décider du goût. Enfin, après avoir refroidi ces gels à colonne vertébrale de citrus, on les trempe dans du chocolat fondu pour faire prendre une coque, autour du gel.

Et ainsi de suite : le principe est toujours le même, avec un croustillant dans du tendre, lequel est dans du dur. Je suis bien certain que cela sera plus intéressant que ces croquettes, délicieuses certes, mais qui sont un peu décevantes, une fois l’effet de contraste initial passé.

Voilà pour les « linnés » : tu feras quoi de l’idée ?

Mes inventions : würtz et debye

 

La grande famille des würtz et des debyes  : comme chaque fois, je proposais à Pierre Gagnaire d'être le premier à les tester :

 

 

Mon cher Pierre

Il y a déjà bien longtemps, j'avais inventé les « würtz ». Puis j'ai inventé les debyes. Et voici, aujourd'hui, que je te propose des tas de mélanges, avec des tas de consistances différentes ! 

 

Les würtz ? On les obtient en foisonnant une solution de gélatine dans l'eau : on part d'eau (ou d'un liquide qui a du goût, tel que vin, bouillon, jus de fruit ou de légumes, fumets, fond…) et l'on dissout d'abord de la gélatine, puis on fouette pendant plusieurs minutes, alors que l'on refroidit. Ca mousse, ça mousse, ça mousse… Et l'on met la mousse au formée au froid : elle gélifie. C'est cela, le würtz initial. 

 

Mais je sais que tu préfère le würtz battu : au lieu de stocker la mousse au froid, afin que le liquide entre les bulles puisse gélifier, tu le bats très longuement, afin de briser le gel, pour obtenir une consistance bien plus souple. 

 

Dont acte… mais alors, tu te rapproches des « debyes », qui sont des gels broyés, comme tu en as utilisés dans le plat note à note qui a été nommé « chick corea ». Cette fois, le gel se forme, mais il est divisé mécaniquement en minigels, qui, surtout si l'on a ajouté un liquide pour le broyage, se retrouvent dispersés dans ce liquide. Avec plus ou moins de liquide, plus ou moins de broyage, on obtient des consistances différentes… qui ne sont toutefois pas foisonnées. 

 

 

 

Vers une autre solution 

 

 

En réalité, le würtz broyé ne s'obtient facilement que si l'on broye jusqu'au moment du service, et cela n'est pas très pratique, mais raisonnons : ce qui est visé, c'est un « système dispersé » avec des minigels ou des microgels, et des bulles de gaz. Pourquoi ne pas plutôt mêler, en proportions bien choisies, des debyes et des mousses ? 

 

Par exemple, au jus de framboise : 

1. dissolvons de la gélatine, ou de l'agar-agar, ou un autre gélifiant dans du jus de framboise, puis faisons gélifier. 

2. en ajoutant un liquide (du jus de framboise ou un autre liquide : jus de menthe, vin, etc), broyons le gel obtenu pour faire un debye 

3. à part, battons un blanc en neige, ou de la crème, ou faisons une meringue italienne, ou toute autre mousse 

4. puis mêlons la mousse au debye : soit tant pour tant, soit plus de la mousse, soit plus du debye : on obtient l'équivalent du würtz battu, mais bien plus rapidement, surtout si la mousse a été produite à l'aide d'un siphon, en quelques secondes ! 

 

Mais je veux aussi évoquer les « debyes hydrophobes », que l'on obtient en broyant le gel non pas dans une solution aqueuse, mais dans une matière grasse liquide (une « huile »). Par exemple, si tu broyes le gel dans une belle huile d'olive, ou de pistache, par exemple, tu obtiendras des résultats merveilleux. Sans compter que tu peux avoir infusé des produits dans l'huile, pour lui donner un goût sur mesure. 

 

Et c'est ainsi que tu obtiendras les souples consistances que tu cherches, en quelques instants ! 

 

 

 

Que feras tu de tout cela ? Finalement, combien de debye et de mousse décideras-tu  de mélanger, pour avoir le résultat que tu veux ? J'ai hâte de le savoir ! 


Oui, c'est bien moi qui ait inventé les "priestley"

 Et voici le texte que j'avais proposé à Pierre Gagnaire, et qui figurait sur son site : 


Les Priestley

Des « crèmes anglaises » de poisson ou de viande.


Priestley ? Un chimiste et théologien anglais qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène.

Joseph Priestley (1733 - 1804) avait été encouragé dans ses études scientifques par Benjamin Franklin, qu'il avait rencontré en 1766. C’est ainsi qu’il publia son Histoire de l'électricité, et qu’il découvrit notamment que le charbon de bois conduit l'électricité. En 1767, il observa que l'électrisation des corps conducteurs reste superficielle, alors qu’il devenait pasteur à Leeds, dans le Yorkshire.

Là, il commença l’étude de la nature chimique des gaz. Il faut ainsi un des pionniers de la « chimie pneumatique ». En raison de travail expérimental novateur, il fut élu à la Royal Society en 1772, année où il publia ses Observations sur différentes espèces d'air. Au moyen d'une cuve à mercure, Priestley isola des gaz, comme l'ammoniac, l'oxyde d'azote, le dioxyde de soufre et le monoxyde de carbone. En 1774, il produisit pour la première fois de l'oxygène et comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte.


La classique crème anglaise


Ouf ! Mon cher Pierre, ne juges-tu pas « raisonnable » que je dédie un plat à un tel homme ? Il était anglais ; je te propose d’associer son nom à une « crème anglaise ».

Une crème anglaise, oui, mais pas une simple crème anglaise. Une préparation analogue, mais où l’œuf est remplacé dans sa fonction par des protéines différentes : de viande, de poisson !

La préparation ? Reprenons la recette de la crème anglaise pour bien comprendre. Il s’agit classiquement de battre du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit « faire le ruban ». Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe.

Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une « suspension ».

Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions « colloïdales » (de kolla, la colle). Bref, ce sont nombre de pâtes, par exemple, mais aussi des systèmes plus fluides, comme la classique crème anglaise. Parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème « prend », c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.


De la crème anglaise aux Priestley


Que faire de cette connaissance ? De nouveaux mets. Pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf (le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus) et du liquide (le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient.

Des protéines ? Les viandes en sont plein ! Les poissons aussi. Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera six à huit fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf.

A cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui qui te convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que tu émulsionnera pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait.

Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra.

Est-ce une crème anglaise ? Je me suis souvent fait reprendre pour donner des noms classiques à des préparations modernes. Qu’à cela ne tienne. Introduisons un nouveau nom : ce sera de Priestley !