vendredi 31 janvier 2025

À propos de foie gras chantilly

Le  foie gras chantilly est une préparation que j'ai inventée dans les années 1995, et que j'ai déjà évoquée dans ce blog : il s'agit de former un système foisonné à partir d'une solution aqueuse et de foie gras. 

Par exemple, on part d'un fonds de canard, on ajoute un foie gras, on chauffe pour faire une émulsion et l'on fouette celle-ci en la refroidissant de sorte que l'on obtient une consistance de Chantilly et sans crème : il y a le même mécanisme de formation que la crème chantilly puisqu'on a reproduit la composition de la crème laitière avec la matière grasse du foie gras et l'eau. 

Dans la recette que j'avais données, j'avais même ajouté qu'il y avait trois façons de rater mais que l'on pouvait toujours rattraper la préparation.
1. On peut rater si la proportion de foie gras est excessive, auquel cas  la préparation finale est trop dure. 

2. On peut rater si la proportion de liquide est excessive, auquel cas, comme pour une crème qui aurait été diluée avec du lait, on obtient pas le foisonnement stable. 

3. Et l'on peut rater en battant trop, ce qui conduit à une sorte de grainage, auquel cas il suffit de fondre la sauce doucement, avant de battre à nouveau  (toujours en refroidissant, "sur glace"). 

 À propos de ce "sur glace", je veux simplement dire qu'il suffit de refroidir la préparation, ce qui peut se faire en mettant la casserole sur des glaçons, ou dans de l'eau froide. 

Bref, il me semblait avoir bien décrit le protocole, mais l'expérience a montré que c'était en réalité insuffisant car un de mes amis à essayé trois fois la recette sans y parvenir. 

Comme je voulais en avoir le cœur net, j'ai refait moi la même la préparation dans la filmant, avec les proportions qui étaient bien celles que j'avais données : mon foie gras chantilly a été délicieux et tout à fait réussi. 

Il s'est trouvé que j'ai envoyé les vidéos de mon travail à mon ami, qui a alors découvert qu'il battait trop peu de temps. 

Il est vrai que, dans mon protocole, je ne je ne donnais pas la durée de foisonnement et je disais simplement que,  au début du travail, on voit de grosses bulles d'air apparaître dans la préparation, que ces bulles disparaissent progressivement et que c'est seulement ensuite que l'on voit, plus tard, les branches du fouet laisser laisser une traîner permanente dans la préparation auquel cas il faut s'arrêter de battre. 

Il y a le même type de difficultés de description que pour la crème chantilly : je me souviens d'un autre ami, il y a plus de 20 ans, qui m'avait demandé de l'aide pour réaliser une crème chantilly qu'il n'arrivait pas à faire : de même il battait trop peu. 

Le problème, quand on rédige de tels protocoles, c'est que le temps est très variable selon la vitesse de refroidissement, selon l'ustensile que l'on utilise, selon la façon dont on le manie...  et je vois avec la cuisine un exemple de ces métiers techniques qu'il est difficile de codifier rigoureusement. Au fond, quand un peintre broie des couleurs, quand un tisserand fait passer sa navette, quand un ébéniste utilise le marteau à bois, et ainsi de suite, il est bien difficile d'indiquer autrement que par exemple  la façon exacte de procéder. Il y a donc la nécessité d'une transmission par répétition au moins pour partie. 

Cela doit nous conduire à discuter la question des référentiels techniques, les listes de savoirs,  de connaissances et de compétences exigibles pour les certificats  d'aptitude technique. Pour ces enseignements, il y a lieu d'indiquer des objets théoriques, mais il faut aussi donner des indications sous d'autres formes, et aujourd'hui, la vidéo s'imposent absolument.

jeudi 30 janvier 2025

Une recherche de qualité ?

Un administrateur de l'université me déroule un long discours sur la nécessaire qualité des recherches effectuées dans l'établissement. Très bien, mais comment faire ? Certes, on sait que certains laboratoires sont plus actifs que d'autres, qu'il y a plus d'enthousiasme, de temps passé, d'échanges fructueux, mais  est-ce suffisant pour que leur recherche soit de qualité ? 

Et puis, qu'est-ce qu'une recherche de qualité ? 

J'ai déjà trop souvent entendu répondre que c'est un travail qui est bien évalué par les pairs, mais avec mon ami Georges Bram, nous en avons ri souvent. Et je me souviens aussi que, discutant avec un grand directeur scientifique, il y a plusieurs années, celui-ci m'avait accueilli en me disant qu'il fallait  faire de la bonne science (en avait-il fait ?). Evidemment je lui avais demandé ce dont il s'agissait et n'avait eu aucune réponse. 

Au fil des années, j'ai mieux compris la méthode scientifique et j'aurais même été prêt à un moment donné de dire que la bonne science était celle qui suivrait les étapes de cette méthode mais après tout si quelqu'un fait une grande découverte sans suivre cette méthodologie, pourquoi pas.
Il y a des questions d'obligation de moyens ou d'obligation de résultats ; je pressens que les obligations de moyens ne comptent pour rien et que seul contre les résultats. 

Mais alors, comment les évaluer ? Le nombre d'articles qui citent ces résultats ? On sait combien les travaux bibliométrique sont critiquables, et notamment parce qu'un mauvais article peut être largement cité... pour être démoli.  

Et puis, il y a  des questions de communication dans toute cette affaire : quelqu'un qui va bien sa salade arrivera à faire croire qu'elle est belle mais elle est-elle en réalité ? 

Bref, mon ami administrateur aurait mieux fait d'être plus précis, moins  creux

Des questions, des questions...

Alors que je finis un article où l'on me demande de présenter la gastronomie moléculaire, je m'interroge... mais seulement maintenant ! sur la meilleure façon de le faire. Certes le texte est terminé, mais comment pourrait-il être mieux ? 

La question s'impose à moi alors que je viens de relire le texte de la leçon inaugurale de la chaire de Pierre-Gilles de Gennes au Collège de France. C'est un texte "de jeunesse", qui n'a pas la force d'autres écrits de ce physicien  qui fut lauréat du prix Nobel. Un texte amusant parce que manifestement destiné à du grand public et qui oblige l'auteur à sortir de ses équations. Bien sûr, on se souvient que Pierre-Gilles de Gennes était une personnalité grande  par la taille et par la pensée, mais aussi par le sentiment qu'il avait de ses capacités. Dans ce texte, il reste un peu plat, de façon étonnante, mais il faut se souvenir qu'il fut très jeune (moins de 40 ans) au Collège de France. Je dois ajouter, d'ailleurs, que je lis ce texte alors que j'étais lancé dans la relecture des œuvres de toute une série de très grands scientifiques : Chevreul, Lavoisier,... 

Je ne me compare évidemment pas à ces grands personnages, mais j'essaye, en analysant mes lectures, d'en tirer des idées pour améliorer mes propres écrits,  et de trouver mes manières pas trop idiotes d'intéresser les amis qui me liront. 

Pour en revenir au texte de Pierre-Gilles de Gennes, je le vois évoquer les questions de recherche. C'est une manière de partager de l'enthousiasme pour la recherche scienifique, mais, également, c'est une manière d'analyser un champ de connaissance, de trouver  les conditions d'une stratégie stratégique. 

On retrouve là quelque chose qui s'apparente au programme David Hilbert, ce mathématicien allemand qui,  au tout début du 20e siècle, identifia une vingtaine de grandes questions qui lui semblait essentielles. 

J'ai déjà dit souvent que la science est également là pour proposer des questions et non pas seulement apporter des réponses qui en réalité découlent des premières. 

Décidément, il va falloir que je reprenne mon premier jet à la lumière de ces idées.

 

mercredi 29 janvier 2025

Les rôles de l'université ?

Un ami discute les rôles de l'université et il leur attribue d'enseigner, d'apprendre, de faire de la recherche, d'innover, de conseiller et plus. 

Pourquoi pas mais il y a là une volonté personnelle et c'est cela que je veux débroussailler aujourd'hui. 

Tout d'abord, est-ce l'université qui enseigne ? Non ce sont des professeurs employés par l'université et je sais qu'il y a toujours un risque politique à confondre les individus et les ensembles point c'est ainsi que naissent notamment les paradoxes et pour ce qui nous concerne si je suis prêt à admettre que c'est bien l'université de diplômes, c'est l'assemblée des professeurs qui décide de cursus, qui fait les nominations qui organise la vie et l'activité à l'université, ce n'est pas l'université qui enseigne.

Selon ce même point de vue, ce n'est pas l'université qui apprend mais les étudiants inscrits à l'université qui sont là pour apprendre. Ce n'est pas  l'université qui fait de la recherche, mais les scientifiques qui font de la recherche au sein de l'université. 

D'ailleurs, on a bien vu encore récemment, à propos  de discussions sur l'éthique des  académiciens de l'Académie d'agriculture,combien il était important de distinguer l'institution des personnes. Un individu ne peut parler au nom d'une institution que s'il a été mandaté pour cela et sinon il doit parler en son nom personnel et il doit bien indiquer que c'est un nom personnel qu'il parle.

Mais on voit ce profiler la discussion politique : un professeur, un étudiant, un chercheur sont-ils si fondus dans l'université ils doivent en oublier leur individualité ? La question à cela de troublant que l'ami qui assigne ces tâches à l'université est membre d'un institut extrêmement élitiste, qui n'existe en réalité que par ses membres et très peu par lui-même. 

mardi 28 janvier 2025

Les rapporteurs doivent être factuels !

 J'ai reçu hier l'évaluation d'un manuscrit par un collègue. Certes le manuscrit était mauvais mais en l'occurrence c'est le collègue évaluateur que je veux critiquer parce qu'il a dépassé les faits et s'est autorisé des jugements de valeur qui n'avaient pas lieu d'être.
 

J'insiste : tout était critiquable, de la mise en œuvre des méthodes jusque dans leur justification, de la production de résultats  jusqu'à l'expression de ces derniers, notamment avec l'affichage de chiffres significatifs qui n'avaient pas lieu d'être (par exemple).

Mais j'arrive au point épineux : le collègue évaluateur a écrit dans son rapport que ce manuscrit était du niveau d'un étudiant médiocre, et cela n'est pas acceptable.

Je sais, nous savons tous, que les auteurs du manuscrit auraient été froissés d'une telle déclaration. Nécessaire ? Judicieuse ? Pertinente ? Non.
Éditeur de la revue, je me suis permis de proposer à l'auteur de ces mots de les supprimer.

Ce cas se produit souvent, notamment avec les mauvais articles, parce que leur lecture irrite, donne progressivement envie d'en interdire la publication. C'est légitime mais il n'y a pas lieu de charger la barque, et la simple description, factuelle, de la médiocrité du texte suffit à faire  comprendre à tous  l'ampleur du travail nécessaire pour que le manuscrit soit publiable. A tous, et notamment aux auteurs... qui retireront sans doute leur manuscrit.

Oui interdisons les cartouches de protoxyde d'azote

 Les cartouches de protoxyde d'azote pour les siphons ? Oui, c'est bien de la "cuisine moléculaire", mais dès les années 1980, j'avais proposé que l'on utilise plutôt des pompes pour faire des mousses ou des émulsions. Avec des systèmes tels que les aérographes des pâtissiers.

lundi 27 janvier 2025

L'université doit être doit-elle faire du conseil ?

 L'université doit être doit-elle faire du conseil ?  Oui, mais correctement !

Il ne faut pas se méprendre et limiter le mot "conseil" à celui que des scientifiques peuvent accorder à entreprises,  car il peut tout aussi bien y avoir du conseil à des particuliers et du conseil à des institutions.

 Le conseil, dans ce dernier cas, se rapproche de l'expertise, et l'État a raison, par ses agents, de solliciter des experts très au courant des sujets sur lesquels il doit prendre des décisions.
 

On a écrit 1000 choses à propos de l'expertise, du devoir de réserve, de l'éthique de l'expertise, et cetera,  mais on pourrait en réalité sans tenir à une idée simple qui est que l'énoncé de faits établis par un travail scientifique doit être bien distingué de conclusions politiques que l'on pourrait en tirer,  d'application que l'on déciderait en se fondant sur les faits bien établis.
 

C'est une grande faute que de mettre de l'idéologie dans la sélection des données que l'on transmet pour le débat, lors des "expertises", et les scientifiques ne doivent pas participer aux prises de décisions. 

J'écris cela, parce que l'on voit trop de collègues se donner de l'importance en dépassant les limites du discours qu'ils sont autorisés à faire. En tout cas, dans l'expression publique, c'est un minimum éthique que les faits soient bien séparés de leurs interprétations, et que des jugements de valeur soient signalés comme tels.