Voici la lettre qui vient d'être envoyée par l'Union des professeurs de physique, la Société française de physique et l'Union des professeurs de physique de chimie à la Ministre de l'Education nationale :
Objet : Alerte concernant l’enseignement des sciences physiques suite à la réforme du lycée
Madame la Ministre,
Face aux graves difficultés engendrées par la dernière réforme du lycée (2010-2013) dans l’enseignement de la physique et de la chimie, nos associations qui regroupent des professeurs enseignant ces disciplines au lycée (Union des professeurs de physique et chimie) et dans l’enseignement supérieur (Société française de physique et Union des professeurs de classes
préparatoires scientifiques) ont décidé de mener une réflexion et des démarches communes.
Ceci s’est traduit par la création d’un groupe de travail en juin 2014 qui réunit, outre des représentants de nos associations, des intervenants à titre personnel, notamment un membre de l’Académie des Sciences et un directeur d’UFR de physique.
NOTRE CONSTAT
Nous avons tout d’abord croisé les résultats de nos enquêtes de terrain pour parvenir à un constat partagé.
Loin d’améliorer la transition lycée-post bac pour les étudiants qui se destinent à des filières scientifiques, la réforme a creusé le fossé. C'est ainsi qu'elle a brouillé l’orientation des élèves et induit des écarts de formation à l’issue du lycée peu acceptables.
Plus précisément :
- L’enquête menée auprès des enseignants à l’Université et en classes préparatoires scientifiques montre que les meilleurs étudiants scientifiques ont tendance à se détourner de la physique. Ils n’ont eu au lycée qu’une vision superficielle des sciences physiques, alors que de nombreux étudiants se montrent déçus quand ils constatent la nécessité de mettre en œuvre de véritables outils formels et de pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses ;
- L’accroissement de l’autonomie des lycées concernant la répartition horaire des enseignements à effectifs réduits a conduit à une véritable différenciation entre les lycées, tant pour les objectifs que pour les niveaux. Certains lycées ont décidé de renforcer le poids et la qualité de l’enseignement des matières scientifiques en filière S, tandis que d'autres ne l'ont pas fait. Cette possibilité d’un ajustement local des enseignements, inscrite dans la réforme du lycée, avait été, au moment de sa mise en œuvre, pointée comme une réelle menace pesant sur l’esprit républicain des études secondaires. Après quelques années de retour d’expérience, on ne peut malheureusement que constater qu’elle renforce bel et bien les inégalités sociales que le lycée devrait, au contraire, contribuer à gommer.
NOTRE DIAGNOSTIC
Dépassant le constat absolument évident des effets néfastes liés aux aspects structurels de la réforme 2010 (réduction significative de l’horaire de physique-chimie en première S, disparition du dédoublement automatique des séances de travaux pratiques), nous avons engagé une réflexion sur l'impact négatif des choix qui ont été faits pour les programmes de sciences physiques (méthode de travail et lignes directrices choisies), aboutissant là encore à un diagnostic partagé par nos associations :
- Les programmes, actuellement en vigueur, ont été écrits dans l’urgence, sans réflexion globale sur l’ensemble collège-seconde-première-terminale, et sans l’indispensable concertation pluridisciplinaire préalable. Cet état de fait s’avère catastrophique quant au lien, à présent rompu, entre les mathématiques et les sciences physiques ;
De ce fait l’articulation des contenus comme les méthodes préconisées dans ces nouveaux programmes ne fonctionnent pas. De plus, les contenus et les méthodes se sont vus adjoindre après coup une série de prescriptions mal préparées concernant l’enseignement et l’évaluation par compétences, au statut hybride quant à leur caractère officiel ;
- Ces programmes ont été écrits avec l’idée que la majorité des élèves de filière S ne poursuivront pas d’études supérieures scientifiques. En conséquence, on a renoncé à asseoir les bases d’une formation scientifique, préférant dispenser un vernis culturel superficiel qu’on ne peut même pas qualifier de « culture scientifique » tant les fondements d’une véritable démarche scientifique en sont absents. L’enquête de la SFP précédemment citée fait d’ailleurs le constat d’une culture scientifique « mal digérée » par les étudiants, sans vision globale de ce qu’est la physique, avec des connaissances cloisonnées et non consolidées.
NOS PROPOSITIONS
Nous nous sommes accordés, à ce stade de nos réflexions, sur ce qu’il conviendrait de faire (méthode et grands axes) pour élaborer les prochains programmes de sciences au lycée et ainsi mieux former les futurs citoyens dont une partie poursuivra une carrière scientifique :
- Mettre tout en œuvre pour que, quel que soit son choix d’études supérieures, un élève de filière S puisse trouver un réel bénéfice à être formé par les sciences. En effet, les éléments de formation aux démarches scientifiques (modélisation, confrontation entre modèle et réalité) constituent un acquis durable et universel, alors que le fait de se limiter à évoquer de manière superficielle quelques sujets « scientifiques » du moment ne permet pas d’ancrer une véritable formation ;
- Guider toute réflexion en gardant la conviction que la compréhension des démarches scientifiques est une construction lente, qui ne saurait attendre la Terminale S ou l’arrivée dans l’enseignement supérieur mais qui doit au contraire commencer dès le collège ;
- Consolider l’outil mathématique, auquel l’enseignement et l’essence même de la physique et de la chimie sont fortement liés, par une pratique concrète des mathématiques.Il est en conséquence indispensable que l’enseignement des sciences soit conçu dans ses grandes lignes par un groupe pluridisciplinaire avant d’être décliné par discipline.
NOS DEMANDES URGENTES
Au moment où il est question de nouveaux programmes au collège, nous constatons qu’aucune concertation n’a été menée pour y définir le rôle de l’enseignement des sciences physiques et notamment son articulation avec celui des mathématiques, des sciences de la vie et de la terre, des sciences industrielles et avec le nouvel enseignement du « numérique » qui semble se dessiner. Dès lors, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous craignons qu’une fois de plus les futurs programmes de lycée ne soient élaborés sans la transparence nécessaire, sans regards croisés entre disciplines et dans la précipitation.
Nous demandons donc :
- à être reçus au Ministère pour présenter plus précisément l’état de nos réflexions ;
- à ce qu’une réflexion sur l’enseignement des sciences en filière S au lycée soit engagée dès maintenant dans un cadre officiel et transparent. Parce que nos associations en ont la légitimité, nous demandons bien entendu à y être associés.
Il est urgent d’agir car l’effondrement durable de l’enseignement des sciences physiques au lycée aura des conséquences graves, non seulement sur la formation de nos futurs citoyens mais aussi sur laformation et le recrutement des scientifiques (techniciens, ingénieurs, chercheurs, professeurs...) dont
la France a besoin pour maintenir son rang au sein d’une économie désormais mondialisée.
En vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à notre demande, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 27 février 2015
samedi 14 février 2015
Les généralités nous empêtrent.
Les Allemands sont disciplinés, les Anglais ont le sens de l'humour, les Espagnols sont fiers, les Italiens sont volubiles... Ce genre de déclarations est évidemment intenable, et je ne veux pas oublier que la généralisation est souvent une façon de catégoriser un groupe avec lequel on discute par des arguments ad hominem, donc fautifs. Pourtant, la faute est connue depuis longtemps, et le physico-chimiste Michael Faraday avait, dans ses six règles de vie, celle qui stiupulait d'éviter les générarations hâtives.
J'en viens à mon point : en matière d'alimentation, il y a souvent chez les "élites" cette idée qu'il faudrait réconcilier "le citoyen" avec son alimentation, mais est-ce légitime? Cela fait en effet l'hypothèse que tous les citoyens ont peur de leur alimentation, mais cela n'est pas vrai : il y en a qui n'ont pas peur, il y en a qui ne se posent pas la question, il y en a qui ont peur de certains aliments seulement, et, d'autre part, il y a des aliments sans risque et d'autres où il est légitime de s'interroger.
D'ailleurs, s'interroger ne signifie pas avoir peur, mais simplement être prudent. Peut-on reprocher au citoyen d'être prudent, en matière alimentaire ? Ce serait à la fois déraisonnable, et ignorer que la biologie de l'évolution monttre bien que notre espèce n'a survécu qu'en raison d'une certaine prudence.
Faut-il alors "réconcilier le citoyen avec son alimentation" ?
Je propose de laisser le citoyen juger par lui-même à partir de faits justes qu'on lui aura donnés.
Et c'est un fait que les dernières années ont connu des crises alimentaires qui méritaient quelque attention. Certes la fraude à la viande de cheval qui était vendue pour la viande de boeuf n'a pas exposé la santé des citoyens, mais il n'en reste pas moins que l'affaire était grave et que les citoyens ont eu raison de demander à la fois des punitions exemplaires et une analyse des systèmes de contrôle qui s'étaient quand même montré défaillants.
Auparavant, il y a eu des morts dans l'affaire où l'on avait initialement incriminé des concombres et où l'on a finalement découvert que la cause était des graines germées de soja bio. Dans cette affaire, c'est un fait qu'il y a eu des morts, et il semble assez grave que l'on ait pu incriminer des concombres, alors qu'il s'agissait de graine germées de soja (bio, j'insiste). Là encore, le citoyen a raison de s'interroger sur le système de contrôle.
Auparavant, il y avait la crise de la vache folle, et, là encore, le citoyen avait raison de dmenader des mesures. La question n'est donc pas là, mais peut-être dans les rapports compliqués qu'entretient la presse avec l'alimentation. La presse fait son devoir quand elle explique correctement les faits, quand elle ne va pas au-delà de ces derniers, et la question est de savoir si nous pouvons supporter des morts, si nous pouvons relativiser les différentes affaires de crises alimentaire. Il y a des questions de coût social dont il faut débattre, et si les citoyens jugent qu'il est plus important de dépenser beaucoup d'argent sur ces questions que pour les accidents de la route (plus de 3000 personnes en 2014, contre 33 pour toute l'Europe avec les graines germées, 0 pour la fraude à la viande de cheval, environ 200 depuis le début de la crise) , c'est son droit absolu.
Ce n'est donc pas à une élite de dire ce que le citoyen doit faire, ce qui serait une position très supérieure, et je propose que nous nous en tenions à une exposition juste des faits, à une sorte de militantisme de la vérité. C'est ainsi que nous rendrons véribalement service à nos concitoyens.
J'en viens à mon point : en matière d'alimentation, il y a souvent chez les "élites" cette idée qu'il faudrait réconcilier "le citoyen" avec son alimentation, mais est-ce légitime? Cela fait en effet l'hypothèse que tous les citoyens ont peur de leur alimentation, mais cela n'est pas vrai : il y en a qui n'ont pas peur, il y en a qui ne se posent pas la question, il y en a qui ont peur de certains aliments seulement, et, d'autre part, il y a des aliments sans risque et d'autres où il est légitime de s'interroger.
D'ailleurs, s'interroger ne signifie pas avoir peur, mais simplement être prudent. Peut-on reprocher au citoyen d'être prudent, en matière alimentaire ? Ce serait à la fois déraisonnable, et ignorer que la biologie de l'évolution monttre bien que notre espèce n'a survécu qu'en raison d'une certaine prudence.
Faut-il alors "réconcilier le citoyen avec son alimentation" ?
Je propose de laisser le citoyen juger par lui-même à partir de faits justes qu'on lui aura donnés.
Et c'est un fait que les dernières années ont connu des crises alimentaires qui méritaient quelque attention. Certes la fraude à la viande de cheval qui était vendue pour la viande de boeuf n'a pas exposé la santé des citoyens, mais il n'en reste pas moins que l'affaire était grave et que les citoyens ont eu raison de demander à la fois des punitions exemplaires et une analyse des systèmes de contrôle qui s'étaient quand même montré défaillants.
Auparavant, il y a eu des morts dans l'affaire où l'on avait initialement incriminé des concombres et où l'on a finalement découvert que la cause était des graines germées de soja bio. Dans cette affaire, c'est un fait qu'il y a eu des morts, et il semble assez grave que l'on ait pu incriminer des concombres, alors qu'il s'agissait de graine germées de soja (bio, j'insiste). Là encore, le citoyen a raison de s'interroger sur le système de contrôle.
Auparavant, il y avait la crise de la vache folle, et, là encore, le citoyen avait raison de dmenader des mesures. La question n'est donc pas là, mais peut-être dans les rapports compliqués qu'entretient la presse avec l'alimentation. La presse fait son devoir quand elle explique correctement les faits, quand elle ne va pas au-delà de ces derniers, et la question est de savoir si nous pouvons supporter des morts, si nous pouvons relativiser les différentes affaires de crises alimentaire. Il y a des questions de coût social dont il faut débattre, et si les citoyens jugent qu'il est plus important de dépenser beaucoup d'argent sur ces questions que pour les accidents de la route (plus de 3000 personnes en 2014, contre 33 pour toute l'Europe avec les graines germées, 0 pour la fraude à la viande de cheval, environ 200 depuis le début de la crise) , c'est son droit absolu.
Ce n'est donc pas à une élite de dire ce que le citoyen doit faire, ce qui serait une position très supérieure, et je propose que nous nous en tenions à une exposition juste des faits, à une sorte de militantisme de la vérité. C'est ainsi que nous rendrons véribalement service à nos concitoyens.
A travers le plancher
Je m'étais promis de répondre à la question suivante, arrivée par internet, parce que je sais combien elle est importante :
Dès lors que la matière c'est du vide à 99,99 % (?), comment se fait-il que les récipients et contenants de toute sorte ne laissent pas échapper leur contenu (heureusement) ?
Oui, la matière est pleine de vide : elle est faite d'atomes, qui sont principalement vide. Par exemple, pour l'atome d'hydrogène, il faut imaginer (en très petit) une orange sur la place de la Concorde (le noyau de l'atome d'hydrogène est composé d'un seul "proton"), à Paris, et un petit pois (l'électron, qui est en mouvement autour du proton) à Versailles (20 kilomètres de là). Les autres atomes de carbone, d'oxygène, d'azote, etc. sont du même type. Bref, la matière est essentiellement vide.
Peut-on calculer de combien ? Pour 28 grammes de diazote (l'essentiel de notre atmosphère), à la pression ambiante et à la température de 20 degrés, non seulement les atomes sont vides... mais, de surcroît, il y a du vide entre les molécules de diazote (deux atomes d'azote liés). Peut-on estimer quelle proportion de l'espace est "matérielle" ? Le "rayon atomique" de l'azote est de 65 picomètres (millionième de millionième de mètre). Or 28 grammes de diazote occupent environ 22,4 litres d'atmosphère. Sachant que la taille des électrons est négligeables par rapport à celle des noyaux, on peut calculer que le volume occupé par la matière est de deux dix millième de litre environ. Soit un cent millième de litre pour un litre d'atmosphère !
On m'objectera que c'est là de la matière gazeuse, et non solide. Et pour de l'eau ? Cette fois, 18 grammes d'eau occupent un litre, seulement, soit environ 20 fois moins... mais ça reste de l'ordre du dix millième.
Dont acte, la matière est essentiellement faite de vide.
Pourquoi, alors, les récipients, faits de vide, ne laissent-ils pas passer les liquides, également vides en majorité ? La réponse est que la matière est moins importante parce qu'elle est que par son influence. Or les particules subatomiques que sont les protons ou les électrons sont électriquement chargées, et les forces électriques s'exercent à distance. Autrement dit, nous ferions mieux de nous représenter la matière par sa sphère d'influence (ce n'est pas une sphère, disons son domaine d'influence). Et là, la matière occupe bien l'espace. Entre deux morceaux solides, supposons d'abord du vide. Si l'on approche les deux morceaux, viendra un moment où les répulsions électriques seront considérables : ces forces, pour une charge ponctuelle tel qu'un électron, à l'"extérieur" d'un solide, varient comme l'inverse du carré de la distance.
Cela signifie que, à longue distance, la force est comme la voix, qui s'atténue rapidement, raison pour laquelle on entend mal ce que dit quelqu'un dans un amphithéâtre, quand il est devant nous et qu'il parle au conférencier : sa voix doit faire l'aller jusqu'au mur, puis revenir, s'atténuant largement.
En revanche, quand les solides sont rapprochés, alors les forces deviennent considérables, infinies, et l'impossibilité de rapprocher les deux solides s'apparente à celle qui consiste à approcher deux pôles analogues d'aimants... mais en infiniment plus fort.
Bref, les solides ou les liquides ne s’interpénètrent pas : les liquides ne traversent pas les carafes, et nous ne passons pas au travers du plancher !
Dès lors que la matière c'est du vide à 99,99 % (?), comment se fait-il que les récipients et contenants de toute sorte ne laissent pas échapper leur contenu (heureusement) ?
Oui, la matière est pleine de vide : elle est faite d'atomes, qui sont principalement vide. Par exemple, pour l'atome d'hydrogène, il faut imaginer (en très petit) une orange sur la place de la Concorde (le noyau de l'atome d'hydrogène est composé d'un seul "proton"), à Paris, et un petit pois (l'électron, qui est en mouvement autour du proton) à Versailles (20 kilomètres de là). Les autres atomes de carbone, d'oxygène, d'azote, etc. sont du même type. Bref, la matière est essentiellement vide.
Peut-on calculer de combien ? Pour 28 grammes de diazote (l'essentiel de notre atmosphère), à la pression ambiante et à la température de 20 degrés, non seulement les atomes sont vides... mais, de surcroît, il y a du vide entre les molécules de diazote (deux atomes d'azote liés). Peut-on estimer quelle proportion de l'espace est "matérielle" ? Le "rayon atomique" de l'azote est de 65 picomètres (millionième de millionième de mètre). Or 28 grammes de diazote occupent environ 22,4 litres d'atmosphère. Sachant que la taille des électrons est négligeables par rapport à celle des noyaux, on peut calculer que le volume occupé par la matière est de deux dix millième de litre environ. Soit un cent millième de litre pour un litre d'atmosphère !
On m'objectera que c'est là de la matière gazeuse, et non solide. Et pour de l'eau ? Cette fois, 18 grammes d'eau occupent un litre, seulement, soit environ 20 fois moins... mais ça reste de l'ordre du dix millième.
Dont acte, la matière est essentiellement faite de vide.
Pourquoi, alors, les récipients, faits de vide, ne laissent-ils pas passer les liquides, également vides en majorité ? La réponse est que la matière est moins importante parce qu'elle est que par son influence. Or les particules subatomiques que sont les protons ou les électrons sont électriquement chargées, et les forces électriques s'exercent à distance. Autrement dit, nous ferions mieux de nous représenter la matière par sa sphère d'influence (ce n'est pas une sphère, disons son domaine d'influence). Et là, la matière occupe bien l'espace. Entre deux morceaux solides, supposons d'abord du vide. Si l'on approche les deux morceaux, viendra un moment où les répulsions électriques seront considérables : ces forces, pour une charge ponctuelle tel qu'un électron, à l'"extérieur" d'un solide, varient comme l'inverse du carré de la distance.
Cela signifie que, à longue distance, la force est comme la voix, qui s'atténue rapidement, raison pour laquelle on entend mal ce que dit quelqu'un dans un amphithéâtre, quand il est devant nous et qu'il parle au conférencier : sa voix doit faire l'aller jusqu'au mur, puis revenir, s'atténuant largement.
En revanche, quand les solides sont rapprochés, alors les forces deviennent considérables, infinies, et l'impossibilité de rapprocher les deux solides s'apparente à celle qui consiste à approcher deux pôles analogues d'aimants... mais en infiniment plus fort.
Bref, les solides ou les liquides ne s’interpénètrent pas : les liquides ne traversent pas les carafes, et nous ne passons pas au travers du plancher !
Et si l'indignation était une position de paresseux ?
Lors du mouvement des indignés, mon bon coeur a battu, et j'ai adhéré immédiatement à la proposition. Oui, il faut plus d'équité, à défaut d'égalité. Oui, il nous faut des valeurs, de tolérance, de partage, de socialité...
Tout allait donc bien, à cela près que l'indignation est un mouvement négatif, et que je m'aperçois que j'étais gêné, moi qui propose un mouvement toujours positif. La revendication incessante, cela me gave ; les râleurs, ça me bassine. Et quand on est râleur et qu'on déguise cette façon de pisse vinaigre en indignation (ça fait bien : il y a le mot "digne" dedans), c'est encore pire.
Et puis, de récentes discussions de notions communément acceptées, telle l'élégance, m'ont fait comprendre que la moindre des choses était de questionner les mots.
Equité ? De quoi s'agit-il vraiment ?
Egalité ? C'est un fait que, dans la généralité du mot, il n'y en a pas, et il n'y en aura jamais : les petits ne sont pas les grands, les maigres ne sont pas les gros, les bruns ne sont pas les blonds... Alors, de quoi veut-on parler, au juste ?
Socialité ? Oui, l'espèce humaine est sociale, et la socialité est codée dans nos gènes, mais, au fond, pourquoi la poser en valeur principale ? Là, à ces mots, je sais que je heurte, mais j'insiste : sans que ma position personnelle soit concernée, je propose de répondre honnêtement à la question. La socialité, c'est quoi ?
Indignation, finalement ?
Je ne devrais pas citer ici Jorge Luis Borges, parce que, puisqu'il a été catalogué comme réactionnaire pour ses positions politiques dans son pays,je risque de passer pour réactionnaire aussi. Toutefois, je n'ai pas de raison de partager ses idées politiques... mais j'ai toutes les raisons d'admirer son oeuvre littéraire. Bref, Borges avait notamment ceci de merveilleux qu'il proposa l'existence de deux types d'envie : l'envie noire et l'envie blanche. L'envie noire pousse à détruire ce que l'on n 'a pas. L'envie blanche, au contraire, pousse à travailler pour avoir ce que l'on veut.
Là, j'adopte immédiatement l'adjectif noir ou blanc pour sa connotation, et l'on comprend que je préfère l'envie blanche.
Et c'est ainsi que j'en viens à dire que l'indignation m'insupporte, parce que, au fond, c'est une position de paresseux, chose que je déteste par dessus tout, parce que ce défaut est à la base de l'autoritarisme, de la malhonnêteté et de biens d'autres défauts plus apparents.
Je propose l'enthousiasme, le bel enthousiasme qui nous porte à nous dépasser. Je ne revendique pas que nous soyons des surhommes, notion encore discutable, mais simplement que nous soyons humains en proportion de notre travail. Ascenseur social ? Au fond, le mot « mérite » est connoté, mais si l'on fait l'hypothèse que le mérite vient avec le travail, pourquoi pas ? D'ailleurs le mot travail est connoté, mais au fond, pourquoi ? Est-ce le résultat des efforts;-) de paresseux ? Pardonnez moi d'admirer les œuvres soigneusement élaborées. Pardonnez moi d'admirer les travaux qui me sont montrés. Permettez moi d'admirer en proportion du travail qui a été fait.
Tout allait donc bien, à cela près que l'indignation est un mouvement négatif, et que je m'aperçois que j'étais gêné, moi qui propose un mouvement toujours positif. La revendication incessante, cela me gave ; les râleurs, ça me bassine. Et quand on est râleur et qu'on déguise cette façon de pisse vinaigre en indignation (ça fait bien : il y a le mot "digne" dedans), c'est encore pire.
Et puis, de récentes discussions de notions communément acceptées, telle l'élégance, m'ont fait comprendre que la moindre des choses était de questionner les mots.
Equité ? De quoi s'agit-il vraiment ?
Egalité ? C'est un fait que, dans la généralité du mot, il n'y en a pas, et il n'y en aura jamais : les petits ne sont pas les grands, les maigres ne sont pas les gros, les bruns ne sont pas les blonds... Alors, de quoi veut-on parler, au juste ?
Socialité ? Oui, l'espèce humaine est sociale, et la socialité est codée dans nos gènes, mais, au fond, pourquoi la poser en valeur principale ? Là, à ces mots, je sais que je heurte, mais j'insiste : sans que ma position personnelle soit concernée, je propose de répondre honnêtement à la question. La socialité, c'est quoi ?
Indignation, finalement ?
Je ne devrais pas citer ici Jorge Luis Borges, parce que, puisqu'il a été catalogué comme réactionnaire pour ses positions politiques dans son pays,je risque de passer pour réactionnaire aussi. Toutefois, je n'ai pas de raison de partager ses idées politiques... mais j'ai toutes les raisons d'admirer son oeuvre littéraire. Bref, Borges avait notamment ceci de merveilleux qu'il proposa l'existence de deux types d'envie : l'envie noire et l'envie blanche. L'envie noire pousse à détruire ce que l'on n 'a pas. L'envie blanche, au contraire, pousse à travailler pour avoir ce que l'on veut.
Là, j'adopte immédiatement l'adjectif noir ou blanc pour sa connotation, et l'on comprend que je préfère l'envie blanche.
Et c'est ainsi que j'en viens à dire que l'indignation m'insupporte, parce que, au fond, c'est une position de paresseux, chose que je déteste par dessus tout, parce que ce défaut est à la base de l'autoritarisme, de la malhonnêteté et de biens d'autres défauts plus apparents.
Je propose l'enthousiasme, le bel enthousiasme qui nous porte à nous dépasser. Je ne revendique pas que nous soyons des surhommes, notion encore discutable, mais simplement que nous soyons humains en proportion de notre travail. Ascenseur social ? Au fond, le mot « mérite » est connoté, mais si l'on fait l'hypothèse que le mérite vient avec le travail, pourquoi pas ? D'ailleurs le mot travail est connoté, mais au fond, pourquoi ? Est-ce le résultat des efforts;-) de paresseux ? Pardonnez moi d'admirer les œuvres soigneusement élaborées. Pardonnez moi d'admirer les travaux qui me sont montrés. Permettez moi d'admirer en proportion du travail qui a été fait.
vendredi 13 février 2015
Luttons pour nos libertés
Jean de Kervasdoué n'est généralement pas tendre avec les médecins, mais voici ce qu'il écrit dans le journal Le Monde :
La grève des médecins est justifiée Par Jean de Kervasdoué (Professeur émérite au CNAM)
Pour comprendre les projets du gouvernement et la grève des médecins, il est nécessaire de rappeler quelques principes fondateurs de notre système de financement des soins médicaux et la nature des réformes en cours ou projetées. L’Assurance-maladie, créée en 1930 pour les travailleurs salariés de l’industrie, s’est progressivement étendue à partir de 1946, mais n’a été généralisée que le 1er janvier 2000 (avec la « couverture maladie universelle », CMU) à tous les résidents légaux sur le territoire national. A l’origine, elle était vraiment une assurance : les cotisations n’étaient pas proportionnelles au revenu (elles étaient plafonnées et donc les mêmes pour tous les revenus au-dessus du plafond) et une partie des soins n’étaient pas remboursés. Il y avait – il y a toujours – une franchise que l’on appelle le « ticket modérateur », car l’on pensait que si les assurés payaient une partie des frais de leur poche, ils modéreraient leurs dépenses de soins. Comme le montant de cette « modération » pouvait être élevé, il a été couvert par des mutuelles, des assurances, des institutions de prévoyance (IP) puis, enfin, pour les bénéficiaires de la CMU, par une taxe sur les autres complémentaires ! Ce ticket modérateur est faible pour les soins hospitaliers (9 %), élevé pour l’ensemble des soins de ville (46 %) et très élevé pour les prothèses dentaires et les lunettes (95 %). Ne cherchez pas de logique autre qu’historique dans ce partage entre assurance complémentaire et Assurance-maladie, il n’y en a pas.
La première réforme, entrée en vigueur en 2015, tente de réguler le prix des lunettes et des prothèses et définit pour leur remboursement des prix planchers et des prix plafonds. Complexe (il y a plus de huit tarifs plafonds en optique !), la réforme va contraindre toutes les assurances complémentaires à dénoncer les contrats en cours (coût : 150 millions d’euros) et ne va rien réguler du tout car, dans certains cas, le « plancher » est plus élevé que les prix actuels les plus bas (bien que non régulés), et les plafonds sont tellement hauts qu’ils ne vont pas gêner grand monde…
La deuxième réforme, applicable au premier janvier 2016, est celle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi. Cette réforme inattendue a été arrachée à l’occasion d’un accord sur l’emploi. Elle contraint toutes les très petites entreprises (TPE) à offrir une assurance complémentaire santé. Elle ne couvrira que 400 000 personnes supplémentaires, coûtera 1 milliard d’euros à l’Etat, 1 milliard d’euros aux TPE et privera la Sécurité sociale d’environ 500 millions de recettes, soit un coût global de 2,5 milliards d’euros (6 250 euros par personne couverte) ! Les travailleurs précaires, les chômeurs et les retraités n’en bénéficieront pas.
La grève des médecins est justifiée Par Jean de Kervasdoué (Professeur émérite au CNAM)
Pour comprendre les projets du gouvernement et la grève des médecins, il est nécessaire de rappeler quelques principes fondateurs de notre système de financement des soins médicaux et la nature des réformes en cours ou projetées. L’Assurance-maladie, créée en 1930 pour les travailleurs salariés de l’industrie, s’est progressivement étendue à partir de 1946, mais n’a été généralisée que le 1er janvier 2000 (avec la « couverture maladie universelle », CMU) à tous les résidents légaux sur le territoire national. A l’origine, elle était vraiment une assurance : les cotisations n’étaient pas proportionnelles au revenu (elles étaient plafonnées et donc les mêmes pour tous les revenus au-dessus du plafond) et une partie des soins n’étaient pas remboursés. Il y avait – il y a toujours – une franchise que l’on appelle le « ticket modérateur », car l’on pensait que si les assurés payaient une partie des frais de leur poche, ils modéreraient leurs dépenses de soins. Comme le montant de cette « modération » pouvait être élevé, il a été couvert par des mutuelles, des assurances, des institutions de prévoyance (IP) puis, enfin, pour les bénéficiaires de la CMU, par une taxe sur les autres complémentaires ! Ce ticket modérateur est faible pour les soins hospitaliers (9 %), élevé pour l’ensemble des soins de ville (46 %) et très élevé pour les prothèses dentaires et les lunettes (95 %). Ne cherchez pas de logique autre qu’historique dans ce partage entre assurance complémentaire et Assurance-maladie, il n’y en a pas.
Optique et soins dentaires
Ainsi, nous sommes les seuls, en France, à avoir des médicaments remboursés – donc pourtant potentiellement efficaces – à 15 %, 30 %, 65 % ou 100 % ; nous sommes les seuls à avoir un fort ticket modérateur pour les soins de premier recours (les généralistes notamment) ; nous sommes les seuls à mieux rembourser les médecins (70 %) que les infirmières (60 %), et si les soins chirurgicaux sont quasiment tous pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie, ce n’est pas le cas des hospitalisations en médecine – autrement dit, ceux qui n’ont pas la « chance » d’être opérés peuvent avoir un ticket modérateur élevé ; etc. Or les réformes en cours ne touchent pas au partage, sans logique sanitaire ni économique, entre régimes obligatoires et complémentaires, elles essayent simplement d’en compenser les inconvénients. Si 22 % de nos concitoyens disent retarder leurs soins pour des raisons financières, il s’agit surtout d’optique et de soins dentaires, et rarement des consultations en médecine de ville (5 % des cas).La première réforme, entrée en vigueur en 2015, tente de réguler le prix des lunettes et des prothèses et définit pour leur remboursement des prix planchers et des prix plafonds. Complexe (il y a plus de huit tarifs plafonds en optique !), la réforme va contraindre toutes les assurances complémentaires à dénoncer les contrats en cours (coût : 150 millions d’euros) et ne va rien réguler du tout car, dans certains cas, le « plancher » est plus élevé que les prix actuels les plus bas (bien que non régulés), et les plafonds sont tellement hauts qu’ils ne vont pas gêner grand monde…
La deuxième réforme, applicable au premier janvier 2016, est celle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi. Cette réforme inattendue a été arrachée à l’occasion d’un accord sur l’emploi. Elle contraint toutes les très petites entreprises (TPE) à offrir une assurance complémentaire santé. Elle ne couvrira que 400 000 personnes supplémentaires, coûtera 1 milliard d’euros à l’Etat, 1 milliard d’euros aux TPE et privera la Sécurité sociale d’environ 500 millions de recettes, soit un coût global de 2,5 milliards d’euros (6 250 euros par personne couverte) ! Les travailleurs précaires, les chômeurs et les retraités n’en bénéficieront pas.
Pérennité de la Sécurité sociale menacée
Quant au projet de réforme du tiers payant généralisé, encore au stade de projet, il consisterait à transférer à l’Assurance-maladie la responsabilité du remboursement de sa part et de celle des complémentaires. Il est vraisemblable que cette disposition soit peu compatible avec le droit européen et français. En outre, et c’est pour cela que les médecins réagissent, cette réforme annonce paperasserie, impayés et relations difficiles avec les patients, car les médecins sont dans l’incapacité de savoir si leurs patients disposent ou non d’une « complémentaire santé » et si celle-ci est bien à jour. Les risques d’impayés sont donc réels. De surcroît, ils se demandent comment un système informatique qui doit relier tous les régimes obligatoires et tous les assureurs complémentaires sera mis en place. Pourquoi, en outre, concentrer tous les pouvoirs entre les mains de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et se priver du rôle régulateur que peuvent avoir les complémentaires dans, par exemple, la gestion des dépassements d’honoraires et des parcours de soins ? Par ailleurs, les complémentaires vont-elles longtemps accepter de collecter les cotisations de leurs adhérents tout en se dessaisissant de leur gestion ? Pourquoi, enfin et surtout, instituer une avance de frais de 48 heures (temps moyen de remboursement d’une feuille de soins) pour la très grande majorité des Français qui peuvent avancer 23 €, et ne pas avoir limité la réforme aux bénéficiaires de la CMU et de l’aide complémentaire santé (ACS) ? La pérennité de la Sécurité sociale est menacée par la dette et n’a pas besoin de l’aide supplémentaire de ces réformes discutables. La plus grande inégalité du système de santé est-elle d’ailleurs aujourd’hui, en France, celle de l’accès financier aux soins ou plutôt, comme je le pense, l’inégalité des soins médicaux eux-mêmes, excellents ici, plus quelconques ailleurs ? Mais pour réduire cette inégalité-là, il faut le faire avec, et pas contre le corps médical. Curieuses réformes donc, généreuses avec le temps des uns et l’argent des autres, et qui ne touchent en rien à l’absurdité d’un ticket modérateur qui n’a jamais rien modéré.mardi 10 février 2015
Socialisante, la cuisine ?
La cuisine est-elle une activité socialisante ?
La réponse est oui... dans certaines circonstances. Par exemple, si je cuisine pour autrui, autrui me fait la confiance de me confier sa santé, sa vie même. La relation qui se crée est donc essentielle, et voilà pourquoi j'ai publié il y a longtemps un livre dont le titre est : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
L'amour, c'est exagéré, parce que certains cuisinent pour de l'argent, d'autres pour du pouvoir, et ainsi de suite.... mais il y a toujours du lien social.
D'ailleurs, l'art lui-même a quelque chose de social, à moins qu'il ne soit comme de la cuisine que l'on ferait pour soi-même.
Pour ceux qui ont peur, on observera que la socialisation de la cuisine intervient pour toutes les formes de cuisine, de la cuisine médiévale à la cuisine note à note, en passant par la nouvelle cuisine, la cuisine classique ou la cuisine note à note. On se souvient (voir mon livre Mon histoire de cuisine) que j'ai proposé des moyens d'augmenter la socialité due à la cuisine, par des plats que l'on partage, au lieu de conserver chacun pour soi sa portion.
Bref, la cuisine est une belle activité... quand elle est pratiquée avec socialité, art et technique, n'est-ce pas ?
La réponse est oui... dans certaines circonstances. Par exemple, si je cuisine pour autrui, autrui me fait la confiance de me confier sa santé, sa vie même. La relation qui se crée est donc essentielle, et voilà pourquoi j'ai publié il y a longtemps un livre dont le titre est : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
L'amour, c'est exagéré, parce que certains cuisinent pour de l'argent, d'autres pour du pouvoir, et ainsi de suite.... mais il y a toujours du lien social.
D'ailleurs, l'art lui-même a quelque chose de social, à moins qu'il ne soit comme de la cuisine que l'on ferait pour soi-même.
Pour ceux qui ont peur, on observera que la socialisation de la cuisine intervient pour toutes les formes de cuisine, de la cuisine médiévale à la cuisine note à note, en passant par la nouvelle cuisine, la cuisine classique ou la cuisine note à note. On se souvient (voir mon livre Mon histoire de cuisine) que j'ai proposé des moyens d'augmenter la socialité due à la cuisine, par des plats que l'on partage, au lieu de conserver chacun pour soi sa portion.
Bref, la cuisine est une belle activité... quand elle est pratiquée avec socialité, art et technique, n'est-ce pas ?
Des réponses à des questions
• Qu’est qui a conduit votre réflexion scientifique vers l’univers culinaire ?
Pour celle-là, ce n'est pas difficile : dans les années 1980, j'ai compris que la science devait identifier des mécanismes nouveaux et des phénomènes inédits.
Le champ culinaire avait été très peu regardé, de sorte qu'il m'a semblé qu'il y avait à faire "facilement".
Et puis, quand même, j'avais été intrigué, quand je cuisinais, de voir des explications étranges, manifestement fausses, que l'on me donnait alors. Par exemple, il était dit que les femmes réglées faisaient tourner les mayonnaises, que les barres de fer posées sous les tonneaux de vin empêchaient le vin d'aigrir, et ainsi de suite.
Plus localement, tout a basculé le 16 mars 1980, alors que je faisais un soufflé au roquefort et que l'on me disait de mettre les jaunes deux par deux.
Pour ce sujet, voir mon livre Les Secrets de la Casserole, Belin, 1992.
• Vous avez introduit dans les années 80 la cuisine moléculaire, poussant plus loin la "chimie pratique" comme l'appelait Grimod de La Reynière. Aujourd'hui, je m'interroge sur les liens entre technologie et univers culinaire. On confie à une intelligence artificielle la conception de recettes inédites par le biais d'algorithmes réunissant notamment informations scientifiques et big data ; on cuisine à distance ; on envisage de communiquer les effluves de nos assiettes comme de simples images ou encore de photographier ces mêmes assiettes pour en découvrir les ingrédients…
Cette connexion univers culinaire/technologie semble échapper aux champs de la pensée balisée et convoquer au contraire des notions transversales. Selon vous, sous quel(s) angle(s) doit-on axer la réflexion ? sociologie, psychologie, ethnologie, marketing, sciences…?
Ce que j'ai proposé, à côté de la gastronomie moléculaire (une discipline scientifique), c'est effectivement la cuisine moléculaire, comme une rénovation technique de la cuisine.
Contrairement à ce que vous dites, cela n'avait rien à voir avec la "chimie pratique". La chimie est une production de composés nouveaux, et la cuisine est de toute façon un "art chimique".
Vous vous interrogez sur les liens entre technologie et univers culinaire ? La question est vague, si je peux me permettre. La technologie est une amélioration de la technique. Or la cuisine a une composante technique. La technologie a donc pour vocation d'améliorer la technique culinaire, c'est tout simple. Voir à ce sujet le livre Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Editions Quae !
Dans ce que vous décrivez, je crois qu'il manque une réflexion, et qu'il y a beaucoup de fantasme et de communication. On confie à une intelligence artificielle la conception de recettes ? Cela n'est pas bien difficile, ni bien grave. De toute façon, cela omet le fait que la cuisine ait une composante artistique. Or l'art ne se réduit pas à une machine. Information scientifique et big data (de quoi parlez vous au juste ? parlons français et clair, s'il vous plait) : cela ne change rien à l'affaire.
Cuisiner à distance ? Pourquoi pas : au fond, tenir le manche de la poêle ou pas, ce n'est pas bien important. Communiquer des odeurs par téléolfaction ? Pourquoi pas. Dans le temps, j'avais même imaginé la télégustation, et plus récemment, j'ai proposé que la cuisine "note à note", qui supplantera la cuisine moléculaire, soit elle-même dépassée par l'implantation de sensations gustatives dans le cerveau, indépendamment des aliments consommés.
Puis, si je peux me permettre, vous dites des choses bien compliquées avec des phrases telles que "Cette connexion univers culinaire/technologie semble échapper aux champs de la pensée balisée et convoquer au contraire des notions transversales. " La même question en plus simple, s'il vous plaît ? C'est quoi, une pensée balisée ? C'est quoi une notion transversale ? Moi, je comprends sujet, verbe, complément, désolé car je suis un petit esprit.
L'avenir du caractère sociabilisant de la food
Ah, je déteste les anglicismes quand je parle français. C'est quoi, la "food" ?
• L'univers culinaire fait appel à des concepts parfois irrationnels, par le biais de la "pensée magique" (Fischler) propre aux tribus premières (principe de contagion par l'incorporation). Toutefois on retrouve cet imaginaire de la nourriture encore aujourd'hui sous des formes variées et assimilées par l'individu depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte (apprentissage des parents, influence de croyances religieuses ou de la société elle-même). De plus, on observe une tendance pour l'eatertainment, qui fait de l'univers culinaire un moment propice au divertissement, à l'évasion précisément par l'imagination.
La première phrase de votre question est allusive. Donc je ne vous comprends pas. Donc je ne peux pas vous répondre, parce que je n'en suis pas capable. Bien sûr, dans mon livre Les précisions culinaires, j'évoque de la pensée magique, mais rien ne me dit que ce soit ce à quoi vous pensez, désolé, à nouveau.
Puis je comprends encore moins la seconde phrase.
La nourriture si sensible (sensations, goût, émotions, souvenirs d'enfance) et partiellement irrationnelle est de plus en plus envisagée sous le prisme de la rationalité (parfois pseudo-scientifique) : outils de quantified-self, algorithmes farfelus comme ceux de BeatBalls ou complexes comme ceux de Chef Watson, l'intelligence artificielle dont je vous parlais. Selon vous, que cela révèle-t-il de l'individu contemporain ?
Pourquoi dites vous que la nourriture est "irrationnelle" ? Il y a un débat à avoir sur la "rationalité". Une appréciation positive de la nourriture en raison d'une habituation pendant l'enfance est parfaitement rationnelle !
Je ne comprends pas, d'autre part, ce que signifie "quantified-self".
Je ne connais pas BeatBalls (encore des termes anglais).
Chef Watson? Appelez moi Professeur This. Plus sérieusement, je me refuse à nommer chef des gens qui sont cuisiniers. Ils ne sont pas mes chefs.
Au total, je ne comprends rien à ce paragraphe. Et je ne peux donc pas répondre.
• Dans un monde qui tend à se digitaliser on ne pourra jamais dématérialiser la nourriture, élément de subsistance. Si aujourd'hui on la virtualise par le partage de son signifiant (ex: InstaFood), comment imagineriez-vous l'étape suivante, lorsque les masses se lasseront de cette "simple" transmission et/ou que les technologies futures conduiront à de nouvelles opportunités de partage ?
Digitaliser ou numériser ?
On ne pourra jamais numériser la nourriture : méfions nous des impossibles, avec la science. Oui, les nutriments semblent indispensables, pour l'instant.
Mais là encore, je ne comprends rien à ce que vous me dites, parce que les termes sont flous. Siginifiants : pensez vous à celui de Saussure ou à celui de Lacan ?
Technologies : parlez vous de technologie ou de technique?
• Certains scientifiques présagent à l’homme un avenir sombre dans lequel les ressources alimentaires seraient épuisées, et dans un monde où la population mondiale augmenterait de plus de 100%. Les progrès techniques couvriraient 70% des besoins alimentaires. La nourriture se présenterait alors sous une forme déconcertante : certains parlent de poudre, d’autres de nutriments liquides. L’acte de consommation lui-même ne ressemblerait plus en rien à ce qu’il a pu être jusqu’à présent dans nos cultures occidentales. Vous nous avez initié à la destructuration mais pas à un tel point, pas au prix de la sensibilité visuelle, gustative… Et vous rassurez vous-même les inquiets en rappelant que « l’être humain a un estomac de primate, fait pour se nourrir de gras et de sucre », .
Quels scientifiques ? Ce que prévoient les gens raisonnables, c'est que l'on ne puisse nourrir que 7 milliards de personnes, sur les 10 qui seront là en 2050. Je n'ai pas vu de prévision de 100 %.
Au fait, avez vous vu ma proposition de "cuisine note à note" ? A voir absolument, à ce sujet, mon livre La cuisine note à note, éditions Belin.
Cela dit, à partir de poudres, de liquides, on peut construire des aliments avec une consistance, une couleur, une odeur, une saveur, etc. Pas de fantasme !
Je n'ai invité personne à une déstructuration, au contraire à une construction ! Une choucroute est non structurée. Moi, je propose au contraire de construire, en vue de mieux maitriser le goût que par les procédés classiques, périmés et paresseux.
A ce propos, voir mon tout dernier livre Mon histoire de cuisine, Editions Belin
Si ce scénario s’avère toutefois exact, comment imaginez-vous la perpétration d’un lien social autour de ces formes d’aliments dénués de toute sensibilité commune ?
Là encore, je ne vois pas pourquoi les aliments note à note seraient dénués de sensibilité commune. Une métaphore : avec un synthétiseur, on peut très bien jouer Au clair de la lune, et cela ne pose de questions à personne !
Si le repas reste un moment de partage, « d’être ensemble » malgré tout, cela révèle-t-il de l'aliment qu'il n'est en fait qu'un élément secondaire dans l'expérience sociale du repas ?
La phrase est bancale, je crois.
Donc difficile de répondre.
• Dans l'imaginaire collectif, avant même de faire penser à l'eatertainment, le lien "nouvelles technologies" et "univers culinaire" renvoie aux innovations fonctionnelles, directement présentes en cuisine comme les réfrigérateurs connectés, les plans de travail intelligents, ou encore les imprimantes 3D alimentaires. Ces innovations laissent penser que nous serons de plus en plus assistés en cuisine, et que nous aurons de moins en moins besoin de faire appel à des individus externes pour apprendre ou se perfectionner en cuisine.
Encore cet eatertainment que je ne comprends pas (et qui ne m'intéresse pas au point que j'aille perdre du temps à comprendre ce que c'est). Le progrès technique, c'est le progrès technique. Assistés en cuisine ? Je sais combien "le gaz à tous les étages" a fait de révolution, ainsi que les robots ménagers... et alors ? On n'en est pas mort !
Pensez-vous que la force socialisante de la cuisine résistera au bouleversement de l'aspect fonctionnel de la nourriture lié à ces nouvelles technologies ?
Oui.
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