Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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samedi 3 août 2019
Des cours "amusants" ?
Dans des discussions avec des collègues plus jeunes, j'entends parler de cours qui devraient être "amusants". Amusant ? Mon radar interne m'alerte immédiatement : amusant est un adjectif, et, sous peine de verser dans le baratin du café du commerce, je dois remplacer tout adjectif par la question la réponse à la question "Combien ?".
Et puis amusant pour qui ? J'ai des amis pour qui les équations sont rébarbatives, et d'autres qui en font leurs délices. Surtout pour un groupe aussi vaste qu'une promotion de centaines de jeunes collègues, il est bien certain que les amusements sont variés et que le terme "amusant" n'a pas de sens. Bien sûr il peut toujours y avoir le recours à la vox populi, le vote de la majorité, mais ce n'est pas un vote ce qui nous dira si 2 + 2 font 4 ou pas.
Sans compter sur la notion des plaisirs utiles, largement discutée par les philosophes. Plaisirs ? Je vois surtout celui de l'étude, qui me permet de ne pas rester tel un animal.
Plus en pratique, je récuse ce terme d'amusant, parce que je me souviens de cours que je faisais à l'ENS Cachan et à l'Université Paris Sud, où mes cours étaient jugés "amusants"... alors que nous passions deux jours à regarder de l'eau chauffée, dans une casserole. Tout y passait, parce qu'il y a mille choses merveilleuses à voir, de l'apparition des premières bulles au fond de la casserole jusqu'à des changement de couleur de la fumée au-dessus de la casserole, en passant par des changements du bruit. Et le bonheur augmente quand on ajoute du calcul, c'est-à-dire de l'interprétation fiabilisée par le calcul !
De même, ces tableaux qui s'entassent dans les musées ne prennent souvent de l'intérêt que quand un merveilleux guide nous accompagne et nous montre les insectes que ne verrait pas un œil averti. De même, aujourd'hui, Internet est plein d'incroyables cours par les artistes les plus grands. Je vous recommande par exemple les cours de Paul Tortelier, pour le violoncelle, où les classes de maître de Daniel Barenboim, expliquant à de jeunes pianistes talentueux les subtilités des sonates de Beethoven.
Au fond, les bons les bons professeurs sont ceux qui savent dire des mots intelligents, présenter des idées subtiles, fines, stimulantes, intelligentes à des auditeurs qui n'ont pas encore faire le même chemin que celui qu'eux. N'est-ce pas cela qui est "amusant" ?
mercredi 3 août 2016
N'oublions pas que nous études scientifiques doivent être joviales !
Un mur de notre laboratoire porte l'inscription "N'oublions pas que nos études scientifiques doivent être joviales". Dans cette phrase, le mot « scientifique » pourrait venir entre parenthèses, et le mot « jovial » pourrait venir en capitales ou en gras. En effet, le conseil vaut pour toutes les activités, car on fait mieux ce que l'on fait si on le fait en étant heureux.
L'écrivain argentin Jorge Luis Borgès disait « je travaille avec le sérieux d'un enfant qui s'amuse ». Oui, il y a la question de l’amusement posée dans un autre billet. Nous travaillons, nous sommes sérieux, mais nous nous amusant.
Paradoxe ? Aucunement ! Je ne reviens pas sur cette question de l'amusement, mais je propose ici de le nommer différemment : jovialité. Il ne s'agit pas de « muser », d'aller au hasard, au gré de nos envies changeantes, mais de faire les chose en les aimant beaucoup, ce qui nous réjouit beaucoup, de sorte que nous nous y consacrons pleinement, activement, sans détourner de seconde à ce « travail ».
Réjouir, jovialité : nous devons… Non, au fond, chacun fait ce qu'il veut ; je dois travailler avec jovialité, en m'amusant, car si ce que je fais ne me plaît pas, je dois changer d'activité immédiatement. En l’occurrence, la recherche scientifique me plaît immensément, car elle correspond à un goût que j'ai depuis l'âge de six ans. Je fais donc exactement ce que je dois, non pas vis-à-vis d’autrui, mais vis-à-vis de moi-même. Et c'est pour cette raison que j'y passe tant de temps, que j'y mets tant de soin.
Oui, il faut que mes études soient joviales, scientifiques ou pas.
Avec ces billets, je vois d'ailleurs souvent de la production de connaissances plus que de la science au sens strict. Suis-je en train de perdre mon temps ? Il me semble que je n'ai à rougir ni d'une activité ni d'une autre et que, au contraire, les deux semblent devoir s'épauler, et voilà pourquoi je propose de mettre le mot scientifique entre parenthèses, mais de toute façon ce qui compte, c'est de mettre le mot jovialité en majuscules ou en gras.
L'écrivain argentin Jorge Luis Borgès disait « je travaille avec le sérieux d'un enfant qui s'amuse ». Oui, il y a la question de l’amusement posée dans un autre billet. Nous travaillons, nous sommes sérieux, mais nous nous amusant.
Paradoxe ? Aucunement ! Je ne reviens pas sur cette question de l'amusement, mais je propose ici de le nommer différemment : jovialité. Il ne s'agit pas de « muser », d'aller au hasard, au gré de nos envies changeantes, mais de faire les chose en les aimant beaucoup, ce qui nous réjouit beaucoup, de sorte que nous nous y consacrons pleinement, activement, sans détourner de seconde à ce « travail ».
Réjouir, jovialité : nous devons… Non, au fond, chacun fait ce qu'il veut ; je dois travailler avec jovialité, en m'amusant, car si ce que je fais ne me plaît pas, je dois changer d'activité immédiatement. En l’occurrence, la recherche scientifique me plaît immensément, car elle correspond à un goût que j'ai depuis l'âge de six ans. Je fais donc exactement ce que je dois, non pas vis-à-vis d’autrui, mais vis-à-vis de moi-même. Et c'est pour cette raison que j'y passe tant de temps, que j'y mets tant de soin.
Oui, il faut que mes études soient joviales, scientifiques ou pas.
Avec ces billets, je vois d'ailleurs souvent de la production de connaissances plus que de la science au sens strict. Suis-je en train de perdre mon temps ? Il me semble que je n'ai à rougir ni d'une activité ni d'une autre et que, au contraire, les deux semblent devoir s'épauler, et voilà pourquoi je propose de mettre le mot scientifique entre parenthèses, mais de toute façon ce qui compte, c'est de mettre le mot jovialité en majuscules ou en gras.
dimanche 17 juillet 2016
Amusons nous à faire des choses passionnantes.
Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes. Cette phrase a déjà heurté, parce que je proposais de la retenir pour décrire le travail des fonctionnaires. Les fonctionnaires, m'a-t-on fait observer, ne doivent-ils pas, d'abord, être au service du public qui les paye, par leurs impôts ?
En réalité, mes interlocuteurs avaient insuffisamment réfléchi, et ils n'avaient pas pensé au fait que les fonctionnaires ont le droit d'avoir choisi leur métier pour faire quelque chose qui les "amuse". De même qu'il y en a qui considèrent les épinards comme bons, et d'autres comme mauvais, il y a des métiers que certains aiment et d'autres pas. Par exemple, les scientifiques calculent toute la journée, et j'ai des amis (pas scientifiques) qui considèrent que le calcul serait un bagne, pour eux, alors que c'est une « récréation », un « jeu » pour moi.
Autrement dit, je maintiens qu'il n'est pas honteux de conseiller à chacun d’exercer un métier qu'il aime, car cela aura comme conséquence que l'on aura des individus qui font ce qu'ils aiment, qui le feront mieux, beaucoup. De sorte que le contribuable français a tout à gagner à avoir des fonctionnaires qui s'amusent à faire leur métier, parce que cela signifie que lesdits fonctionnaires feront beaucoup et mieux, au service des citoyens. Ayons donc un peu de grandeur d'esprit, au lieu d'être crispé sur des attitudes politiques négatives.
Il faut également ajouter, d'ailleurs, que s’amuser à faire des choses passionnantes est une sorte de pléonasme. Si c'est passionnant, alors on s'amuse à le faire. Mais là il y aurait lieu de faire une discussion terminologique sur le « s'amuser », parce qu'il y a peut être une différence entre le jeu et l'exercice d'un travail passionnant. C'est la question du jeu qui est posée, à moins que ce ne soit la question du mot par lequel il faut décrire l’activité passionnante. Dans les deux cas, il y a lieu de réfléchir, et cela est… passionnant.
Amusons-nous donc... à réfléchir.
En réalité, mes interlocuteurs avaient insuffisamment réfléchi, et ils n'avaient pas pensé au fait que les fonctionnaires ont le droit d'avoir choisi leur métier pour faire quelque chose qui les "amuse". De même qu'il y en a qui considèrent les épinards comme bons, et d'autres comme mauvais, il y a des métiers que certains aiment et d'autres pas. Par exemple, les scientifiques calculent toute la journée, et j'ai des amis (pas scientifiques) qui considèrent que le calcul serait un bagne, pour eux, alors que c'est une « récréation », un « jeu » pour moi.
Autrement dit, je maintiens qu'il n'est pas honteux de conseiller à chacun d’exercer un métier qu'il aime, car cela aura comme conséquence que l'on aura des individus qui font ce qu'ils aiment, qui le feront mieux, beaucoup. De sorte que le contribuable français a tout à gagner à avoir des fonctionnaires qui s'amusent à faire leur métier, parce que cela signifie que lesdits fonctionnaires feront beaucoup et mieux, au service des citoyens. Ayons donc un peu de grandeur d'esprit, au lieu d'être crispé sur des attitudes politiques négatives.
Il faut également ajouter, d'ailleurs, que s’amuser à faire des choses passionnantes est une sorte de pléonasme. Si c'est passionnant, alors on s'amuse à le faire. Mais là il y aurait lieu de faire une discussion terminologique sur le « s'amuser », parce qu'il y a peut être une différence entre le jeu et l'exercice d'un travail passionnant. C'est la question du jeu qui est posée, à moins que ce ne soit la question du mot par lequel il faut décrire l’activité passionnante. Dans les deux cas, il y a lieu de réfléchir, et cela est… passionnant.
Amusons-nous donc... à réfléchir.
mercredi 11 novembre 2015
Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes
Pardonnez-moi un souvenir personnel, mais il nous donnera un exemple à propos duquel nous pourrons discuter.
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale, j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que signifie "amuser". Oui, je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser, «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte du bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les moyens de choisir que si nous nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale, j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que signifie "amuser". Oui, je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser, «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte du bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les moyens de choisir que si nous nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !
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