Les individus de qualité ont des comportements... de qualité.
C'est là un double pléonasme : d'abord un pléonasme, puisqu'il y a cette répétition évidente, mais aussi un pléonasme, car nous sommes ce que nous faisons.
Les comportements de qualité ? Ils sont bien difficiles à définir, mais on les voit mieux en creux : ils sont à l'opposé des vices, des défauts, des tares.
Dans le Merlin de Robert de Boron, on trouve ainsi la description des premiers pas officiels de l'adolescent qui a retiré l'épée de l'enclume :
"Arthur, dit alors l'archevêque qui avait pris l'enfant sous sa protection, c'est vous désormais qui êtes le roi et le maître de ce peuple. Veillez donc à vous montrer digne de cette fonction. Songez dès maintenant à choisir ceux qui seront vos conseillers intimes et vous aideront à gouverner. Répartissez les charges et les offices de la couronne comme si vous étiez déjà roi, car vous le serez si Dieu le veut.
- Seigneur, répliqua Arthur, tout le pouvoir que Dieu veut bien me conférer, je le remets en la garde de notre sainte Eglise et le soumets à vos conseils. Choisissez donc vous-même ceux qui peuvent le mieux m'aider à observer la volonté de Notre Seigneur et à défendre la chrétienté."
Puis, plus loin :
Les barons l'emmenèrent donc dans la cathédrale pour lui parler et le mettre à l'épreuve :
"Seigneur, lui dirent-ils, nous voyons bien que Dieu veut que vous deveniez notre roi et notre maître. Nous nous conformerons donc à sa volonté et nous vous ferons hommage pour nos terres. Nous vous demandons cependant de repousser votre sacre jusqu'à la Pentecôte, mais sans pour autant renoncer à votre pouvoir sur ce royaume et sur nous-mêmes. Nous voulons enfin que vous nous répondiez sur ce point sans demander avis à qui que ce soit.
- Seigneurs, répondit Arthur, vous me demandez de recevoir vos hommages et de vous reconduire dans la possession de vos fiefs. Or je ne peux ni ne dois le faire, car je ne veux disposer de vos terres ou de celles d'autrui ni gouverner avant d'être moi-même en possession de la mienne. Et je ne peux être le maître de ce royaume, comme vous me le proposez, avant d'avoir été sacré, couronné et investi de la dignité royale. Mais j'accepte bien volontiers de repousser mon sacre jusqu'à la date que vous me proposez, car je ne peux être sacré que par Dieu et par vous".
En l'entendant ainsi parler, les barons se dirent que si cet enfant vivait, il serait d'une grande sagesse, car il leur avait fort bien répondu.
[...]
Jusqu'à cette date, ils obéirent toutefois à Arthur, sur la recommandation de l'archevêque. Cependant ils firent apporter de riches trésors et de somptueux cadeaux pour voir s'il serait sensible à ces présents. Mais lui demandait à ses familiers quelle était la valeur de chacun de ceux qui l'entouraient et agissait en conséquence : après avoir reçu toutes les richesses, il les répartissait en fonction des mérites respectifs et donnait à chacun ce qui lui faisait le plus défaut.
Il distribuait ainsi les dons qu'on lui faisait pour l'éprouver, sans rien garder pour lui, et s'attirait par sa conduite l'estime de tous les barons.
Que voit-on dans ces passages ? L'obéissance à la religion est une règle de ce genre, surtout que Robert de Boron voulait faire du Graal le Saint-Graal : le livre tout entier est une geste chrétienne.
Mais ce n'est pas cela que nous cherchions et il faut le dépasser : on voit alors la conformité d'une conduite à de sains principes, l'attention à la morale, la modestie, la capacité d'écoute, la réflexion, la prudence, la générosité, l'équité.
Ce qui est merveilleux, avec les gens de qualité, c'est qu'ils ont des réactions et des paroles de qualité. Il me les faut pour amis !
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