Par exemple, le menu indiquait à un moment donné le mot "viande" : nous avons tous comparé ce qui était servi à de la viande... alors que les cuisiniers avaient très inventivement mêlé de l'amylose à de la gélatine, pour donner une consistance mi végétale-mi animale, inconnue, remarquable.
Par exemple, le menu a évoqué la mozzarella, lors du "fromage" (encore une évocation): la consistance du mets servi n'avait rien à voir avec de la mozzarella (c'était bien mieux), mais nous avons tous comparé.
Le premier plat comportait une sphère jaune et tendre dans un "nid" blanc, foisonné: nous n'avons pas pu nous empêcher de penser à de l'oeuf... d'autant que le menu évoquait des oeufs en meurette.
Pour ce dernier met (qui fut le premier servi), il y avait une petite acidité... qui dérangeait pour un oeuf... mais qui était bien moindre que dans une salade. Au nom de quoi aurions-nous pu juger que le mets était trop, ou insuffisamment acide ?
Au total, ce fut un très étonnant diner, parce que, pour une fois, les repères étaient perdus.
Etait-ce "bon" ? La question me ramène plus de 20 ans en arrière, quand les premiers plats de cuisine moléculaire sont apparus. On était désarçonné. Ou quand le free jazz s'est introduit : la musique de John Coltrane a semblé d'une audace inouie ; on ne savait pas si c'était "beau", mais on savait que c'était nouveau, que nos repères étaient dépassés, inutiles.
Ce qui pose la question du beau (le "bon", pour la cuisine). Avez-vous entendu la musique composée par Varèse dans les années 1940 ?
(un immense "Merci!!!!!" aux chefs enseignants de l'Ecole du cordon bleu : Patrick Terrien, Patrick Caals, Philippe Clergue, Frédéric Lesourd, Patrick Lebouc, Franck Poupard, Bruno Stril et Marc Thivet, Jean-François Deguignet, Xavier Cotte, Nicolas Jordan and Jean-Jacques Tranchant.