Lors de certaines présentations, il y a quelques années, j'avais besoin de montrer la formule plane d'un composé phénolique, mais je ne l'affichait qu'avec précautions, partant du bon principe que la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public : une formule de chimie, comme une formule de mathématiques, c'est quelque chose d'incompréhensible a priori, et qui doit être expliqué.
Souvent, pour m'amuser, j'expliquais qu'une telle formule "fait savant", en ce sens que les personnes qui ne connaissent pas la chimie ne savent pas la décoder, et, de ce fait, accréditent celui ou celle qui la montrent d'une "science" particulière. Toutefois, j'observais aussi que cette accréditation était peut-être imméritée : n'importe qui pourrait recopier un ensemble de lettres (C, H, O, N...) et de traits pour faire penser qu'il connaît la chimie. Et puis, savant... On l'est ou on ne l'est pas, mais :
1. ceux qui le sont savent assez qu'ils ne le sont pas pour, s'ils sont honnêtes, ne pas le revendiquer indûment
2. le terme est prétentieux, de toute façon!
Bref, je concluais que, hélas, je ne suis pas assez savant.
Cette histoire parce que je vois autour de moi, parfois, des personnes qui font ce que je dénonçais par anticipation : ils vont sur internet (ou ailleurs), captent une présentation powerpoint, et la récitent par coeur, se drapant dans des habits qui ne sont pas les leurs. Evidemment, il faudrait être naïf pour regretter un tel comportement, qui ne date pas d'internet (le plagiat est une bien vieille histoire, et l'on lira ou relira Cyrano de Bergerac -le vrai- à ce propos), de sorte que ce n'est évidemment pas ce que je veux faire aujourd'hui.
Aujourd'hui, je veux discuter la position de l'étudiant, qui assiste à un cours. Un tombereau d'informations lui est déversé dessus... mais ces informations sont-elles justes ? La question est terrible. Pensons, par exemple, à un cours de physique, qui décrirait les phénomènes de façon classique, sans tenir compte des acquis de la mécanique quantique. Ce cours serait "faux", stricto sensu, mais ce serait un moindre mal. Pensons maintenant à pire : un enseignant (comme dans tout corps, il y a du bon et du mauvais) qui enseignerait des choses fausses, telles que j'en ai trouvé dans un récent ouvrage de" vulgarisation de la physique".
La question est : comment l'étudiant doit-il se comporter ?
De ce fait, nous arrivons à la véritable question du jour : quelle doit être l'attitude de l'Etudiant, en général, qui doit avoir la lucidité de penser que, parmi les informations qui lui sont communiquées, certaines sont fiables, et d'autres non? Peut-il vraiment avoir confiance dans les enseignants qui lui sont attribués ?
On rétorquera peut-être que l'Enseignant a le plus souvent une trop haute idée de sa Mission pour donner des informations fausses.... mais les enseignants sont-ils assez savants ? Et puis, ne sont-ils pas les mêmes que les auteurs de publications scientifiques, dont on sait assez que beaucoup sont médiocres, voire mauvaises (je ne parle même pas des fraudes) ?
Plus généralement encore, puisque nous sommes tous des étudiants, comment nous comporter face à un savoir que nous voulons prendre ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Bonjour,
RépondreSupprimerJe crois, en tant qu'enseignant de physique à l'université qui est loin loin de tout connaître et de tout maîtriser dans sa discipline, que ce que l'on essaye d'enseigner aux étudiants est non seulement un peu de savoir mais surtout une façon de se comporter vis-à-vis de ce savoir, une sorte d'attitude critique.
Ce qui permet ensuite de ne pas gober n'importe quelle information d'où qu'elle vienne. Dans la société actuelle qui croule littéralement sous l'information, je pense que c'est plutôt une bonne chose. Donc du savoir et de la connaissance, oui, mais pas n'importe comment !
Guillaume
Guillaume fait une réponse merveilleuse... mais il botte en touche, parce que, quand même, dans un cours de mécanique quantique, de chimie organique, etc. il est bien peu question d'attitude critique, dans les "programmes", mais surtout d'information.
RépondreSupprimerC'est bien là la question... passionnante!
Bonjour,
RépondreSupprimerJe suis moi aussi dans la physique et très souvent, lorsque j'explique mon travail, je commence par dire: "Attention, ce que je vais vous dire est à peu pres faux, mais suffisant pour expliquer le phénomène". Cela répond en partie à la question mais a l'inconvénient de conforter le public dans l'idée que je suis détenteur de la vérité et que je me met juste à leur niveau.
Avec les étudiants je n'ai aucune gêne à leur prendre 1/2 heure en début d'année pour leur expliquer les grandes erreurs de la science qui ont été faites en toute bonne foi et je leur pose le petit problème suivant:
Sachant que dans le domaine biomédical pour publier un résultat il faut être certain à plus de 95% que l'effet recherché est effecivement produit (t-test & CO ), combien dois-je lire d'article pour être sur à 95% d'avoir lu une anerie dans le tas ?