dimanche 12 septembre 2021

Ce qu'est la mauvaise vulgarisation



Il y a une littérature de vulgarisation  que je  n'aime pas, et je veux bien identifier pourquoi elle est médiocre. Voici un article, que je change un peu pour que son auteur ne sente pas attaqué : 


Pour la première fois, les physiciens ont observé une propriété quantique qui fait apparaître l'eau bizarre.

C'est un titre un peu nul, et la faute provient surtout de cette "première fois"... car l'eau est bizarre, très bizarre, et c'est bien sa structure moléculaire qui la rend bizarre, avec ces liaisons hydrogène qui lui confèrent notamment des propriétés étranges, quand elle est sous forme condensée. Mais, surtout, les propriétés de l'eau sont... entièrement déterminées par la physique quantique.

Il y a une tempête dans votre tasse de thé d'un genre que nous comprenons à peine. Les molécules d'eau s'agitent follement, se tendent les unes vers les autres, s'accrochent et se décrochent d'une manière unique qui défie toute étude.
 

Une phrase idiote, car précisément, les mouvements des molécules d'eau -qui ne sont pas "fous", mais au contraire très rationnels, ne défient pas toute étude, au contraire ! Et puis, la tasse de thé... Ca complique inutilement, parce que le thé apporte des molécules qui ne sont pas d'eau.


Alors que les physiciens savaient que le phénomène de liaison hydrogène joue un rôle clé dans les nombreuses configurations étranges et merveilleuses de l'eau, certains détails du mécanisme restaient incompris.

Le "phénomène de liaison hydrogène" ? Une drôle de formulation, manifestement écrite par quelqu'un de bien maladroit.
Et puis, encore ces configurations "bizarres", "étranges"... En réalité, soit on considère le monde entier comme étrange (ma position), soit il n'y a aucune raison de le voir spécifiquement ici.
Quant aux détails, on peut dire que c'est, au contraire, toute la liaison hydrogène qui est mystérieuse, et qu'il s'agit de comprendre.

Une équipe internationale de chercheurs a adopté une nouvelle approche pour visualiser la position des particules composant l'eau liquide, détectant leurs positions avec une précision de l'ordre de la femtoseconde pour révéler comment l'hydrogène et l'oxygène s'agitent au sein des molécules d'eau.

Des particules ? Il s'agit de molécules ou d'atomes, ou alors de particules atomiques, que sont protons, neutrons, électrons... mais rien ne permet de le savoir ici.
 
Leurs résultats ne nous aideront peut-être pas à préparer une meilleure tasse de thé, mais ils contribuent largement à étoffer la modélisation quantique des liaisons hydrogène, ce qui pourrait améliorer les théories expliquant pourquoi l'eau - si essentielle à la vie telle que nous la connaissons - possède des propriétés aussi fascinantes.

Encore cette tasse de thé dont on ne sait pas ce qu'elle vient faire ici.
Tiens, avec étoffer, il y a une métaphore... sans signification.
Et on en rajoute avec l'eau essentielle à la vie... alors qu'on était au thé... et que cela n'a rien à faire ici.
On observe en passant que l'on ne sait toujours pas ce qui a été fait, alors qu'on a lu un nombre de phrases déjà notable.

"Cela a vraiment ouvert une nouvelle fenêtre pour l'étude de l'eau, a dit xxxxxx, un physicien du  Department de l'énergie, qui travaille au laboratoire américain de XXX. 

Allez, une phrase inutile de plus, qui fait d'ailleurs dire une trivialité au physicien interrogé. On pressent un journaliste idiot qui, ne comprenant rien, reste à ce qu'il comprend, à savoir rien.

"Maintenant nous voyons enfin les liaisons hydrogène bouger, et nous voudrions relier ces mouvements à une description plus globale, qui nous dirait comment l'eau a permis la vie, à son origine sur la Terre, et comment on peut imaginer des sources d'énergie renouvelable".

Je suis bien sûr que la personne interrogée serait bien honteuse de lire cela : on sent qu'elle a été poussée dans ses retranchements pour arriver à des idées concrètes, pour ce journaliste qui cherche à tout prix des "applications" !

Isolée, une molécule d'eau est comme une bataille à trois pour les électrons, entre deux atomes d'hydrogèn et un seul atome d'oxygène.

Encore une métaphore incontrôlée, qui induit des idées fausses. Pourquoi parler de "bataille" ? Surtout qu'il n'y en a pas. Et d'où vient cette isolement ? Pour les chimistes, ils voient la nécessité de la précision, mais ce n'est manifestement pas à eux qu'un tel texte est proposé.

Avec beaucoup plus de protons que ses deux acolytes, l'oxygène bénéficie d'un peu plus d'amour pour les électrons de la molécule. Ce qui laisse à chaque hydrogène un peu plus de temps libre d'électrons que d'habitude. Les petits atomes ne sont pas exactement chargés positivement, mais cela donne une molécule en forme de V avec une pente douce de pointes subtilement positives et un noyau légèrement négatif.

Encore ces histoire d'amour, de bataille... Du temps ? une pente douce ? des pointes subtilement positives ? On ne comprend rien à ce galimatias, et l'on peut craindre que l'auteur non plus.

Jetez un certain nombre de ces molécules ensemble avec suffisamment d'énergie, et les petites variations de charge s'organiseront en conséquence, les mêmes charges s'écartant et les charges différentes se rapprochant.

Pourquoi les "jetterait-on" ? Et comment allons-nous faire pour les jeter ? Comment leur donnerons-nous "suffisamment d'énergie" ? D'ailleurs, combien ? Et ces petites variations de charge ? L'auteur oublie de préciser qu'il s'agit de charge électrique.

Si tout cela peut sembler simple, le moteur de ce processus est tout sauf évident. Les électrons se déplacent sous l'influence de diverses lois quantiques, ce qui signifie que plus on regarde de près, moins on peut être certain de certaines propriétés.

Ici, il y a ce moteur d'un processus qui est bien mystérieux, et oui, ce n'est pas évident... pour celui ou celle qui a écrit tout cela. D'autre part, les électrons ne se déplacent pas "sous l'influence des lois quantiques"  : l'influence, c'est une influence. Et des lois, en physique, sont des constructions mathématiques pour décrire des phénomènes. Donc encore tout mal.
Enfin, "certaines propriétés" : lesquelles ?

Auparavant, les physiciens s'appuyaient sur la spectroscopie ultrarapide pour comprendre la façon dont les électrons se déplacent dans chaos de l'eau, en captant des photons de lumière et en analysant leur signature pour cartographier la position des électrons.

J'espère qu'ils ne s'appuyaient pas trop fort ! Et puis, c'est quoi, c'est spectroscopie ultrarapide : une spectoscopie uv ? visible ? infrarouge ? de résonance magnétique nuclaire ?
D'autre part, les électrons bougeraient indépendamment des noyaux dans l'eau ? Et la signature d'un photon ? Décidément, bien confus.


Malheureusement, cette méthode laisse de côté une partie cruciale du paysage : les atomes eux-mêmes. Loin d'être des spectateurs passifs, ils vibrent également en fonction des forces quantiques qui s'exercent autour d'eux.

Ah, je comprends : la spectroscopie regardait les électrons, mais là, on considère les noyaux. Mais vibrent-ils "en fonction des forces quantiques" ?

Là, je crois que l'on a compris, et l'on commence à se lasser :
 

"La faible masse des atomes d'hydrogène accentue leur comportement quantique ondulatoire", explique XXXX, physicienne.
Pour mieux comprendre l'agencement des atomes, l'équipe a utilisé un instrument appelé Megaelectronvolt Ultrafast Electron Diffraction Instrument, ou MeV-UED. Cet appareil du laboratoire national d'accélération du SLAC arrose l'eau d'électrons, qui transportent des informations cruciales sur la disposition des atomes lorsqu'ils ricochent sur les molécules.


Bon, je n'insiste pas sur les prétendus "ricochets" !


Avec suffisamment d'instantanés, il a été possible de construire une image haute résolution de l'agitation de l'hydrogène lorsque les molécules se plient et se tordent autour d'elles, révélant comment elles attirent vers elles l'oxygène des molécules voisines avant de les repousser violemment.

Se tordent "autour d'elles" ? Violemment ?

"Cette étude est la première à démontrer directement que la réponse du réseau de liaisons hydrogène à une impulsion d'énergie dépend de façon critique de la nature mécanique quantique de la façon dont les atomes d'hydrogène sont espacés, ce qui a longtemps été suggéré comme étant responsable des attributs uniques de l'eau et de son réseau de liaisons hydrogène", déclare Gaffney.

Et on serait bien en peine d'avoir une idée claire de la chose, en ayant lu tout cela.


Maintenant que le principe de fonctionnement de cet outil a été démontré, les chercheurs peuvent l'utiliser pour étudier la valse turbulente des molécules d'eau lorsque la pression augmente et que la température baisse, et observer comment l'eau réagit aux solutés organiques créateurs de vie ou forme de nouvelles phases étonnantes dans des conditions exotiques.
Jamais une tempête n'a semblé aussi gracieuse.

Décidément, il y en a qui feraient bien de faire un autre métier. D'ailleurs, le rédacteur en chef est complice : pourquoi avoir laissé paraître un article aussi minable ?
 

Par contraste, j'aime la revue Pour la Science, où l'on évite ces métaphores idiotes, dont s'est moqué Christophe, l'auteur du merveilleux Sapeur Camembert : "le vieil homme, qui avait déjà un pied dans la tombe et qui, de l'autre, marchait encore dans le droit sentier de la vertu".

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