vendredi 30 décembre 2011

Ilchimisme

On parle d'illettrisme pour désigner ceux qui ne savent pas lire ou écrire, anumérisme pour ceux qui ne savent pas calculer.

Doit-on parler d'ilchimisme pour ceux qui ignorent les rudiments de la chimie ?

Une question, une réponse

Une  question me vient ce matin  : 


"Bonjour M. This,
Vous êtes le père de la gastronomie moléculaire, qui a ensuite donné la cuisine moléculaire.
Nous souhaiterions vous demander votre avis sur l'avenir de cette cuisine moléculaire, qui semble
avoir souffert auprès du public après la polémique de 2008 concernant les additifs.
Cette cuisine a-t-elle encore de beaux jours devant elle?
Nous vous remercions et vous souhaitons une excellent année 2012."
 
 
A quoi je réponds : 
 
Merci de votre message. La gastronomie moléculaire se développera à jamais.
J'espère, d'autre part, que la cuisine moléculaire va disparaître, parce que cela signifiera que la rénovation des techniques culinaires est faite (c'était cela, l'idée de la cuisine moléculaire: nouveaux outils, nouveaux ingrédients, nouvelles méthodes).
Et le futur sera la cuisine note à note, qui, en passant, fera disparaître cette notion idiote d'additifs.

bonne année 2012.

N'ayons pas peur, et payons ce que nous devons

Intéressant commentaire reçus hier :

"Au XXe siècle, on disait qu'on mangerait des pilules en l'an 2000. Ensuite, certains ont dit qu'il fallait supprimer LE gras ou LE sucre pour lutter contre l'épidémie d'obésité. Pensez-vous qu'avec la cuisine note à note, on s'intéressera aussi au contenu des aliments et aux interactions des composés sur le plan physiologique (micro-nutrition) ? Irons-nous puiser un composé dans un aliment pour en faire quelque chose de nouveau ou optimiser son assimilation par le corps ou bien rajouterons-nous des éléments synthétiques à un produit de qualité inférieure (ex. exhausteurs de goût dans les nouilles instantanées) ?"

D'abord, il faut savoir que si l'on a dit que l'on mangerait des pilules, c'était une erreur, parce que c'est IMPOSSIBLE : avec le composé le plus énergétique (les triglycérides), il faut plus de 300 grammes pour faire une ration alimentaire quotidienne... à quoi il faudrait ajouter de l'azote, absent de ces triglycérides, et tous les autres éléments indispensables à la vie. Bref, ne cédons pas aux fantasmes.
D'ailleurs, il faut ajouter que les pilules et tablettes nutritives ont été promues par un individu que je crois avoir été malhonnête intellectuellement (voir le livre de Jean Jacques : Marcellin Berthelot, autopsie d'un mythe, Ed Belin). C'était "le chimiste du parti laïc", mais un homme ou une femme de science peut-il être vraiment d'un parti ?

Bref, nous n'aurons jamais de pilules ni de tablettes.
Pour la cuisine note à note, je ne fais pas plus de prescription diététique que le fabricant de synthétiseur de musique ne stipule qu'il faille jouer classique ou moderne !
Oui, il faut absolument explorer les graves questions nutritionnelles qui se posent à nous, mais rationnellement, méthodiquement. En ce XXIe siècle peureux, nous n'avons pas trop de science, mais, au contraire, nous en manquons cruellement !

jeudi 29 décembre 2011

La cuisine note à note


De la gastronomie moléculaire à ses applications :
la « cuisine moléculaire » (dépassée)
et la « cuisine note à note » (ne manquez pas la prochaine tendance culinaire mondiale!)

Hervé This




1. Le travail scientifique

En 1988 était officiellement créée la discipline scientifique qui a été nommée « gastronomie moléculaire » (on rappelle que le mot « gastronomie » désigne une « connaissance raisonnée », et non pas de la cuisine fine ; de la même façon, la gastronomie moléculaire ne désigne en aucun cas une façond e cuisiner !).
Son objet est : la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la production et de la consommation des aliments.


2. Une application en cuisine

A la même époque, nous introduisions la « cuisine moléculaire », dont la définition est :
« La production d'aliments (la cuisine, donc) par de « nouveaux » outils, ingrédients, méthodes ».

Dans cette définition, le terme « nouveau » désigne plus ou moins tout ce qui n'était pas dans les cuisines des cuisiniers français en 1980.
Par exemple : le siphon (pour faire des mousses), l'alginate de sodium (pour faire des perles à coeur liquide, des spaghettis de légumes, etc.) et les autres gélifiants (agar-agar, carraghénanes, etc.), l'azote liquide (pour la production de sorbets et de bien d'autres préparations), l'évaporateur rotatif, et, plus généralement, l'ensemble des matériels de laboratoire qui peuvent avoir une utilité technique ; un exemple de méthode nouvelle, enfin, la préparation du « chocolat chantilly », des beaumés, des gibbs, des nollet, des vauquelins, etc. (voir Cours de gastronomie moléculaire n°1 : Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Ed Quae/Belin)
Evidemment, tous ces outils, ingrédients, méthodes ne sont pas nouveau stricto sensu (bien des gélifiants « nouveaux » sont séculaires, en Asie, et utilisés par l'industrie alimentaire depuis longtemps, tandis que bien des outils sont traditionnels en chimie), mais le projet était de rénover l'activité technique culinaire.
Enfin, oui, la terminologie « cuisine moléculaire » est mal choisie, mais elle a été imposée conjoncturellement ; c'est une expression consacrée (elle est apparue dans le Robert et dans l'Encyclopedia Britannica), qui est de toute façon appelée à disparaître... en raison de la proposition suivante.

  1. La prochaine tendance culinaire : la Cuisine Note à Note

La proposition suivante, bien plus enthousiasmante, est celle de la CUISINE NOTE A NOTE.
Elle est née en 1994 (publiée dans la revue Scientific American) alors que nous nous amusions à introduire des composés définis dans des aliments : du paraéthylphénol dans des vins ou dans des whiskys, du 1-octène-3-ol dans des plats, du limonène, de l'acide tartrique, etc.
La proposition initiale était d'améliorer des aliments... mais s'est introduit tout naturellement, en prolongement de la pratique précédente, l'idée de composer des aliments entièrement à partir de composés.
Autrement dit, la cuisine note à note ne fait plus usage de mélanges traditionnels de composés alimentaires (viandes, poissons, fruits, légumes), mais seulement de composés... tout comme la musique électroacoustique ne fait pas usage de trompettes, violons, etc. mais seulement d'ondes sonores pures que l'on combine.
Le cuisinier doit donc :
  • concevoir les formes des éléments constitutifs du mets
  • concevoir leurs couleurs
  • concevoir leur saveur
  • concevoir leur odeur (ante et rétronasale)
  • concevoir l'action trigéminale
  • concevoir les consistances
  • concevoir les températures
  • concevoir la constitution nutritionnelle
  • etc.
A ce jour, la faisabilité de cette cuisine nouvelle a été démontrée par plusieurs réalisations :
  • premier plat, présenté à la presse par Pierre Gagnaire à Hong Kong, en avril 2009
  • plat présenté à des rencontres scientifiques (JSTS) franco-japonaises à Strasbourg, en mai 2010
  • repas Note à Note par les chefs de l'Ecole du Cordon bleu Paris en octobre 2010
  • repas Note à Note servi le 26 janvier 2011, en lancement de l'Année internationale de la chimie, à l'UNESCO, Paris, par l'équipe de Potel&Chabot
  • cocktail Note à Note servi en avril 2011 à 500 nouveaux étoilés du Michelin + la presse à l'Espace Cardin, Paris
  • repas Note à Note servir en octobre 2011 par l'équipe de chefs de l'Ecole du Cordon bleu Paris.
La construction de cette cuisine pose de très nombreuses questions :
  • aménagement rural
  • économique
  • sensoriel
  • technique
  • artistique
  • politique
  • nutritionnel
  • toxicologique
  • etc.
Mais :
  1. une crise de l'énergie s'annonce : il n'est pas certain que la cuisine traditionnelle (laquelle?) soit durable
  2. les Anciens sont toujours battus par les Modernes, lesquels veulent des objets de leur génération
  3. le craquage des produits de l'agriculture et de l'élevage existe déjà pour le lait et le pain ; pourquoi pas pour la carotte, la pomme, etc. ?
  4. Les objections qui sont faites contre la cuisine note à note ont été le plus souvent faites pour la musique moderne... mais toutes les radios diffusent de la musique électronique
Autrement dit, n'en serions-nous pas à l'équivalent de 1947, quand Varèse et quelques autres lançaient la musique électronique ?

mercredi 28 décembre 2011

Quelques fautes fréquentes mais faciles à corriger (utiliser la fonction rechercher remplacer de l'ordinateur)



Des décennies de travail à la revue Pour la Science, notamment comme éditeur et comme rédacteur en chef, m’ont montré que les fautes d’écriture sont majoritairement les suivantes.

C’est très encourageant !

En effet, il suffit de les corriger pour écrire mieux que la très grande majorité de deux qui doivent prendre la plume !!!!!




Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher les "ant" et les "er"
chercher les "rendre" plus adjectif : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend"
remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme)
De même, « faire obstacle », c’est « gêner » ; etc.
"il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble" ; plus généralement, les il impersonnels poussent à la faute.
éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles
Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les .Mais, .Car, .Et, .Ou et les ", et", ", ou"
Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer
Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »)
« Sophistiqué » signifie « frelaté », pas « complexe » ni « évolué »
« Brutalement » n'est pas « brusquement »
Attention à "véritable" (« véritable révolution » !)
Attention à « influer » sur et « influencer »
Attention aux anglicismes : les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines »,
Remplacer « par contre » par « en revanche »
« réaliser » n'est pas « comprendre »
Remplacer « contrôler » par « commander » ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification)
attention aux usage exagérés de « permettre »
« compléter » n'est pas « achever »
Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose
Rechercher « affecter »
Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions
Rechercher « développer » au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement »
Rechercher induire
Attention à la distinction entre « technologie » et « technique » (et « science »)
Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc »
Rechercher emmener/emporter
Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer
"Après que" est suivi de l'indicatif
Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
on ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théatre)
on ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de" ;
on dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois" ;
éviter "au niveau de" et faire attention au mot « niveau »
quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles
« ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles)
"en fait" est rarement utile
un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points
« plus petit » est « inférieur », « plus grand » est « supérieur »
« très inférieur » est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur »  ;
« être différent » donne « différer » ;
second (pour deux possibilités seulement) et deuxième pour plus de deux
Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
Souvent remplacer « appelé » par « nommé »
Les verbes présenter et constituer peuvent souvent être remplacés par être ou avoir
Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur

Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique)

dimanche 25 décembre 2011

L'enseignement doit être une auberge espagnole

Je me souviens que, alors que j'étais étudiant, il y avait, avant les examens, ce posters humoristique qui représentait un étudiant dont on "bourrait le crâne".
A rapprocher avec la phrase d'Aristophane : enseigner, ce n'est pas emplir des cruches, mais allumer un brasier.

Bref, il y a la question essentielle de l'enseignement, qui m'est récemment revenue, alors qu'un étudiant d'une des principales institutions d'enseignement français (pardonnez-moi d'en cacher le nom) me disait qu'il déplorait avoir eu de la "culture générale" pendant ses études.

Il est en faute, et je propose quand même un minimum d'introspection, avant d'accuser paresseusement les autres, le système... Nous devons enseigner aux étudiants à organiser leurs études, à les planifier, à choisir activement les matières dont ils auront besoin.
Je sais que nombre d'étudiants répondent à cette proposition qu'ils n'ont pas d'idée... mais ne pourraient-ils pas en avoir ?

Autre question subsidiaire : nombre d'étudiants pourtant engagés dans l'enseignement supérieur (environ 80 pour cent lors d'un récent sondage, dans une promotion d'un autre grand établissement supérieur français) n'ont aucune idée de  comment ils occuperont (utilement : formons-en le voeu) leur existence. N'est-ce pas cela, la faute préalable ? Comment en arrive-t-on là ? Comment faire pour rectifier rapidement le tir ?

Ne perdons pas une seconde.

Pas de réclame pour l'orviétan !

Sur twitter (Herve_This), alors que je me préparais à dire du mal de quelques sociologues de la connaissance (il y en a de remarquables, déjà évoqués sur ce blog), un abonné me demandait le nom du marchand de toc que j'évoquais.

Comme pour les recensions dans les journaux, je propose de ne pas signaler le très mauvais, parce que c'est lui faire de la réclame : on versera même dans une situation où nos interlocuteurs voudront eux-mêmes se faire une idée, et iront donner des droits d'auteurs à des malhonnêtes. Gardons nos forces pour aider ceux qui font de belles oeuvres, sans maquiller leur égoïsme ou leur égo derrière des mots creux, derrière une rhétorique minable.

En gros, cela revient à clamer un vigoureux "Sapere aude". Rallumons sans cesse les Lumières !


PS. Goethe et Schiller, dans leur correspondance, avaient bien observé que l'on ne pourrait jamais reproduire la littérature des Grecs de l'Antiquité. De même, on ne fera pas revivre les Lumières à l'identique, parce que l'Ennemi a changé. En revanche, nous devons êtres des intellectuels actifs !

vendredi 23 décembre 2011

Un débat

Dans L'art de bien traiter, de L.S.R., on trouve ce passage remarquable, à propos d'un pâté de perdrix froid :
"Remettre par dessus les têtes de chacune, ce sont des grimaces de pâtissier, et c'est un ornement extérieur qui me paraît si bourgeois qu'à mon égard, je n'en puis souffrir la coutume ; à bon vin point de bouchon, c'est assez bien que le dedans soit bon sans le marquer par le dehors ; je trouve même qu'il y a plus de plaisir à être surpris par ce que souvent on n'attend pas".

C'est là un grave débat. Un vin blanc est blanc, et n'affiche-t-il pas son goût avec sa couleur ? Et pourquoi serait-il vulgaire d'afficher le contenu ? Ne peut-on au contraire revendiquer que l'apparence soit conforme au contenu ?

Dans les débats de ce type, il faut surtout agiter le drapeau "Mauvaise foi", et s'interroger, en prenant du recul. Comment faire nos travaux ? Comment les cacher, ou, au contraire, les afficher ? 

samedi 17 décembre 2011

L'hygiénisme est mortifaire

En ces temps où le principe de précaution et l'hygiénisme à l'excès règnent, un peu démagogiquement, il faut absolument promouvoir des initiatives telles celle de la revue Profession Fromager, qui publie le Guide 2012 des fromages au lait cru.

Vive le fromage au lait cru!

mercredi 14 décembre 2011

Je confirme...

Des amis me vantaient les mérites de Feyerabend, que j'avais lu il y a trop longtemps.
Je confirme absolument que je déteste le texte Contre la Raison, de cet homme... et je vous invite à lire, comme moi, crayon à la main, pour être capable de dire "le roi est nu", en connaissance de cause.

Evidemment, quand on dit du mal de quelque chose ou de quelqu'un, il faut se rattraper très rapidement en disant du bien de trois :

Le petit livre de Pierre Thuillier, sur les questions d'histoire des sciences, est remarquable
Voltaire était un grand homme... et un philosophe habile : des "contes philosophiques", c'est une merveilleuse façon de faire ce qu'avait proposé notre bon...
Jean de la Fontaine, qui disait : "Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême". Des histoires, des fictions, qui élèvent l'esprit, au lieu de jets de venin contre les beautés de la culture (je parle de la science, qui, sans devoir devenir un mythe, reste un champ de culture remarquable).

Vive la clarté intellectuelle !
(ne me faites pas confiance : vérifiez ce que j'écris ici)

mardi 13 décembre 2011

Reçu

De Sylvestre Frezal :

La séduction par tous les sens, éditions Elzévir.

Quel programme !

Sur le site du Nouvel Observateur

Jean Marcel Bouguereau lance une nouvelle initiative sur  http://tempsreel.nouvelobs.com/table

Parmi les articles, il y aura très prochainement une série de podcasts visio qui feront pendant à des podcasts audio du site AgroParisTech.

Un par semaine, pour évoquer des questions de gastronomie moléculaire, de cuisine et de science

Vive la gourmandise éclairée!

samedi 10 décembre 2011

Tout cas particulier...

"Tout résultat experimental particulier doit être considéré comme la projection de cas généraux que nous devons inventer" : cet énoncé qui a surgi lors d'une discussion que j'avais avec Jean-Marie Lehn trouve un écho dans le livre de John Tyndall, qui succéda à Faraday à la Royal Institution (Faraday as a discoverer, Ed Apollo) :

"When an experimental result was obtained by Faraday, it was instantly enlarged by his imagination. I am acquainted with no mind whose power and suddenness of expansion at the touchh of new physical truth could be ranked with his. Sometimes I have compared the action of his experiments on his mind to that of highly combustible matter thrown into a furnace; every fresh entry of fact was accompanied by the immediate development of light and heat. The light, which was intellectual, enabled him to see far beyond the boundaries of the fact itself, and the heat which was emotional, urged him to the conquest of this newly revealed domain. But though the force of his imagination was enormous, he bridled it like a mighty rider, and never permitted his intellectu to be overthrown. In virtue of the expansive power which his vivid imagination conferred upon him, he rose from the smallest beginnings to the greatest ends. "

vendredi 9 décembre 2011

Le chimiste d'un parti

Amusants détours de l'histoire.

Marcellin Berthelot est au Panthéon, il a des places, des rues, des avenues... en France. Mais pour peu que l'on passe les frontières, les collègues chimistes ignorent de qui il s'agit.

Inversement, Pierre Duhem est universellement connu, dans la communauté internationale des chimistes... alors qu'il est bien méconnu en France.

Il faut quand même reconnaître que Berthelot avait pris le parti de la laïcité, à une époque où elle se "vendait" bien. Inversement, Duhem était extraordinairement croyant, ce qui a nui à sa carrière, au sens universitaire du terme.

Je ne dis pas pour qui je vote ni en qui je crois ou je ne crois pas (évitons l'effet gourou!), mais les faits historiques doivent nous conduire à penser que la science ne peut pas avoir de parti... sans quoi nous arrivons à du lyssenkisme, du Berthelot (relisons le merveilleux livre de Jean Jacques : Berthelot, autopsie d'un mythe, Ed. Belin)... et hélas du Duhem, qui n'a pas été loué à l'égal de son génie !

dimanche 4 décembre 2011

Et voici les photos correspondants au repas du Téléthon

Un amuse bouche Note à Note, sous la direction de Vincent Vitasse (Concorde Lafayette) :


Puis une entrée "moléculaire" sous la direction de Marie Soyer (Hôtel Renaissance, Paris La Défense) :


Un plat classique sous la direction de David Desplanques (Hôtel Crowne Plaza Paris) :

Manque pour l'instant le dessert, mais je ne désespère pas d'avoir une belle image bientôt.


Vive la gourmandise éclairée!

samedi 3 décembre 2011

La cuisine note à note progresse inexorablement

Aujourd'hui, à l'hôtel Renaissance de la Défense, lors d'une séance organisée en faveur du Téléthon, un groupe de chefs des Toques blanches internationales a enseigné à des particuliers à cuisiner "note à note".
Le plat réalisé par les "auditeurs" a été consommé ensemble.
Plus exactement :
- une amuse bouche note à note
- un plat moléculaire
-un plat traditionnel
- un dessert note à note

vive la gourmandise éclairée!

vendredi 2 décembre 2011

Encore et toujours : la faute du partitif

IUPAC : connaissez vous cette institution remarquable ? Il s'agit de donner un langage commun à ceux qui désignent les molécules, les atomes, etc.

Seule critique, et de taille : son nom !

Il signifie : International Union of Pure and Applied Chemistry.

Hélas...

Soit la chimie est une science, et une "chimie pure" est un pléonasme, tandis qu'une "chimie appliquée" est une impossibilité (contrairement aux applications de la chimie, qui seraient alors nombreuses).

Soit la chimie est une technique (merci de ne pas galvauder le mot "technologie"), alors il manque un mot pour l'activité scientifique, mais, de toute façon, la chimie n'est alors ni pure, ni appliquée (ou plutôt si, c'est un pléonasme que de la nommer appliquée dans cette seconde hypothèse, puisque la technique est l'application).

C'est toujours la même "faute du partitif", que connaissent ceux qui savent de quoi ils parlent. Les autres s'en moquent, bien sûr, puisqu'ils ne voient pas le problème.

Mais Lavoisier ne nous a-t-il pas bien dit, après Condillac et tant d'autres, que la pensée est juste si les mots le sont (et vice versa) ?

Militons pour changer le nom de l'IUPAC (et aussi de la "société chimique de France" : une société ne peut pas être "chimique", alors qu'elle peut être française ; nommons notre société : "société française de chimie"!)

jeudi 1 décembre 2011

Cuisine note à note

Nicolas Bernardé est un professionnel d'immense talent qui a oeuvré pour un repas de cuisine note à note en octobre 2010, à l'Ecole du Cordon bleu, notamment (après avoir remarquablement participé à plusieurs repas moléculaires, dans le cadre de l'Institut des Hautes Etudes de la Gastronomie, du Goût et des Arts de la Table.

Aujourd'hui, il s'installe. Je ne doute pas que son travail continuera d'être merveilleux :

Boutique Nicolas Bernardé
2 place de la liberté
92250 La Garenne Colombes

mercredi 30 novembre 2011

Et si...

Et si une belle personne, c'était quelqu'un qui se préoccupe du collectif, au lieu de se préoccuper de sa petite personne?

mardi 29 novembre 2011

L'enseignement mieux compris

Un message révélateur, venu d'étudiants : 
"
Une question : Je suis familière aux émulsions, à la gélification et aux mesures des propriétés rhéologiques 
mais j'ai dmal à suivre l'auteur de l'article dans ses explication. 
Est-ce normal ? Est-ce justement pour soulever des questions ?"
Et voici ma réponse : 

Votre question montre exactement l'utilité d'un enseignement technologique bien pensé, merci. Je m'explique : 



1. la technologie (métier de l'ingénieur, mission d'AgroParisTech de l'enseigner) comporte 3 étapes essentielles : 

- chercher l'information scientifique

- la comprendre

- la transférer en technique

Ici, nous sommes confrontés à la deuxième fonction. 



2. les revues scientifiques ne doivent pas faire de la vulgarisation, de l'enseignement, mais au contraire 
se limiter à donner la nouveauté ; 
autrement dit, les scientifiques ont l' "interdiction" de répéter ce qui est dit ailleurs, 
et ils doivent se réduire eux-mêmes 
(c'est quelque chose à apprendre quand on fait de la science
 à citer les auteurs précédents qui ont dit ce qu'ils voulaient dire 
et qui n'est pas d'eux. 
Bref, un article scientifique, c'est un empilement de connaissances ;
on pourrait dire que c'est une pelote de laine que l'on doit défaire patiemment, en allant chercher d'autres articles,
et d'autres articles encore, etc. 



3. vous comprenez maintenant pourquoi, le premier jour de l'UE, nous avons dit que vous devriez choisir un article,
et en chercher d'autres pour bien comprendre et restituer finalement.

dimanche 27 novembre 2011

Définition

Molecular Gastronomy is the scientific discipline 
looking for the mechanisms of phenomena 
occcuring during dish preparation and consumption

vendredi 25 novembre 2011

Honteux de ma part!

Alors que je reçois un message amical, je lis :

"Ayant grandi à la campagne, j'ai le souvenir de mes grands parents et de mon père qui n'avaient de cesse de me répéter mange ceci c'est bon pour ca, ou mange cela c'est bon pour ce que tu as, etc. Ils n'avaient pas fait d'études et n'avaient pas de connaissances en physiologie, mais avaient l'héritage d'une transmission de "remède" de famille par la nourriture, et surtout le respect du produit, l'instinct que ce qui était dans leur assiette pouvait influer sur leur état de santé."

Et voici ma réponse :

Je ne crois absolument pas à la sagesse des anciens, en matière alimentaire. En effet, l'espérance augmente aujourd'hui d'un trimestre par an, et c'est précisément parce que la connaissance rationnelle a lutté contre les croyances des campagnes.
Je ne crois pas du tout à l'expérience en matière alimentaire, et les travaux récents de nutrition ne cessent de réfuter les croyances.
D'autre part, je ne sais pas ce que "respect du produit" signifie. Respecte-t-on la pomme de terre quand on la frit à 200 °C? Respecte-t-on le poulet quand on le rôtit ?

Cela étant, permettez moi de vous signaler que nous allons avancer encore davantage dans les prochaines années avec la cuisine note à note, qui pose de très importantes questions, scientifiques (notamment nutritionnelles), économiques, sociales, politiques...

mercredi 23 novembre 2011

HEG 2011

Bonjour,
La présentation en images de la Session 2011 de l'Insititut des Hautes Etudes de la Gastronomie est désormais en ligne sur le site:

http://www.heg-gastronomie.com/Actualite/promotion-2011.aspx

Les participants ont souligné l'excellence de notre programme et apprécient beaucoup sa diversité.

«Le format du programme, son contenu, organisation et échanges sont remarquables ».

«A truly wonderful program that exceeded all my expectations – which were high to begin with ».

« Beaucoup de connaissances acquises, découvertes insoupçonnées. Grande qualité du contenu et de l'organisation ».

« The program was excellent in the quality of lectures and various visits, and dinners »

Beaucoup d'entre eux ont indiqué qu'ils recommanderont notre formation.

Vive la gourmandise éclairée!

--

PS1. Les Cours de gastronomie moléculaire 2012 se tiendront les 30 et 31 janvier 2012, à AgroParisTech, sur le thème de la "Cuisine Note à Note".
Inscriptions sur : http://www.agroparistech.fr/Inscription-aux-cours-de.html

A noter que les Cours 2011, sur le thème : "Explorer la cuisine. De l'expérience au calcul"   sont en ligne sur http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire


PS2. ParisTech cherche un mécène pour une Chaire xxx((nom du mécène))xxx de gastronomie moléculaire. Si d'aventure vous connaissez un mécène, je serais heureux de lui transmettre des documents expliquant ce projet enthousiasmant.






Hervé This

Chimiste, Groupe de gastronomie moléculaire
Professeur consultant AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/
Directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire (Académie des sciences) : http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire
Président du Comité Pédagogique de l'Institut des Hautes Etudes du Gout : http://www.heg-gastronomie.com/Accueil.aspx
Chargé d'enseignements à Sciences Po Paris

_______________________________________________________________
Groupe de Gastronomie moléculaire AgroParisTech
Laboratoire de chimie analytique
Département Science et procédes des aliments et bioproduits (SPAB)
UMR 1145 Ingénierie Procédés Aliment GENIAL Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement (AgroParisTech)
16 rue Claude Bernard
75005 Paris
tel : +33 1 44 08 72 90
Courriel : herve.this@agroparistech.fr
Skype : hervethis
Tweeter : @Herve_This
http://www.umr-genial.eu/



Un site avec une montagne d'informations sur la gastronomie moléculaire : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/

Un blog personnel (j'y évoque des questions intellectuelles, à propos de la science, de la technologie, de la technique, de l'art...) : http://hervethis.blogspot.com/

Un blog consacré à la gastronomie moléculaire, avec moins de points de vue personnels : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.com/

Le site du Laboratoire de chimie d'AgroParisTech, avec des informations complémentaires : http://www.agroparistech.fr/-UFR-Chimie-analytique-.html

mardi 22 novembre 2011

Martin Benn

Il faudra que je finisse par raconter le beau repas que j'ai fait chez Martin Benn, à Sydney.
Un cuisinier sensible, très pastel, mais avec en seconde moitié de repas un goût qui monte en puissance. Un de ses desserts célèbre : les "japanese stones".
Je suppose que la recette se trouve sur Internet.

Au fait, son restaurant se nomme "Sepia"

Vive l'art culinaire !

Débat de l'Agro sur l'enseignement scientifique supérieur

Le 7 novembre 2011, les étudiants d'AgroParisTech ont organisé un débat sur l'enseignement supérieur.
Il n'y a pas eu foule, mais :
- c'était le soir
- c'était en même temps qu'une sauterie (bière, copains, etc.)
- c'est quand même un sujet ardu.

Il faut donc se réjouir que le débat ait réuni des étudiants très intéressés, ainsi d'ailleurs que des chercheurs et des enseignants chercheurs.

Il y a là un sujet si essentiel !

Est-ce bien raisonnable...

Récemment, un étudiant s'est plaint à moi que l' "institution d'enseignement" où il se trouvait lui donnait trop de culture "générale", et pas assez de savoir technique, spécialisé.

Que penser ? Ford disait à ses collègues : "Ne me demandez pas ce que l'entreprise va faire pour vous ; dites moi plutôt ce que vous allez faire pour elle". On passera sur la connotation capitalistique de l'anecdote pour conserver l'idée qu'il est paresseusement confortable d'être "un bon ouvrier" face à "salaud de patron", d'être un gentil étudiant face à un corps enseignant médiocre.

Et si les étudiants décidaient de construire leur parcours d'études ? Et si, avant de commencer, avant de se lancer dans des études, on cherchait à identifier les savoirs et les compétences nécessaires à l'exercice d'une pratique professionnelle ? Bien sûr, il peut y avoir dialogue, entre un étudiant et des enseignants, dialogue initial, mais, ensuite, il suffirait de parcourir le chemin défini à l'avance, non ?

A cela, on m'objecte souvent que les étudiants ne savent pas ce qu'ils veulent faire... et beaucoup comptent sur les stages pour se décider. N'est ce pas une très mauvaise façon de procéder ? Imaginons en effet que l'étudiant fasse un stage dans un endroit très amical, enthousiaste, chaleureux : ne risque-t-il pas de conclure que le sujet traité est bien ? Alors que s'il fait un stage dans un endroit peuplé de gens détestables, il concluerait que le sujet est médiocre ? Pourtant, les épinards ne sont ni bons ni mauvais. Tout dépend de l'assaisonnement, non? De la crème que l'on y met ? Et on aurait initialement des épinards, des carottes ou du chou fleur, peu importe, en quelque sorte.

Bref, méfions-nous des stages ! Sans compter qu'un stage montre un aspect d'un sujet parmi des milliers ! Comment avoir une vue de la forêt quand on a le nez collé sur un arbre ? Comment avoir une vue d'ensemble quand on considère un point particulier ? Décidément, la réponse du stage est mauvaise.

Ne devrions nous pas plutôt identifier des savoirs et des compétences nécessaires à l'exercice intelligent d'un métier? Et définir ainsi un parcours pédagogique ? Et puis, ne pourrions nous pas, cette idée à l'esprit, tordre le bras à l'enseignement qui nous est donné, pour suivre le chemin qui nous a semblé nécessaire ?

Bref,  je forme des voeux pour que les étudiants deviennent capables de dire clairement ce qu'ils souhaitent, afin que les enseignants puissent le leur donner, les aider (puisque c'est cela, le but d'un -bon- enseignant) !

Vive les "études" ainsi cadrées par un objectif, et un "chemin" qui y conduit !

jeudi 17 novembre 2011

Deux livres reçus

... écrits par des personnes intéressantes :

Le conflit science-société : de bonnes raisons de ne pas faire d'études scientifiques, par Bernard Vidal, Editions Technedit

Chroniques Gourmandes, par Maxime Pietri, éditions Zoe.

bonnes lectures !

jeudi 10 novembre 2011

Les carrés ronds

Bien sûr, j'ai mes lubies, comme le combat contre les "composés chimiques" (non pas contre les composés, mais contre l'expression, comme indiqué dans La sagesse du chimiste, parce qu'elle confond composé de synthèse, soit application, et science).
Cela étant, il y en a de plus grave.

Par exemple "Père Noel" : bien sûr, je ne remets pas en cause le concept lui-même, qui existe, mais l'existence de l'être qui serait ainsi dénommé.

Par exemple, ce qui est bien pire : les "technosciences". Je rappelle que ce n'est pas parce que l'on peut parler d'un objet qu'il existe "matériellement". De mon côté, je connais les sciences, de l'autre, la technologie.
Mais les technosciences, c'est une sorte de chimère d'intellectuel qui ne connaît pas bien les sciences, ou bien qui a un intérêt politique à faire la confusion.

Je propose au contraire plus de clarté. Non, les sciences ne sont pas "une construction sociale"... à moins de considérer que tout ce qui est humain est une construction sociale ! Et le concept de construction sociale est alors vidé de son sens.

D'ailleurs, dire que les sciences sont une construction sociale ne fait pas avancer les choses. L'esprit humain gagne en distinction quand il fait des... distinctions, pas quand il amalgame de façon paresseuse. Distinguons bien les sciences, d'une part, production de connaissances, et la technologie, d'autre part, qui veut perfectionner la technique.

Oui, on peut imaginer qu'un technologue (séquençage du génome), par son travail, produit des connaissances, mais je propose de ne pas oublier qu'une activité se définit par son objectif. Quel est l'objectif du séquençage ? Prendre des brevets sur le vivant ? C'est de la technologie. Produire des connaissances ? De la science.
Aurait-on les deux objectifs à la fois (on a le droit d'avoir plusieurs objectifs) que l'on ferait de la science, d'une part, de la technologie d'autre part. Pas de la technoscience, en revanche, à moins que l'on veuille nommer ainsi des êtres qui... au fait, par qui sont-ils payés ? quel est l'intérêt qui est derrière ?

Oui, il s'agit de voir plus finement, au lieu de confondre sous une étiquette facile.

J'en ai d'autres : aliments naturels, anges sur la tête d'une épingle, belle personne, grand ancien, et toutes les catégories générales qui ne font que des moyennes (Français moyen), là où des moyennes n'ont pas de sens.

De la lumière!

Enseignement supérieur

Nous l'avons eu, notre débat sur l'Enseignement supérieur, organisé par des étudiants :

http://podcast.agroparistech.fr/users/lesdebatsdelagro/

lundi 7 novembre 2011

Emulsions

Emulsionner de l'huile dans de l'eau (ou toute solution aqueuse) ? Je ne reviendrai pas sur la définition des émulsions (qui ne sont pas des mousses !), mais propose que nous nous rappelions que tout tissu animal ou végétal est fait de cellules, avec des tas de protéines, et aussi des composés nommés "phospholipides", pour former des membranes.
Les protéines, comme les phospholipides, sont "tensioactifs" : autrement dit, le plus souvent, pas besoin de recourir à des émulsifiants spécifiques pour faire des émulsions : il suffit de bien broyer un peu de tissu végétal ou animal, afin de récupérer ces molécules déjà présentes dans l'aliment.

samedi 5 novembre 2011

La chimie, par Linus Pauling

"Pour moi, la chimie est, d'une certaine façon, une discipline bien plus intéressante que la physique, parce qu'elle traite du monde réel, et d'une manière qui me paraît bien plus "concrète". Par exemple, un physicien peut être intéressé par les propriétés des métaux en général. Un chimiste est intéressé par les propriétés spécifiques du lithium, du sodium, du magnésium, du potassium, du calcium, du titane, etc, par les soixante-quatorze métaux différents".
(Linus Pauling, M. L. Bougerra, Belin/Pour la Science, p. 31)

Cela étant, est-il vraiment nécessaire d'abaisser les uns pour réhausser les autres ?

mardi 1 novembre 2011

A la recherche du goût

Décidément, le questionnement des mots n'est jamais peine perdue. Aujourd'hui, un correspondant me signale qu'un cuisinier est " à la recherche du goût".
A la recherche du goût ? De quel goût ? Et pourquoi ?
Et puis, un cuisinier qui ne chercherait pas à donner du goût, ce ne serait pas un cuisinier, non ? Mieux encore, je propose de penser qu'un aliment, c'est un système (le plus souvent colloïdal) qui n'est aliment que s'il a du goût. C'est-à-dire : consistances, températures, odeurs, saveurs, stimulations trigéminales, couleurs...
Sans quoi, ce n'est rien qu'un système colloïdal parmi d'autres.
Au fond, tout cela revient à la vieille question philosophique : quel bruit fait un arbre qui tombe dans une forêt où personne n'est présent?

vendredi 28 octobre 2011

Encore la cuisine note à note

Il faut une stratégie pour atteindre un but. En l'occurrence, puisque le développement de la cuisine note à note est en question, il faudra que des chimistes collaborent avec des cuisiniers, pour arriver à des recettes, tout comme cela s'est déjà passé pour la cuisine moléculaire.
Ma proposition : place aux jeunes!
Que de jeunes chimistes, des étudiants, sortent de l'université, et aillent à la rencontre de jeunes chefs, qui n'auront pas peur d'être aidés, et ne se raidiront pas dans une posture technique dépassée. De leur côté, il devra y avoir le raisonnement artistique. Tout cela sera un peu difficile (quoi que...), mais tellement merveilleux, enthousiasmant.
Hermès, le dieu de la chimie, donnant la main à Bacchus, le dieu de la bonne chère!

La pensée et l'orthographe

Notre grand Antoine-Laurent de Lavoisier, le père de la chimie moderne, disait en substance que la science cherche les mécanismes des phénomènes, lesquels sont manipulés par notre esprit par des pensées, lesquelles sont manipulées à l'aide des mots. Et Lavoisier de conclure que l'on ne peut perfectionner la science sans perfectionner le langage, et vice versa.
Dont acte.

Et l'orthographe ? Notre capacité à bien écrire les mots correspond-elle également à la capacité à bien penser ? Une démonstration claire du fait permettrait d'expliquer à nos "neveux", comme l'on disait, pourquoi la maîtrise de l'orthographe n'est pas seulement une question de convention sociale.

Vive la chimie !

mardi 18 octobre 2011

Ca a commencé hier, dans les Yvelines

Chers Amis,
je suis heureux de vous signaler que, pour la semaine du goût 2011, les chefs des restaurants scolaires et des professeurs de science des Yvelines servent un "menu moléculaire", avec notamment :
- un lavoisier de tomates
- un rôti de porc attendri à la broméline (du jus d'ananas) et laqué
- un würtz au citron
- un chocolat chantilly

Au cours d'ateliers, les collégiens font du chocolat chantilly et essaient de battre le record de volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf.

L'inauguration de cette merveilleuse action s'est faite au Collège Hauts Grillets, à Saint Germain en Laye

Vive la gourmandise éclairée!

dimanche 16 octobre 2011

Les leçons d'un diner note à note

Lors du diner note à note servi par les chefs enseignants de l'Ecole du Cordon Bleu à Paris, il y a eu sans cesse la question lancinante de la reconnaissance et de la référence.

Par exemple, le menu indiquait à un moment donné le mot "viande" : nous avons tous comparé ce qui était servi à de la viande... alors que les cuisiniers avaient très inventivement mêlé de l'amylose à de la gélatine, pour donner une consistance mi végétale-mi animale, inconnue, remarquable.
Par exemple, le menu a évoqué la mozzarella, lors du "fromage" (encore une évocation): la consistance du mets servi n'avait rien à voir avec de la mozzarella (c'était bien mieux), mais nous avons tous comparé.
Le premier plat comportait une sphère jaune et tendre dans un "nid" blanc, foisonné: nous n'avons pas pu nous empêcher de penser à de l'oeuf... d'autant que le menu évoquait des oeufs en meurette.

Pour ce dernier met (qui fut le premier servi), il y avait une petite acidité... qui dérangeait pour un oeuf... mais qui était bien moindre que dans une salade. Au nom de quoi aurions-nous pu juger que le mets était trop, ou insuffisamment acide ?

Au total, ce fut un très étonnant diner, parce que, pour une fois, les repères étaient perdus.
Etait-ce "bon" ? La question me ramène plus de 20 ans en arrière, quand les premiers plats de cuisine moléculaire sont apparus. On était désarçonné. Ou quand le free jazz s'est introduit : la musique de John Coltrane a semblé d'une audace inouie ; on ne savait pas si c'était "beau", mais on savait que c'était nouveau, que nos repères étaient dépassés, inutiles.

Ce qui pose la question du beau (le "bon", pour la cuisine). Avez-vous entendu la musique composée par Varèse dans les années 1940 ?


(un immense "Merci!!!!!" aux chefs enseignants de l'Ecole du cordon bleu : Patrick Terrien, Patrick Caals, Philippe Clergue, Frédéric Lesourd, Patrick Lebouc, Franck Poupard, Bruno Stril et Marc Thivet, Jean-François Deguignet, Xavier Cotte, Nicolas Jordan and Jean-Jacques Tranchant.

dimanche 9 octobre 2011

Cherchons à comprendre

Dans une biographie de Van Leeuwenhoek, je lis cette phrase merveilleuse (antiphrase)  :
"Un dessein que Pasteur affichera avec une certaine naïveté, en écrivant que "le véritable savant n'a pas  à s'inquiéter de ce qui peut être vrai dans telle ou telle hypothèse ; son devoir et son but sont de chercher ce qui est"."


Les biographies de Louis Pasteur ne m'ont pas montré un être humain très agréable, mais elles font  reconnaître qu'il a poussé plus loin que d'autres les limites de la connaissance.
Etait-il si naïf que notre auteur (pas Pasteur ; l'auteur de celui qui critique Pasteur)  le dit ?

L'analyse du livre de Marie-Antoine Carême, dans un autre champ, me fait douter. Alors que les livres de cuisine des siècles passés reprenaient inlassablement les mêmes planches, les mêmes figures, Carême fait réaliser des planches toutes nouvelles... et toutes quasi semblables : une grosse pièce, surmontée de hâtelets (des brochettes dirait-on aujourd'hui) où sont embrochés des petits éléments.
Ce qui est troublant, c'est que la réalisation de ces gravures a dû coûter cher, et que, pour notre oeil, ces images semblent toutes très semblables.

Au lieu de croire que Carême était un "naïf", ne devons-nous pas plutôt penser que nous ne savons pas reconnaître l'importance de ces planches, et que nous devons faire un effort pour comprendre les différences entre les planches ? Pour reconnaître l'importance de ces différences ?

De même, je ne crois pas que Pasteur ait été très naïf, contrairement à ce que notre... cher collègue écrit. Avant de critiquer des grands anciens, prenons quelques précautions. Ne soyons pas... naïf!

Les belles personnes

Les "belles personnes" ? Un concept merveilleux, parce qu'il va dans le sens de l'admiration, un sentiment qui nous fait vraiment humain.
La définition est difficile à donner, bien sûr, mais ne suffit-il pas de regarder les yeux briller quand quelqu'un en parle ?
J'en connais quelques unes, de ces belles personnes : des êtres humains qui ont le collectif pour horizon, qui ne sont pas dans le combat avec l'autre, qui cherchent à produire des oeuvres (sans d'ailleurs avoir le sentiment de "faire une oeuvre").

Plus égoïstement, je me définis notamment une belle personne comme quelqu'un qui arrive à me surprendre à la centième, à la millième rencontre. Par une idée, un sentiment élevé...

J'ai la chance inouie d'avoir pour père quelqu'un de cette trempe. Quelqu'un qui a été un des trois qui ont introduit en France l'accouchement sans douleur, qui a créé le premier centre psychopédagogique, qui a créé les Maisons vertes, centres d'accueil pour les femmes enceintes ou ayant juste accouché, qui a créé le Groupe de recherches et d'études du nouveau-né, qui a...

Il a publié de nombreux livres étonnants, mais le dernier revient sur la merveilleuse question de la paternité. C'est un ouvrage en collaboration avec l'obstétricien Raymond Bellaiche : Rencontre entre un psychanalyste et un obstétricien (Ed. Belin)

vendredi 7 octobre 2011

Un cadeau

Je retrouve ce que m'avait offert Nicholas Kurti, quand j'ai eu 40 ans :



I keep six honest serving-men
(they taught me all I knew);
Their names are What and Why and When
And How and Where and Who.
I send them over land and sea,
I send them east and west ;
But after they have worked for me,
I give them all a rest.
(R. Kipling)

Une belle distinction et un nom à chercher (et à trouver!)


En ces temps paresseux où l'on "aime la nature" (souvent sans avoir lu Rousseau, ce que je ne trouve pas très grave, et très généralement sans avoir lu John Stuart Mill, ce qui est terriblement naïf, en revanche), il est temps de se demander ce que les mots signifient.

L'écologie est une science (d'où le nom, qui contient le suffixe « logos », étude). L'écologisme est une idéologie. 

Utilisons donc le bon mot ! 

Dans un champ voisin, pour quelques « belles personnes » de ma connaissance, la nutrition est une science, et la diététique est son application, moralisante, ou morale. Pour les autres, je ne sais pas très bien quelles sont les acceptions des deux mots, mais la confusion règne.


Cela étant, la confusion a des raisons d'exister. Ne devrions-nous pas parler de nutrilogie ?Au moins, ce serait clair. 

Alors, on y va ?

Après plus de dix ans, un nouveau jeu

Depuis plus de 10 ans, je donne à Pierre Gagnaire une "invention", qu'il "met en art", sur son site.
Aujourd'hui, le site est refait... et nous jouons à un nouveau jeu, intitulé "Dictons, savoirs et gourmandise".
Je vous invité à découvrir la première livraison à http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve

Vive la gourmandise éclairée!

jeudi 6 octobre 2011

Les trophées de l'innovation Louis Pasteur 2012

Je suis heureux de vous annoncer le lancement des Trophées de
l'Innovation Louis Pasteur 2012.

Les dates retenues sont :

- 12 mars 2012 pour la date limite de réception des dossiers de
candidature
- 15 mai 2012 pour la remise des prix

"pour la septième année consécutive, l'ISBA (Institut des Sciences, des
Biotechnologies et de l'Agroalimentaire de Franche-Comté) fédérant les
2 ENIL (Ecole Nationale d’Industrie Laitière) de Poligny et de
Mamirolle, organise les Trophées de l'Innovation Louis Pasteur.

Cet évènement s'inscrit dans le cadre du pôle régional Franc-Comtois
de la fondation nationale "Science et Culture Alimentaires".
Il permet de sensibiliser de nombreux étudiants, à l'échelle nationale,
aux problématiques de l'innovation dans les métiers de l'agroalimentaire
et à la prise en compte de la dimension nutritionnelle des produits
développés, garante d’une offre alimentaire française de qualité.

Il est parrainé par Hervé This et est organisé en partenariat avec
l'Académie des Sciences, la Maison Louis Pasteur (Arbois) et l'INRA.
Le Conseil Régional de Franche-Comté ainsi que la Direction Régionale
de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (via le Programme
Régional de l’Alimentation) apportent leur soutien financier à cette
initiative.

Après le succès de la 6ème édition dont la remise des prix avait été
effectuée dans les locaux du Conseil Régional de Franche-Comté à
Besançon et les nombreux retours positifs reçus (industriels, monde
scientifique, étudiants, formateurs,...), il est déjà temps de penser
à l'édition 2012 ! "

Cordialement


Alexandre DUTHEIL
Chargé de Mission Agroalimentaire 
Animateur du Réseau Régional de Recherche en Agroalimentaire et
Environnement (R32AE)

ENIL - 25620 Mamirolle
ENILBIO - Rue de Versailles - 39801 Poligny
Tél : 03 81 55 92 00 - Fax : 03 81 55 92 17
Portable : 06 33 79 49 74
E.mail : alexandre.dutheil@educagri.fr

mercredi 5 octobre 2011

Une question

Tiens, j'y pense. Les écoles d'ingénieurs sont a priori faites pour former des ingénieurs, non? C'est-à-dire des technologues, qui doivent donc améliorer les techniques, parfois en utilisant les résultats des sciences.

La question est : la pratique de la science devant former des scientifiques, quelle méthode enseignera-t-on aux élèves ingénieurs ?

Je crois avoir analysé (Cours de gastronomie moléculaire N°1) que l'ingénieur devait :
1. savoir où chercher les résultats des sciences
2. comprendre ces résultats
3. filtrer en vue de retenir ce qui était d'intérêt pour son domaine
4. faire le transfert vers le champ technique

Quelles sont les méthodes que l'on enseigne, pour chacun de ces 4 grands chantiers?

Chat en ligne

http://www.facebook.com/fete.gastronomie?sk=app_203770232975823

Des réactions ? Des commentaires ?

Pardon, je me suis souvenu de ceci :

Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
"Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents :
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût :
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse."
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout....
si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

lundi 3 octobre 2011

Un Pôle « Science & Culture Alimentaires » en Haute Normandie ?


Un Pôle « Science & Culture Alimentaires » en Haute Normandie ?

Merveilleuse nouvelle : la Haute Normandie est la quatrième région à se doter d'un pôle régional « science & culture alimentaire ». Le nom du pôle est « Méandres culinaires »... pour bien signaler que la voie de l'artisanat et de l'art culinaire passe en sinuant par des territoires variés (l'agriculture, l'élevage, les échanges économiques qui conduisent les ingrédients agricoles jusque dans les cuisines, la science, la technologie, la technique, l'art, la culture...), structurés... autour de la Seine !
Cela étant, si le territoire est balisé, si l'idée de fond est claire, quelle est la mission du pôle qui vient d'être inauguré, le 23 septembre 2011, à Rouen et à Louviers ?
L'idée de la Fondation « Science & Culture Alimentaire » a été donnée dans ses statuts, et exprimée par son nom : encourager des travaux dans le champ de la science et de la culture, autour de l'aliment. Toutefois, les pôles, s'ils ont cette base, ont aussi, je crois, une mission particulière, qui est de « réconcilier les publics régionaux », autour de l'aliment.

Les publics ? Il y a d'abord les citoyens, ce que l'on nomme le grand public. Souvent effrayé par des marchands de peur, il ne sait pas toujours combien il est chanceux de vivre au XXI e siècle, alors que les famines n'ont plus cours dans notre pays, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité. Il est souvent inquiet -et les marchands de peur en profitent-, parce qu'il n'a pas toujours les données, les informations qui lui permettraient d'avoir un comportement plus rationnel, plus serein. Par exemple, les citoyens craignent des résidus de pesticides sur les pommes, mais ils n'épluchent plus les pommes de terre, alors que l'on sait parfaitement que les pommes de terre ont, dans les trois premiers millimètres sous la surface, des glycoalcaloïdes très toxiques, et qui résistent à des températures de 285 °C ! Les citoyens craignent les additifs, alors qu'ils passent leurs étés à manger des viandes cuites au barbecue, et qui sont donc chargées de benzopyrènes cancérogènes ! Les citoyens... Cessons-là l'énumération, car elle est terrible, et montre combien nous avons à bien distribuer une information qui devrait conduire à des comportements alimentaires plus rationnels.

Ou plutôt non : terminons par une observation, à savoir que le citoyen refuser les « composés chimiques », alors que ceux-ci n'existent pas. L'eau est un composé, parce qu'elle est faite de molécules toutes identiques, les « molécules d'eau » ; et l'eau qui aurait été synthétisée (on la fabrique en faisant brûler le gaz dihydrogène dans le gaz dioxygène, par exemple) serait en tout point identique à de l'eau de pluie (qui a été synthétisée... mais pas par l'être humain), puisque toutes les molécules d'eau sont faites de deux atomes d'hydrogène liés à un atome d'oxygène.
Idem pour des molécules de vanilline, à l'odeur puissante de vanille, ou pour des molécules de saccharose, que l'on nomme couramment du sucre de table.
Oui, on peut distinguer des composés synthétisé, et des composés d'origine naturelle, mais ce ne sont jamais des « composés chimiques », sauf si l'on voulait désigner ainsi les « composés de synthèse », auquel cas on ferait une erreur, puisque la chimie n'est pas une production de molécules, mais une production de connaissances !

Passons, donc, à un autre groupe : le monde artisanal. En matière alimentaire, ce monde est vaste, puisqu'il va de l'agriculteur au maraîcher, en passant par l'ensemble des métiers de bouche : cuisiniers, bien sûr, mais aussi maître d'hôtel, boulanger, charcutier... De petites entreprises, souvent, des initiatives personnelles, une présence nombreuse sur un territoire, avec une formation initiale souvent de type « professionnelle », peu de formations continues (avec un risque de péremption des savoirs), beaucoup de traditions, avec des organisations professionnelles souvent éclatées. Par exemple, pour la cuisine, il y a bien sûr des syndicats, mais aussi mille associations, telles que les Compagnons du Devoir et du Tour de France, l'Académie culinaire de France, l'Académie nationale de cuisine, les Toques blanches internationales, l'Association des disciples d'Escoffier, le Club Prosper Montagné...
Toutes ces structures animent le paysage des métiers de bouche, sans pouvoir prétendre à le représenter, en raison de leur spécificité.
Et puis, pour terminer, signalons que, au Québec, on désigne ces artisans par le nom d'industrie !

Ce qui nous conduit tout naturellement à l'industrie alimentaire, au sens français du terme. Bien sûr, il y a lieu de s'interroger sur la différence entre artisanat et industrie, d'autant que certains cuisiniers créent des empires avec des milliers de personnes qui travaillent avec eux ! S'agit-il encore d'artisanat ? Inversement, des industries ont souvent moins de 200 personnes, alors qu'elles produisent « industriellement ». On n'examinera pas cette question, mais on devra s'interroger, ici, sur les raisons pour lesquelles le public préfère souvent l'artisant à l'industrie, en matière alimentaire ? Pourquoi admet-il que les cuisiniers utilisent des agents gélifiants modernes (agar-agar, gomme xanthane, alginate de sodium) alors qu'il est heurté de lire, sur les emballages des produits alimentaires industriels, la présence de tels composés ? De même, le même public qui s'effraye de benzopyrènes dans des produits alimentaires admet parfaitement que les artisans fument des poissons ou des viandes, chargeant ces aliments en les mêmes benzopyrènes, qui sont alors en concentrations bien supérieures ? Et pourquoi le même public admire-t-il des artistes culinaires qui qui utilisent des « huiles essentielles », alors qu'il critique vertement les industriels qui formulent leurs produits avec ce que certains nomment des « aromes », et que je préfère nommer, bien plus justement, des compositions et des extraits ?
Bref, il y a de l'incohérence, et la nécessité de réconcilier le public avec l'industrie alimentaire.

Tout cela passera par de l'éducation, de l'enseignement, de la diffusion d'information... de sorte que l'Education nationale, de l'Ecole à l'Université, semble sollicitée pour ces réconciliations. On objectera peut-être que ces institutions ont leurs missions, qui est de s'adresser à des publics spécifiques, mais pourquoi ne pourraient-elles pas élargir leur domaine de compétence ? Pourquoi l'instituteur ne pourrait-il pas, dans son village, contribuer à la formation des agriculteurs, des ouvriers ? De tout temps, depuis la Révolution française, notre pays s'est évertué à organiser des « universités populaires ». Ne devons-nous pas entretenir cette belle flamme ? D'ailleurs, ce ne sont pas les instituteurs qui, disposant de savoir, peuvent agir : ce sont tous les enseignants de collèges, de lycées... et d'université.
Dans certains pays, les universités sont organisées de sorte que des personnes déjà engagées dans la vie professionnelle puissent aller étudier, après leur travail. A l'heure de l'internet, les universités trouvent un moyen merveilleux d'irriguer la société avec les connaissances qui sont produites en leur sein. Sites internet, forums, bases de données variées... Quelle belle mission que celle de l'université, à côté de celle de l'Ecole, du Collège, du Lycée !

Enfin, le monde scientifique, qui, entretenu par l'Etat (c'est-à-dire in fine les citoyens), produit des connaissances. Souvent, il méconnaît l'industrie, et, s'il est présent dans le public par des Fêtes de la science, il reste parfois un peu à l'écart... car il est vrai que ses préoccupations l'empêchent de s'investir dans la diffusion des connaissances, mission qui diffère de celle de la production de ces mêmes connaissances.
Pour autant, les scientifiques sont des intellectuels au sens le plus noble du terme. Ce ne sont pas des empêtrés de leurs mains, mais des individus, femmes et hommes, qui, entrevoyant des terres inconnues, les défrichant, conduisent à élargir le domaine du connu, au risque, parfois, de susciter des questions morales graves. L'exemple le plus connu est celui du nucléaire : la découverte de la structure de l'atome a conduit à la fois à la production de la bombe atomique et de l'électricité civile. La découverte s'étant effectuée en pleine Seconde Guerre mondiale, les scientifiques ont participé à l'effort militaire, en vue d'abattre Hitler et sa folie barbare, mais il en est resté une guerre froide qui les a mis durablement mal à l'aise.
En matière alimentaire, des questions analogues se posent, car il est vrai que la science, en produisant des connaissances, n'a pas à juger de leur application, laquelle relève de la technique et de la technologie (les artisans, les industriels).

Bref, il y a tous ces groupes humains qui, en matière alimentaire tout au moins, s'ignorent souvent, se détestent parfois. Il y a des fantasmes dus à l'ignorance, et des réconciliations à opérer. Comment ? J'ai foi que la connaissance mutuelle des hommes et des femmes est un facteur essentiel de vie harmonieuse en société. J'ai foi en une certaine puissance réconciliatrice de la rationalité, de l'analyse. Ce que l'on pourrait résumer par le « De quoi s'agit-il ? » qui a été si bien mis en oeuvre par le photographe Henri Cartier-Bresson.
Commençons par un tableau, où les cinq publics précédemment évoqués seraient mis en relation groupe par groupe :

Groupe mis en relation avec groupe
Grand public
Artisans
Industrie
Enseignement
Scientifiques
Une case vide, c'est une invitation à la remplir : quel autre groupe devons-nous considérer ?
Grand public
Ici, il s'agit de croiser des sous groupes du grand public, toujours autour de l'aliment. Des débats ?
Le grand public peut découvrir le beau travail des artisans. Une façon de faire naître des vocations professionnelles, et, aussi, de bien montrer la vitalité du secteur français des métiers de bouche
Le grand public méconnaît son industrie, alors même que celle ci le nourrit ! Et qu'elle l'emploie, le fait vivre !
Pour lutter contre les craintes d'une « nourriture industrielle, ouvrons les usines au public, sans visée commerciale
Réconcilier le grand public avec l'enseignement : quelle belle tâche, alors que les enseignants ont noté les élèves, et ainsi créé une relation qui n'a pas toujours été parfaitement harmonieuse ? Dans un pôle « Science & Culture Alimentaire », la relation maître-élève disparaît, et l'enseignant devient l 'allié qui permet d'accéder à des savoirs utiles.
Le grand public ne connaît pas les sciences, et il les craint. Il est donc indispensable de lui montrer ce que font les scientifiques, au quotidien, comment ils travaillent, ce qui les préoccupe, quelle est leur mission !


Artisans
Les artisans méconnaissent parfois les besoins du public. Par exemple, les restaurateurs ne tiennent pas compte du fait que les jeunes générations ne sont pas prêtes à rester des heures à table. N'y a-t-il pas lieu d'innover ?
Les divers groupes n'ont pas toujours des relations parfaitement sereines. Quelles actions aurons-nous pour les réconcilier ?
Les artisans ont souvent des techniques artisanales... mais ne gagneraient-ils pas considérablement à s'équiper comme les professionnels, dans la mesure de leurs productions respectives ? L'industrie ayant des capacités de recherche technologique que l'artisanat n'a pas, on pourrait faire progresser l'artisanat en lui montrant les techniques de l'industrie
On l'a observé : il y a peu de formations continues pour l'artisanat. Ne pourrions-nous valoriser le monde éducatif en lui confiant des missions de formations contineus des artisans ?
Les artisans et la science ? Les rapports sont quasi nuls... alors que la science produit des connaissances qui, si elles sont mises en oeuvre par l'industrie, ne le sont pas par l'artisanat, alors que les besoins sont souvent les mêmes !


Industrie
L'industrie considère le public comme des consommateurs, mais ne devrions-nous pas plutôt comprendre que l'aliment, c'est d'abord du lien social ? On créera une industrie plus efficace si l'on comprend comment le citoyen se comporte, si on le considère plus comme un « amateur
L'industrie a des rapports compliqués avec l'artisanat, parce que, au moins en matière alimentaire, elle a souvent des contraintes (stabilité dans le temps, régularité...) qui l'empêchent de produire des aliments aussi signés, aussi... artisanaux. D'autre part, les artisans ont des savoirs traditionnels que les industries n'ont pas toujours su utiliser, ou mettre en oeuvre.
L'industrie et l'industrie ? Dans une région, c'est parfois le rôle des chambre de commerce et de l'industrie que d'organiser de telles réunions, ou des services de l'Etat. Mais, au fait, pourquoi tous ces services ne seraient-ils pas invités à oeuvre dans le cadre d'un programme régional cohérent, en vue de l'amélioration de l'alimentation ?
Industrie et enseignement ? Les rapports sont souvent bien tenus. Les enseignants sont des « consommateurs », et il est rare que l'industrie soit présente dans l'enseignement, alors qu'elle est pourvoyeuse d'emplois. Des industriels dans les classes ?
Oui, la science doit produire des connaissances, mais il n'est pas inutile que l'industrie vienne, non pas réclamer des travaux technologiques qu'elle doit faire elle-même, mais plutôt faire état de ses connaissances. En matière alimentaire, l'industrie a souvent des ressources que le monde scientifique n'a pas, des équipements, des méthodes...


Enseignements
Depuis les Hussards noirs de la République, les enseignants ont parfois abdiqué leur mission merveilleuse... mais cela est hors sujet. Ce qui demeure, c'est un mal être, qui a également correspondu avec la disparition de la cuisine à l'Ecole. La réintroductino de cette activité, avec le lien fondamental qu'elle crée, ne pourrait-elle signifier le début d'une réconciliation ?
Ici, la question est d'inviter les enseignants, de l'Ecole à l'Université, chez les artisans. Ne pourrions-nous rêver que des enseignants, avec leur savoir particulier, puissent aller interpréter les gestes artisanaux ? Les historiens, les géographes, les scientifiques... Nul doute que l'artisanat profiterait d'un tel ensemencement.
Les enseignants dans l'industrie : alors que les industries sont souvent hiérarchisées, et que la gestion de groupes est quotidiennes, n'aurait-on pas intérêt à bénéficier des compétences des enseignants pour éclairer des relations parfois difficiles ? Et puis, des enseignants dans les usines : ils auraient beaucoup à faire pour poursuivre la formation des personnels industriels.
Des enseignants chez les enseignants ? Ici, on peut rêver de décloisonner les divers niveaux, de l'Ecole à l'Université, en passsant par les Collèges et les Lycées. Tout cela autour du fait alimentaire.
D'ailleurs, à ce propos, il y a également lieu de croiser « horizontalement », à savoir, par exemple, l'enseignement professionnel culinaire et l'enseignement des lycées agricoles.
Des enseignants chez les scientifiques : indispensable pour dispenser un enseignement moderne, au fait des dernières avancées scientifiques !


Scientifiques
Les scientifique s oublient trop vite que les notions qu'ils manipulent ne sont pas comprises du public. Il faut le redire, par exemple : la notion de « molécules » n'est pas dans le public, malgré des enseignements des sciences dans les établissents scolaires. Alors les notions encore plus modernes ? Les scientifiques y gagneront à se frotter au public, au vrai public et non seulement à celui, très instruit, du voisinage de ses centres scientifiques
Les scientifiques chez les artisans. C'est la même question qu'avec le public.
Les scientifiques dans l'industrie ? C'est une présence indispensable pour que l'industrie sache comment elle peut produire de l'innovation, et, aussi, qu'elle comprenne bien les relations qu'elle peut entretenir avec la science. Ici, c'est le lieux de dire que, si l'industrie du médicament investit jusqu'à 15 pour cent de son chiffre d'affaire dans la recherche et la mise au point, l'industrie alimentaire, elle, n'en est qu'à 0,2 pour cent !
Des scientifiques dans les classes ? Ils doivent y aller s'ils veulent susciter des vocations et, aussi préparer une réconciliation du public prochain avec sa science.
Des scientifiques chez les scientifiques : tiens, je vous le donne en mille, à quoi cela pourrait-il servir ?

















Dans le tableau suivant, on a évoqué la question générale des groupes, et pas ciblé suffisamment sur le « fait alimentaire ». Toutefois, il revient au Comité exécutif et au Comité de pilotage du Pôle « science & culture alimentaire de Haute Normandie » de décliner le tableau, et, éventuellement, de l'étendre.
Conférences, portes ouvertes, visites de sites, concours, forums, enseignements, débats, sites internet, articles, émissions de radio ou de télévision... Tout est possible, et les comités en charge du Pôle Méandre culinaire disposent des ressources apportées par l'Etat (apport en industrie). Le cas échéant, il sera évidemment possible de chercher des ressources financières (apports en capitaux), pour des actions qui le nécessiteraient. Je n'ai pas besoin d'indiquer à ceux qui le savent déjà où se trouvent les sources de tels financements : dans l'industrie, dans l'artisanat, chez le public, chez les collectivités territoriales... proches (villages, villes, départements, région) ou éloignées (Europe...)

Je m'éloigne. Il me faut vous inviter à vous réjouir. Le Pôle Haute Normandie est créé, et j'ai rencontré des personnes très soucieuses d'oeuvrer pour le succès de ses actions. Je ne doute pas qu'elles réussiront à faire grandir la Haute Normandie du point de vue alimentaire, dans une harmonie régionale retrouvée. Quel bonheur !