mardi 31 octobre 2023

Nous vivons de façon schizophrène

 
Une publicité pour une crème dessert, couverte de crème chantilly, avec des éclats de sucre, des noisettes... Dessous, en lettres presque aussi grosses que celles de la publicité, un avertissement : « pour votre santé, évitez de manger gras, salé, sucré". 

 

A la réflexion, ce type d'objets, devenus familiers, est tout à fait extraordinaire. D'un côté, on nous engage à manger des bonnes choses, et, de l'autre, on nous dit que c'est très mauvais. Que faire ? 

 

On aura compris que je considère les lois hygiénistes comme médiocres, inutiles. On ne cesse de nous le dire, partout, qu'il faut éviter de manger gras, salé, sucré. Pourtant nous ne cessons de manger gras, salé, sucré. Pis encore : ce sont les groupes les plus pauvres de la population qui souffrent d'obésité, laquelle ne vient certainement par de l'odeur de la cuisine, mais bien plus d'une alimentation déséquilibrée (car il faut avouer qu'il coûte plus cher de cuire des petits pois que des pommes de terre, du riz ou des pâtes). 

 

Faut-il donc dépenser de l'énergie et de l'argent pour nous donner mauvaise conscience quand nous mangeons des bonnes choses ? Ou bien, serait-il plus avisé de faire une véritable éducation alimentaire, laquelle devra nécessairement s'effectuer dans les écoles ? 

On aura compris que je milite pour la deuxième option... en ajoutant que la morale qu'on nous fait sans cesse me fatigue. A des discours négatifs, je préférerais des discours positifs, encourageants, optimistes. A bas les pisse vinaigre ! A bas les lois inutiles ! Militons pour une éducation enjouée, expérimentale. Apprenons à manger dans le plaisir, et n'oublions pas, d'ailleurs, que la question est l'adéquation des prises alimentaires à l'exercice que nous faisons. Découvrons le monde merveilleux des aliments et de leur transformations culinaires. 

 

Tout cela existe, et a un nom : les Ateliers expérimentaux du goût (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/premier-degre/les-nouveaux-ateliers-experimentaux-du-gout), pour les écoles, et les Ateliers science & cuisine, pour les collèges et les lycées (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre) !

lundi 30 octobre 2023

On n'a pas assez enseigné la micro-chimie

 
Les travaux pratiques de chimie ? Il y en a autant de sortes que d'établissement... mais je m'étonne du résultat : sans sourciller, les étudiants qui ont été formés par ces séances utilisent des expériences qui utilisent des grammes ou des dizaines de grammes de réactifs, et des centaines de grammes de solvants. Tout cela est très fautif ! 

En quoi ? D’abord, les réactifs coûtent parfois extraordinairement chers, de sorte qu'il y a une indécence économique à procéder sur de telles quantités. 

D'autre part, les solvant doivent être recyclés, ou jetés, ce qui pose des problèmes de pollution, mais, aussi, ils exposent les expérimentateurs à des vapeurs dangereuses, d'autant plus dangereuses que les volumes de solvant ont été grands. 

Et puis il y a le risque d'explosion et d'intoxication, toujours présent, et qu'il faut réduire autant que possible : alors qu'un milligramme de produit ferait une explosion anodine, un gramme suffit à endommager un bâtiment, à mettre des vies en danger ! 

 

Il est donc tout à fait anormal de faire des expériences qui utilisent des quantités de produit du même ordre de grandeur que celle qui sont utilisées lors de trop nombreux travaux pratiques. Des travaux pratiques qui font manipuler des quantités de l'ordre du gramme sont de la mauvaise formation, en plus des risques que l'on fait courir aux étudiants. 

Bien sûr, on peut choisir des expériences pour lesquelles le danger est limité, mais elles ne préparent alors pas aux véritables travaux de chimie. 

Dans la vraie vie, dans la vraie vie scientifique au quotidien, on ne manipule pas de telles quantités, et si les étudiants n'ont pas appris à manipuler de très petites quantités, alors ils ne sont pas préparés. 

Une des raisons pour lesquelles la chimie physique s'est dotée d'appareils d'analyse capables d'identifier les produits en très petite quantités est précisément la nécessité de réduire les quantités à utiliser lors des expériences. La conclusion s'impose : les enseignants de chimie ou de chimie physique ne doivent pas proposer aux étudiants en travaux pratiques d'utiliser des quantités notables de produits ou de solvant. Évidemment, au lieu de dénoncer des fautes, nous ferions mieux d'encourager la communauté tout entière à apprendre la microchimie aux étudiants. Cela passe par une rénovation des matériels, car il est vrai que les ballons où l'on manipule des milligrammes sont bien différents de ceux où l'on manipule des grammes. Dans les laboratoire de chimie, chassons les verreries susceptibles de contenir plus que quelques grammes au total !

Science ou technologie ? Le "ou" n'est pas exclusif !

 
Dans The Analytical Chemist, le physico-chimiste George Whiteside discute la question de la science et de la technologie, avec un intérêt manifeste pour cette dernière. 

En substance, il dit qu'il a fait de la science, mais que la technologie est bien mieux. Il veut ainsi faire entendre un goût personnel, qui rejoint celui qu'avait le chimiste allemand Justus von Liebig, quand il programma l'enseignement de la chimie en Allemagne (ce qui est devenu une force nationale), au tournant du XIXe siècle. Liebig, alors, n'avait pas de mots assez durs contre la science, parce qu'il voulait promouvoir la technique et la technologie. Avait-il raison ? De promouvoir technique et technologie, sans doute, mais fallait-il rabaisser la science pour autant ? Politiquement, il fut habile, mais intellectuellement, l'usage de l'argument d'autorité était bien faible ! 

« Autorité », le mot est lâché : pour Whiteside comme pour Liebig, l'argument d'autorité est mis en avant : « puisque je suis si bon, écoutez ce que je vous dis ». 

Et, pour revenir à la question, puisque l'autorité ne doit être en rien dans nos choix, y a-t-il lieu de choisir entre science et technologie ? Certains peuvent faire de la science, parce que c'est la base de ce qui nous fait humain. Certains peuvent faire de la technologie, parce que c'est... la base de ce qui nous fait humain. Assez de pensée unique ! Assez d'alternatives inutiles, assez de mauvaise foi, arguments justifiant des choix personnels et qui voudraient imposer aux autres des chemins souvent décidés de façon très conjecturale. Je ne dis pas que Whiteside n'a pas réussi dans son domaine, au contraire, et j'ai souvenir de merveilleux travaux qu'il a faits, un des plus extraordinaire ayant consisté « à cracher dans la soupe ». 

J'explique. Les fullérènes sont des molécules faites uniquement d'atomes de carbone, en forme de ballon de football ou de tubes grillagés. Ces molécules sont insolubles dans l'eau, mais Whiteside a utilisé de l'amidon pour solubiliser les fullérènes. L'amylose mis avec les fullérènes dans un bac à ultrasons conduit à l'enroulement en hélice de l'amylose autour des fullérènes et à la mise en solution de l'ensemble, grâce aux nombreux groupes hydroxyle (-OH) de l'amylose. Ultérieurement, quand on crache dans la solution, la salive apporte des enzymes nommées amylases, qui, coupant progressivement les molécules d'amylose, libèrent progressivement les fullérènes. On imagine que l'on puisse faire ainsi avec des composés odorants. 

 

Concluons : j'ai beaucoup d'admiration pour certains travaux de G. Whiteside, mais je crois qu'il a tort d'opposer science et technologie : il faut les deux, pour que les deux se développent harmonieusement.

Vive la technologie !

La loi n'est pas la fin de la science

 
L'avantage, quand on est « insuffisant », c'est que l'on a la possibilité de s'améliorer. L'avantage, quand on n'a pas de maître, c'est que, certes, on fait des erreurs qu'il nous aurait peut être évitées, mais que, si l'on traque le « symptôme », on peut progresser. 

 

Je me souviens ainsi d'un jour où je lisais un manuscrit d'article scientifique qu'une revue m'avait demandé de « rapporter ». Je lisais donc d'abord l'introduction, m'assurant que la question posée était claire, que la bibliographie avait été bien faite. Puis je regardais attentivement la partie « Matériels et méthodes », afin de m'assurer que les informations étaient suffisantes, que toutes les précautions méthodologiques avaient été bien prises par les auteurs. Je passais aux résultats, et m'assurais que rien d'exagéré n'était produit, que les résultats correspondaient donc bien aux méthodes mises en œuvre, que le traitement statistique était bien fait. Puis je lus la discussion, pour voir si tout était cohérent. Tout allait bien. Certes, il y avait des détails à corriger, mais rien de bien grave... sauf que je trouvais l'article médiocre. 

Logiquement, j'aurais dû dire à l'éditeur que l'article était acceptable, mais quelque chose me retenait. Quoi ? Je ne savais pas. De sorte que je décidais de lire une fois de plus, et je ne retrouvais que bien peu de choses supplémentaires à corriger. Je mis le manuscrit dans mon cartable, et décidai de laisser passer la nuit. Le lendemain matin, dans l'autobus, je le sortis de mon cartable, je le relus... et tout s'éclaira ! Les auteurs avaient caractérisé un phénomène, et ils n'avaient en réalité pas considéré les mécanismes compatibles avec les lois qu'ils avaient dégagées ! Ce n'était donc pas un travail scientifique, en quelque sorte, mais seulement une étape sur le chemin scientifique. 

A la réflexion, ma réaction était injuste* : tout ce qui figure sur le chemin de la science (observation de phénomènes, caractérisation quantitative, réunion des mesures en lois synthétiques, recherche de mécanismes, prévision théorique, test expérimental de ces prévisions) est un bout de science, et mérite donc publication, parce que cela fait avancer le travail. 

 

 

* En réalité, pas complètement : ajuster des données par une fonction, comme les auteurs l'avaient fait, nécessite d'avoir une raison de choisir cette fonction particulière !

samedi 28 octobre 2023

Du sucre avec de la farine


C'était une expérience que je faisais en public, lors de mes conférences, il y a une vingtaine d'années : si l'on verse une cuillerée de farine dans de l'eau bouillante, alors se forment des grumeaux. Si l'on s'y prend bien, on peut obtenir, par exemple, un gros grumeau de un ou deux centimètres de diamètre. Si on le sort à l'aide d'une cuiller, on peut le poser sur le plan de travail et le couper par le milieu : on voit alors un cœur de farine sèche, entourée d'une « coque » gélifiée, de farine « empesée ».

 

Répétons l'expérience, en mêlant une bonne proportion (environ un tiers) de sucre en poudre à la farine, avant de laisser tomber d'un coup le contenu d'une cuiller dans de l'eau bouillante : cette fois, aucun grumeau n'apparaît. Pourquoi ? 

 

Je faisais cette expérience pour expliquer ce qu'est la théorie de la percolation, dont le physicien français Pierre-Gilles de Gennes (1932-2007, prix Nobel de physique en 1991) fut un des pionniers. Pour comprendre la chose, commençons par examiner le percolateur du bistrot d'à côté : on tasse de la poudre de café dans le porte filtre, puis on envoie de l'eau sous pression. L'eau chemine entre les grains, dans le porte filtre... puis, soudain, une première goutte tombe dans la tasse : c'est le « seuil de percolation ». 

Modélisons cela avec un grillage que l'on relie en série à une pile et à une ampoule. Le courant passe, et la lampe est allumée. Puis imaginons un petit diable qui coupe des brins du grillage au hasard. Le courant continue de passer... Puis viendra un moment où l'ampoule s'éteindra, parce qu'il n'y aura plus de chemin conducteur continu, entre le haut et le bas du grillage. Ce sera le seuil de percolation. 

La même idée s'applique à la description des épidémies. Supposons un marin qui arrive en Bretagne avec une maladie, et supposons que la probabilité de contagion soit élevée : la maladie se propagera d'un bout à l'autre de la France. En revanche, avec une probabilité de contagion inférieure, on pourra éviter l'épidémie. Là encore, il y a un « seuil de percolation » (sous entendu : de la maladie dans le pays). 

 

On le voit, cette description est très générale, et Pierre-Gilles fut un de ceux qui calculèrent les caractéristiques de réseaux variés. Revenons à notre farine et à notre sucre : la gélification de la farine, la formation d'un gel, peut se décrire par la théorie de la percolation. Pour faire un grumeau, il faut que les grains voisins se lient. En revanche, si l'on a ajouté suffisamment de sucre, alors les grains voisins seront séparés par le sucre, et ils s'empèseront de façon isolée, ce qui fera une suspension de micro-grumeaux, comme un « velouté ». Et c'est ainsi que la chimie physique est une science merveilleuse !

dimanche 22 octobre 2023

Vous croyez savoir ce qu'est un fumet de poisson ?

 
Hier, j'ai voulu savoir ce qu'est vraiment qu'un fumet de poisson, car si je sais ce que c'est pour certains cuisiniers modernes, je me méfie d'un détournement des terminologies. Après tout, n'entend-on pas des ignorants parler de "pâté en croûte" (un pléonasme que j'aurais honte de faire), désigner les terrines de campagne sous le nom de pâté de campagne, croire que les tartes à la Bourdaloue sont aux poires, alors qu'il s'agit simplement de mettre un ruban de pâte ?

Bref, je ne sors jamais plus ignorant de la consultation des livres de cuisine anciens et c'est la raison pour laquelle je fais mes billets terminologiques toutes les semaines dans les Nouvelles Gastronomiques, à la recherche de la première désignation d'un mets... car c'est celle-là qui doit faire jurisprudence.

Et c'est ainsi qu'à propos des fumets de poisson, j'ai fait une belle découverte. Commençons par des recettes de fumet de poisson qui datent de la première moitié du 20e siècle  :  on y trouve effectivement quasiment nos recettes actuelles, mais avec des indications qui peuvent déjà nous surprendre.
Par exemple, alors que certains cuisiniers modernes disent que le fumet de poisson ne doit jamais cuire plus de 20 minutes, de grands anciens proposent de cuire une heure et demie... et, de fait, un séminaire de gastronomie moléculaire que nous avions organisé à ce propos avait montré qu'on avait plus de goût après 40 minutes de cuisson, et pas cette amertume qui avait été prétendue.
D'autre part, alors qu'on nous dit qu'il ne faut pas broyer les arêtes de poisson sans quoi nous aurions de l'amertume, je trouve sous la plume de très grands cuisiniers du passé l'indication de broyer les arrêtes de poisson.

J'avais donc bien raison de m'étonner et d'organiser ces séminaires vers lesquels je vous renvoie.
Mais le plus intéressant est à venir  : avant 1900, je ne trouve plus de fumet de poisson. Je vois des fumets de perdreaux, de faisan, et cetera, mais pas de poisson. Et quand je cherche la constitution de sauces pour poisson, alors je vois que c'est le liquide de cuisson des poissons qui était utilisé, et non pas les arêtes pour un fumet.

Je dois conclure que le fumet de poisson est une invention moderne de la cuisine. C'est une valorisation intéressante, utile puisqu'elle permet de produire des mets à partir de ce qui serait jeté. Manifestement, il y a lieu le dégorger les arêtes, de bien les débarrasser de toutes les parties sanguinolents, et certains proposent de retirer les yeux et les ouïes. A ce jour, j'ignore si cela fait le moindre changement, tout comme j'ignore s'il est utile de faire dégorger pendant une heure mais je me réserve le test de ces idées pour des séminaires ultérieurs.

samedi 21 octobre 2023

Pour avoir le goût de l'aïoli sans en avoir les inconvénients

Une soupe de poisson avec un bon aïoli, c'est quand même un bonheur extraordinaire, sans compter que c'est un plat vraiment très bon marché.

Hier, j'ai fait une soupe de poisson à partir d'un grondin, d'arêtes de truites qui me restaient,  d'une tomate, d'une carotte, d'un oignon et d'un peu d'eau.

Le tout a été cuit pendant une demi-heure à couvert et j'ai ensuite mixé finement avant de passer.

Avec un soupçon de paprika, du sel et du poivre, un peu de piment de Cayenne, le tour était joué.

Pas d'ail dans l'affaire ? Non car je voulais faire un aïoli, cette sauce émulsionnée qui se prépare à partir d'ail et d'huile d'olive.

La recette classique consiste à piler l'ail avec l'huile et on obtient effectivement une émulsion, mais cette dernière a une puissance gustative terrible et on la sent passer ! Aussi je procède maintenant différemment : j'ai cuit des gousses d'ail entières dans la soupe de poisson pendant 15 bonnes minutes et, après qu'elles avaient été ainsi "blanchie, qu'elles avaient donné leur goût à la soupe, un goût d'ailleurs que la poursuite de la cuisson avait acclimater, j'ai mixé mes gousses d'ail avec du concentré de tomate, un peu de piment et de l'huile d'olive. J'ai alors obtenu une émulsion très lisse, souple, absolument délicieuse, qui gardait ce côté fascinant des purées d'ail, mais en étant tiré du côté de la tomate. Déposée sur des tartines grillées consommées avec le potage, c'était le bonheur.

vendredi 20 octobre 2023

Il y a de la pâtisserie toute simple et délicieuse.


Vous avez des hésitations à propos de pâtisserie, et vous pensez que cela requiert de la précision ? Lancez-vous sans hésiter avec la recette qui suit.

Prenez 3 œufs et séparez le jaune et le blanc. Dans les jaunes, ajoutez un volume de sucre à peu près égal à celui des jaunes, et fouettez : vous observerez que le mélange blanchit. Continuez de fouetter jusqu'à ce que la préparation soit très lisse, tous les grains de sucre s'étant dissous dans l'eau des jaunes.  

Une fois que cela est fait, préoccupez-vous des blancs d'œufs :  fouettez-le avec un fouet bien propre, afin d'obtenir des blancs en neige que vous pourrez "serrer" en continuant de les battre après avoir ajouté une ou deux cuillerée à soupe de sucre.

Vous avez maintenant vos deux masses foisonnées :  les jaunes blanchis (on dit que ça cela fait le ruban) et les blancs montés.

Dans les jaunes, ajoutez une ou deux cuillerées à soupe de poudre d'amande, une cuillerée de farine, une goutte d'extrait d'amande amère, et mélangez juste ce qu'il faut pour que l'ensemble devienne un peu homogène.

Puis ajoutez cette préparation aux blancs battus en neige sans travailler trop. Cette fois, vous obtenez une masse un peu homogène qu'il vous suffit de mettre dans un moule et de cuire pendant 30 minutes à 180 degrés.

En fin de cuisson, laissez refroidir dans le moule avant de démouler, puis divisez le gâteau en deux par une découpe horizontale, mouillez le biscuit obtenu de quelques gouttes de calva et farcissez l'intérieur avec de la compote de pommes.

Refermez le gâteau et par-dessus, déposez de compote de pomme et de  la crème fouettée.

Le tour est joué et le temps de travail est véritablement réduit au minimum. La difficulté ? Il n'y en a pas. Les proportions ? On dit parfois que la pâtisserie doit être quasiment mathématique, mais je vous assure que quand je fais la recette, je n'ai aucun besoin d'une balance et que les indications que j'ai données précédemment suffisent amplement.

jeudi 19 octobre 2023

Les Hautes Etudes de la Gastronomie : elles continuent de recevoir des auditeurs, année après année

Je m'en veux un peu de ne pas avoir fait plus souvent état, ici, de l'Institut des Hautes Etudes de la Gastronomie, que j'ai contribué à créer en 2004. 

L'idée est simple : s'il y a des intellectuels français qui attirent des auditeurs étrangers, nous gagnons tous, intellectuels ou auditeurs, à ce que les "enseignements" soient regroupés, car un bouquet peut être plus beau qu'une fleur isolée. 

Contrairement à d'autres institutions d'enseignement gastronomique, nous ne voulons pas "remplir des cases d'un programme", avec des matières à traiter, fut-ce par des moins bons, mais seulement livrer la quintessence de la réflexion en matière gastronomique... dont je rappelle la définition : la gastronomie est la connaissance de tout ce qui se rapporte à l'être humain qui se nourrit. 

Et à ce titre, sont convoquées les sciences de la nature, les sciences de l'humain et de la société, la technologie, la technique, l'art... 

De fait, c'est un extraordinaire bouquet que nous ne cessons de perfectionner, année après année. En pratique : les auditeurs s'inscrivent (petites promotions d'une trentaine de personne maximum) et ils viennent deux semaines en France (une semaine à Paris, une semaine à Reims), pour une série de cours à la pédagogie modernisée, mêlant du pratique au théorique. 

Cela coûte de l'argent, bien sûr, mais les auditeurs sont nourris, logés, et surtout, ils sont exposés à des esprits parmi les plus beaux. 

Pour avoir une idée du programme, mis en oeuvre par l'Université de Reims Champagne Ardennes et le Cordon bleu, voir : [http://www.heg-gastronomy.com/en/->http://www.heg-gastronomy.com/en/] 

Mais ces Hautes Etudes de la Gastronomie ont évidemment une relation avec le Centre International de Gastronomie moléculaire, puisque je suis le président du Comité pédagogique de l'Institut... et que vous pouvez compter sur moi pour que je me préoccupe très précisément de tout ce qui s'y passe !

mercredi 18 octobre 2023

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?

 
Quand on effectue des travaux scientifiques, la question posée en titre s'impose à nous à chaque instant. 

Un exemple récent : un étudiant en stage au laboratoire devait utiliser de l'acétaldéhyde pour une expérience. Il avait prévu de peser une certaine quantité d'acétaldéhyde, de la mêler à une certaine quantité d'eau en vue d'une expérience ultérieure. Tout cela semble bien anodin, mais quand on manipule des quantités aussi petites que des milligrammes, ce qui est à peine pesable sur des balances de grande précision, tout se complique. 

En particulier, notre ami ignorait que l'acétaldéhyde peut s'évaporer, de sorte que la quantité finalement présente au cours de l'expérience pouvait différer notablement de celle qu'il voulait utiliser. 

Je lui ai donc conseillé de faire une expérience préalable, qui consistait à poser un verre de montre sur une balance de précision, à déposer une goutte d'acétaldéhyde, et à peser à intervalles réguliers. 

A ce stade, on voit déjà qu'une certaine culture s'impose, pour faire l'expérience : qui ignore que l'acétaldéhyde s'évapore rapidement, surtout en été, quand il fait chaud dans le laboratoire, n'aurait pas eu l'idée d'aller faire cette expérience préliminaire. Bien sûr, une bonne méthodologie peut nous aider. 

Par exemple l'emploi de l'acétaldéhyde doit être précédé de la lecture des fiches de sécurité lesquelles ne montrent pas de toxicité particulière, mais signalent les inflammabilités, des pressions de vapeur saturante, etc. 

Une lecture critique de ces données aurait pu faire penser que l'acétaldéhyde s'évaporait, et qu'il valait donc mieux en suivre l'évaporation, afin, ultérieurement , de connaître les phénomènes pouvant survenir lors de l'expérience. L'étudiant fit donc l'expérience, et, consciencieusement, il releva les masses au cours du temps. Pourtant, tout était faux, encore une fois par ignorance (j'insiste : ce n'est pas une faute, seulement une caractéristique universelle que nous pouvons nous efforcer de combattre) : voulant bien faire, il utilisa une balance placée sous une hotte aspirante, afin d'éviter la toxicité de ce composé organique. 

Toutefois les balances de précision sont très sensibles aux courants d'air, et celle-ci étant placée dans un courant d'air constant, elle marquait une valeur constamment fausse. Notre ami aurait été alerté si la balance avait divagué... mis elle divaguait de façon invisible. Il fallait arrêter l'aspiration pendant la mesure, et la réarmer juste après. Toutes précautions prises, notre ami observa une diminution rapide de la masse, dans un premier temps, avant une diminution plus lente. Il se mit à imaginer mille phénomènes compliqués... omettant la possibilité que le petit volume enclos dans la balance (il y a des portes en verre que l'on ferme pour éviter les courants d'air) pouvait se saturer de vapeur d'acétaldéhyde. Une fois la pression de vapeur saturante établie, l'évaporation devait ralentir, le liquide étant en équilibre avec la vapeur. Autrement dit, notre ami ne mesurait pas l'évaporation libre de l'acétaldéhyde, mais plutôt l’établissement de l'équilibre entre le liquide et la vapeur. Il aurait fallu garder la balance ouverte, afin que les vapeurs soient éliminées, et, mieux, utiliser un léger courant d'air pour entraîner les vapeurs afin qu'elles ne modifient pas l'évaporation. Cette fois, notre ami aurait-il pu dénicher le diable caché dans les détails expérimentaux ? Là encore, il fallait connaître la pression de vapeur saturante, et analyser le système. L'analyse n'est pas le plus difficile pour un esprit clair, mais la connaissance de pression de vapeur saturante s'invente difficilement, et, surtout, elle aurait imposé de retracer le chemin de nombreux grands scientifiques du passé. L’enseignement scientifique sert précisément à cela : nous mettre, nains, sur les épaules de géants. Finalement, la question « quelle est la question à la quelle je ne pense pas », est une question terrible, puisqu'elle nous renvoie à notre culture scientifique, puisqu'elle nous dit que nous ferions bien de ne rien ignorer des travaux de ceux qui nous ont précédés. Nous pouvons avoir confiance dans notre esprit analytique, mais cela est insuffisant, et nous serions bien avisés de compter sur les forces de la collectivité, celle de notre temps comme celle du passé, celle des différents laboratoires du monde, pour parvenir à des expérimentations fiables. Dans les publications scientifiques, le rôle des rapporteurs est essentiel, puisqu'il permet parfois de pointer ainsi les taches aveugles que nous avions. Bien sûr, nous avons intérêt à grandir, mais pourquoi nous priver du bonheur de collaborer avec des collègues remarquables ?

lundi 16 octobre 2023

Pour une tarte à l'oignon, quelle recette ?

 Continuons de combattre la notion de recette, au moins pour la partie technique, avec la question de la confection d'une tarte à l'oignon, Zewelkuacha en alsacien. Le projet : montrer qu'une recette ne sert à rien quand on a quelque chose entre les deux oreilles, et que l'on décide de s'en servir. 

Une tarte à l'oignon ? Comme pour la quiche, déjà évoquée, il y a la pâte, d'une part, et la garniture, d'autre part. Pour la pâte, il est si simple de mêler de la farine, du beurre, de l'eau, que nous considérerons ici la garniture. On sait qu'elle doit contenir des oignons... et j'ai vu des tartes à l'oignons qui se limitaient à des oignons émincés posés sur la pâte, et qui cuisaient pendant la cuisson de la pâte, soit environ 30 minutes à la température de 180°C. Toutefois la tarte à l'oignon alsacienne est bien plus « gourmande » : sa garniture contient aussi de l'oeuf, du lard fumé et de la crème. Combien de chaque ? Avec de l'oeuf entier, la garniture est bien dure ; mais avec trop de crème, elle ne se tient plus, et s'écoule quand on coupe les parts. 

C'est donc cela qu'il faut régler : la proportion de crème et d'oeuf. On observera que, dans ce raisonnement, je ne considère pas la quantité d'oignons : c'est que ces objets solides sont... solides. Si quelque chose coule, c'est le liquide (initial) qui est entre les morceaux d'oignons. 

Analysons donc : l'oeuf, c'est, au premier ordre, de l'eau et des protéines (10 pour cent pour le blanc, 15 pour cent pour le jaune) ; la crème, c'est de la matière grasse liquide dispersée dans de l'eau (pensons un tiers de matière grasse pour deux tiers d'eau). 

Enfin, pour simplifier, il faut entre un et cinq pour cent de protéines au minimum pour assurer la gélification d'un liquide. Autrement dit, on peut allonger l'oeuf de une à cinq fois, avec la crème, pour conserver un liquide qui prendra en masse à la cuisson. Plus exactement, j'ai fait l'expérience, il y a plus de quinze ans, d'explorer la gélification éventuelle de liquide avec de l'oeuf battu, en concentrations décroissantes, et j'ai alors montré qu'un œuf permettait d'obtenir la gélification de 0,7 litres de liquide, au maximum. 

Finalement, combien d'oeuf et de crème ? Comme vous le voudrez, mais dans la limite qui est ainsi donnée. Et puis, tant que nous y sommes, on peut faire mieux : par exemple, faites revenir les oignons à feu très doux et à couvert, dans du beurre et un peu d'eau, pendant très longtemps (par exemple une heure), par avance : les oignons vont « fondre », disons plus justement qu'ils s'amollissent, parce que le ciment intercellulaire, des « parois végétales », sera dégradé par l'élimination bêta des pectines par exemple, faites revenir le lard, pour augmenter son goût par exemple, n'oubliez pas une pincée de noix muscade Bref, une recette : pourquoi faire ?


dimanche 15 octobre 2023

Dans les billets à destination de ceux qui n'ont jamais cuisiné de leur vie, voici maintenant comment faire du poulet rôti.

 


Faire un poulet rôti ? Il s'agit donc d'abord d'avoir un poulet.

Pour le choix de ce derniers, il faudrait un document tout entier, mais soyons simple : achetons un poulet et apportons-le chez nous.

La question, c'est de rôtir et, là, les gourmands s'étripent pour savoir s'il faut le faire à la rôtissoire ou s'il est légitime de nommer "rôti" un poulet qui est cuit dans un four.
En effet, dans un cas, ce sont les rayonnements infrarouges qui cuisent la viande, mais, dans l'autre cas, c'est l'air chaud du four.
Pour commencer, nous rôtirons avec de l'air chaud même, si le terme de rôtissage est alors un peu usurpé.

On fera l'hypothèse que le poulet a été plumé, qu'il ne reste plus de reste de plume dessus, auquel cas il faudrait les flamber (la flamme d'un briquet suffit), et on se limitera à le mettre dans un plat qui va au four. On aura salé le poulet à l'intérieur, et si l'on a du romarin, par exemple, on en fera un lit sur lequel le poulet reposera.
Si l'on a du thym, on pourra en mettre à l'intérieur du poulet. Et l'on peut ajouter  une tête d'ail dans le plat qui ira au four (sans éplucher).

L'ensemble sera enfourné, et l'on cuira  par exemple à 200 degrés,  jusqu'à ce que l'on voit la surface du poulet brunir.

Pour faire un peu mieux, on pourra commencer en mettant le poulet sur le dos jusqu'à ce que l'on voit cette partie brunir  ; puis on retournera le poulet pour que la peau au-dessus des deux suprêmes et des cuisses soient également brunie.

Au total, on pourra compter environ 40 minutes, à raison de 20 minutes de chaque côté.
Et si  le brunissement n'apparaît pas, on peut très bien terminer la cuisson en allumant le grill et en mettant le poulet dessous jusqu'à ce qu'il soit bruni de la couleur que l'on souhaite.

À la sortie de la cuisson, il y a certainement du jus dans le plat. On le dégraisse ou pas selon ce que l'on souhaite.

Avec quoi servir ce poulet rôti ? Je vous propose, pendant la cuisson, de peler des pommes de terre, de les couper en très petit dés, disons un tout petit peu moins d'un centimètre de côté, et de les étaler sur une plaque à four avec de l'oignon et de l'ail émincé. On verse un peu du gras du poulet dessus et l'on met juste sous le grill, que l'on allume alors.
On a donc, dans le four,  le poulet qui repose au chaud, qui se détend, et la plaque avec des pommes de terre juste sous le grill. Il suffira alors de quelques minutes pour que les pommes de terre brunissent  : elles seront alors cuites car elles sont très petites et l'on servira alors le poulet avec les pommes de terre


samedi 14 octobre 2023

Ne cherchons pas les causes de faits qui n'existent pas.

 
Un ami m'envoie une précision culinaire à propos d’aïoli : les aïolis monteraient mieux quand on utilise de l'huile d'olive de l'année précédente. 

Pourquoi cette pratique, m'interroge-t-il ? On sait qu'un torchon rouge agité devant un taureau conduit ce dernier à charge, mais, cette fois, résistons. Résistons, car les précisions culinaires sont loin d'être toutes justes, et des décennies de travail m'ont montré qu'il vaut mieux être prudent. 

Ce serait naïf que d'aller chercher la cause d'un effet qui n'existe pas. L'aïoli ? C'est une sauce qui se compose exclusivement d'ail et d'huile d'olive. Pas de moutarde, sans quoi on produit une rémoulade ; pas de jaune d'oeuf, sans quoi on produit une mayonnaise à l'ail. Pour faire un aïoli, on prenait jadis un mortier, des gousses d'ail, et l'on produisait d'abord une pâte à l'aide d'un pilon actionné répétitivement. Puis, toujours en pilant, on ajoutait de l'huile goutte à goutte et l'on s'arrêtait en quand la sauce avait pris une consistance de pommade. Pourquoi cette transformation ? Parce que les gousses d'ail contiennent de l'eau pour plus de moitié, mais aussi des composés variés tels que les phospholipides des membranes, des protéines... Quand on ajoute de l'huile d'olive en pilant, le pilon divise les gouttes d'huile en microgouttelettes qui sont dispersées dans l'eau, les composés tensioactifs favorisant l'émulsion. 

Finalement on obtient une émulsion très concentrée en huile, comme le serait une mayonnaise, par exemple, et le fait que les gouttes d'huile soient tassées les unes contre les autres prévient leur mouvement, et donc l'écoulement de la sauce. 

La qualité de l'huile, dans cette affaire ? On peut bien sûr imaginer que le vieillissement de l'huile d'olive conduise à l'apparition de composés tensioactifs ou de composés qui stabiliseraient les émulsions par divers phénomènes. Toutefois il y a tous les tensioactifs qu'il faut dans l'ail utilisé, à condition que l'on ait bien désagrégé les gousses, et les cellules qui composent ces dernières. On pourrait avoir le même phénomène que pour la tapenade, avec les mixers modernes : si l'on se contente de séparer les cellules, et non pas de les désagréger, ce qui libère leurs composés, alors on peut avoir des problèmes. Toutefois, si l'on a bien fait une pâte avec l'ail, le risque est faible. Surtout, je propose d'interpréter. Je propose d'interpréter en observant que, comme pour la tapenade d'ailleurs, quand le travail de l'ail est insuffisant, la sauce peut rater. 

Or mes études m'ont montré que les préparations qui ratent suscitent généralement plus de précisions culinaires que les autres. Le praticien se met alors à imaginer toutes les causes possibles : les règles féminines, la température, l'influence de la lune... ou la qualité de l'huile ! Il en va là de la pensée magique (voir <em>Les précisions culinaires</em>, Editions Quae/Belin), et la gastronomie moléculaire vient fort heureusement nous aider à mieux comprendre, au lieu de nous laisser en compagnie des démons. Pour l’aïoli, ne prenons pas nécessairement une huile ancienne, peut-être rancie, et privilégions des huiles dont nous choisirons d'abord le goût.

vendredi 13 octobre 2023

Cuisons des cannelés

 
Les cannelés ? Rien de plus simple, et il serait d'ailleurs erroné de croire que ces produits sont l'apanage du Bordelais, car ils existent en Angleterre sous le nom Durham popover. 

Ils s'apparentent aux soufflés, puisque c'est une préparation qui gonfle, mais, contrairement aux soufflés, ils restent gonflés après la cuisson, de sorte qu'ils s'apparentent également aux gâteaux... dont certains gonflent également. 

 

Ils gonflent ? Oui, ils gonflent, car ils contiennent beaucoup d'eau, et que les conditions de cuisson font évaporer une partie de cette dernière, ce qui engendre un grand volume de vapeur. 

 

Mais commençons par une recette, puisque c'est tout simple. Dans un cul de poule, plaçons du lait (c'est de l'eau qui est du goût, description qui conduit immédiatement à imaginer des dérivés de la préparation, si l'on remplace le lait par du jus de fruits, du thé, du café, etc.) avec de la farine et de l'oeuf. La farine apporte des grains d'amidon, qui empèseront durant la cuisson et feront une architecture molle, qui stabilisera la préparation. L'oeuf apporte également de l'eau, et aussi des protéines qui coaguleront, rigidifiant la préparation. On mélange les trois ingrédients afin d'obtenir une pâte mollette, puis on dépose quelques dizaines de grammes de cette préparation dans un moule, et l'on cuit à une température supérieure à 100 degrés. 

Ainsi le moule, surtout s'il est de métal et conduit bien la chaleur, provoque l'évaporation de l'eau, si bien que la préparation gonfle jusqu'à ce que les protéines coagulent et figent le volume. Finalement on récupère une préparation molle, coagulée, alvéolée, avec un bon goût d’œuf, et de tous les ingrédients que l'on utilisés, tels la vanilline, le sucre, le rhum, etc. 

Si la cuisson s'est bien passée (elle dure jusqu'à une heure), le produit a une légère croûte croustillante, et si la préparation était sucrée, alors, mieux, le cannelé est légèrement caramélisé, donc coloré et de haut goût. Dans cette préparation, l'important est sans doute le rapport de la partie de croûte et de la partie moelleuse du cœur. Je vous invite, si vous n'avez pas déjà fait, à visionner le film où l'on voit le cuisinier français Michel Bras régler au millimètre la taille du noyau de chocolat de ses célèbres coulants. Ils ont été souvent copiés, mais le savoir-faire du grand artiste dépasse largement l'idée de mettre un noyau qui fond dans un biscuit au chocolat : il y a d'abord la question du goût, et, aussi, le soin infini que le grand artiste a mis dans tous les détails, à commencer par celui de la taille exacte des diverses parties de son gâteau. Pour les cannelés, et pour bien des préparations analogues, la question de la taille, la question du rapport croûte-coeur, la question du moelleux, fixé à la fois par la quantité d'eau et par la cuisson, la question du goût... Tout compte !

jeudi 12 octobre 2023

Pourquoi je ne veux plus mesurer de volumes

 
Il y a environ 15 ans, j'ai voulu un jour faire l'expérience de ma vie, une expérience parfaitement réalisée en vue d'obtenir des résultats aussi précis que possible, en l'occurrence pour des analyses par spectrofluorimétrie, méthode merveilleuse parce qu'elle permet de doser de très petites quantités de composés fluorescents. Pour mes expériences, je devais préparer des solutions dans l'éthanol, et j'avais donc tout planifié pour une expérience qui devait durer environ une journée. 

A l'époque, j'étais, comme le sont la majorité des étudiants, influencé par l'emploi de ce paramètre qu'est la concentration des solutions : la concentration est le plus souvent une quantité qui s'exprime en moles par litre. De ce fait, j'avais le sentiment qu'il me fallait des masses de soluté bien connues, ce qui s'obtient avec une balance de précision, et des volumes de solution aussi précisément connus que possible. J'avais donc pris une fiole jaugée, dont j'avais contrôlé le certificat, et j'avais placé de l'éthanol dans la fiole avec un soin tout particulier. La solution étant préparée, il me restait maintenant à l'analyser par fluorimétrie, de sorte que je quittais la pièce de préparation des échantillons pour gagner la pièce où était installée le fluorimètre. 

Là, il y eut un appel téléphonique, de sortes que je laissai ma fiole sur la paillasse. Il n'y avait pas de risque : elle était convenablement fermé. Le coup de téléphone terminé, je me retournai donc pour prendre la fiole et... le niveau de liquide était descendu d'environ 1 centimètre ! La solution s'était elle évaporée ? Je vérifiais l'étanchéité, mais, surtout, je décidais de recommencer la solution, clé de mon expérience. Je repartais donc pour la pièce de préparation de ma solution, et réunissais à nouveau les ingrédients nécessaires. Coup de chance : le téléphone se remit à sonner. Je répondis, et, quand je me retournais, avant que j'ai touché à ma solution initiale en aucune manière, le niveau était revenu à la valeur correcte ! Cette fois, il n'était pas difficile de comprendre ces phénomènes : j'avais fait la préparation de la solution à température ambiante (on était en été), tandis que la fluorimétrie se faisait dans une pièce thermostatée, à 18° C. Ce que j'avais observé, c'était la dilatation du verre et du solvant. Un centimètre de différence dans le col de la fiole ! 

Manifestement la mesure d'un volume était une mauvaise pratique ! Quelle solution trouver à ce problème ? Il y en a plusieurs, à commencer par préparer les solutions à la même température que les mesures, mais puisque la masse volumique dépend de la température, ces solutions sont alors imprécisément connues, qu'elles soient ou non les mêmes entre le moment de la préparation et le moment de la mesure. Faire les préparations dans une pièce dont on mesure la température, et faire ensuite des corrections ? C'est possible, mais il faut alors se reposer sur des données expérimentales (pour les corrections) dont on n'a pas la certitude absolue qu'elles soient très bonnes. 

Allons, il vaut mieux éviter de mesurer des volumes, et utiliser des balances, qui de toute façon, nous donneront des précisions bien supérieures à celle des fioles jaugées. A titre indicatif, j'ai calculé la précision dans les deux cas : tout peser, contre peser le soluté et mesurer le volume du solvant. La précision de la méthode qui pèse tout est dix fois supérieure à la précision de la méthode qui utilise des volumes. Et encore, mon calcul est charitable !

L'oeuf parfait, l'oeuf à 65, l'oeuf moléculaire ?



On parle beaucoup, aujourd'hui, d'oeuf moléculaire et d'oeuf parfait, et on trouve très de plus en plus fréquemment cet oeuf dans les restaurants du monde entier. De quoi s'agit-il ?

C'est une invention que j'ai faite dans les années 90, alors que je cherchais à comprendre pourquoi les œufs cuisent.
À l'époque, les physiciens prétendaient que les blancs d'oeufs cuits étaient des gel chimiques mais les chimistes disaient qu'il s'agissait de gels physiques. Finalement qu'en était-il ? C'est pour comprendre que, considérant la flèche des énergies, qui montre bien la différence entre les gels physiques (pas de liaisons covalentes entre les molécules dont l'assemblage fait un réseau qui piège le liquide) ou chimiques (des liaisons covalentes entre les éléments constitutifs du réseau), j'ai conclu que la coagulation de l'œuf était due essentiellement à des "ponts sulfure", qui lient chimiquement les protéines chauffées quand elles contiennent des groupes "thiol" ;  et j'en ai apporté la preuve expérimentale en décuisant un œuf, en faisant revenir cru un œuf cuit.

Cela était  donc établi,  mais il y avait d'autres questions et par exemple de savoir pourquoi les œufs cuits plus de 10 minutes deviennent caoutchouteux. L'expérience qui établit le phénomène est facile à faire, et on le  fait chaque fois que l'on cuit  mal un œuf dur.
Or, dans la théorie que j'avais élaborée, pour décrire la coagulation des œufs, je ne voyais pas les 10 minutes. Et je ne les voyais pas parce qu'elles n'y étaient pas : ce qui apparaissait, c'était seulement la coagulation des protéines.

A l'analyse, il m'est apparu qu'il n'y a pas une seule protéine (je parle d'une catégorie de molécules, et non pas de molécules) dans le blanc d'oeuf, mais plusieurs (environ 300 pour le blancs) et que chacune a une température de dénaturation particulière.

De sorte que j'arrivais à cette prévision : si l'on cuit un œuf à 61 degrés pendant plusieurs heures il restera liquide. Mais dès que l'on dépassera  62 degrés,  alors des transformations peuvent survenir et une première coagulation doit s'observer ; puis si on chauffe davantage, par exemple à 70 degrés, alors une deuxième coagulation sera visible et un changement apparaîtra, et ainsi de suite.

C'est la raison pour laquelle j'ai alors mis des œufs dans des fours à 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, etc. Et effectivement l'œuf à 65 degrés était tout à fait extraordinaire parce que le blanc était pris, laiteux, très tendre, tandis que le jaune restait liquide avec son goût remarquable de jaune d'œuf cru.

C'est cet oeuf à 65 degrés que j'ai nommé "oeuf parfait".

Les oeufs produits  aux autres températures n'ont pas démérité, et ils sont intéressants dans différents contextes culinaires, mais ce ne sont pas des "œufs parfaits".

D'ailleurs, le mot parfait est très contestable puisque personnellement je préfère plutôt l'œuf à 66 ou 67 degrés et que, de surcroît, nos goûts peuvent changer selon les minutes de sorte que l'oeuf qui serait pour nous parfait un jour pourrait ne pas l'être le lendemain.

Mais qu'importe, le nom d'oeuf parfait a été donné à l'œuf à 65 degrés, et pas aux autres. Et je m'amuse d'ailleurs de le voir aujourd'hui surnommé œuf moléculaire.

Pourquoi pas, puisque cet œuf est effectivement advenu grâce à des matériels culinaires perfectionnés, venu du laboratoire, tels les thermo-circulateurs, et que la cuisine moléculaire correspond très justement à cette technique culinaire qui se fait avec des matériels venus des laboratoires.

En tout cas, ce n'est pas difficile à faire : on prend un œuf, on le met dans un four et l'on chauffe à 65 degrés pendant un temps qui dépend de la taille de l'oeuf, mais que l'on choisira d'une heure ou plus.
Bon appétit

mercredi 11 octobre 2023

Cette fois, c'est pour les étudiants qui ont du mal à calculer


 

L'expérience de très nombreux stages au laboratoire m'a montré que beaucoup de nos jeunes amis ont du mal à calculer. Pas tous bien sur, mais beaucoup, de sorte qu'il faut les aider. Il n'est pas nécessaire de les traîner dans la boue, et il vaut mieux être efficace, et leur donner des conseils faciles à mettre en œuvre. 

Ici je m'aperçois que notre groupe de gastronomie moléculaire a déjà publié (sur les Cours en ligne d'AgroParisTech) un document intitulé « Comment calculer », mais il rentre dans les détails, et je propose d'abord quelques règles simples, faciles à appliquer. 

Ces règles sont les suivantes : avec des schémas, décrire les étapes de l'expérimentation que l'on veut décrire par le calcul puis, ces schémas étant faits, on produira une structure de calcul, ce qui est particulièrement facile avec un logiciel de comme Maple (comment des enseignants de science peuvent-ils laisser les étudiants utiliser des logiciels aussi minables qu'Excel, ou ses versions libres ?) à ce stade, on introduit des symboles pour désigner les quantités qui doivent figurer dans le calcul souvent, ces symboles seront indicés, mais sans complication exagérée, et de façon systématique enfin, on calculera en langue naturelle, ce qui veut dire que l'on ne calculera pas, mais on décrira les opérations en langue naturelle, et c'est seulement en fin de travail que l'on traduira les phrases en équations enfin, on ne mélangera jamais quantités littérales et quantités numériques ! C'est seulement en fin de calcul que l'on fera une application numérique et une seule. 

Dans le document détaillé, on trouvera bien d'autres précisions, mais ce sont des précisions, et je propose ici une première approche. 

 

Considérons un exemple pour fixer les idées : la préparation d'une solution fille à partir de deux solutions mères, faites d'un soluté particulier dans chaque cas, et d'un solvant. Commençons donc par la mise en œuvre de la première règle : faire un schéma. 

Ce schémas étant fait, nous voyons qu'il est maintenant facile de structurer le calcul : il y aura d'abord les calculs relatifs aux solutions mères, puis le prélèvement à partir de ces solutions, et le mélange de ces quantités pour faire la solution fille. 

Avec le logiciel Maple, il s'agit d'utiliser des « sections » pour structurer le calcul. Toutefois, on voit vite que dans les sections, il faut diviser, on doit utiliser des sous-sections, puisqu'il y a deux solutions filles. 

Et c'est ainsi que se structure le calcul, très simplement. 

Cela fait on reprend le schéma et l'on introduit des symboles, pour désigner des quantités avec lesquelles ont veut calculer : masses de solutés, masses de solvant... Là, puisqu'il s'agit de masses, la lettre M s'impose, ou m. 

Mais puisqu'il y a plusieurs étapes, numérotons-les : 1, 2, 3... A chaque étape, il y a plusieurs solutions possibles que nous pouvons numéroter, et pour chaque solution, on pourrait continuer les numérotations. Il faut absolument éviter de faire des indices d'indices, et encore plus des indices d'indices d'indices. Il faut penser en termes d'algèbre linéaire, car il sera facile alors de calculer à l'aide de cette algèbre... que des logiciels comme Maple manipulent très bien. 

Soyons donc systématiques et simples. 

Quand ces quantités auront été élaborées, décrivons les opérations en langue naturelle, en français si l'on est français, et en anglais si l'on est anglais. 

Là, tout est simple, puisque l'on parle, et qu'on ne calcule pas. Le risque de se tromper est faible. C'est seulement quand tout aura été écrit que l'on transcrira en équations... qui seront justes. 

Ensuite, le calcul sera presque fait, et une fois que l'on aura obtenu l'équation finale, on passera à une dernière étape, dans une section séparée, qui sera l'application numérique. 

 

On voit donc là quelque chose de très simple et je connais bien peu de collègues qui utilisent une autre méthode. 

 

Il est donc indispensable de la donner aux étudiants. Explicitement. 

 

 

Post-scriptum : comment faire un schéma  ? Dans ce qui précède, j'ai conseillé de faire des schémas, pour aboutir à des calculs qui soient justes, mais la question s'est posée : comment faire un schéma ? Ici, je propose une méthode qui consiste à faire le gros d'abord, et le détail ensuite. Prenons un exemple, à savoir la description de la préparation d'une solution. Il suffit de décrire les opérations en langue naturelle : « on prend un bécher, on ajoute un solvant, on ajoute un soluté ». On pourrait décrire les étapes successives de cette opération, mais on résume tout cela en seule une image, avec un rectangle pour le bécher, un trait à mi hauteur pour limiter le solvant, et de petites croix dans le rectangle ainsi délimité pour représenter le soluté. Comment dessiner, finalement ? Il suffit de parler assez lentement et de se focaliser sur chaque mot qui a été dit pour faire la représentation. La méthode fonctionne très bien pour des descriptions macroscopiques, mais tout va bien, aussi, pour des descriptions microscopiques, telle la confection d'une mousse. Dans une mousse, on disperse des bulles de gaz dans un liquide. Pour le schéma, on représentera les bulles par de petits cercles, puisque ces dernières peuvent être réduites à un rayon. Pas de couleurs inutiles, bien sûr, sauf si le logiciel de dessin le propose : ne perdons pas de temps à cela, et focalisons nous sur les choses essentielles, le véritable contenu.

mardi 10 octobre 2023

Quand le vert des feuilles change presque de jour en jour...

 Le printemps est le moment où l'on s'aperçoit que le vert change, le moment où nous prêtons attention à ces changement, parce que le vert apparaît sur des branches jusque là dénudées. 

Puis l'été est le moment où l'on voit que le vert des feuilles change, parce que le chaud alterne avec l'humide. 

Et l'automne est le moment où l'on s'intéresse à la couleur des feuilles, parce que le vert cède la place à d'autres teintes. 

 

En réalité, le vert des feuilles change sans cesse, comme l'analyse suivante permet de le comprendre. Le vert des feuilles, c'est leur contenu en pigments que sont les chlorophylles et les caroténoïdes, notamment. Pour certains feuillages, il peut y avoir aussi des composés phénoliques, mais le raisonnement serait le même que celui que nous allons faire. 

 

Chlorophylles et caroténoïdes, donc. Dans les feuillages, les chlorophylles sont les chlorophylles a, a', b, b', et les caroténoïdes ont pour nom carotène, lutéine, violaxanthine... Chacun de ces composés a un spectre d'absorption particulier, ce qui signifie qu'il absorbe des rayonnements particuliers du spectre de la lumière visible. La lumière du jour arrive donc sur la feuille ; une partie est absorbée et le reste est réfléchi. Plus les pigments sont nombreux, et plus leurs absorptions sont différentes, plus la feuille paraît sombre. 

Imaginons que les feuilles ne contiennent que la chlorophylle a : on aurait une certaine couleur. Puis imaginons que les feuilles contiennent de la chlorophylle a et du carotène bêta : la couleur serait différente. Or les feuilles qui croissent synthétisent les pigments, mais elles ne les synthétisent pas tous à la même vitesse, parce que les voies métaboliques sont différentes pour les divers pigments. La proportion de chlorophylle a, par exemple, change avec le temps, de sorte que la couleur change, puisque tout est affaire de proportion. 

Et voilà pourquoi il n'est pas étonnant que la couleur des feuilles change avec les jours qui passent, du premier jour où elles apparaissent, jusqu'au jour où elles tomberont. J'ai dit « il n'est pas étonnant », mais je me reprends, car une telle expression banalise le phénomène, qui est bien mystérieux et merveilleux pour qui n'est pas chimiste. Au contraire, ces changements de couleur sont très étonnants ! La preuve : il a fallu que les sciences viennent donner l'analyse précédente pour que l'on y voie plus clair. Sans les éclaircissements des sciences, les mystères tels que les verts changeants des feuillages sont de ceux qui ont conduit l'humanité à imaginer des dieux, des elfes, des lutins, des feux follets. 

Naguère, ce type de phénomène appelait des puissances imaginaires, et chacun pouvait ajouter sa voix à la grande cacophonie publique des mythes, des légendes. Aujourd'hui la chimie physique a-t-elle mis fin à cet « enchantement » ? Je ne crois pas, car la théorie scientifique, bien plus fiable que l'imagination, est toujours « insuffisante » par principe (faut-il dire « incomplète » ?), de sorte que, jour après jour, notre compréhension du monde s'embellit. Ce serait une erreur de croire que la chimie physique de la couleur des feuilles ait dit son dernier mot, au contraire. La science n'a pas de fin parce qu'elle perfectionne à l'infini ses théories, ses explications, qu'elle améliore ses mécanismes, en vue de produire un discours toujours plus approprié. Il est là, l'enchantement du monde. Et puis, il faut quand même s'étonner de ces synthèses différentielles des chlorophylles et des caroténoïdes. Il y a de quoi s'émerveiller de la constitution moléculaire des molécules de ces composés qui absorbent la lumière visible. 

Les chlorophylles ? Des molécules qui sont construites autour d'un noyau « tétrapyrrolique », avec des atomes qui forment une sorte de « plaquette », et un atome de magnésium au centre, des électrons étant répartis (on dit « délocalisés ») sur tout le plan du noyau. 

Les caroténoïdes ? Des molécules également remarquables, mais différemment : elles ont un long squelette fait d'atomes de carbone, avec des liaisons simples et des liaisons doubles qui alternent, ce qui permet, à nouveau, la délocalisation des électrons, laquelle permet l'absorption de la lumière visible. 

Dans les deux cas, il y a un mécanisme analogue, et très remarquable. Ordinairement, quand il n'y a pas de délocalisation des électrons, les molécules n'absorbent que des rayonnements très énergétiques, ultraviolets par exemple. En revanche, quand les électrons de doubles liaisons sont ainsi délocalisés, ils sont moins « tenus » par le squelette moléculaire, et interagissent plus facilement avec les rayonnements, de sorte qu'ils peuvent absorber ces derniers, avant de revenir à l'état initial, souvent par réémission de rayonnement invisible, infrarouge par exemple. 

Je m'arrête là : j'avais juste esquissé la suite du récit afin de montrer qu'il y a lieu de s'étonner chaque seconde... de la couleur changeante du vert des feuilles.

samedi 7 octobre 2023

Les sciences quantitatives peuvent-elles ne pas être quantitatives ?

 
Lors d'une discussion avec des membres du comité éditorial d'une revue, à propos d'une proposition d'article où je discutais l'importance des équations en vulgarisation, afin d'éviter que la science ne verse dans le dogme, je me suis attiré cette question : « Tout cela est très bien, mais ne peut on imaginer des sciences où le calcul soit absent ? » 

La réponse est simple : il y a des sciences de plusieurs sortes, si l'on nomme sciences des savoirs, mais les sciences quantitatives, les sciences dites « de la nature », celles qui sont fondées sur le calcul, se distinguent des sciences non quantitatives, celles qui ne sont pas fondées sur le calcul. 

C'est une sorte d'évidence absolue, de principe, à laquelle aucune discussion ne permettra d'échapper. 

Et les sciences quantitatives sont ... quantitatives, bien sûr ! 

La physique est-elle une science quantitative ? La réponse est évidemment oui. La chimie ? Ailleurs, j'ai discuté de la question de la nature de l'activité nommée « chimie », et j'ai montré que la chimie est une science, qui ne se confond pas avec ses applications. Elle est parfaitement quantitative. 

Passons à la biologie. Là, les choses sont plus difficiles, notamment parce que le poids de l’histoire est bien présent encore, et notamment cette opposition entre une biologie de classement, de taxonomie, et une biologie dite « moléculaire », ce qui a fait dire que la biologie moderne est la plus belle OPA de la chimie.
Oui, quand on considère les gènes et leurs produits, on considère des objets moléculaires, et l'analyse de ces objets ou de leurs relations est une activité de chimie physique. Bien sûr, on peut se limiter à chercher des corrélations entre des effets observés dans certaines expériences et la présence de bio-composés, tout comme cela s'est fait longtemps en chimie organique, quand cette dernière manquait des outils conceptuels et devait se réfugier dans la mise en œuvre de réactions, ce qui l'a fait critiquer par cette expression : « méthyle, éthyle, butyle... futile ». 

Expliquons : on critiquait les chimistes organiciens, parce que, ne mettant pas de calculs en oeuvre, ils mettaient en oeuvre toutes les réactions imaginables, éventuellement systématiquement, en partant de groupes très simples comme le groupe méthyle, avec un atome de carbone et trois atomes d'hydrogène, puis le groupe éthyle, avec deux atomes de carbone et cinq atomes d'hydrogène, puis avec le groupe butyle, etc.
Aujourd'hui la chimie organique a considérablement évolué, en mettant en oeuvre des méthodes les plus modernes du calcul, et il n'est pas anodin que le chimiste américano-strasbourgeois Martin Karplus ait été récemment couronné du prix Nobel pour ses méthodes informatiques de description et de prévision des réactions intermoléculaires ! 

Pour être honnête, la biologie la plus moderne fait également usage de tels outils, et l'on ne saurait omettre de signaler, à ceux qui craignent naïvement les pesticides, que certains laboratoires disposent de modèles informatiques des cellules, avec lesquels ils cherchent à prévoir, sans les fabriquer, les effets de principes actifs nouveaux, afin de traiter les plantes, de façon plus efficace et plus spécifique qu'avec le purin d'ortie;-). 

Modèle ? Il s'agit de programmes d'ordinateur où les différents composés de la cellule sont décrits, ainsi que leurs relations. Imaginons une sorte d'immense réseau, une sorte de filet de pécheur, avec des noeuds et des brins entre les nœuds. Les nœuds représentent les composés, et les fils leurs relations. Ces réseaux sont « quantitatifs », et il existe de tels mod

èles qui prennent en compte des dizaines de milliers d'objets. Quantitativement ! Bref, la biologie moderne est quantitative, et elle met en œuvre du calcul. 

 

Reste la question qui fâche : celle de la médecine, que mes interlocuteurs m'ont invité à considérer. Là, prudent, je renvoie vers Claude Bernard, qui a énoncé que la médecine était une technique, dont la technologie était la recherche clinique et dont la science était la physiologie. Selon Claude Bernard, la médecine n'est donc pas une science quantitative, puisque, comme la chimie, ce n'est pas une science, mais une technique.

vendredi 6 octobre 2023

Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, pourquoi il n'y a pas d'acide aminé dans les protéines

 Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans l'huile ? pourquoi il n'y a pas d'acide aminé dans les protéines ?
Le monde des médias, comme celui de la publicité, ne cesse de nous parler d'acides gras, pour les huiles. Il y aurait des acides gras saturés, des acides gras insaturés, des « oméga trois », des « oméga six », certains seraient mauvais pour la santé, et d'autres bons... de sorte qu'il faudrait évidemment acheter ces derniers, et ceux-là seulement. 

 

Pourtant, il n'y a pas d'acides gras dans l'huile ! 

 

Expliquons calmement, en partant de quelque chose de simple : la synthèse de molécules d'eau, à partir de molécules de dioxygène et de dihydrogène. A l'aide d'une étincelle ou d'un catalyseur, on obtient le réarrangement des atomes ces molécules, et la formation de molécules d'eau, qui comportent chacune un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogènes. Regardons bien : dans les molécules d'eau, il n'y a plus de molécules de dioxygène, ni de molécules de dihydrogène.  Ainsi, lors d'une réaction, tous les atomes initiaux sont réorganisés, de sorte que les composés initiaux n'existent plus. 

Passons aux « triglycérides », qui sont les composés présents dans les matières grasses alimentaires, et en tout dans les huiles. Ces triglycérides ont une structure  faite de trois tentacules souples attaché à un "corps".  Un chimiste qui observe la molécule retrouve, certes, des groupes d'atomes qui font presque des acides gras, mais des atomes sont absents. Et c'est la raison pour laquelle on parle -on doit parler- de "résidus d'acides gras". 

Pourquoi ? Parce que si l'on synthétisait ces molécules de triglycérides à  partir d'acides gras et de glycérol,  des atomes d'hydrogène et d'oxygène seraient perdus, et ils formeraient des molécules d'eau, de sorte que le glycérol et les acides gras ne seraient plus présents, mais sous la forme de "résidus". 

D'ailleurs, on peut aussi procéder d'innombrables façons différentes. Quant à dégrader la molécules, cela peut, également, se faire de tas de façons différentes. Bref, il n'y a pas de glycérol et d'acides gras dans l'huile, mais seulement des triglycérides.

jeudi 5 octobre 2023

Mousse au chocolat

 
Le séminaire de gastronomie moléculaire du mois de septembre 2013 était consacré à la mousse chocolat, et, plus précisément, à l'opération de « sacrification ». 

De quoi s'agit-il ? On commence par fondre du chocolat avec du beurre, et, à part, on fouette des jaunes d'oeufs avec du sucre jusqu'à faire le « ruban ». On prépare alors des blancs d'oeufs en neige, également avec du sucre. Puis on met le ruban dans le chocolat et l'on ajoute enfin les blancs d'oeufs battus en neige. La sacrification concerne l'ajout des blancs d'oeufs battus en neige, que l'on ne fait pas en une seule fois mais en plusieurs : on ajoute d'abord une petite quantité de blanc en neige et l'on mélange -dit-on- assez énergiquement avant d'ajouter le reste des blancs, que l'on mêle à la première masse avec beaucoup plus de délicatesse que dans le premier cas. 

Voilà pour la théorie, mais, vu les opérations que nous avons effectuées au séminaire, je trouve que les apprenants en cuisine ont bien du mérite, car l'imprécision de la description des opérations par les enseignants est considérable ! 

D'abord, à propos de l'objectif : une mousse au chocolat professionnelle n'a absolument rien à voir avec une mousse au chocolat domestique, à savoir que, malgré les indications données dans les recettes à propos de l'opération de mélange du blanc d'oeuf en neige (il est dit qu'il ne faut pas viser un mélange homogène), les professionnels visent en réalité un mélange tout à fait parfait, où le blanc en neige ne s'aperçoit plus ; il est imposé d'obtenir une la préparation parfaitement lisse, que la moindre granularité apparente suffit à disqualifier. 

La confection de la mousse au chocolat est peut-être la recette à propos de laquelle j'ai vu le mieux l'importance du tour de main, des gestes professionnels. Par exemple quand on fait fondre le chocolat : une casserole d'eau et un cul-de-poule par-dessus, ce qui permet d'avoir ce dernier légèrement chauffé, afin que le chocolat fonde assez lentement. L'ajout de beurre ne pose pas de véritable problème, mais la confection du ruban est un geste bien particulier, tout comme le battage des blancs en neige. 

 

Bref la confection d'une mousse chocolat ne ressemble en rien à ce qui est dit et écrit, et il y a là un vrai geste professionnel, distinct de la pratique domestique. A explorer en vue de faire grandir le métier, donc.

Le combat pour la Raison : à ne jamais cesser, à amplifier


Pendant l'été, j'ai interrogé des personnes autour de moi à propos de leur "modèle intellectuel relatif à la constitution de la matière" : je mets cela entre guillemets parce que cela fait une bien difficile expression, bien abstraite.

Mais si vous vous  reportez au billet que j'avais écrit alors (https://hervethis.blogspot.com/2023/08/quel-modele-avons-nous-de-la-matiere.html), vous verrez que mes questions étaient extraordinairement pratiques et simples, compréhensibles : je voulais seulement savoir, concrètement, pratiquement, simplement, clairement,  comment des personnes de mon entourage se représentaient un cristal de sel ou de sucre, par exemple, ou la dissolution d'un tel cristal dans de l'eau.

J'avais été stupéfait de voir que même des personnes qui avaient fait des études supérieures n'avait en réalité aucune idée juste (ou fausse) de l'organisation de la matière.

De ce fait, je m'interroge sur leur place dans le monde : comment la voient-ils ? Comment perçoivent-ils les phénomènes ?

Jadis, on imaginait le monde peuplé de divinités, grandes ou petites, dieux, déesses, nymphes, gnomes, lutins, dryades, etc., qui auraient réglé l'apparence du monde : la pluie, la foudre, la surrection d'une montagne, le jaillissement d'une source, les crues d'une rivière...

D'ailleurs, il faut observer que la magie était constante et non seulement dans l'hypothèse de ces prétendus divinités mais aussi dans les relations qu'elles auraient entretenu avec les phénomènes visibles : par quelle "magie" les auraient-elles commandées ?

Des connaissances de chimie, de physique et de biologie donnent des clés pour comprendre tout cela...  à condition :
1. que l'on ait ces clés
2. que l'on sache les mettre en œuvre à bon escient.

Le second point est essentiel : savoir qu'un acide peut neutraliser une base, c'est bien, mais neutraliser effectivement un acide qui menace avec une base,  c'est mieux.

En quelque sorte, ces deux points structuraient l'Encyclopédie de Diderot, d'Alembert et leurs amis  : lutter contre les "tyrannies", par la connaissance technique, technologique et scientifique.  

La connaissance scientifique tout d'abord, ce sont bien les mécanismes des phénomènes.

Mais, comme dit, il faut les faire advenir en pratique, et c'est pour cette raison que les techniques et la technologie avaient leur place dans l'Encyclopédie.

Tout cela venait combattre donc les tyrannies, à l'époque, une royauté dévoyée, mais aussi une religion exagérément puissante : on n'oublie pas que Voltaire avait discuté largement de l'Inquisition, qui était encore présente.
Et l'on n'oublie pas non plus qu'à l'époque les charlatans étaient omniprésents :  rebouteux, prétendus guérisseurs par les herbes ou l'imposition des mains, sorciers de tous poils... 

Peu avant  l'Encyclopédie, Cyrano de Bergerac, le vrai, celui qui servit de modèle au roman d'Edmond Rostand, combattait déjà les sorciers  : " "On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà".

 

Aujourd'hui, avec des théories insensées, délirantes, hurluberlues, comme les croyances en un monde mu par des forces spirituelles (d'où la biodynamie, le spiritisme, la prétendue influence de la lune sur la croissance des plantes, les  prétendues énergies cosmiques, les prétendues vibrations énergétiques variées, les prétendus pouvoir de la Nature, les tables qui tourneraient, les fantômes, les feux follets, les feux de Saint Elme, les ectoplasmes, les extra-terrestres, les soucoupes volantes, les médecines les plus abracadabrantes, etc.) par exemple, on constate que le combat ne doit pas s'arrêter.
 

Trop de nos concitoyens croient naïvement à un fonctionnement spirituel du monde, alors que les sciences ne cessent d'en démontrer, au contraire, le fonctionnement "mécanique" (i.e. chimique, physique, biologique), et trop de charlatans vivent financièrement de ces lubies, profitant de la faiblesse intellectuelle d'autrui.

Et je fais maintenant le lien avec l'absence, chez de trop nombreux citoyens, de théories rationnelles de la matière  :  pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas les élémentaires connaissances chimiques, physiques ou biologiques, tout se vaut !
Pour ces personnes, il est tout aussi légitime de croire à des ondes cosmiques faisant pousser les haricots ou fermenter le vin dans les bouteilles qu'à n'importe quoi d'autres.
Ils sont ballottés au gré des idées les plus idiotes, les plus malhonnêtes, les plus folles, les plus insensées, les plus fausses... puisqu'ils n'ont pas les moyens de penser rationnellement, de faire le tri.  

Pour eux, pour tous ceux qui oublient que les sciences sont d'abord quantitatives et réfutables*, tout se vaut, et c'est la raison pour laquelle un grand combat pour la Raison doit être mené sans relâche.
C'est l'ignorance qui fait le lit de la charlatanerie et, a contrario, c'est l'enseignement qui doit équiper les citoyens, les débarrasser de la pensée magique qui afflige enfants et ignorants, qui doit en faire des citoyens capables d'éviter les lubies les plus variés, capables de ne pas confondre les faits et les idéologies : la négation des variations climatiques, les dangers exagérés de la vaccination, les influences des "ondes", les complots de tous ordres, et cetera.

C'est à l'école que tout se construit et c'est à l'école que les cours de sciences doivent commencer à être donnés avant de se poursuivre au collège, au lycée, à l'université et au-delà  !


* Je rappelle que la science n'est pas là pour "prouver", ou "démontrer", mais pour donner des théories quantitatives et réfutables, que les scientifiques s'évertuent à réfuter. Le mouvement essentiel est de se dire : "Si cette théorie était juste [on sait a priori qu'elle est insuffisante], alors cette expérience devrait aboutir à ce résultat particulier"

mercredi 4 octobre 2023

Militons pour la Raison

 
Connaissez-vous la revue Science & pseudo-sciences ? Elle n'est pas, hélas, une revue au tirage aussi grand que Paris Match, mais c'est une revue sans doute bien plus d'utilité publique. Elle est éditée par des bénévoles de l'Association française pour l'information scientifique, l'AFIS, qui s'est donnée comme objet la promotion de la rationalité. 

Bien sûr, on peut déplorer la dispersion des efforts, avec l'AFIS d'un côté, l'Union rationaliste de l'autre, et ainsi de suite, la France sachant sécréter ses innombrables chapelles. 

Peu importe, en vérité : ce qui compte, c'est que les efforts soient nombreux pour lutter contre la pensée magique, les charlatans de tous poils, les marchands d'orviétan, et, plus positivement, pour promouvoir la Raison. 

L'AFIS publie donc la revue Science et pseudo-sciences, laquelle discute rationnellement de questions telles que : les effets éventuels des ondes sur la santé, les prétendus mécanismes de l'homéopathie, les charlataneries pseudo-médicales en tous genres, la prétendue mémoire de l'eau et les intérêts financiers qui motivent la promotion de cette théorie insensée, les innombrables prétendues réfutation de la théorie de la relativité... 

Il y a beaucoup à faire, car j'ai montré dans un livre (Cours de gastronomie moléculaire numéro 2 : les précisions culinaires) que ce tour de l'esprit humain qu'est la pensée magique est celui des enfants, et qu'il ne peut donc être combattu que par une éducation soutenue, ininterrompue, génération après génération. Toutefois, il y a toutes les raisons d'être optimiste : l'existence de l'AFIS en est une, et un encouragement à militer pour la Raison, à l'intérieur de l'AFIS ou dans d'autres cercles. La science quantitative figure évidemment à la base de ses actions !

mardi 3 octobre 2023

La question des mots, en science

Prenons un moment pour discuter de la relation entre les mots et les sciences. 

Pendant longtemps, j'ai dit, en substance, que l'on ne pouvait faire de bonne science qu'avec de bons mots, et que la pensée et le bon maniement des mots allaient de pair. 

Je le crois encore, même si j'ai mis de l'eau dans mon vin, non pas que j'admette que les mots puissent être approximatifs, mais surtout parce que je reconnais aujourd'hui que la science peut se faire sans mots : le grand Henri Poincaré, qui semble avoir été un exemple d'honnêteté, n'a-t-il pas dit que sa plus grande difficulté était de mettre des mots sur les idées mathématiques qui se formaient en lui, et non pas d'avoir ces idées ? 

Et puis, surtout, je m'en veux d'avoir répété sans esprit critique l'introduction du Traité élémentaire de Lavoisier. Lavoisier disait que la science, c'était les phénomènes, et que, pour étudier des phénomènes, il fallait les penser, et donc mettre des mots. Lavoisier concluait qu'il n'y avait pas de progrès de la science sans progrès de la nomenclature, et vice versa. 

J'étais ébloui par Lavoisier, notamment parce que Lavoisier citait Condillac, pour lequel Lavoisier et ses contemporains avaient la plus grande admiration. 

Mais je n'ai pas de véritable excuse, et je m'en veux, aujourd'hui, d'avoir si longtemps propagé l'idée de Lavoisier. 

Certes, des géants tels que Michael Faraday ont également insisté sur l'importance des mots : pour ses découvertes, Faraday ne cessa d'introduire de nouveaux mots : cathode, anode, cation, anion, ion... Plus près de nous, le chimiste Jean-Marie Lehn fut à l'origine de plusieurs grandes avancées intellectuelles, notamment quand il proposa de nomme «  chimie supramoléculaire » cette chimie qui se fonde sur des liaisons plus faibles que la liaison chimique classique, covalente.

lundi 2 octobre 2023

Scènes étonnantes

A la terrasse d'un café, devant une bière, deux personnes qui fument discutent des mérites “considérables” du bio (mes amis cancérologues savent, et disent, que si certains cancers se soignent, ceux du poumon, dus au tabac, sont rédhibitoires). 

Dans un dîner, un convive qui fume justifie sa pratique en argumentant que ses cigarettes sont “bio”, et qu'elles ne contiennent pas ces « dangereux additifs que l'industrie y met » (le tabac, c'est du goudron, et des benzopyrènes cancérogènes, puisqu'il y a flamme et fumée). 

Un individu en large sur-poids qui se bourre de chocolat déclare que c'est bon pour la santé, puisqu'il y a du magnésium (il y en a effectivement, mais des quantités infimes ; le chocolat, c'est d'abord du gras, et ensuite du sucre!). 

Des auditeurs de conférence à qui l'on explique que l'estragon, le basilic contiennent de l'estragole, composé cancérogène et tératogène (avec référence à des publications du comité d'experts européens) disent unanimement qu'ils continueront à utiliser dans leur cuisine de l'estragon et du basilic (ici, faut-il un commentaire?). 

Les mêmes, qui s'effraient de l'acrylamide, ne cessent pas de consommer du pain alors que les publications scientifiques voient ce composé, dans la croûte. 

L'industrie tout entière, mais surtout l'industrie alimentaire, qui transforme donc les ingrédients pour fabriquer des produits, les déclare “naturels”, et le public préfère des produits naturels à des produits artificiels (est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de transformation par un être humain ; autrement dit, aucun mets n'est naturel). 

Le monde pousse des crie d'orfraie à l'idée de viande artificielle (pourquoi?). 

Lors de la crise de la vache folle, les mêmes qui refusaient absolument les alginates, agar-agar, carraghénanes, etc., ont abandonné la gélatine pour utiliser les composés gélifiants qu'ils refusaient auparavant ; il n'a fallu que 15 jours de crise... alors que la gélatine était d'ailleurs sans danger. 

 

Merci de m'aider à allonger cette liste