Hier, j'ai voulu savoir ce qu'est vraiment qu'un fumet de poisson, car si je sais ce que c'est pour certains cuisiniers modernes, je me méfie d'un détournement des terminologies. Après tout, n'entend-on pas des ignorants parler de "pâté en croûte" (un pléonasme que j'aurais honte de faire), désigner les terrines de campagne sous le nom de pâté de campagne, croire que les tartes à la Bourdaloue sont aux poires, alors qu'il s'agit simplement de mettre un ruban de pâte ?
Bref, je ne sors jamais plus ignorant de la consultation des livres de cuisine anciens et c'est la raison pour laquelle je fais mes billets terminologiques toutes les semaines dans les Nouvelles Gastronomiques, à la recherche de la première désignation d'un mets... car c'est celle-là qui doit faire jurisprudence.
Et c'est ainsi qu'à propos des fumets de poisson, j'ai fait une belle découverte. Commençons par des recettes de fumet de poisson qui datent de la première moitié du 20e siècle : on y trouve effectivement quasiment nos recettes actuelles, mais avec des indications qui peuvent déjà nous surprendre.
Par exemple, alors que certains cuisiniers modernes disent que le fumet de poisson ne doit jamais cuire plus de 20 minutes, de grands anciens proposent de cuire une heure et demie... et, de fait, un séminaire de gastronomie moléculaire que nous avions organisé à ce propos avait montré qu'on avait plus de goût après 40 minutes de cuisson, et pas cette amertume qui avait été prétendue.
D'autre part, alors qu'on nous dit qu'il ne faut pas broyer les arêtes de poisson sans quoi nous aurions de l'amertume, je trouve sous la plume de très grands cuisiniers du passé l'indication de broyer les arrêtes de poisson.
J'avais donc bien raison de m'étonner et d'organiser ces séminaires vers lesquels je vous renvoie.
Mais le plus intéressant est à venir : avant 1900, je ne trouve plus de fumet de poisson. Je vois des fumets de perdreaux, de faisan, et cetera, mais pas de poisson. Et quand je cherche la constitution de sauces pour poisson, alors je vois que c'est le liquide de cuisson des poissons qui était utilisé, et non pas les arêtes pour un fumet.
Je dois conclure que le fumet de poisson est une invention moderne de la cuisine. C'est une valorisation intéressante, utile puisqu'elle permet de produire des mets à partir de ce qui serait jeté. Manifestement, il y a lieu le dégorger les arêtes, de bien les débarrasser de toutes les parties sanguinolents, et certains proposent de retirer les yeux et les ouïes. A ce jour, j'ignore si cela fait le moindre changement, tout comme j'ignore s'il est utile de faire dégorger pendant une heure mais je me réserve le test de ces idées pour des séminaires ultérieurs.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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