Lors de la visite d'un groupe de jeunes journalistes au laboratoire, la question était de leur montrer le travail scientifique.
J'ai commencé par montrer des applications de la gastronomie moléculaire, en signalant bien que cela n'est pas le travail scientifique, mais des applications, des retombées (avec lesquels certains justifient la nécessité des sciences, ce qui n'est pas mon cas ; je montre des applications précisément pour dire que l'on ne doit pas justifier les sciences par des critères extérieurs, mais internes).
Puis j'ai montré les lieux : nous avons parcouru le laboratoire, nous sommes entrés dans des pièces, nous avons vu des appareils, nous avons vu des locaux, des équipements, etc.
Là encore, ce n'est donc pas le travail scientifique, mais son environnement.
Puis nous avons approché une question scientifique, en partant d'une expérience qui m'empêche de dormir : l'effet Pastis. Je n'entre pas ici dans les détail, car j'ai déjà traité cela ailleurs.
Là, je souris quand même, car, dans l'introduction de ma présentation, j'avais annnoncé que je montrerais "ce qui m'empêche de dormir", et, alors que j'avais oublié ce point après la visite des locaux, un de nos jeunes amis m'a demandé ce qui m'empêchait de dormir : mon "titre" avait fonctionné.
Et finalement, j'ai conclus que rien de ce que j'avais montré n'était de la recherche scientifique, laquelle est certes à bases expérimentales, mais surtout théorique, avec des calculs, des équations.
D'où l'enjeu du journalisme, quand il considère les sciences de la nature : comment expliquer au public cet aspect essentiel, fondamental, le seul qui soit au coeur de la question ?
Oui, comment expliquer les équations à un public qui ne les comprend pas ?
On peut toujours botter en touches, mais cela ne résout pas la question : on ne fait pas le vrai travail qu'il faudrait faire.
Oui, il faut répéter que les sciences de la nature partent d'expérimentations, et qu'elles doivent conduire à des calculs, car "le monde est écrit en langage mathématique".
Et l'on pourra donc (devra ?) présenter les expérimentations... mais ce n'est qu'un travail technique. L'expérience vaut moins par son déroulé que par son résultat.
Et ce résultat se jauge à la théorie, aux équations.
J'ai déjà dit notre faillite du journalisme scientifique, à ce propos, et j'ai cité le cas de l'astrophysicien Stephen Hawkins, à qui un éditeur avait dit de ne pas mettre d'équations. De ce fait, notre collègue en était resté à du vernis. Des circonstances, de l'externe, de l'environnement.
La question est difficile... parce que je crois surtout que l'on a abdiqué. Il est temps de se reprendre... en dépassant la presse de la presse, en se donnant le temps de faire ce qui est vraiment utile.
Mon idée du journalisme scientifique : dire qu'une fusée a décollé est sans intérêt ; il faut expliquer comment on fait décoller une fusée, avec des explications suffisantes pour que l'on puisse presque le faire soi-même.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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