Avec un ami physicien, je joue depuis longtemps à un jeu de "posture", lui physicien, moi chimiste : il dit mépriser la chimie, et je lui rétorque qu'il ne la connaît pas ; et j'ajoute que, s'il méprise les véritables objets du monde matériel qu'il prétend étudier (les atomes, ions, molécules, associations moléculaires), ses grandes lois générales abstraites ne valent rien, réfutées par la diversité des "vrais" objets.
Evidemment, c'est un jeu souriant car l'image de la chimie qu'il donne et caricaturale, et, d'autre part, nous faisons comme si des frontières nettes existaient entre les deux disciplines : elles sont en réalité si floues qu'il existe une physico-chimie qui se distingue d'une chimie physique !
En outre, il travaille dans un laboratoire... de chimie, tandis que, pour ce qui me concerne, je ne cesse de faire des calculs de "physique" à propos des systèmes que j'étudie pourtant en chimiste.
Mais dépassons ce jeu pour mieux comprendre les beautés de la chimie.
Oui il y a des composés en nombre infini, et, en raison de la combinatoire qu'introduit la réactivité des composés, il y a un nombre encore plus infini, si l'on peut dire, de possibilités de transformations, de réactions.
D'ailleurs, de même que l'astronomie n'a que faire de la découverte d'une nouvelle étoile, nous n'avons que faire de la découverte d'une nouvelle molécule.
Ce qui nous intéresse, c'est bien de comprendre le monde, sa structure, ses régularités, ses mécanismes... car on se souvient que, par définition, les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes.
Oui, les "phénomènes". Et par phénomènes, on n'entend pas seulement l'échauffement d'un conducteur parcouru par un courant, ou la surrection d'une chaîne de montagnes. Tout objet saillant du monde est un "phénomène" : la simple existence d'une molécule, d'ailleurs, s'apparente à la présence d'une montagne. Il y a des raisons derrière.
Bien sûr, on pourra se rapprocher des philosophes, notamment des épistémologues, des philosophes, pour discuter cette question des phénomènes, mais ne pouvons-nous explorer nous-mêmes cette question ? Car les sciences de la nature sont de la "philosophie de la naturelle", disait-on jadis, même si l'expression a été abandonnée pour des raisons que j'ai déjà évoquées.
Bref il y a des objets dans notre monde : les molécules, des atomes, les ions, les associations moléculaires... Et il y a leurs transformations, leurs réorganisations, leurs interconversions, leurs réarrangements... Et cela fait des phénomène d'un autre type.
Ainsi, on pourrait distinguer des phénomènes "matériels", et des phénomènes "relationnels".
Ce qui me conduit à rappeler que la collection de papillon peut être tout aussi bien une activité une activité idiote qu'une activité intelligente. Si l'on va simplement capter des papillons pour les épingler dans une collection, on n'a rien fait d'intelligent, et l'on aurait tout aussi bien fait de laisser les papillons dans la nature.
En revanche, si l'on s'interroge sur les papillons, recueillis, si l'on cherche des ressemblances, manifestes ou profondes, si l'on questionne la taxonomie, la physiologie, si l'on essaie de comprendre les raisons de la couleur brillante de leurs ailes, si l'on cherche à identifier leurs comportements, alors on dépasse l'objet sans intérêt, pour monter vers l'honneur de l'esprit humain, l'abstraction.
Il en va de même de la chimie. Une molécule de plus ne vaut rien sans sa mise en perspective ! Et c'est ainsi que la chimie est belle, n'est-ce pas ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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