Il est donc admis qu'un directeur scientifique n'est pas un secrétaire de laboratoire ou d'institution, ni un président, et que, n'étant pas toujours scientifiquement supérieur (un mot compliqué !) à certains/es de ses collègues, il peut difficilement édicter des directions, sauf à organiser des consultations démocratiques qui aboutiraient à des monitions qui se traduiraient en termes financiers (et cela, peut-être de façon indue : la moyenne entre le goût pour le vin rouge et le goût pour le vin blanc n'est pas le goût pour le vin rosé).
Que peut faire, alors, un directeur scientifique ? Après de longues réflexions, je me demande -j'insiste, je me demande- si la solution n'est pas dans l'animation scientifique du groupe dont le directeur a la charge (s'il a un titre, donc un honneur, il doit nécessairement des devoirs, n'est-ce pas ?).
Mais la question devient alors : qu'est-ce qu'une animation scientifique ?
Et ma réponse personnelle est presque immédiate, à défaut d'être juste : c'est le partage avec chacun de l'excitation de la recherche scientifique, un partage d'enthousiasme pour des objets qui sont extraordinaires. Pensez : la Connaissance ! L'honneur de l'esprit humain, sa substantifique moelle...
Quelles que soient les sciences, les objets que nous considérons, et jusqu'à la méthode que nous mettons en oeuvre, tout cela est merveilleux. La méthode, tout d'abord : rien que son énoncé en prouve l'importance et la beauté.
Je la rappelle pour mémoire :
1. identification de phénomène
2. caractérisation quantitative
3. réunions des résultats de mesure en lois synthétiques, c'est-à-dire en équations
4. induction de théorie, par regroupement des "lois" et introduction de notions, concepts, objets...
5. recherche de conséquences testables des propositions faites dans les théories
6. tests expérimentaux de ces conclusions
7. et l'on boucle à l'infini, dans une spirale d'amélioration constante.
L'objet, d'autre part : je pars de cette citation de Jean Perrin : « expliquer du visible compliqué par de l'invisible simple » (Les atomes, page V de l’édition de 1913).
Dans ma Sagesse du chimiste (dont je ne suis pas parfaitement content, rétrospectivement), je dis un peu différemment la chose, en évoquant ce monde formel qui se superpose au monde matériel, ce monde mathématique qui décrit si bien les phénomènes, cette correspondance constance que fait la science entre des objets banaux et des concepts merveilleux. Ah, l'énergie libre, l'entropie, la mésomérie, la chiralité, les associations supramoléculaires... Ah, ces équations aux dérivées partielles qui mettent de la beauté mathématique dans le cambouis du réel !
Décidément, il y a de quoi se lever tôt le matin, pour se hâter d'aller au laboratoire...
Mais je me suis éloigné, et je reviens à ma question avec cette phrase que l'on m'avait offerte le jour où j'ai reçu une décoration nationale : "L'enthousiasme est une maladie qui se gagne",de Voltaire.
Dans un autre billet, j'ai proposé de rechercher des améliorations de cette citation (https://hervethis.blogspot.com/2016/08/lenthousiasme-est-une-maladie-qui-se.html), et il serait temps que nous passions à un "L'enthousiasme est un bonheur qui se propage parce qu'il se partage", par exemple. Mais vous trouverez peut-être mieux ?
Et, en tout cas, je vois bien un rôle de directeur scientifique qui serait un "discutant" dans des séminaires (pas des séquences lourdingues, pas de ces pensums interminables qui prennent sur le temps de recherche), quelqu'un qui s'évertuerait à croiser des regards, à aider chacun par des actions qui apporteraient des idées, des méthodes, des outils, des concepts... et de l'enthousiasme, cette conviction que notre métier scientifique est extraordinaire.
Et plus si affinités !
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