Lorsque Marion Guillou m'a décoré de l'ordre de la Légion d'honneur, elle m'a offert cette phrase de Voltaire : l'enthousiasme est une maladie qui se gagne.
La disparition de Marc Julia, chimiste, membre de l'Académie des sciences, ancien président de la Société française de chimie, professeur de chimie à l'Ecole Normale Supérieure, est bien triste, car cet homme avait une passion contagieuse pour la chimie. Il fut de ceux qui nous sortirent de cette minable "chimie au lasso" avec laquelle on voulait faire croire que toute paire d'atomes d'hydrogène pouvait se lier avec n'importe quel atome d'oxygène voisin afin de lier les résidus moléculaires de ces atomes, de ceux qui surent rapidement considérer que la liaison chimique est d'abord une affaire d'électrons. Lors de ses cours, dans ses écrits pédagogiques, on "voit" les électrons bouger, et engendrer des assemblages atomiques variés, qui prennent enfin du sens.
Marc Julia était de ceux qui ne comprenaient pas, je crois (ou ne voulaient pas comprendre) un certain monde fait de coupe du monde de football et autres "poussières", et pour qui le royaume était tout de l'esprit. Il laisse à certains, comme moi, le privilège de l'avoir un peu connu, le regret de ne pas l'avoir mieux connu, et l'envie de poursuivre son oeuvre en militant pour cette science extraordinaire qu'est la chimie.
Vive la chimie !
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerUne partie de votre billet laisse penser que Monsieur Julia n'était préoccupé que par les "choses de l'esprit", et que peu concerné par ce que vous qualifiez de "poussières". Rien n'est plus faux. J'ai travaillé avec lui pendant près de vingt-cinq ans, et je peux attester qu'une victoire de l'équipe de France de rugby dans le tournoi des cinq nations, plus encore celle de football lors de la coupe du monde de 1998, le réjouissait à un point que vous ne pouvez imaginer. Je crois pouvoir affirmer qu'il aimait profondément la France, qu'il souhaitait la voir rayonner, et ceci quel que soit le domaine. Pour la chimie, par exemple, il n'a jamais publié dans un "prestigieux" journal américain, privilégiant presque toujours le "Bull. Soc. Chim."; journal que beaucoup de nous négligeaient, voire dénigraient, et que lui, bien au contraire, souhaitait voir occuper les premiers rangs. Sa devise était que pour rivaliser avec "les autres", il fallait publier en anglais dans un journal français; cette position bien tranchée, comme toutes les opinions qu'ils exprimaient, a cependant évolué lorsque les journaux européens sont apparus, mais, là-encore, son grand souci était que "la France" ne soit pas réduite à la portion congrue lors de la fusion ayant conduit aux "European Chemistry Journals". Je n'ai, hélas, pas eu l'occasion de le rencontrer ces dernières années et de parler avec lui de cela mais j'imagine très bien de ce qu'il devait penser du célèbre facteur h et de son utilisation dogmatique, telle qu'on la pratique aujourd'hui, dans le calcul de la valeur des chimistes! - Nos autorités de tutelle devraient d'ailleurs méditer là-dessus: avec un tel facteur, il n'est même pas sûr qu'il eut été nommé professeur d'Université!
Mes remarques précédentes valent pour son implication constante, extraordinairement forte, dans la recherche industrielle. Il voulait que la France occupe les premiers rangs dans tous les domaines, "qu'on ne se laisse pas bouffer par les autres", comme il disait!
J'ajouterai, pour mettre fin à mon commentaire (j'aurai tellement d'autres remarques à faire sur sa personnalité, mais ce n'est pas le lieu pour cela), qu'il n'avait pas de mépris pour les choses, ou les gens simples. Ce qui l'exaspérait, c'était la médiocrité, ce qui est bien différent.
Très cordiales salutations.
Daniel Uguen (uguen@chimie.u-strasbg.fr)
Marc Julia était avant tout un profond humaniste, un homme d'une intelligence prodigieuse, un être lumineux et d'une gentillesse incroyable...
RépondreSupprimerCaroline Julia.
Anonyme...
RépondreSupprimerGentillesse ? Jamais ce mot ne me serait venu à l'esprit,il avait sans doute profondément changé depuis 1971...