jeudi 31 octobre 2024

Diracs

 Épisode amusant que cette discussion d'hier avec un collègue  qui ne comprenait pas pourquoi je critiquais l'expression plant based meat. En français, cela se traduit facilement par "viande à base de plantes".

Je faisais observer qu'une "viande à base de plantes", c'est quelque chose de bien difficile (impossible ?) à conceptualiser. Evidemment, je faisais l'idiot car j'avais bien compris que mon collègue voulait désigner une fausse viande réalisée à partir de produits végétaux, mais même quand je lui expliquais que certains pays  interdisaient le mot "viande" pour désigner les objets auxquels il se référait, mon collègue a répondu que l'expression plant based meat est utilisée dans la littérature scientifique. Évidemment, pas toute cette littérature, car je sais parfaitement qu'il existe des scientifiques qui parlent correctement et d'autres qui parlent comme des cochons.

Qu'aurait-on pu dire ? Par exemple "fausse viande à base de plantes" ou bien "reproduction de viande à base de plantes" ou bien "copie de viande à base de plantes" ou  bien... dirac végétal,  puisque j'ai précisément introduit  le mot "dirac" pour désigner précisément des reproductions de plantes de viande quel que soit l'origine des composés utilisés pour les faire





lundi 28 octobre 2024

A propos d'aromates et de leurs usages

 Je lis à propos d'aromates :


La mélisse citronnelle s'harmonise bien avec les plats de poisson, les volailles, les légumes grillés, et les sauces légères à base de citron. Sauces et marinades : Les feuilles de mélisse peuvent être utilisées pour aromatiser des sauces et des marinades, apportant une note de fraîcheur citronnée.

La menthe est utilisée dans différents cocktails, dans les infusions et dans certains plats. (Taboulé, rouleaux de printemps, tzatzíkis, jus de rôti d’agneau, etc.)

Romarin : il est utilisé dans les bouquets garnis, dans les plats à base de lapins, le poisson, etc.

Origan : cette herbe aromatique phare de la cuisine méditerranéenne, en particulier italienne, accompagne tous les plats à base de tomate : pâtes, pizzas, salades de tomates… L'origan séché rajoute un réel plus sur vos grillades, sur des légumes ou des pommes de terre au four, dans une salade ou dans une marinade.

Monarde : sert à parfumer les infusions ou le thé, mais on peut aussi ajouter les feuilles avec parcimonie dans les salades. Ses belles fleurs rouges accompagnent les salades de fruits, les glaces ou différents desserts.

L'hysope a une saveur intense ce qui en fait un ingrédient prisé dans la cuisine méditerranéenne depuis des siècles. Elle ajoute une saveur herbacée et légèrement mentholée aux soupes, aux sauces, aux ragoûts et aux plats de viande.

L'oseille est utilisée notamment : oseille braisée à la crème ; bouillon, jus d’oseille ; œufs, omelette, veau à l'oseille et avec le poisson.

Verveine : elle se déguste notamment dans le taboulé, dans un gaspacho, en tisane.

Laurier : On l’utilise dans les fricassées, dans les plats en sauces, les bouquets garnis, les marinades.

Et je trouve tout cela à la fois arbitraire, conventionnel, non sourcé (donc pas fiable), limité en un mot.

Commençons avec la citronnelle, qui s'harmoniserait avec du poisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ? Parce que des populations asiatiques (thai, par exemple) font du poisson citronnelle ? Ne prennent-ils pas ce qu'ils trouvent chez eux ? Et pourquoi, puisqu'il y a une fraîcheur citronnée, ne pourrions-nous l'utiliser avec des crustacés, mais, aussi, avec du veau (on met bien du citron dans l'osso bucco, si l'on veut rester dans la tradition) ? Mais, au fait, la tradition ne vaut rien... que la tradition. Pourquoi ne pas utiliser la citronelle avec des tomates, des radis, des courgettes, du boeuf, de l'agneau ? Rien ne l'interdit, et c'est à  nous de composer quelque chose qui nous convienne.

La menthe dans différents cocktails ? Mais, passé une certaine anglophobie qui confond l'usage des ingrédients et des modes de cuisson pas toujours maîtrisé, pourquoi pas de l'agneau avec de la menthe, du poisson avec de la menthe, de la menthe dans les salades, avec des carottes, et, plus généralement, avec ce que l'on veut ? Là encore, la convention et la tradition ne sont que convention et tradition. Au fait, oui, les Grecs utilisent la menthe dans les tzatzikis... mais alors ?  

Le romarin dans les bouquets garnis ? Oui, certes, mais pourquoi l'y mettre ? Qui a commencé et pourquoi ? Avec du lapin : pourquoi pas, puisque la Provence le fait, mais pourquoi pas avec de la volaille ?

Et ainsi de suite  : on comprend que les usages avérés dans le temps ou dans l'espace n'ont pas de légitimité particulière : pas plus que le fa dièse ne s'imposerait dans une sicilienne ou dans une symphonie. La question, la vraie question est : que voulons-nous faire sentir et pourquoi ? J'ai bien peur que l'art culinaire n'ait jamais posé cette question !

jeudi 24 octobre 2024

Tout va bien pour l'International Journal of Molecular and Physical Gastronomy

Dans la même matinée,  je reçois l'évaluation d'un manuscrit soumis à l'International Journal of Molecular and Physical Gastronomy,  plus un nouveau manuscrit que je m'empresse d'envoyer à un éditeur en vue d'en organiser l'évaluation : je vois que, pour notre revue, le rythme s'intensifie, passant  de sporadique à régulier. 

Évidemment, c'est plus de travail, mais cela signifie aussi que la revue suscite plus d'intérêt, ce qui est véritablement l'objectif. Ces dernières semaines, il y avait eu des signes avant-coureur mais la confirmation de ce matin révèle que mes pressentiments étaient juste. 

Je vois aussi un phénomène intéressant, à savoir que la recherche de rapporteurs, notoirement difficile pour les grandes revues qui reçoivent beaucoup de manuscrits très disparates et qui doivent de ce fait s'adresser à des personnes qu'elle ne connaissent pas, se fait facilement dans une plus petite communauté. 

Dans cette dernière, la question de l'anonymat est absolument essentielle, bien sûr,  mais un peu de rigueur éditoriale permet d'éviter les erreurs.
 

Restent trois questions de principe  : 

1.  faut-il un simple ou un double anonymat ? 

2.  faut-il publier les évaluations ? 

3. faut-il finalement révéler le nom des éditeurs et des rapporteurs quand les manuscrits sont acceptés ? 

Je me suis déjà exprimé dans un article publié dans les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, mais je réponds à la première question en répétant qu'il faut absolument un double anonymat, sans quoi les rapporteurs sont influencés par la connaissance de l'auteur : ils risquent d'être  trop indulgents pour des amis, et trop durs pour des collègues qu'ils n'aiment pas. 

D'autre part, je ne crois pas bon de publier les rapports des rapporteurs, parce que, souvent, cela ne sert à personne et des taches sont en quelque sorte rendu alors indélébiles. Cela vaut surtout pour les jeunes auteurs mais pas seulement. 

Enfin, je crois bon d'indiquer le nom des autres éditeurs et rapporteur afin de les remercier mais je crois qu'il est primordial de respecter l'anonymat de ceux qui le désirent et en tout cas, le principe absolu de l'édition doit tenir dans cette phrase : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture

mardi 22 octobre 2024

Le mot "important" ?

 Le mot "important", dans un publication scientifique ? Le plus souvent, il y a lieu de l'éviter, comme je l'explique dans mon article publié ce jour dans l'International Journal of Molecular and Physical Gastronomy. 

C'est en anglais, mais la traduction en ligne fera sans doute l'affaire ;-), avant que je ne la fasse moi-même. 

Voir https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy/2-scientific-part/opinions/what-is-important

lundi 21 octobre 2024

A propos de jargon

 Pour parler d'une des valeurs d'une variable qui caractérise les éléments d'un échantillon d'une population, peut-on dire autre chose que "la valeur de la variable pour l'élément particulier de l'échantillon de la population" ? Là, je vois que c'est facile à émettre, mais est-ce recevable ? De l'autre côté du discours, mon interlocuteur doit décoder, et mettre tout cela dans l'ordre inverse : il y a d'abord la population, dont on prend un échantillon ; et on considère un élément qui est dans cet échantillon ; cet élément a des caractéristiques particulières, dont une a la valeur que nous désignons. Ouf !
Dans tout cela, on ne peut faire l'économie d'aucune étape, sous peine de ne rien comprendre, de sorte que je ne peux moi-même rien omettre.
On voit ici combien l'abstraction peut-être difficile.

Comment créer les conditions de la pérennisation des métiers artisanaux du goût

 Lors d’une discussion avec un artisan pâtissier, qui s’émouvait de la difficulté à recruter du personnel, il a été rappelé (H. This) que, pour une pratique « traditionnelle », il y a des rendements « traditionnels », à savoir que la main d’oeuvre est nécessairement abondante, pour un rendement faible.

On peut s’étonner que les métiers du goût aient si peu évolué techniquement (et s’interroger pour savoir si des activités qui n’ont pas évolué sont pérennes) :
- alors que les transports ont évolué (on ne va plus en char à bœufs, mais en voiture ou en avion),
- alors que les métiers du tertiaire ont évolué (on n’utilise plus des stylos mais des outils numériques),
- alors que les systèmes de production ont évolué (les tracteurs dans les champs peuvent être radio-pilotés, et commandés par satellites, au mètre près),
- alors que l’industrie alimentaire a évolué,
- alors que les coûts de l’énergie augmentent (électricité, gaz).

Oui, il faut répéter que les métiers de l’artisanat (cuisine, pâtisserie, charcuterie, boulangerie, boucherie, etc.) sont restés très en retard (résistant notamment à la « cuisine moléculaire », par le passé, et à la cuisine de synthèse, depuis 20 ans), avec notamment :
- des horaires décalés,
- des bas salaires (normal, en quelque sorte, pour des rendements de travail faibles),
- des conditions physiques difficiles (chaleur, bruit, stress, station debout).

L’analyse de ce tableau désolant conduit à une conclusion inéluctable : il faut changer les conditions de production.

Pourquoi n’a-t-on pas encore assis les personnels, alors que la proposition a été faite dès 1980 ?
Lors du séminaire, un pâtissier témoigne du fait qu’il a été mal vu, dans la société où il travaillait, quand il s’asseyait pour peler des pommes !

Pourquoi l’induction n’a-t-elle pas entièrement remplacé les systèmes à gaz ou les plaques électriques ?
On rappelle à ce sujet que, naguère, les feux étaient allumés toute la journée dans les cuisines (observation personnelles à de nombreuses reprises, H. This) ! Et l’on signale aussi que l’induction a un rendement énergétique de 80 % environ, contre 20 % pour les systèmes anciens (voir un des comptes rendus des premiers séminaires). Pourquoi l’induction n’est-elle pas absolument partout ?

Pourquoi fait-on encore de la production par lots alors que l’on pourrait faire de la (petite) série ?
Cela impose que les fabricants de matériels proposent mieux que l’offre actuelle. On observe que la cuisson à basse température s’est imposée, mais que les possibilités d’innovation sont considérables.

Pourquoi utilise-t-on encore des siphons (mieux que des fouets!) alors qu’a été proposée
l’utilisation de systèmes plus durables (pas de cartouches), avec des pompes ?

Pourquoi voit-on encore des systèmes de poche à douille au lieu de systèmes plus rapides ?
S’est-on vraiment demandé si les casseroles étaient les ustensiles nécessaires pour la cuisine ?
Là, on rappelle un commentaire d’un élève ingénieur, lors d’un Concours cuisine des grandes écoles : « Mais si on n’a plus de casserole, comment fera-t-on ? ». En réalité, les casseroles sont une survivance antique, et bien des possibilités existent. Par exemple :
- dans les robots cuiseurs modernes, c’est un bol qui reçoit les aliments qui seront mélangés, mixés, chauffés, etc. ;
- d’autre part, on observera que les chimistes ont de nombreux ustensiles spécialisés pour chauffer des mélanges (du ballon au Soxhlet) ;
- la cuisson au four ne nécessite pas de casserole ;
- la cuisson au four à micro-ondes non plus ;
- et l’on peut même considérer des tubes à résistances chauffantes pour des cuisson en continu, plutôt qu’en lots.
Etc.

Mais comme les abstractions ne frappent pas suffisamment les esprits, ajoutons que :
 

1. J’ai (H. This) vu un restaurant où un membre du personnel était debout, devant une casserole, dépouillant la sauce (un velouté) à la cuillère : il retirait régulièrement, pendant un très long moment (plusieurs dizaines de minutes), ce qu’il disait être des « impuretés »… alors que nous avons montré qu’il s’agissait de la sauce croûtée.
 

2. Chez Jamin, quand le restaurant était tenu par Joël Robuchon, j’ai (H. This) vu des cuisiniers meilleurs ouvriers de France déposer à la poche à douille des gouttes de sauce rose sur le pourtour d'une assiette : il y avait tant de gouttes que cela a pris un très long moment. Pourquoi ne pas avoir utilisé un masque ou tout autre système permettant de déposer les gouttes d'un seul coup ?


3. Je me souviens, dans les années 1995 à 2000, de discussions interminables avec des cuisiniers français qui refusaient l'emploi de gélatine en poudre ou en feuille, prétendant -ce qui est faux – que celle gélatine avait « mauvais goût ». Et ces cuisiniers extrayaient la gélatine à partir de pied de veau, dans leur cuisine. Et pourquoi pas raffiner le sucre ou l’huile, tant qu’on y est ?


Tout ce temps passé à faire -par des techniques périmées- des choses bien inutiles coûte une fortune, et, avec des techniques ancestrales, il ne faut pas s'étonner si les restaurants, les boulangeries, les pâtisseries, les charcuteries, les boucheries, et cetera soient mis en difficulté par le coût de la main d'oeuvre, et d'ailleurs aussi par le coup de l'énergie : jusqu'à présent, n'a pas été analysé correctement la question de chercher des techniques modernes pour faciliter des tâches qui prennent un temps ou une énergie considérable.
Cette réflexion pose également la question du « fait maison » : que « faisons-nous » vraiment
« maison » ? Pourquoi ? Quel est l'objectif ? Pourquoi a-t-on cet objectif ?
Je propose d’explorer ces questions avant de se lancer dans des pratiques… que l’on pourra
chercher à moderniser.


Et je ne peux m'empêcher, dans cette discussion, de citer le modèle économique mis en place par Thomas et Anne Cabrol, au restaurant Pinewood, près de Mazamet : ils sont deux, et deux seulement, à parvenir à tenir leur restaurant, parce qu’ils ont su mettre en œuvre des techniques modernes, de cuisine moléculaire. Bien équipés, ils peuvent se concentrer sur la question du goût, sur la réalisation de plats remarquables, et il n'est donc pas étonnant, d'autant qu'ils ont du « talent », qu’ils aient réussi rapidement à obtenir un macaron au guide Michelin.

Finalement, on ne dira pas assez que tout le temps qui est pris par la technique sur la réflexion est prélevé sur les possibilités de produire de l'art culinaire. Le temps coûte.


Dans un tel questionnement, on prendra garde à bien mettre les objectifs en premier : que veut-on produire ? Pourquoi veut-on produire cela ? Sur la base des caractéristiques des produits visés, quelles techniques s’imposent-elles ?

dimanche 20 octobre 2024

Comment étudier ?

Alors que j'épaule des étudiants de  Master 2 de physique-chimie, je les expose à des présentations faites soit par des universitaires, soit par des industriels... et ils auraient bien tort de croire que leur travail s'arrête à écouter le cours et à poser des questions. 

En réalité, chaque mot peut - doit ?- être l'occasion d'un approfondissement. 

Je prends un exemple, à savoir une diapositive qui vient d'être montré par un industriel et sur laquelle apparaissent des mots comme phospholipides, amylose, caséine, et cetera. Au fond, pour être prêts à travailler dans l'industrie, c'est-à-dire l'année prochaine pour nos étudiants de Master 2 de cette année, il y a lieu de bien savoir ce que tout cela signifie. 

Par exemple "phospholipides" :  de quoi s'agit-il ? Bien sûr, nos jeunes amis pourront aller sur wikipédia où ils trouveront des explications parfois très compliquées et donc incompréhensibles, et parfois complètement fausses. Ils ne pourront donc pas s'arrêter à cela, et ils devront chercher mieux. 

Où chercher ? Le fait est le nombre de publications scientifiques sont bourrées d'erreur, même quand elles sont publiées par des revues scientifiques ou technologiques de premier plan. 
Et c'est d'ailleurs une formation que nous donnons à nos étudiants de Master que de savoir évaluer un document qu'ils ont trouvé. 

Mais en réalité, rien ne peut leur épargner le travail de trouver beaucoup de documents et de les comprendre :  cela peut-être très long ! Par exemple j'ai passé presque 3 jours à lire des publications aussi récentes que possible, ou parfois très anciennes puisque je voulais les publications primaires, afin d'être en mesure d'expliquer à des lecteurs d'une revue de vulgarisation ce que sont les polyphosphates. Je suis désolé de dire que les premières pages apparaissant dans Google à ce sujet étaient complètement fautives, et d'ailleurs, je suis presque certain que les journalistes qui les ont produites n'ont pas compris ce dont ils parlaient. 

Bref, nos étudiants ont beaucoup de pain sur la planche puisque nous prononçons dans nos cours de nombreux mots de chimie ou de physique... qu'ils ont donc l'obligation d'explorer jusqu'à se faire une idée bien claire de ce dont nous parlons.

samedi 19 octobre 2024

La... recherche ?

 Alors que des amis industriels sont venus parler à nos étudiants, j'ai à nouveau rencontré la confusion entre recherche, recherche et développement, développement, recherche appliquée... 

Commençons par le mot développement, qui est un anglicisme qui signifie mise au point. Quand quand on cherche à faire un million de pizza par jour avec, sur chacune, quelques feuilles de basilic, il y a certainement lieu de faire une recherche pour savoir comment déposer les feuilles et car on ne les mettra pas à la main.
Il y a d'abord la recherche d'un procédé, qui est une recherche technologique, et ensuite une mise au point du procédé qui se fait sur la ligne de production. Dans les deux cas, il s'agit de rechercher mais pas avec la même profondeur et, au fond, on pourrait dire qu'il y a une recherche technologique globale pour la mise au point,  et une recherche technologique locale pour la mise au point. 

Mais la recherche technologique se distingue de la recherche scientifique, qui est  l'exploration des mécanismes. 

Et nous arrivons ici à cette question de la recherche scientifique  : elle n'est ni pure ni académique, mais simplement scientifique. 

Pour cette dernière, on cherche à faire des découvertes, à lever un coin du grand voile, comme le disait Albert Einstein et non pas à trouver des applications, des produits, des améliorations des technique. 

Il y a donc d'un côté la recherche scientifique, puis la recherche technologique dans la mesure où elle améliore les techniques, et cette recherche technologique peut être plus ou moins profonde. 

vendredi 18 octobre 2024

Évitons la naïveté si nous voulons faire de la bonne chimie

Au début de la cuisine moléculaire, j'avais invité les chefs à faire des perles d'alginate. A cette fin, je leur proposais d'acheter de l' "alginate de sodium" et un sel de calcium. Et c'est ainsi que les chefs ont commencé par utiliser du chlorure de calcium, bon marché mais très amer. J'ai aussitôt proposé de remplacer ce chlorure par du lactate de calcium qui contient également l'ion calcium, divalent, mais sans l'amertume du chlorure. 

Mais c'est surtout le second ingrédient qui m'intéresse maintenant à savoir l'alginate de sodium. Très rapidement, des chefs variés sont venus m'interroger parce qu'ils avaient des résultats parfois très différents de ceux qui étaient indiqués dans les recettes. À l'analyse, il est apparu que le mot "alginate de sodium" décrivait insuffisamment le produit acheté, qui, certes, était bien "produit" extrait des algues, mais qui pouvait être bien différent selon le procédé d'extraction
 

Sans compter que certains fabricants diluaient leur poudre et, évidemment, réduisaient l'activité du produit  en proportions des bénéfices qu'ils faisaient sur le dos de leurs clients.  Interrogé, un de ces fabricant là m'a avoué qu'il ajoutait un excipient non pas pour réduire le coût de la matière mais pour faciliter la mise en œuvre : mouais...

Il y a d'autres cas, et, par exemple, je me souviens avoir vu une de mes expériences publiques rater alors que j'avais comme d'habitude mélangé dans les bonnes proportions de la poudre de blanc d'oeuf et de l'eau, que je chauffais. Ordinairement, on observe une coagulation, et si les proportions sont celles du blanc d'oeuf, on obtient comme un blanc d'œuf.
Mais ce jour-là, rien ne s'est passé normalement et à l'analyse il est apparu que cette "poudre de blanc d'oeuf" avait d'abord été cuite avant d'être réduite en poudre. Or cuite, séchée et réduite en poudre, elle ne pouvait plus coaguler comme une poudre de blanc d'oeuf dont les protéines auraient été encore quasi natives. 

Évidemment, selon la méthode de production, il y a tous les intermédiaires possibles, et l'indication poudre de blanc d'oeuf, ou alginate, et cetera, sur un paquet n'est absolument pas la garantie que l'on aura les effets que l'on souhaite.

Je ne parle pas des cas où ayant acheté des réactifs chimiques auprès de grandes sociétés chimiques, assortissent leurs produits d'un degré de pureté, j'ai reçu quelque chose d'autre que ce qui était commandé. Par exemple, du trichloroanisole annoncé avec 99,99 % de pureté s'est révélé être composé à 50 % seulement de ce composé, après analyse par résonance magnétique nucléaire, technique imparable.
Et je connais un grand laboratoire de chimie du CNRS qui, pendant presque un an, a eu des résultats complètement différents de ceux qu'il attendait parce que les réactifs achetés n'étaient pas ceux qu'ils voulaient utiliser. 

 

Bref, il y a eu lieu de se méfier des termes généraux : amylose, amylopectine, alginate de sodium, protéine de pois, polyphosphate... Dans le meilleur des cas, on aura quelque chose qui s'apparentera à ce que le mot désigne, mais la question de la pureté restera entière. Or il ne faut pas être naïf : la pureté absolue n'existant pas, comment nommer des produits qui ne sont pas purs ?

jeudi 17 octobre 2024

Merveilleux gestes de chimiste

 Parmi les gestes merveilleux du chimiste, il y a celui qui consiste à garder le bouchon du flacon que l'on a ouvert dans la paume de la main, à la partie inférieure, tandis que les doigts servent à tenir le flacon lui-même ou un autre objet : de la sorte, on ne dépose jamais le bouchon sur la paillasse, et  on évite ainsi 

- soit de contaminer le bouchon avec des composés présents sur la surface de la paillasse

- soit de contaminer la paillasse avec le bouchon. 


Un autre geste important et celui qui consiste à verser un liquide en le faisant couler le long d'une baguette de verre. La capillarité maintient le liquide contre la baguette, et évite que l'on renverse  du liquide sur la paillasse. 

Il y a ainsi foule de petit gestes que le chimiste peut apprendre et exécuter merveilleusement. N'est-ce pas le rôle des cours d'introduction à la chimique que d'enseigner ces gestes ?

Des anneaux dans le nez ?

Je me demandais pourquoi je n'aime pas les anneaux dans le nez. Dans notre groupe d'étudiants, il y en a eu deux qui ont un anneau dans le nez. Bien sûr, je respecte le choix de chacun tant qu'ils ne me gênent pas, d'autant que je n'aime pas me préoccuper des détails vestimentaires s'ils ne compromettent pas la sécurité (maitre mot, pour un laboratoire de chimie). 

En revanche, je viens de m'apercevoir  que, quand je croise une personne qui a un anneau dans le nez, mon regard tombe sur l'anneau (il a sans doute été mis pour cette raison, car sinon, pourquoi l'aurait-on mis ?) et c'est ainsi que je comprends que si je regarde l'anneau, je ne regarde pas la personne dans les yeux. 

Or le regard dans les yeux et pour les primates, notamment l'espèce humaine, quelque chose de vraiment très important, et le détourner n'est pas sans conséquence dans la relation que nous créons avec l'autre. 

Au fond, derrière l'originalité de l'anneau dans le nez, n'y aurait-il pas  la volonté de ne pas regarder les gens dans les yeux, de détourner le regard des interlocuteurs ?  Une analyse bien naïve mais après tout, je suis quand même plus intéressé par les molécules qui elle, non généralement pas d'anneau dans le nez ;-)

Salades de lentilles, salades de pommes de terre

Dans le séminaire de gastronomie moléculaire d'hier, nous avons testé l'effet éventuel de l'ajout de vinaigrette sur les pommes de terre chaudes ou sur des lentilles chaudes, plutôt que sur les pommes de terre froides ou des lentilles froides.
Nous avions déjà considéré plusieurs fois la question, mais de façon un peu secondaire. Là, nous avons le voulu refaire la chose, non pas seulement sur les pommes de terre comme par le passé, mais aussi sur les lentilles puisque c'est une indication que nous avions trouvé dans des ouvrages professionnels.
Nous avons donc au moins pour une partie du séminaire, cuit des lentilles et des pommes de terre, dans de l'eau, départ à  froid ; puis nous avons divisé les lentilles cuites en deux moitiés, et divisé les pommes de terre en deux moitiés. Dans une des deux moitiés de chaque lot, nous avons ajouté immédiatement la vinaigrette, laquelle avait été réalisée à partir de vinaigre et d'huile. Évidemment, les quantités de lentilles, de pommes de terre et de vinaigrette étaient pesées pour chaque cas. Et nous avons ensuite organisé un test triangulaire pour détecter d'éventuels effets.

Je suis heureux de vous dire que nous avons le résultat : il y a très peu de différence, et la seule que nous ayons pu établir un peu était une perception un peu supérieure du vinaigre quand la vinaigrette était ajoutée à froid.
Mais en réalité, on conservera à l'idée que les différences étaient absolument minimes et en tout cas inférieures à ce que je nommerais l'effet sauce :  c'est-à-dire que la quantité de sauce ajoutée, quand elle diffère dans un lot dégusté, est prépondérante. C'est cette quantité différente éventuelle qui conduisait à des reconnaissances éventuellement erronées entre les lots à froid et à chaud.

Tout cela est donc bien clair : il y a très peu de différence entre l'assaisonnement à froid et l'assaisonnement à chaud pour les pommes de terre comme pour les lentilles. 

mercredi 16 octobre 2024

Pour verser sans renverser

Ce matin, je vois une vidéo où l'auteur renverse d'abord du jus d'orange sur la nappe, parce qu'il le verse d'un verre dans un autre. Puis il  explique qu'il y avait lieu d'éviter ce désagrément en faisant couler le liquide contre une cuillère que l'on tient par-dessus le verre. Et il conclut : " pourquoi n'ai-je pas su cela avant ?"
 

Oui pourquoi n'a-t-il pas su cela auparavant ? Ma réponse est qu'il n'a pas du bien d'écouter les cours de chimie ou d'introduction à la chimie qu'on lui a dispensés, où ce que ces cours n'ont pas fait leur travail, à savoir expliquer les gestes élémentaires de la chimie. 

Car il s'agit là effectivement d'un geste que l'on apprend dès le début, à savoir verser en faisant couler un liquide contre une baguette en verre, de sorte que la capillarité assure l'écoulement du liquide contre la baguette. 

Au fond, les gestes de la chimie sont souvent des gestes du quotidien, et l'on peut compter sur les chimistes pour avoir perfectionné ces gestes.
Vive la chimie (cette science merveilleuse qui ne se confond pas avec ses applications), bien plus qu'hier et bien moins que demain !

mardi 15 octobre 2024

La vérité ? Elle ne peut être qu'expérimentale


On vient de m'interroger à propos de vérité... en supposant sans doute que j'étais capable de donner une réponse. Je sais trop les innombrables débats épistémologiques à ce propos... mais  je me aussi souvenu en avoir imprudemment fait  billet précédent. Je suis donc allé consulter ce billet, et j'y ai trouvé une ou deux choses intéressantes, mais, à la réflexion, il me semble que j'ai oublié un point important, à savoir que la seule vérité en sciences de la nature, c'est celle des faits expérimentaux, des phénomènes.
J'ai déjà dit ailleurs que la transformation de l'alchimie en chimie s'est faite environ entre la parution du premier tome du 4e tome de l'Encyclopédie de Diderot, d'Alembert leurs amis : le changement le plus considérable, dans cette affaire, a porté sur la position de l'expérimentateur par rapport à l'expérience. Dans l'alchimie, si l'expérience ne donnait pas le résultat escompté, c'est que l'expérimentateur n'avait pas le degré de pureté, d'élévation, de compétences, et cetera voulu. Mais pour la chimie c'est bien différent  : l'expérience, c'est l'expérience, et le résultat de l'expérience est, quoi qu'il arrive, le résultat de l'expérience. L'expérimentateur n'est que cette personne qui a suivi un certain protocole, d'ailleurs pas toujours celui qu'elle imaginait suivre,  qui a effectivement effectué certains gestes, avec certains réactifs, et obtenus les résultats que l'on constate par après.
Au fond, la seule vérité est expérimentale.

Fait-on de la science différemment selon l'idée que l'on s'en fait ?

Pour différents scientifiques, il y a différentes idées de la science. Par exemple, les physiciens les plus classiques ne sont pas les chimistes :  dans le premier cas, on s'intéresse à des lois universelles, tandis que, dans l'autre, on examine les caractéristiques moléculaires des objets,  en y repérant une foule de règles moins générales, mais parfaitement fondées et qui, parfois, "expliquent" les grandes lois. Quant aux biologistes, ils font leurs études en se souvent que "tout ce qui se rapporte au vivant doit s'interpréter en termes d'évolution". 

Ces perspectives différentes conduisent à des expérimentations différentes, à des travaux scientifiques de types différents. Dans le premier cas, puisque l'on ne s'intéresse pas aux détails des objets, il est évidemment inutile de les caractériser en détail, car sur quelles caractéristiques faire porter  les analyses ? En conséquence, les articles de physique ne comportent pas de longues sections de « Matériels et méthodes ». En revanche, dans le second cas, les parties de «Matériels et méthodes » sont parfaitement essentielles, car les caractéristiques déterminent absolument les objets que l'on étudie. Il y a d'ailleurs une boutade selon laquelle que les physiciens font des expériences très propres avec des matériaux très sales, tandis que les chimistes font des expériences très sales, avec des réactifs très propres ; et l'on ajoute alors « et les physico-chimistes ? ». Pour les biologistes, je connais moins, de sorte que je laisse mes amis se déclarer. 

Mais la blague précédente, si son fond est juste, est fausse dans sa forme, car les chimistes sont des scientifiques comme les autres, pour qui la méthode est de 

(1) identifier un phénomène ; 

(2) le caractériser quantitativement ; 

(3) réunir les données en équations nommées "lois" ; 

(4) chercher des mécanismes (notions, concepts) compatibles quantitativement avec ces lois ; 

(5) chercher des conséquences testables des théories ainsi produites ; 

(6) tester les prévisions expérimentales. Pour en revenir à notre discussion, il y a donc bien une différence de pratiques entre les deux groupes, et il y  aurait également des différences avec les géologues, les biologistes, etc. Mais il y a plus. Pour certains, qui sont dans le camp de Karl Popper, la question centrale de la science est la réfutabilité des théories, et il y a une manière de faire, qui consiste à douter des lois que l'on produit soi-même. Pour d'autres, qui acceptent (je ne sais vraiment pas pourquoi) l'idée de « vérité scientifique », il y a une pratique scientifique bien différente, parce que comment, alors, penser que tout est faux ? Plus généralement, j'ai exposé dans mon Cours des gastronomie moléculaire N°1 diverses idées que les scientifiques se font des sciences de la nature. Et, par ailleurs, j'ai discuté les diverses stratégies scientifiques. 

Evidemment il y  une relation entre ces deux groupes : le cadrage de nos activités scientifiques dépend de la position épistémologique que nous adoptons. Seulement, à titre d'exemple, citons cette « abstraire et généraliser », qui consiste à vouloir immédiatement chercher des caractéristiques générales, des catégories : là, on part d'un objet local, et on cherche ensuite à en retrouver les propriétés. C'est bien différent de cette stratégie qui veut découvrir des objets, et conduira à passer beaucoup de temps à mettre au point des outils d’analyse, qu'il s'agisse de microscopes ou de télescopes, ou encore d'autres outils qui révéleront des caractéristiques des objets du monde : leur spectre d’absorption lumineuse, leurs propriétés d'adhérence, leur tension de vapeur…. 

Finalement, en dépassant la question stratégique et en arrivant à la question de l'évaluation, on voit qu'il est bon d'arriver au point où nous nous plaçons en rapporteur de nous même, et de nous demander  non pas seulement quelle activité scientifique, ou quel type d'activités, nous avons, mais pourquoi nous avons ce type d'activités. Il est tout à faire remarquable que ce genre de discussions n'apparaisse jamais dans les articles scientifiques qui sont publiés, comme si les chercheurs devaient se résoudre un peu honteusement à des travaux strictement « techniques ». 

Le chimiste Jean Jacques, qui a fait toute sa carrière ou presque au Collège de France, a publié quelques ouvrages de réflexion sur sa pratique scientifique. Il s’agissait de livres très personnels, où, d'ailleurs, Jean Jacques mettait au premier plan la « sérendipité », c'est-à-dire cette chance qui sourit aux esprits préparés, cette attentions aux aléas expérimentaux. J'ai un peur que cette emphase n'ait été qu'idiosyncratiques. 

Et c'est assez éloigné de ce que je propose de faire. Par exemple, dans nos documents de cadrage des travaux scientifiques, nommés DSR, il y a très rapidement, après le titre, l'énoncé de la question étudiée, et, surtout, les raisons pour lesquelles on fait cette étude. Evidemment, on évitera des réponses convenues, telles celle qui justifie une étude de la couleur des aliments par une phrase qui dirait que la couleur est un paramètre essentiel de l'appréciation desdits aliments, ou celle qui justifie une analyse d'oignons par une phrase qui fait état du fait que les oignons sont les tissus parmi les plus consommés de l'alimentation humaine. 

Ce sont en réalité là des explications de nature technologique et non pas scientifique, et il vaut bien mieux s'interroger pour véritablement répondre honnêtement, même si cela est très difficile, à la seule question que doive se poser un scientifique : <b>comment la science progressera-t-elle éventuellement grâce aux études que je propose de faire ?

lundi 14 octobre 2024

La sauce brune ?

Les livres de cuisine parlent souvent de sauce brune : de quoi s'agit-il ? 

Exploration faite, dans les livres de cuisine depuis le Viandier, au 14e siècle, c'était quelque chose de si commun qu'il n'y avait presque pas lieu d'en parler. On la produisait à partir d'un roux ou de farine grillée, additionnés d'un jus de viande. 

Bien sûr il y a de nombreuses variations, l'ajout éventuel de carottes, d'oignon, de champignons, et cetera, mais, finalement, c'est toujours un peu le même type de système, et je sais par expérience que cela conduit à des sauces qui n'ont pas une grande délicatesse, dont le goût s'apparente à la couleur. 

Dans certaines des recettes, il est bien mentionné qu'il ne faut pas prendre du jus de bœuf mais du jus de veau ou de volaille, et là, on comprend que l'on a cherché à aller vers des goûts plus subtils. Dans certaines recettes, il est bien stipulé qu'il ne faut qu'une farine blonde, ce qui correspond  à des goûts plus légers. La pratique conduit à savoir aussi que les proportions de farine et de liquide sont essentielles, et, de fait, on obtient une sauce plus délicate quand on ne la fait pas trop épaisse, qu'on la dépouille. On voit aussi des recettes qui utilisent une demi glace, et d'autres qui indiquent de bien passer à l'étamine...

Bref, comme toujours, il y a une grande diversité de résultats possibles et c'est sans doute l'appropriation de la sauce à l'élément principal qui devra déterminer la pratique exacte de cette sauce brune... dont la version "élevée", "raffinée", est la "sauce espagnole".

Les stages, plus fatigants que le cours ? C'est anormal !

A la réflexion, je reste choqué : un étudiant vient de me dire que les stages sont beaucoup plus fatigants que les cours. Tiens, pourquoi donc ? 

Ce que je sais, c'est que, personnellement, une intense concentration me fatigue plus -même si je m'ennuie bien moins- que les "distractions", et je sais aussi que les relations humaines demandent de l'énergie... parce que j'y mets toute mon intelligence. 

Cela est à mettre en relation avec les études de physiologistes (désolé, je n'ai plus la référence) de la Faculté de médecine de Cochin, qui avaient montré que la fatigue intellectuelle était corrélée aux lentes dérives du rythme cardiaque, alors qu'ils étudiaient la fatigue des pilotes de ligne, dans des programmes d'ergonomie. 

Pour en revenir à note jeune ami, je l'ai donc interrogé, pour savoir pourquoi il était plus fatigué en stage, et la réponse a été que (1) il se concentrait davantage et (2) il prenait à coeur le résultat des expériences qu'il faisait. Mais cela est à prendre en creux : n'est-il pas honteux que les étudiants soient si peu engagés lors de leurs apprentissages théoriques ? si peu concentrés ou si peu "actifs") lors de leurs cours ? Plus exactement, au lieu de parler de honte, ne devons-nous pas parler de perte de temps ? D'autant que l'étudiant interrogé (intelligent, amical, confiant) reconnaissait que ce qu'il avait appris lors des années précédentes était oublié, reconnaissant aussi qu'il perdait beaucoup de temps, en cours, parce qu'il n'était pas complètement attentif, ou bien qu'il était perdu, ou s'ennuyait. Comment en sommes-nous arrivés là ? 

Ne devons-nous pas rapidement trouver des moyens de ne pas pérenniser cette terrible situation, qui, en réalité, ne concerne pas un seul étudiant isolé, mais beaucoup  ?   Oui, des cours bien faits (en supposant que l'on doive faire des cours) devraient être épuisants, et les études universitaires devraient sans doute être les plus actives de l'existence... Non, je me reprends : elles ne doivent être ni épuisantes ni plus actives, mais dans la continuité : les études doivent être actives et merveilleuses, fatigantes parce qu'intensives, avec des étudiants bien engagés dans le processus d'obtention des connaissances et des compétences. Et cela permettrait d'asseoir mon idée selon laquelle les "trimestres" d'études universitaires devraient être pris en compte dans le calcul des temps de travail en vue de la retraite. Je maintiens que, après certaines journées de travail intellectuel, je suis plus fatigué qu'après des travaux physiques. 

 

PS. Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 13 octobre 2024

Demain, des diracs à toutes les sauces

Décidément, il y a lieu d'aider mes amis qui se lancent dans la cuisine note à note, et qui s'interrogent : comment remplacer la viande et le poisson ? 

La réponse est : avec des "diracs". 

Pour commencer simplement, expliquons qu'une viande ou un poisson, c'est un matériau fait de 25 pour cent de protéines et de 75 pour cent d'eau. Autrement dit, on obtient une matière de la même fermeté qu'une viande en mêlant une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis en cuisant. D'autre part, on obtient une matière de la même fermeté qu'un blanc d'oeuf cuit sur le plat en cuisant un mélange fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : une cuillerée de protéines pour neuf cuillerées d'eau. Et on obtient quelque chose d'encore plus dur que la viande si l'on augmente la teneur en protéines. 

On n'obtient ni de la viande, ni du blanc d'oeuf, mais une matière que j'ai proposé de nommer un "dirac". Et il y a donc des diracs durs, des diracs mous... mais bien d'autres diracs. Certains peuvent être "mousseux", foisonnés... et ce sont donc des "berthollets". 

Certains peuvent être striés, et ce sont des surimis. 

Mais on peut imaginer bien d'autres possibilités : des systèmes feuilletés, des systèmes émulsionnés. Pour un dirac foisonné ? On part d'eau et de protéines, on fouette, on ajoute les couleurs, odeurs, saveurs, puis on cuit (par exemple, à la poêle, ou bien dans un four à micro-ondes, mais on pourrait également verser des cuillerées dans de la friture, par exemple. Et je nomme cela un "berthollet". 

Pour un dirac émulsionné ? Puisque les protéines stabilisent merveilleusement des émulsions, on comprend que l'on puisse ajouter de la matière grasse au mélange eau+protéines. Combien ? Jusqu'à environ 19 fois plus que d'eau. Et l'on a évidemment quelque chose d'alors très gras... et de très moelleux. 

D'ailleurs, j'y pense : pourquoi ne pas faire comme avec le chocolat, à savoir classer par proportion de matière grasse ? Pour un dirac haché : c'est comme pour un steak haché, à savoir que l'on prépare un dirac, puis que l'on hache, dans le même hachoir que d'habitude. Pour un surimi de dirac : on part d'un mélange de protéines et d'eau, on ajoute un empois d'amidon, puis on coule sur une plaque plate, et l'on strie (à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne) avant de cuire (vapeur, micro-ondes, etc.)

samedi 12 octobre 2024

A propos de cuisson


 Ce matin, j'ai diffusé le compte rendu du séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2018, où je fais état des expériences effectuées lors du séminaire. Nous avons notamment comparé des pâtes sablées enfournées à froid ou à chaud... et n'avons pas vu de différences. 

Et là, je reçois cette question : 

Je note bien le peu de différences observées, mais en ce qui concerne une pâte chargée ? Type quiche, tarte alsacienne… Pensez-vous qu’un départ à chaud ou à froid puisse influencer la cuisson de la pâte, et donc la bonne tenue de celle-ci ? 

 

A vrai dire, il est toujours bien difficile de répondre sans faire l'expérience, et les travaux du séminaire l'ont encore montré, puisque : 

- nous avions prévu que les brioches enfournées à froid développeraient mieux que les mêmes brioches enfournées à chaud... et nous n'avons pas vu de différence 

- nous avions prévu que les pâtes sablées (surtout dans les moules à bords très hauts que nous avions utilisés) s'effondreraient, dans un départ à froid... et nous n'avons pas vu de différence. 

De ce fait, j'imagine que le départ à froid permettrait à la "migaine" de plus détremper la pâte, ce qui augmenterait l'empesage ultérieur de la farine... mais c'est une hypothèse raisonnable à laquelle je ne crois guère. D'ailleurs il faut ajouter que les fours modernes sont merveilleusement rapides. En très peu de minutes, ils atteignent la température de consigne, ce qui gomme toutes les différences possibles. Bref, je vous invite à faire l'expérience : c'est merveilleux, car on a alors deux tartes au lieu d'une seule. Et merci de m'envoyer vos résultats, afin que je le partage !

Comment faire et que faire si...

Depuis des décennies, dans notre groupe de recherche, nous rédigeons des documents intitulés "comment faire" : comment peser ? comment faire une extraction par Soxhlet? comment faire  une extraction liquide liquide ? comment laver un tube RMN ? comment calculer un écart type... et ainsi de suite. 

Il y a de tout : du très simple et du très compliqué, du très court et du très long. 

Au fil des années, chaque fois que nous ouvrions ces documents, nous cherchions à les améliorer, et le fait qu'ils sont devenus de qualité raisonnable. 

Cependant nous venons de passer un cap important hier quand j'ai compris qu'il y avait lieu d'ajouter à ces documents des "que faire si ?". 

Nous avions déjà de tels paragraphes pour le document général d'utilisation de la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, mais je me suis aperçu que c'est souvent une information utile : que faire si la balance dérive quand on veut peser ? que faire s'il y a des courants d'air quand on pèse ? que faire quand la balance ne donne pas trois fois de suite le même résultat ? Etc. 

Bien sûr, le diable est tapi partout, le nombre de catastrophes possible est considérable. Mais il y a lieu d'être pragmatique et de considérer aussi que statistiquement, certaines erreurs sont plus fréquentes que d'autres. 

Il va donc falloir maintenant rédiger  que "que faire si..."

Hier, lors de nos soutenances, nous avons invité les étudiants à présenter en 20 minutes un travail d'exploration d'un article scientifique. 

Ils avaient travaillé pendant plusieurs jours et, en 20 minutes, ils pouvaient présenter 20 diapositives... au maximum :  à condition que celles-ci ne soient pas pleines comme des œufs. 

Il y avait donc ce nécessaire choix parmi les informations à donner, une sélection à faire. 

Nous avions été clair : dans le contexte de nos soutenances, un survol n'aurait pas eu de sens car on n'apprend rien ainsi. Et nous voulions aussi que les étudiants apprennent à choisir un ou deux points et à les présenter en détail. 

Les groupes bien travaillé, ils ont réussi à faire l'exercice qui leur avait été proposé, mais, lors des discussions, est venue cette même idée que quand on enseigne, on ne peut pas tout dire, on doit choisir, et, mieux même, on doit choisir un certain nombre de phrases en nombre très limité, ce que les Anglo-Saxons nomment take home message mais que l'on pourrait moins prétentieusement dire en français : points essentiels. 

Considérons que 3 est un maximum, car cela signifie environ qu'il y aura 5 minutes d'introduction et de conclusion, plus 5 minutes par point essentiel :  il faut bien ça pour exposer en détail le point que l'on veut que nos amis retiennent. Et la conclusion peut se limiter à l'énoncé des trois points de façon concise,  de sorte que ce soit le dernier message à conserver.

L'intrinsèque, d'abord l'intrinsèque !

Sortant d'une journée de soutenance, je fais le bilan : j'ai presque réussi à faire comprendre aux étudiants qu'il s'agissait d'une belle journée de science et non pas d'une sanction étalée sur  une journée. J'ai presque réussi à permettre à des étudiants de faire des présentations orales sans stresser. J'ai presque réussi, noyautant le groupe avec quelques personnes particulièrement enthousiastes, à faire une discussion active scientifiquement. 


Il faut dire que j'avais multiplié les indications un peu contraignante pour éviter que nos étudiants ne passent des heures à faire des PowerPoint avec des couleurs ou des graphiques colorés,  leur recommandant de se focaliser sur l'intrinsèque c'est-à-dire le contenu scientifique des choses, plutôt que l'extrinsèque. 

Par exemple, pour les aider, j'ai imposé que la première diapositive soit un titre, que la seconde soit une table des matières, que la troisième soit une introduction, et ainsi de suite. 

Finalement, ces règles simples ont été très efficaces :  elles ont évité à nos amis de perdre du temps. 

J'espère surtout qu'il continueront à commencer par faire leurs présentations ainsi avant d'y ajouter des couleurs éventuellement. 

Et j'espère surtout qu'ils seront se souvenir que le plus important, c'est le contenu et non l'habillage.

mercredi 9 octobre 2024

Comment suivre une présentation ?

 Je me préparais à orchestrer la soutenance des étudiants d'un master que j'encadre, et je cherchais des moyens d'éviter les défauts des années précédentes.

Lors ce cette soutenance, des groupes viennent, les uns après les autres, présenter à l'ensemble de la promotion des travaux qu'ils ont effectués. Je suis là pour les aider à poursuivre leur apprentissage. Il y aura au fond deux types de positions : ceux qui présentent doivent apprendre à expliquer clairement, et ceux qui assistent doivent apprendre  la physico-chimie des systèmes qui leur sont proposés

Au fond, tous les mots vont compter et une difficulté est savoir quand on peut arrêter un exposé, quand on ne comprend pas quelque chose. Le problème, c'est que, quand on ne comprend pas bien quelque chose, on risque d'être perdu par la suite. Faut-il alors interrompre ceux qui présentent à la première difficulté que l'on rencontre  ?

Ayant posé cette question en introduction, j'ai été intéresse de voir que beaucoup de nos jeunes amis préféraient prendre le risque de ne pas comprendre pendant tout l'exposé. Pourquoi ?

mardi 8 octobre 2024

La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?

La gastronomie moléculaire est-elle soluble dans la science des aliments ?

 Oui et non. 

 

Oui, bien sûr, car s'il s'agit de science, il s'agit de science et qu'il y a l' "aliment",  à la base. Et d'ailleurs, l'expression  "science des aliments" mérite d'être un peu discutée, car il y a une différence considérable entre une science qui découvre les composés des ingrédients alimentaires, tissus végétaux ou animaux,  qui explore les structures de ces tissus et des produits obtenus à partir d'eau, et une activité scientifique qui  explore certains phénomènes qui se produisent de la transformation des aliments, lors de ce que certains nomment la mise en oeuvre des procédés. 

Dans les deux cas, il y a le risque de la confusion entre science et technologie, et, surtout dans le deuxième cas, mais ce risque de confusion ne doit pas nous pas nous empêcher de faire quelque chose de bien, c'est-à-dire d'explorer des phénomènes en vue de découvrir les aspects nouveaux du monde. 

Pour la gastronomie moléculaire, c'est le champ initial d'investigation qui a déterminé le choix du nom, le libellé de la discipline : on se préoccupe de phénomènes qui ont lieu lors de transformations culinaires, et le but n'est certainement pas d'améliorer les procédés ou d'explorer à l'infini la constitution moléculaire des ingrédients, végétaux animaux mais bien d'explorer le mécanisme des phénomènes qui ont lieu lors des transformations que l'on fait en cuisine. 

Un des avantages de l'expression gastronomie moléculaire et physique, c'est qu'il est bien identifié que cette discipline est une discipline scientifique, et pas une technologie. De fait, le cap est clair, d'autant que je ne cesse de répéter la différence entre la science et les applications de la science. 

La confusion qui subsiste, qui est ancienne, est celle entre gastronomie moléculaire et physique d'une part, et cuisine moléculaire, de l'autre. 

Pour la cuisine moléculaire, c'est clairement une technique, à savoir l'utilisation de matériels importés des laboratoires, essentiellement de chimie, le physique et biologique. Du matériel moderne pour cuisiner, en vue de rénover des procédés parfois séculaires, mais bien souvent périmés du point de vue énergétique, du point de vue de l'efficacité, du point de vue du temps de mise en œuvre...

 

lundi 7 octobre 2024

Il faut guider

Je suis une grande naïveté mais, organisant des enseignements, je viens d'observer un phénomène amusant :  depuis quelques années, j'invitais des d'intervenants extérieurs qui présentaient des applications physico-chimiques dans les industries de la formulation, et il y avait des  étudiants absents, mais cette année, comme l'institution m'a demandé d'évaluer individuellement les étudiants, en plus des travaux de groupe, j'ai pensé à des QCM à propos des interventions... et observé que : 

- d'une part, tous les étudiants ont été présents, 

- d'autre part, plusieurs s'inquiétaient d'être capables de répondre aux questions qui allaient être posées à l'examen, de sorte qu'ils ont même été jusqu'à revoir les présentations qui avaient été faites. 

Et dire que, par le passé, j'avais -naïvement- espéré que nos jeunes amis aillent chercher à comprendre ce qu'ils ne comprenaient pas... observant toutefois qu'il n'était pas apparent qu'ils l'aient fait ! 

Ainsi, d'une certaine façon,  seule une sorte de coercition a permis de donner plus d'utilité aux l'enseignement proposé. C'est l'indication que les enseignements, pour ce groupe, restent très extrinsèques, et non intrinsèques. Il y de la naïveté à perdre, et des choses à changer, manifestement. 

dimanche 6 octobre 2024

Escabèche ?

 

Vient de paraître

Hervé This, Escabèche : pas classique parce que méridional, Nouvelles gastronomiqus, https://nouvellesgastronomiques.com/escabeche-pas-classique-parce-que-meridional/, 5 octobre 2024. 

 

jeudi 3 octobre 2024

Une date à retenir : le 28 novembre

A l'Académie d'Agriculture, rue de Bellechasse à Paris, nous organisons le 28 novembre un colloque consacré à la vigne et au vin demain. 

Face au changement climatique, la viticulture devra s'adapter, et nous devons prévoir des modifications éventuelles des terroirs, des cépages, des vins. 

En outre, de plus en plus, on cherche à réduire ce que l'on nomme les intrants à savoir les engrais et les traitements contre les maladies et les agresseurs de la vigne. Or on commence à produire des vignes résistantes aux principales maladies que sont par exemple le mildiou ou le court noué, et il y a des résultats SPECTACULAIRES, notamment des vignes expérimentales (à Colmar) où l'on voit à gauche une vigne d'un nouveau type génétique non traité et parfaitement saine, et à droite une vigne classique bien traitée mais pourtant malade. 

Pour l'instant, les modifications génétiques se font par des sélections classiques mais avec la connaissance plus fine de la biologie moléculaire puisque le public refuse l'utilisation de ce qui est classé comme des organismes génétiquement modifiés. 

Cela fait perdre du temps alors que les vignerons souffrent déjà des variabilités plus fortes du climat à savoir de grandes sécheresse et de grands épisodes pluvieux, des températures plus variables que par le passé. 

Il y a donc urgence pour apprendre à bien travailler. Mais pour la vigne comme pour d'autres secteurs, le public refuse la chimie et au fond, c'est paradoxalement la connaissance de la chimie qui permettra d'éviter des interventions moléculaires par une direction plus fine des travaux. 

L'obscurantisme ne peut pas gagner, car il y a ce fait qu' avec la science qu'une nouvelle connaissance ne veut plus être oubliée. 

Or la chimie il faut le dire n'est pas technologies ou une technique, une application des sciences mais une science elle-même.

mercredi 2 octobre 2024

Je me fais des nœuds alors que je ne devrais pas.

Viennent me voir des professionnels du sel que je ne dois ni surestimer ni sous-estimer. 

 

Je ne dois pas les sous-estimer parce que je suis bien certain que ces artisans ont une belle connaissance de leur métier, qu'ils savent voir le temps qu'il fait et l'influence sur la formation des cristaux dans les marais salants, qu'ils savent jauger l'influence des marées, et cetera.
En revanche, je sais -parce qu'ils me l'ont dit d'avance- qu'ils n'ont pas de connaissance du monde microscopique qui préside à l'organisation de leur cristaux et c'est cela qu'il sera nécessaire de présenter. 


J'ai bien sûr le sentiment que c'est tout simple, puisque je le fais depuis ma plus petite enfance. Mais, au fond, leur dossier de chimie est vide et c'est plus généralement cela qu'il faudra combler.
Par exemple faire la différence entre la cristallisation du sucre et la cristallisation du sel, essayer de comprendre pourquoi on peut dissoudre plus de sucre que de sel dans l'eau, et ainsi de suite. 

Bien sûr, sa question de la saturation est importante, mais après tout il y a aussi celle de la sursaturation, et la question de la germination, qui nécessite donc des germes... 

Bref il y a beaucoup à dire,  et un peu lentement,  pour arriver à leur faire bien comprendre les bases de leur métier. 

Pour autant, je sais qu'il faudra un peu de spectacle sans quoi un exposé lent, didactique, même bien fait, ennuiera. Il faudra recourir à des expériences parce que c'est là la clé de la bonne compréhension, l'expérience focalisant l'attention de tous, mobilisant les sens... 

Bref, ce n'est pas parce qu'il y a lieu d'expliquer quelque chose de simple qu'il y ait lieu de faire ennuyeux et il s'agit de retrouver tout l'enthousiasme que j'avais quand j'étais enfant à propos de ces phénomènes que je connais maintenant si bie. 

mardi 1 octobre 2024

 
Alors que je discutais hier, pour des étudiants, la manière de réaliser une présentation orale, je voyais progressivement, alors que je critiquais des présentations anciennes, que la faute principale était l'absence de réflexion ou l'absence de signification. 

C'est le mot insensé qui revient pour désigner un élément graphique qui n'a pas de sens, le placement d'un texte qui est contraire au sens commun, par exemple aligné à droite alors qu'on lit à partir de la gauche, et ainsi de suite. 

Au fond, nous ne devrions pas oublier que comme nous adressons à des personnes, l'objectif est que ces personnes entendent ce que nous voulons leur dire.
Et pour cela, il faut utiliser des mots qu'elles comprennent, des phrases qu'elles comprennent, des images qu'elles comprennent... 

Faire quelque chose d'insensé est en réalité... insensé, ou irréfléchi, ou négligent ou ignorant... 

Comment pallier nos insuffisances de ce point de vue ? En pensant à chaque élément constitutif de notre discours, qu'il soit oral ou visuel, doit être clairement décidé.
Nous ne sommes pas toujours assez intelligent pour faire cela du premier coup mais rien ne nous empêche, ayant produit un premier jet, d'y revenir de façon critique pour tout améliorer. Mon ami décédé Jean-Claude Risset, musicologue, me donnait comme conseil d'intelligence que la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net et qu'ils vaut donc mieux faire des brouillons nets.
Oui, pourquoi pas, mais quand même, : si nous ne sommes pas capables de faire des documents parfaits du premier coup, passons-y un peu de temps et améliorons progressivement,  ce qui est conforme à l'idée de Nicolas Malebranche selon laquelle il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans y prétendre.