Considérons, par exemple, l'étude d'une émulsion par résonance magnétique nucléaire, et supposons que nous nous intéressions au composé tensioactif qui assure l'émulsification. Si l'on utilise un spectromètre RMN domaine fréquence de 300 MHz, alors le minimum dosable pour un composé, sans cryosonde, est d'environ 0,1 mg pour 1 g d'échantillon.
Or il suffit de très peu de molécules tensioactives pour obtenir une émulsion. Il serait donc idiot, et peut-être pire, d'utiliser la RMN dans l'objectif considéré, si la quantité de tensioactif est inférieure à la quantité détectable.
C'est donc une bonne pratique que de s'assurer, avant une expérience, que nous aurons les 0,1 mg nécessaires pour faire le dosage.
Sans quoi, nous gaspillons du temps scientifique, de l'argent (pour le fonctionnement de l'appareil, pour les consommables, pour l'électricité, le chauffage...).
Nous sommes comptables de l'argent qui nous est confié pour nos études, et c'est donc une bonne pratique que de ne pas nous lancer dans des études inutiles.
Faisons-nous maintenant l'avocat du diable en disant que rien est inutile et que la chance sourit aux esprits préparés. Serait-il possible, par exemple, que, lors de cette expérience inutile, nous apprenions des faits qui correspondent à une découverte ? Bien sûr, à partir des résultats de l'expérience ratée, nous pouvons essayer d'aller voir plus plus loin que le phénomène qui n'a pu être mesuré. Bien sûr, nous pouvons profiter des données qui ont été obtenues pour faire des calculs qui n'étaient pas ceux qui étaient initialement envisagés. Mais c'est alors par un hasard très grand que nous pourrions vraiment faire une découverte scientifique.
Je connais des cas où cela est arrivé et, en particulier, quand Nicolas Kurti et ses collègues ont découvert la désaimantation adiabatique nucléaire, parce qu'ils ont augmenté -contrairement à toute rationalité apparente- l'intensité du courant utilisé dans un montage expérimental qui ne fonctionnait pas, et qu'ils ont vu un tout autre phénomène que celui qu'ils étudiaient.
Il y a aussi tout un livre du chimiste Jean Jacques, L'imprévu, ou la science des objets trouvés, qui évoque des découvertes faites par sérendipité. Mais à bien lire Jean Jacques, on verra quand même que c'est l'attention à tous les détails, et l'intérêt pour le non-découvert, la focalisation sur les étrangetés du monde, et non pas la négligence, qui ont engendré des découvertes.
Il y a cette phrase ancienne selon laquelle "la chance sourit aux esprits préparés", et il y aurait lieu de discuter du mot "chance".
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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