Un collègue me demande la différence entre les sciences de la nature et la technologie. Je lui explique d'abord formellement, en indiquant bien l'objectif de l'un et de l'autre : "lever un coin du grand voile", en explorant les mécanismes des phénomènes pour les sciences de la nature, et chercher des applications des connaissances scientifiques pour le second.
Mais il m'objecte que l'exploration technologique s'accompagne souvent d'un travail qu'il dit "scientifique", et je veux lui expliquer mieux la différence.
Dans un billet précéent, j'ai déjà considéré la table des matières d'une revue scientifique de "science et technologie des aliments" pour bien montrer la différence entre les articles scientifiques, très rare, et les articles technologiques, bien plus nombreux.
Pourquoi ceux qui font un travail technologique se raccrochent-ils souvent à l'étiquette "scientifique" de façon un peu indue ? Au fond, la technologie est merveilleuse, et, politiquement, nous aurions bien raison d'expliquer à nos jeunes amis qu'elle l'est, si nous voulons contribuer à nous entourer de technologues de talent, au lieu d'avoir des technologues frustrés de ne pas faire de science.
Et puis, c'est aussi une question d'honnêteté intellectuelle, ou de bonne compréhension du monde, de clarté.
Là, pour mieux me faire comprendre, je viens de trouver un texte qui s'intitule :
Texture formation of dehydrated yellow peach slices pretreated by osmotic dehydration with different sugars via cell wall pectin polymers modification
L'objectif du travail rapporté était de se préoccuper de la consistance de rondelles de pêche qui avaient été déshydratées à l'aide de divers sucres.
La déshydratation des pêches ? Une question technique (du grec techne, qui signifie "faire"). Et l'amélioration des techniques de déshydratation ? Une question technologique.
Les auteurs de l'article ont déterminé les différences dues à l'emploi de divers sucres (une caractérisation, donc), ce qui est manifestement un travail technologique : il s'agit de déshydrater des pêches, et pas de chercher des connaissances nouvelles.
Evidemment, lors de leur travail, les auteurs ne se sont pas contentés d'observer les effets différents obtenus à l'aide de sucres différents, et ils ont cherché à comprendre ces différences. On pourrait dire qu'ils ont "découvert" des effets différents de sucres différents, et qu'ils ont cherché à comprendre ces résultats différents. N'est-ce pas de la "science" ?
Non, car le but n'était pas de trouver des mécanismes nouveaux : nos collègues ont utilisé des connaissances classiques pour faire ce travail ; ils n'ont pas trouvé d'objet nouveau du monde (pensons aux fullérènes, à la compréhension de la décohérence quantique, etc.), ils n'ont pas introduit de concept nouveau (pensons au potentiel chimique, à l'entropie, etc.).
Bref, leur intention était de comprendre un effet à l'aide de connaissances classiques, et pas de rénover les connaissances.
C'était de la bonne technologie ; pas des sciences de la nature.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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